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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

1 juillet 2011 5 01 /07 /juillet /2011 23:27

Eh bien voilà ! c'était il y a 50 ans le 1er juillet 1961... Salut Ferdine ! Personne ne t'a oublié y a pas de risques... Et la langue que tu as mise à jour elle ne mourra jamais... Ouaouf ! Ouaouf !...


Hommage à Céline Mort à Meuson suite...Celine04

 

Ouaouf !… Ouaouf !… si Céline il y a plongé tout au fond de la gamelle énorme où elle mijote la misérable condition humaine c’était avec le projet halluciné de la remonter à la lumière la hisser hors de son trou à terreur et à barbarie lui rendre sa grandeur et ses armes de chevalerie son élégance sa jeunesse sa beauté… qu’elle a peut‑être eues autre part jadis au commencement du monde qui sait ?… 

C’est qu’il l’expérimente chaque jour le Docteur Destouches dans sa pratique si tellement marginale de la médecine avec “ son style ” comme l’appelle Monnier qu’est aussi déjanté que celui de son écriture… il se la coltine l’impuissance effarante des gueux à s’extirper de la peur de la honte de la culpabilité de la médiocrité d’une vie où le travail n’est pas considéré comme un savoir‑faire mais comme un abrutissage un abêtissement quotidien une féroce servitude… 

Et pourtant c’est bien au milieu de tout ça que l’émotion va jaillir et faire grandir jusqu’à l’aube au plus confiné au plus secret des terriers à chagrin où on clamse s’anéantit broutille futilité grain de poussier dérisoire le désir d’atteindre aux Dieux et à leur bonté solaire à leur rayonnement vertueux et clairvoyant… gardiens de l’intuition de la justice de la conscience et des rêves du monde… Ouaouf !… 

“ Avec habileté, il montre d’abord les hommes et leurs règles de vie sous un aspect critique et souvent féroce, le boutiquier, le sergent, l’ouvrier, le petit fonctionnaire, l’employé, le ringard clochardeux, l’économie, l’épargne, le drapeau tricolore… Ensuite, sans appuyer, sans disserter, il fait entrevoir des vertus humbles et secrètes, il attribue aux personnages un comportement ambigu, il déconcerte le lecteur, le rend perplexe, et le fait rêver. ”

Ferdinand furieux 

 

Ouaouf !… Ce qu’on va se faire encore houspiller vitupérer alpaguer aux cordons chaînettes clochettes et guipures de notre costume de montreurs d’ours la chienne Bonnie la plantureuse vautrée aux orgies pas équivoques et cézigue l’inventeuse de baobabs à fleurs de lune et qui dansent si vous permettez… ce qu’on va en prendre plein nos éventaires à camelotes d’ouragans et de petits zephs si on ose… Ouais c’est qu’on n’est pas trop bien harnachées nous autres questions références littéraires on vous a mis au parfum de notre situation qui resplendit pas lerche… Et pis on a eu la mauvaise fortune on est habituées on ne manche pas encore mais si on manchait ça serait boutons de culotte… qu’y a quelqu’un qui s’est approprié un titre qui décape rare : “ Le voyeur voyant ”… une aubaine à pas laisser là au trottoir pour les macs... et le tout afin écrire des abominations ça aide pas… Ouaouf !… Bon… on va essayer de vous mettre au parfum… une ou deux images comme ça des ailes d’épouvantails qui battent aux manteaux d’apesanteur pour reprendre leur vol et Hop !… On ne développera pas c’est pas notre affaire hein ?… Pavé dans la marre analyses and co… Allez montez à bord voir un peu reluquer de quoi qu’il s’agit !… Ouaouf !…

“ Et quand il veut nous décrire le sergent Alcide, militaire abrupt et dur avec au fond du cœur un amour pudique pour sa petite nièce orpheline, il s’approche et le regarde dormir… ‘ Il offrait à cette petite fille lointaine assez de tendresse pour refaire un monde entier et cela ne se voyait pas. ( … ) Ce serait pourtant pas si bête s’il y avait quelque chose pour distinguer les bons et les méchants. Bord-de-Seine---Meudon.jpg           Je ne sais pas vous mais mézigue j’ai des accointances avec les mythologies d’Afrique et des époques où on pouvait jouer aux billes avec les dieux vu qu’ils étaient si nombreux qu’y en avait quasi un ou une pour ce qui est des déesses voué à chaque usage familier… C’était des dieux domestiques et bien commodes ce qui empêchait pas les autres les féeriques les enchanteurs les veilleurs de feu de crécher à l’intérieur des troncs des grands arbres et des pierres dressées et pensez pas que c’est fini car vous vous goureriez un peu… En tout cas faut croire que d’être breton ça incite aux ailleurs ce qu’est normal vu qu’on perche en bout de terre et aux références magiques ce qu’est admis pour sûr… on est de sacrés rêvasseurs crédules et toujours en quête d’un Graal à défendre ou à conquérir !… Ouaouf !… Alors Céline c’est l’Horus de l’azur aux yeux doubles visionnaires quinquets de ciel plus lavés que lavande et plus ardents que lapis d’Orient incarnation du soleil de l’aube et du crépuscule fils d’Isis et d’Osiris… Un jour mutilé amoindri dans sa vision par les maîtres du sang et de la mort il retrouve la vue grâce à Thot le dieu lunaire ibis sacré au plumage noir et blanc qui fouine à l’été avec les sternes piailleuses au bords des étangs dans l’arrière‑pays breton…

Et le texte antique qui raconte la naissance de Thot affirme : “ Thot a créé le monde par le verbe… ” Bon craignez rien je vais pas vous assommer avec la carrière de ce dieu‑là sauf que c’est un type qu’est pile poil ce qui convient à Ferdine pour lui refiler la double vue que les lascars tireurs de flash‑ball de l’époque lui avaient retirée… Inventeur de la langue et de l’écriture c’est déjà pas minable comme pedigree et en plus l’animal c’est un sacré connaisseur de l’avenir donc aucun étonnement à ce que Ferdine possesseur de cet œil qui lui file la vision d’au‑dessus pour ne pas dire d’au‑delà se charge de l’invisible à nos mirettes malhabiles… Ouaouf !… Et Monnier qu’abonde sans hésiter nous contredira pas “ Ce détachement, cette hauteur de vue lui évitent les jugements péremptoires. Il n’est pas l’esclave d’une thèse et n’est jamais contraint de juger, de dire‘  celui‑là est bon ’ ! ‘ Cet autre est mauvais ’ Il a conscience de la fragilité des jugements. ” C’est ça qui rend les ailes qu’on s’est fait tailler à vif nous autres les p’tits lascards des banlieues à peine sortis de notre bocal d’insouciance déjà écrabouillés dessous le fardeau de l’héritage… cette misère du monde ce qu’on en fait hein ?… Ouaouf !…Route-des-Gardes.jpg

 La misère humaine me bouleverse…  voilà mon œuvre. ” ( voir “ Cahier ” 1, )… avec Céline on n’est jamais dans le jugement la culpabilité le verdict qui taille net le costard au ras du cou… Ferdine c’est le plus convaincu des libertaires celui qui ne cessera pas de croire qu’en nous retirant un peu de nos peurs et de nos humiliations on aura peut‑être qui sait le coup de folie… de n’avoir plus besoin ni des dieux ni des maîtres vu qu’on se sera enfin échappés du coin de l’école suant et puant le désespoir et l’agonie… C’est dans Les beaux draps publié en 1941 que Céline va tenter de prophétiser “ Au lieu d’apprendre les participes et tant que ça de géométrie et de physique pas amusante, y a qu’à bouleverser les notions, donner la prime à la musique, aux chants en chœur, à la peinture, à la composition, surtout aux trouvailles personnelles, aux rigodons particuliers, tout ce qui donne parfum à la vie, , guilleretteries jolies, porte l’esprit à fleurir, enjolive nos heures, nos tristesses… ”         Ouaouf !… Ouaouf !… ouais au fond c’est vrai qu’encore une fois ils ont gagné ils ont réussi à faire s’étendre leur silence de mort bloché de mots qui rotent au cloaque… leur linceul d’impostures croulant comme un drap de comédie sur le corps toujours plus gueulant plus harranguant plus vivant de celui qui disait à Monnier avant de le quitter devant la petite maison au bord de la Baltique : “ J’ai le cirque… La danseuse… et les animaux savants… ” mais pas comme ils le croient comme ils se le repassent de salle de rédaction en studio plateau téloche et les autres leurs commentaires leurs analyses nécros leurs portraits des familles… Non ce qu’ils ont encore un peu plus foiré eux les spécialistes de la communication les lustucrus du spectacle “ C’est cette discrétion, cette réserve qui touchent, et qui ont fait gagner à Céline des milliers de lecteurs parmi les êtres les plus naturellement éloignés de la littérature. ” ( … ) “ Chez Céline la pudeur est partout, la bonté toujours secrète, dissimulée, à l’abri derrière l’outrance, la violence du langage. ” Cette violence ils ne sont pas prêts de la reconnaître pas plus aujourd’hui qu’hier dans les textes des rappeurs et des slameurs des quartiers qui sont les héritiers directs de Bardamu… Ouaouf !… Elle planque toujours la ferveur de ceux qui issus des milieux où on ne bricole pas dans l’intellect ont fait chauffer aux forges de la révolte le fer de lance de la langue et ont taillé dedans le cri étranglé et farouche de notre colère et de notre délivrance…Portail-maison-de-C-line.jpg

Rigodons !…Rigodons !… sans cesse jusqu’au bout du jour jusqu’au bout de la nuit… Voilà pour en finir sur le ton de l’inimitable Mahé dans un extrait d’une missive de Céline datée seulement du “ 18 ”… 1935 peut‑être… à Chicago juste après la perte d’Elisabeth Craig… “ Je suis ici avec Karen et sa revue. Elle vit aussi dans le quartier le plus interlope de Chicago. Après minuit plus de sentiments. C’est Wilson Avenue. Deux rigodons par semaine. Les cognes sont en bras de chemise. Un cireur par boutique, et des grolles à fond je te jure. Une heure fignolée et pas moins. On termine avec la brosse à dents. Voyez petits clients. ” Ferdine perdu largué abandonné à sa galère… Et Mahé qui nous envoie au Rigodon… 

“ Ah ! Rigodon !… J’en profite pour signaler à l’érudit Alain Hardy que ce mot rigodon apparaît ici pour la première fois dans l’œuvre de Céline, tout de suite après ce nouveau dramatique voyage au bout de la nuit… Je pense qu’il le classera dans son troisième champ sémantique ‘ comprenant l’idée de macabre ( projectile ayant fait mouche, balle, idée de mort ) et par croisement avec le second champ, celui dans lequel est compris le concept plus restreint de danse, déterminant l’acception nouvelle pour le mot de “ danse macabre ”.

Oui c’est ça… Rigodons ! Rigodons !… toute la journée et toute la nuit autour de nos feux de joie de folie et de passion afin de ne pas penser que c’est fini… Ouaouf !… Ouaouf !… c’est bien fini jamais plus l’enchanteur des mots ne nous fera danser entre les petits signaux lutins farfelus et gentillets de ses féeries… Ouais Rigodons encore !… de cette tristesse‑là il ne faut surtout pas que les macabreurs en soient informés car ils mettraient au point un moyen de nous l’abîmer… Ouaouf !…Maison-de-Caline.jpg            “ Ce soir j’entends Marie Canavaggia me dire au téléphone ‘ Nous ne reverrons plus notre ami… ’ ( … ) 

Au début de la matinée, je retrouve Lucette auprès de Louis endormi. Il y a là Marcel Aymé et le docteur Wuillemin qui a pris toutes les dispositions pour faire modeler un masque mortuaire. Au dehors, un soleil éclatant, et dans la maison une étrange impression de silence et d’apaisement. Etrange ? Pourquoi ?… Au bout d’un moment, je comprends que les animaux se sont tus. Il n’y a plus un aboirment, les chats sont invisibles, cachés, il n’y a plus un pépiement d’oiseau, Toto le perroquet ne parle plus… Il va rester des mois sans parler… ( … )

Trois jours après la mort, la presse diffuse la nouvelle. Prévenus intentionnellement trop pard, les journalistes et les photographes seront peu nombreux le jour de l’enterrement, où se retrouveront les plus fidèles, amis de toujours, admirateurs lointains, mystérieusement prévenus. Aux côtés de Marcel et de Nimier, je reconnais l’acteur Max Révol, Jean‑Roger Caussimon… 

Quelques jours passeront et Lucette fera graver un bateau à voile dans la pierre de la tombe… 

Rêverie, Saint‑Malo, la Bretagne. ” 

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29 juin 2011 3 29 /06 /juin /2011 22:27

 Hommage à Céline Mort à Meudon suite...

Celine04

Ouaouf !… Ouaouf !… pour nous autres les créateurs il n’y a qu’une seule route qu’une seule piste qui consiste à aller là où on sent là où on a conscience que nul n’ira sinon soi‑même et pas de virevolte pas de regard par derrière pas de pleurnicheries… et Hop ! une grande transhumance que rien ni personne arrête sauf la mort… Autrement y a pas moyen que la machine se grippe s’avarie et quoiqu’il arrive la trahison de ceux qui se ramènent l’allure enfarinée et la gueule pleine de refrains d’amitié qu’on croit quand on est encore en train de téter le lait de l’innocence ou bien la carambouille où on finit tous à force par creuser notre terrier et la gargantuesque gamelle à solitude… ah ouais !…  rien du tout qui peut nous conduire à la soupe et aux petits avantages ordinaires pas de question !… Ce qu’on découvre quand on s’occupe de la destinée étrange du Docteur Destouches et qu’on est du côté de ceux qu’ont longtemps fréquenté les dispensaires de la banlieue c’est que cette sorte de façon têtue de prendre la tangente avec le chemin tout tracé aux “ petites gens ”… ceux qui comme le dit Monnier sont “ de cette catégorie humaine qui vit chichement, et peine pendant toute une vie pour faire sa place… ” n’a pas à voir avec un choix déterminé ou une idée de carrière hein ?… Ouaouf !…

Ferdine ce qui lui a mis aux tripes le projet de Voyage ça n’est pas comme il le susurre avec malice pour faire radoter les commenteux que ça lui refilerait du beurre dans ses épinards de toubib des quartiers c’est la formidable tuerie la vacherie de montée aux sillons salement abreuvés de 1914 pour les jeunots de sa trempe qui ont fait ni une ni deux afin d’aller s’engager et Hop !… Les petits “ puceaux de l’horreur ” comme il les nomme “ la viande fraîche ” que reprend Monnier dans Ferdinand furieux étaient fascinés après que Jaurès ait été envoyé aux fraises par de bien bons fabricants de canons à l’écoute abrutissante et revancharde des chants guerriers et devant les lessives à faire sécher sur on ne sait plus trop quel fil à linge barbelé… on a oublié déjà en 39… et maintenant faut voire… Ouaouf !…  “ Pour un jeune né aux alentours de 1945, il est difficile d’imaginer aujourd’hui ce que fut le climat d’incitation belliqueuse dans lequel nous avons vécu… 

 La-bande-des-arrosoirs.jpg

Monnier a fait partie de ceux qui ont avalé en 39 les bouillies sommaires et somnifères que Bardamu s’était déjà farcies en 14 alors il sait un peu de quoi il cause… On en a causé déjà des origines et c’est pas le sujet d’en rajouter sauf qu’en ce 1er juillet où Bardamu a pour de bond la camarde dans son pieu ça va être à nous autre de le continuer le Voyage… sûr que ça impressionne… Au moment où il fait sa valise Ferdine il a bien déblayé le terrain de l’écriture populaire alors pas question de laisser les ploucs la retuer notre petite musique hein ?… Tous ceux qui glaviottent bien haut que le divin Céline l’énergumène qu’affurait sa légende dans les bars à marins les gargotes sournoises et les bordels lubriques et joyeux des ports de Londres a pas eu de successeurs et que cette langue‑là l’insupportable la pas sortable aux Boulevards des bourges s’en est allée crounir du côté de Meudon où y a que des insensés nostalgiques qui vont faire pèlerinage la troupe des fantômes à pelisse rouge déjà partagée déchirée vendue et revendue aux acquéreurs d’exemplaires innombrables… et originaux vous pensez bien… ils maginent pas une seconde ce qu’on est en train de leur préparer nous autres les feux follets de la rue !… Ouaouf !… Ouaouf !… 

Il le sait pas encore Monnier quand il part pour Korsor dans l’hiver des glaciations 49 avec Casse‑pipe qui vient d’être réédité mais c’est là que l’héritage de Ferdinand nous a été offert à nous autres les lascars pas encore sortis des limbes de l’inconnu acrobate meneur de la danse des fous…

“ Céline est blessé. La persécution l’atteint au point le plus sensible, son enracinement à la terre de son pays, son attachement à la langue française… ‘ Tout ce qu’ils me font… Leur haine… Leur méchanceté… L’exil, rien en fin de compte, ne peut avoir de prise sur moi parce que je suis lié, enchaîné à la langue française… Je supporterai tout pour elle… Elle est mon souffle… ma respiration… ” La langue française et la médecine ses deux passions entremêlées qui toutes les deux sont puisées reliées à la source unique de la vie et de la mort des gens simples des faubourgs à qui il va offrir de pouvoir enfin se sentir concernés par le récit de leurs propres épopées à rebours du temps moderne et qu’il va faire renouer avec cette langue populaire aussi ancienne que l’homme des campagnes et du paysage lui‑même… ceux qui dans les provinces ont aux esgourdes une souvenance un refrain des complaintes de Villon de Bertrand Coûté de Rabelais de Rutebeuf … et de tant d’autres poètes de ces parlers régionaux qui ont été effacés biffés de leur mélopée intime… “ Peu d’écrivains réussissent à gagner cette admiration fraternelle, cette sympathie émue dont les gens les plus simples l’ont entouré depuis son premier livre. ” qu’il continue Monnier insatiable frère qui a dû lui aussi galérer aux écoles et que seul peut‑être Céline a nourri de festins à magie tant inimaginés… Ouaouf !…

C’est qu’ils ne les ont pas aimées les écoles les loustics de la banlieue encore un peu rouge aux entournures dont cézigue a fait partie et qui n’étaient pas forcément des marmots de prolétaires mais ce qu’ils pressentaient dès qu’on fourrait devant leurs quinquets de petits cavaleurs à terrains vagues et de tailleurs de frondes de fouineur de décharges de compagnons des chiffonniers des pages bien peaufinées bien nettoyées aux entournures bien enguirlandées de formules aussi crounies aussi rances que les perruques poudrées des rois et de leurs petits valets c’est qu’ils étaient eux d’un autre monde d’une autres baraque d’un autres équipage… Ouais c’est sûr que Céline pour ceux de notre génération qui ont fini par dénicher ses ours parce que c’était à nous qu’ils étaient destinés et voilà tout… “ il a comblé le fossé entre la littérature et le peuple. 

Clin-d-oeil.jpg

A son retour de Korsor toujours en 49 Monnier a pigé que celui qui a été contraint de se tirer des pattes de ceux qui appelleront longtemps encore Voyage et même en 1956 quand Gallimard publie D’un château l’autre… du titre qui les désigne : “ Voyage au bout de la haine ” va offrir à cette culture orale démunie de son chant et de sa force parodique et lyrique la noblesse d’une langue qu’on ne fera plus taire désormais et qui deviendra grâce à lui la langue poétique à venir… Il est en train sous ses yeux de s’en faire le héros le chevalier le défenseur et aucune mise à mort n’en viendra à bout… 

 “ Sur le ferry‑boat, je relis mes notes, et je pense que maintenant il va falloir se battre pour le procès… J’écris ce nom, Céline, que la presse aujourd’hui n’écrit presque jamais, si ce n’est pour l’accabler d’injures… Et je pense au bonheur de ces jeunes qui un jour, peut‑être pas trop éloigné, vont découvrir ‘ Voyage ’, ‘ Mort à crédit ’ et tous ses livres, tous, sans exception… Les veinards… 

Ferdinand furieux

 Ouaouf ! Ouaouf !… et oui les veinard j’en fais partie et quand je découvrirai Voyage quelques trente balais plus tard je verrai aussitôt se pointer la petite silhouette un peu tordue de Mémé qui avait à 90 piges gardé sa façon de langue patoise de Chnord et qui embrouillait à plaisir des mots que j’étais la seule à capter à réclamer à sucer comme les berlingots à la vanille qu’elle avait toujours dans la poche de son tablier noir à pois blancs et qu’on se pourléchait quand elle me racontait les histoires… avec les expressions familières du milieu ouvrier paysan dont elle était la dernière et véritable témoin… Mémé comme une vieille Indienne dressée solide face à la réalité et aux convenances ainsi qu’aux moqueries des autres qui ne comprenaient pas qu’on puisse encore tenir sa langue d’enfance au‑dedans de ses tripes communiquait avec cette arme inusée par l’âge et les années de turbin à la peine et elle me repassait sans peut‑être le savoir le goût inoubliable et cher de la tradition populaire de raconter des histoires… Et de le faire dans la seule langue qui soit nôtre… celle‑là tout juste que Ferdine avait emporté en transhumance avec Lucette et Bébert jusqu’au bout du Nord pour ne pas la laisser mourir… Ouaouf !…

Voyage c’est prendre le large foutre le camp fuir à toutes jambes la jubilation du charnier… c’est échapper au carnage imbécile et sortir vivant et fier de sa peau sauvée au bout de la nuit de la terreur meurtrière humaine que personne jamais et pas même un poète amant fou et scribe de feu de la langue ne pourra arrêter… C’est dénoncer l’impossible puanteur de l’homme quand il s’accroupit dans son ombre pour mettre en joue l’autre qui est un frère forcément un frère et un compagnon toujours… un semblable et un gueux… La mort !… la mort partout comme un présent honteux fait par la foule droguée de slogans et de peurs à l’enfance du monde…  “ Ce qui fit écrire à Céline, s’adressant aux futurs cadavres : ‘ Vous enflammerez les “ morals ” rien que par la vue de vos carnes décomposées, dansantes dans les brises, Rachel Madelon, Max Préput chanteront vos trépas sublimes aux ABC… Alors ça vous dit rien figures ? Vous êtes pas émoustillés ?” Aller jusqu’au bout c’est ce que font les créateurs qui sont de ces voyants et qui ont comme Céline l’a eu au moment où il s’est retrouvé au milieu des explosions à mistoufle de l’insupportable charnier la conviction que la partie pourrie la charogne qui ronge l’âme des hommes comme elle se prend à un membre blessé peut‑être vaincue si on engage toute sa force et sa vertu à vouloir la défaire… Ouaouf !…

C’est ce qu’on a cru aussi nous autres alors qu’y avait pas urgence au feu dans les radieuses années 80 de notre jeunesse qui truculait d’ardeurs pacifistes et qui s’en est allée rejoindre les Jacqueries du Larzac antimilitaristes paysannes et la Bonnie crapahuteuse qu’était pas la dernière à monter à l’assaut des troupeaux d’entraîneurs de bidasses… Ouaouf !… C’est qu’on était vraiment trop cornichons alors… on croyait qu’on allait y arriver à la changer la minable intime petite rancœur humaine celle qui pousse à la baston et à l’étripage… la même sans doute qui conduit les pauvres à se crever la panse entre eux dans les guerres coloniales dans les révoltes dans les guerres civiles… on croyait qu’on possédait les armes suffisantes avec des mots pour écarter la mort mais Céline lui déjà à l’époque il savait qu’on arrêterait rien du tout et c’est pour ça que son blot de médecin lui tenait au ventre… là au moins il pourrait en sauver quelques‑uns et s’il ne les sauvait pas tout à fait il les empêcherait d’être totalement malheureux abandonnés épouvantés… “ Ils fonceront toujours aux tueries, par torrents de viandes somnambules, aux charniers, de plus en plus colossaux, plantureux. Y a pas de raison que ça se termine, c’est leur nature. ”Sentier-des-Boeufs.jpg

A suivre...

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27 juin 2011 1 27 /06 /juin /2011 23:43

Mort à Meudon Hommage à Céline Suite...Celine04

 

Ouaouf !… C’est qu’à l’époque on rigolait encore beaucoup moins qu’aujourd’hui avec la santé des bonnes gens qu’étaient soupçonnés d’avoir trahi la cause l’unique celle de la patrie armée jusqu’aux dents pour se défendre de toutes les autres des patries et armées aussi… le pacifisme c’était la mitraille j’ai expérimenté la suite je vous en reparlerai… 

Céline lui à peine resurgi des bas‑fonds de sa prison de la Vestre Fængsel où il a manqué calencher dix fois alors qu’il crèche dans la petite cabane que leur prête à lui et à Lucette l’avocat Thorvald Mikkelsen à Klarskovsgaard sait tout à fait ce qu’on lui veut.  

 Le 13 ( octobre 48 )

Mikkelsen

KlarskovgaardKorsor

  Cher Ami,

  ( … ) Si j’ai des amis, tant mieux. J’ai tant de haines. Mais attention au pavé de l’ours ! j’ai toujours l’article 75 au cou. Pensez que mes ennemis vigilants ont grand soin de ne point me le faire ôter. Il me paralyse. ( … )

Entre moi et mes accusateurs, il y a un fossé infranchissable, une question d’espèce, presque de sexe. Mes accusateurs sont tous des employés – moi non – les employés changent de patron. Ils ont toujours un patron. Je n’ai jamais eu de patron. ( … )  ”

Bardamu l’anarchiste est bien là et de sa morgue ni de sa grandeur il n’a rien perdu le bougre ! Et deux ans plus tard après que Monnier ait réussi à faire republier plusieurs de ses ours on retrouve sa gouaille habituelle avec la façon qu’on les types comme lui d’être toujours un peu demain… “ 

                                                                                                                                                                                   Le 20 ( janv.50 )

Mon cher Ami,

  ( … ) Je crois qu’il faut à présent sonner les cloches. La province française me semble d’après les coupures, vache, rétive, coriace, comme à bannir ! Donc de grands canards !… Les canons à conneries ! pour et contre ces abrutis qui répèteront encore en l’an 2000 que La.va.val. et A.ba.betz. et Pe.pe.ta. et Ce… li…

Votre bien fidèle. 

  A la finale le Ferdinand furieux de Monnier et rien que le titre déjà il époustoufle comac !…  les déboires en délire de cet apprenti éditeur  qu’est au départ plutôt dessinateur à la Mahé et qui s’embrouille sacrément pour la cause de l’amitié c’est tout ce qui me fait croire aux bons plans pas prévisibles des apprentis de la mistoufle… Ouaouf !… Monnier celui qu’allait asticoter son dab de rédaction le sieur Paul Lévy l’amical le brave le fraternel Lévy… “ Encouragé, je décidai d’entamer un processus de réédition. Alors là, pardon ! Je n’étais pas au bout… ” Ouais eh bien c’est pas des noisettes ni du p’tit lait qu’il va déguster l’amateur ! Cézigue je peux vous l’assurer avec la connaissance et les causes !… Ouaouf !… Sans la ramener à l’exagération mézigue et la Bonnie la rebelle avec certificat de bonne volonté pour la débine on s’y est lancées derechef pareillement dans la baraque à édition… Fallait voir l’envie qu’on avait de relier les rares qui font pas de l’écriture leur fond de commerce à patates et le peuple qu’aimerait savoir de quoi il retourne mais peau de balle l’autorisation pas plus pas moins que les rancards on ne les lui refile jamais… Ouaouf !… Ouaouf !…

C’est que ça lui fournirait du rêve au peuple de visionner des histoires qui lui retirent une minute rien qu’une ses paluches épluchés à vif de sur la chaîne chez l’Oréal ou chez PSA vous comprenez ?… Mais tous les créateurs les vrais ceux qui ont rien à carrer de la “ tendance actuelle ” ou de “ l’effet de mode ” le savent un peu que le peuple le populot le petit trèpe on ne le rencontre jamais sauf si on va se les coltiner les chaînes des usines et les trimards d’abomination des pauvres et de ceux qu’on jamais rien entravé aux épouvantements des écoles hein ?… Ce qu’il annonce Céline c’est que c’est tout un savoir‑faire l’écriture un métier à remettre sans cesse au feu comme ceux qu’elle se farcit la canaille… un apprentissage dans la souffrance des doigts qui font mal et des épaules frissonnantes dans les heures du sacré labeur et ensuite faut se faire un peu cheminot pour apprendre le monde n’est‑ce pas ? “ Travailler pour rien, l’horreur ! Quelle honte. ( … ) ” “ … je suis un ouvrier, qui veut gagner sa vie, un artisan. ” et un peu plus loin encore “ Je ne suis pas un auteur pour les coups d’esbrouffe et les ventes au scandale ! ( qui durent un mois ), je ne travaille que dans le durable. Et le durable sauf exceptions, ne se travaille pas sur le pouce, 6, 4, 2 !… ”  27-ter-Route-des-Gardes-copie-1.jpg  

Je me suis souvent posé la question de savoir si le Docteur Destouches quand il embarque pour New York en février 1925 à bord du Minnetonka an service de la SDN pour aller enquêter sur place dans les usines au sujet de l’hygiène et de la médecine du travail n’était pas déjà en train de s’imprégner de tout un univers qui ne lui était pas très familier… celui des ateliers et des usines monuments géants du taylorisme avec leur crasse graisseuse et leurs ivresses pour oublier la mort qui guette au coin des heures de nuit… avec leurs déchéances physiques et morales avec leurs cuissages leurs tuberculoses leurs amputations et leurs truffe de vieillards à peine dix ans passés dans les lieux… Toute cette misère épaisse et grasse que les familles comme celle de cézigue ont engloutie et régurgité dans un langage borgne qui crachotait et buttait aux entournures des phrases pour se casser avant d’avoir dit ce que c’est que l’intime d’une existence ouvrière mais que Mémé quand elle racontait inventait à chaque mot qui passait par ses mains longues fines et décharnées de petite bobineuse des filatures du Nord à sept ans…

Donc Céline l’inventeur d’une langue populaire émaillée sertie coulée à feu clair en petites touches à l’intérieur des fils d’argent mat ne va pas cesser de Voyage à Féerie le premier de ses ours publiés par Gaston Gallimard et jusqu'à Rigodon de remettre sur l’ouvrage les mots de ceux qu’il a sentis touchés soignés aimés avec sa pudeur farouche et désordonnée et détesté avec volupté jusqu’à ce que tout un monde à jamais muet avant son passage se hurle se torde se jouisse se démembre et se gémisse à travers ses lignes… c’est une langue non pas nouvelle mais recueillie au fond des temps qu’il sait autant que celle de Villon sans doute immortelle… Voilà ce qu’il va écrire à ce sujet à Monnier peu de temps avant que Gallimard reprenne l’affaire en mains… “ Je pense que nous publierons ‘ Féerie ’ en diverses étapes, le tout serait trop long à attendre. Vous savez, c’est plutôt des vers que de la prose. Les gens quand ils en ont lu 40 pages, ils ont mal à la tête ! On pourrait alors publier une première tranche, quatre chapitres par exemple, cet été, ce sera prêt, ma femme mon écouteuse, a mal à la tête après 20 pages !  et dans la lettre suivante deux jours plus tard “ Oui, je crois ‘ Féerie ’, l’hiver, si j’y arrive à temps ! Mais vous savez, c’est une sacrée voltige ! Et je suis un bien vieux épuisé clown ! Ils me font marrer tous ces critiques, ils ne savent pas encore que le cinéma existe, que leurs romanciers préférés font à présent des scénarios pour films ‘ sans s’en douter ’ comme Prudhomme faisait de la prose. Que le roman vraiment est ailleurs, dans la transposition émotive, que pour le reste l’objectif, le cinéma s’en charge! Et mille fois lieux, l’herbe est depuis longtemps coupée sous leurs pieds, engrangée, c’est fini ! Moutons abrutis qui s’acharnent à paître dans des vallons chauves !   Chats---Meudon-d-tail.jpg

Sûr qu’on ne peut pas dire mieux et qu’il le savait exactement à la virgule près Céline ce qui la guettait la langue classique… Ouaouf ! … Mais en attendant qu’on en arrive dans quelques lustres improbables à une écriture qui sorte de ses beaux quartiers d’endormissement Monnier se rend compte que Céline est totalement impubliable par les moyens ordinaires qu’on croit être ceux qu’on nous vante dans les écoles quand on n’est pas encore parfumé de leurs façons et de leurs procédés… “ Quelques jours passent. Je commence à comprendre que les relations d’éditeur à auteur ne se fondent pas seulement sur la valeur littéraire du second. ” Trimbalé à la fois par Flammarion… Plon… la NRF… et pas que… Monnier alpague un micro éditeur susnommé Charles Frémanger qui ne sait pas non plus où il va se fourrer… Ouaouf !… “ Pour relancer Céline ( on est en 1949 hein ? ), pour remettre ses livres en vente dans les librairies ( … ) il fallait encore et surtout une gigantesque dose d’inconscience… 

Ouaouf !… Ouaouf !… des poteaux qui se moquent pas mal de la revanchardise à mort des dénonciateurs des tondeurs des foireux fouillant aux pots de chambre à cacas de mémoire ils en sont les deux loustics... Monnier d’abord et Mahé le marin d’eau douce de la péniche la Malamoa dont on va recauser plus tard à propos de la période de Montmartre… et m’étonnerait que vous en entendiez beaucoup jacter ailleurs… La suite on la sait et c’est bien la preuve que sans un et avec une âme solide et fière de marin abordant les rugissants on peut nous autres tracer la piste là où les baveux eux restent au terrier mais ce qu’on s’en tape alors !… La suite c’est la republication de Voyage par la maison Froissart invention de Monnier l’irréductible chevalier “ Mais si Voyage part lentement, Céline n’en est pas moins présent dans les librairies après cinq ans d’absence… ” Et Monnier ne va pas s’en arrêter là bien sûr ! Il crée “ Frédéric Chambriand ” “ Je crée une firme… sans un centime… Je propose d’éditer Céline sous ma responsabilité, sous mon nom… ” Monnier déniche un banquier un distributeur et Zouh… Hop là !… Ainsi vont être réédités coup sur coup Casse‑pipe Mort à crédit Scandale aux Abysses… ce qu’est quand même une prouesse redoutable tandis que Céline est en plein procès et que ça chauffe dur à ses basques… 

Pierre Monnier peur de rien conclut son récit par quelques mots qui disent tout des lascars dans son style et dans celui de Bardamu “  je m’engageais avec bien peu d’atout, sinon d’abord la confiance de Céline. ‘ C’est dit une fois pour toutes 

  “ Le 14 août ( 49 ).

Cher Ami,

 Je reçois à l’instant votre lettre très substantielle et réaliste, qui m’apprend qu’en somme tout va bien. Mais il faudrait que courant d’air ( Fromanger ) passe chez Daragnès avant le 22 courant, pour ce que vous savez, sinon, je ne serai pas content, et mes muses non plus, et il n’aura pas d’autres ouvrages ! oh ! faire cracher régulièrement ces loustics, quelle torture ! Il fera largement fortune avec moi, s’il est ouvrier, carré, ponctuel.

Foutre de ces histoires d’articles, Paraz France‑Amérique et patati, aucune importance ! C’est le boulot qui compte, le reste c’est tout de la merde ! Paraz s’est bien amicalement comporté en ma faveur, ça va, je ne lui parlerai de rien. Je suis archi‑saturé, blasé de tous les patati, pataques, charibouibouis de la ratatouille littéraire !

Qu’on me vende, que je touche et que personne aille en prison ! C’est tout. Le reste est affaire entre le boulot et moi. Strictement. ( … )

Bien votre ami.

L.‑F. CELINE ”

 

“ Le 30 ( août 49 )

Mon cher Monnier,

Je reçois votre lettre à l’instant, où vous me confirmez que courant d’air ne souffle plus du tout ! ( … )

Je connais cette ignoble cavalcade, qui consiste à payer les dettes précédentes en bouffant le blé en herbe ! Denoël en est mort ! Carambouille indéfiniment échelonnée !…La Vérole des maisons d’édition ! Une nouveauté ! une nouveauté ! canailles ! pas de nouveauté avant que tout ait été douillé. Il faut prévenir ces imbéciles rastaquouères contre leur propre dévergondage. En vérité l’édition est impossible. Sauf miché, ou état. Courant d’air est en train de découvrir cette inexorable vérité. Pas besoin de se gratter pour chercher un éditeur autre : N.R.F.‑Paulhan.

Quand on aura décidé de basculer courant d’air, j’écrirai un mot à Paulhan. ( … )

Votre ami, et toutes nos amitiés à nous deux.

La-Route-des-Gardes.jpgL.‑F. CELINE ”

Ah ! les lettres de Céline on peut pas arrêter quand on commence à se les tortorer c’est du plaisir buccal à l’état brut de la gourmandise sucrée salée tout à fait la bonne confiture de salidou des pâtisseries de Saint‑Malo… Ouaouf ! Et c’est pas la chienne Bonnie la goulue aux étalages qui me contredira ! Ça pique net direction des flots comme les petits sternes noirs et blancs dans l’élégance… ça coule au fond du lampion en douceur et ça rebondit à la vague le poisson argent au bec… ça effarouche les papilles et ça brûle piment d’outre‑mer avant de revenir piailler direction du large et du phare de Cézembre… Cap dessus ! Cap dessus !… Ah ! les malheureux lustucrus qui n’ont pas lu les milliers de bafouilles du correspondant le plus habile qui soit dans les papillons à paillassons… Ouaouf !…

Et voilà pour ce qui est de Monnier qui a été chroniqueur à la fois dans L’insurgé et dans Combat si ça peut vous mettre au parfum… ce qu’il en est des amis les vrais les frangins qui ne lambinent pas au portillon en astiquant par derrière leur queue de pie bien lustrée par cent mille millions de courbettes devant ces excellences et ces seigneuries et frottis frottas contre le pied des trônes de papier avec trouillomètre au zénith… Comment la bouillie et les glaires des petits valets qu’affirment et désaffirment qu’abondent et débondent qui chantent haut et fort et qui déchantent bas et mou pourrait‑elle avoir quelque chose à voir du côté des voyageurs nocturnes hiboux blanchis au miel des ruches lunaires…

 Quand je pense à cette époque où je gagnais petitement ma vie et celles de ma femme et de mon fils en vendant des dessins, je me dis que pour tenter cette aventure, dans laquelle d’ailleurs ne songeaient pas à se risquer ceux qui avaient la surface et les épaules suffisantes pour s’en sortir sans dégâtes, je me dis que j’étais vraiment bien peu réaliste. Et pourtant, je n’ai pas le souvenir d’un seul moment de découragement. ( … ) ”Ferdinand furieux

Quant à Henri Mahé le poteau en écriture si tellement proche parfois du style de Céline qu’on les sent tous les deux dans la résonance totale… dans l’écho quoi… et des engueulades ce qu’y en a alors !… Ouaouf !… ouais Mahé c’est le décorateur du Balajo du Moulin Rouge des cinémas Elysée‑Gaumont le Grand Rex et le Paramount bricoleur de fresques sur le paquebot Normandie et barbouilleurs des bordels de la rue Joubert ou du 31 Cité d’Antin night‑clubs et autres boîtes de la night… collaborateur en déco des films d’Abel Gance… enfin tout pour plaire quoi !… Ferdine va le rencontrer en 1929 au moment où il emménage au 98 rue Lepic en haut de Montmartre… Dans le Bulletin Célinien N°29 Germaine Constant qui a été de ces époques aux épopées inoubliables raconte “ Les dimanches de la Malamoa, c’était nos jeudis enfantins. On revenait aphones de Bougival, à force d’avoir chanté, dans l’autobus de Saint‑Germain. 

Eh bien ! vu que les éditeurs eux il y regardent pas à la déchéance et qu’ils croquent… cette non évocation de notre Bardamu et de ses cinquante balais aux fraises nous aura au moins permis de mettre la main sur La brinquebale avec Céline qu’était introuvable jusqu’ici et la suite que Mahé a rédigé avant de calencher du côte de New York La genèse avec Céline… Un bonheur pas négligeable par ces temps de raretés poétiques… Ouaouf !… Juste trois mots pour vous mettre la salive à la bouche de ce qu’écrivait Céline dans une lettre à Louis Delrieux à propos de Mahé…

“ J’aime Henri comme un frère, mais il a la crédulité du Breton… Il est léger. Je suis sérieux… Il vit dans la comédie‑Je vis dans la tragédie‑ ” Qu’on sache seulement que Céline n’a pas hésité à demander à Mahé de lui illustrer Voyage et il composera d’ailleurs une quinzaine de planches dans ce but en 1962 mais Ferdine n’était plus là pour s’époumoner et rugir c’était trop tard… On conviendra que cette période de la vie bohême du Docteur Destouches qui prend la suite de la galère des banlieues et des dispensaires alors qu’il n’a pas encore plongé dans le bouillon des écritures romanesques nous éloigne un peu de notre but précis à cette heure : faire découvrir à ceux qui ne sont pas trop effarouchés par le mal à la tête après 20 pages de lecture les incroyables dix dernières années de la chienne de vie de celui qui a blaqueboulé notre façon de nous attabler aux festins des histoires… Pourtant dans le bouquin de Mahé sa fameuse Brinquebale il y a deux notes qui font rebondir cézigue sur la suite de nos aboiements un peu dérisoires et un peu tristes aussi vu que Ferdine nous a bien lâchés la vache !… Ouaouf !…

Elles ne sont pas datées car ce qui caractérise Mahé c’est son côté nomade dans les notations au jour le jour… à vous de faire le boulot pour vous y retrouver et Hop !… D’après la chronologie de l’ensemble je dirais que c’est début 1935 quelque chose quoi… Céline est en train de “ fignoler ” Mort à crédit d’après les précisions vagues de Mahé…

 98, rue Lepic

le jeudi

( … ) Lorsque je l’allais voir à Saint‑Germain, nos conversations, durant les repas, hautes en couleur et en ton,effarouchaient grandement l’austère clientèle collet monté, fervente lectrice des auteurs fadasses et ces honnêtes gens ne manquaient pas de se plaindre amèrement à la Direction de cette outrageante promiscuité. Son départ fut considéeé par tout ce monde ‘ bien ’ comme un soulagement… Ce seront les mêmes cavés, les mêmes cavettes qui se taperont un rassis devant la plaque : ‘ C’est dans cet hôtel que L.F. Céline a écrit Mort à crédit ’, quand elle sera scellée sous le porche… 

Malheureusement et pour une fois Mahé n’était pas visionnaire car il n’y aura jamais aucune plaque de scellée sous aucun porche d’aucun immeuble ni d’aucun hôtel où a vécu et trimé le Docteur Destouches pas plus de Louis‑Ferdinand Céline d’ailleurs… Pas d’inscription non plus à l’entrée du cimetière des Longs‑Réages à Meudon et il y a à craindre que la Villa Maïtou sa dernière maison son refuge et sa tanière qui a vu mourir l’un après l’autre Bébert Bessie Toto et tous les autres animaux et leur patron bien‑aimé et qui a déjà été la victime propitiatoire d’un incendie gigantesque ne risque le bulldozer sitôt son ultime occupante actuelle Lucette Almanzor partie elle aussi du côté des démons et des anges… J’ai eu la chance en me baladant du côté de la rue Lepic un jour du joli mois de mai de trouver au bas du mur du 98 un tag qu’on poète de la mistoufle et de la tendresse de l’irrévérence et du refus avait apposé là comme un baiser rouge sur une toile blanche… On pouvait y lire : “ Ici s’aimèrent Louis‑Ferdinand Céline et Lucette Almanzor ” J’ai trouvé ce témoignage magique et affectueux tout à fait digne de figurer dans une bio de Ferdine en tant que titre de chapitre…

Et voici la seconde note de Mahé pas plus datée que la première… on imagine… 1935 encore…

“ Hôtel Frascati – Le Havre de Grâce

le 14 

‘ En vieillissant tu verras ce qui reste. Rien du tout. Hormis la violente passion de parfaire, cousine de la mort. ’

Beaucoup de grands artistes éprouvent avant la mort la violente passion de parfaire… Elle est même typique chez les peintres. Lautrec, malade, remonte mettre de l’ordre dans ses croquis… Degas, a demi aveugle, cerne les formes… Bonnard intensifie la couleur… Tant d’autres… 

‘ Cousine de la mort ’, ce désir de perfection ? ar elle, tu es ! Comme un peintre primitif… Mais tu l’attendras trente ans encore… Tout le temps de parfaire… 

Bateau-ivre-Meudon.jpgLa brinquebale avec Céline            

 Alors à demain! 

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 20:36

 

 

       Je ne sais pas si vous êtes au parfum mais cette semaine c'est celle où notre Bardamu le DocteurDestouches... Céline de son blaze d'écriture est allé se faire lanlère aux fraises par une chaleur d'été africain le 1er juillet de l'année 1961...

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           Y a donc cinquante piges pile qu'il nous a abandonnés à notre sort bienheureux certainement de laisser de monde de haineux et de croûtons s'entrebaffer et s'entretuer et qu'on lui foute en fin la paix... Eh ben non ! Pas de tranquilitté post mortem sauf à ne plus jamais exister dans ce qu'il aimait jusqu'à s'en faire trouer la peau : la langue française et la petite musique des mots...

            C'est comme dans le poème de Prévert " Le pénitencier " toute la bande s'y est mise à ses trousses les rentiers les banquiers les artistes les journalistes les antis ceci et les pros cela... qu'on repende Céline haut et court qu'il cesse de nous matter du haut de son gibet d'infâmie ! Pas de frères humains pour cézigue ça non alors ! Tous en coeur si j'ose dire... les ministres les avocats les présidents les écriveux les bavants... qu'on le retue ho hisse et ho !

             Bon... aucune commémoration officielle de la mort de Bardamu alors ? Ce qu'on s'en tape mes couillons si vous saviez ! Et notre Bardamu encore bien plus y a pas de lézard ! La commémoration Céline il l'a chaque jour chaque heure chaque minute chaque seconde où quelqu'un achète feuillette lit dévore ses bouquins et se perd en rêveries au creux de son style de dentelière des faubourgs...

             En plus de l'amitié du petit trèpe Céline il a celle fidèle en diable de ses poteaux qui ne cesseront pas de lui rendre visite Route des Gardes et de lui apporter quelques galets d'océan au cimetière des Longs Réages à Meudon... Et il a l'envie et la jalousie de la clique des boutonneux à stylo de marque et à cocktails mondains et sûr que du côté du terrier qui débouche au large du Grand Bée dans la rade de Saint-Malo au pied de la forteresse où il zone avec Bébert le greffier et Agar le clebs de Meudon toutes les nights ça le fait foutrement jubiler !

             Pas de commémoration officielle hein ? Ben nous autres la sacrée Bonnie chienne du monde et mézigue on va la lui faire sa commémoration à Bardamu et chaque jour de la semaine encore pas de raison ! Alors si ça vous dit d'y mettre la patte et bien surtout vous gênez pas on passera derechef tout ce que vous nous enverrez et probable que la hargne rancuneuse et minable ira se faire lanlère... Alors en route pour un autre Voyage si vous voulez !

               Je vous ai déjà refilé quelques morceaux de mes chroniques destinées à finir bouquin si ça veut donc les références à des articles passés c'est de ça qu'elles causent... pas hésiter à farfouiller... Ce que vous lirez là je l'ai écrit exprès pour cette semaine célinienne... Et Hop ! 

 

Mort à Meudon

Un goût d’oranges amères

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“ Entre 1944 et 1956 Céline est tombé dans l’oubli. Pas par hasard, ni par la nature des choses, ni par le jeu de cette loi bien connue qui veut qu’un écrivain célèbre entre au purgatoire dès qu’il est mort, ni parce que son style et son écriture sont tombés en désuétude, bien au contraire… ( voire épignones et imitateurs ) mais par la volonté délibérée des chiens de garde de l’intelligentsia terroriste au pouvoir. Cela s’appelle la ‘  conspiration du silence. 

Ouaouf ! Ouaouf !… Ce qu’écrit là Pierre Monnier dans les premières pages de son bouquin Ferdinand furieux qui renferme 313 missives de Céline à son adresse on peut sans hésiter d’une patte le reprendre aujourd’hui que c’est confirmé la clique des chiens de garde persiste dans sa haine et sa nuisance à l’encontre de notre Bardamu qui va fêter dans une semaine ses cinquante bougies au trépas c’est pas rien ! La troupe des chasseurs d’antisémites patentés avec pignon sur fosse béante qu’on refermera pas de sitôt est de sortie chars d’assaut et Famas en tête pour interdire qu’on fasse la moindre célébration à celui qui a changé tout le monde de l’écriture au point que désormais on gribouille après Céline si on a deux sous de poésie au cadran solaire des émotions… Ouaouf !  Ouaouf !…

Mais des clébards il en était le frangin insatiable Ferdine qui les recueillait autant que les greffes et toute la bande de la villa Maïtou… Agar le furieux lascar et Bessie la solitaire de tous les Nord ne sont que deux des compagnons de mistoufle les “ membres de la tribu ” qui “ rouspètent en aboyant, se mêlent de ce qui ne les regarde pas, demandent des caresses, offrent leur amitié… ” continue Monnier un des acharnés visiteurs de Meudon et c’est bien le moins que ce sacré galopin de chien du monde et mézigue on lui aboie ces quelques chienneries copines avec toute notre complicité d’insouciance… Parce que sans lui le Docteur Destouches et sans notre poteau Bardamu ce qu’on se rancirait à mort alors faut le dire hein ?… Ouaouf ! 

Ouais d’autant plus que nous autres comme j’ai déjà eu le bonheur de vous le raconter dans les précédentes chroniques on n’est pas de la bande des travailleurs du cerveau qui font métier de pondre des bouquins à la pelle et que c’est bien difficile et bien fatigant pour des saute‑ruisseaux de notre espèce de s’aligner… Ferdine quand on matte sa cambuse accroupie au bout du petit raidillon avec la chienne Bonnie planquées derrière le lierre qui lance ses petites paluches à l’assaut de la porte et du grillage bleu lavande rouillé avant de monter aux Longs‑Réages lui apporter notre provision de cailloux récupérés sur la plage du Sillon à Saint‑Malo tout exprès… Ferdine on sait qu’y a cinquante berges qu’il a calté de là et pourtant Bonnie et moi on est d’accord qu’y a jamais eu autant de vie dans aucun endroit que dans celui‑là… Ouaouf !… C’est à la fleur des quinquets que ça frissonne s’élance se pointe tout au bord de la frontière qu’on n’enfreint jamais au cours de nos visites qui sont la timidité et la discrétion même… surtout pas déranger l’errance bleutée et violette  de l’esprit des pensées qui incorrigible s’échappe des lieux dès qu’importun rapplique… Ouaouf !

 Chemin-vers-la-maison-de-C-line.jpg

 La fuite en Allemagne et au Danemark va sauver la vie du docteur Destouches et permettre la mise à mort de l’écrivain anéanti sous la plus implacable des conspirations du silence. Celui qui va ‘ libérer sa génération ’ s’enfonce dans l’oubli… Son nom ne sera imprimé que pour être accompagné d’insultes. La calomnie se débride. N’importe qui pourra écrire n’importe quoi sur Céline. ” qu’il poursuit l’ami Monnier Breton lui aussi comme nous autres on va pas se gêner en pays hein ?… Là aussi qu’on se retrouve dans les cabales et les abominations qui s’acharnent sur les poètes de l’existence mais Céline vous allez me dire qu’ils pouvaient tous se masser s’agglutiner se rassembler pour cracher en cœur ils risquaient pas d’y parvenir les parvenus du stylo bille les “ agités du bocal ” d’eau croupie… non ils risquaient pas… Céline il était si tant au‑delà vadrouilleur d’un monde d’ailleurs sans garde-fous toujours en transhumance parmi le troupeau des mots météores dans son ciel bleu turquoise et lavande léger léger… Nous par le fait on les connaît bien les patentés pour cause qu’on leur sert de Nègre depuis un petit bout et quand y a une vacherie succulente à s’envoyer ils hésitent pas jamais ! 

“ La persécution a pris aujourd’hui un tour officiel… Un C.N.E. ( comité national des écrivains ), baptisé ‘ Ces haineux ’ par ses victimes, a dressé et publié des listes où Céline figure en place d’honneur. Tous les écrivains dénoncés doivent être mis en quarantaine. Aucun des signataires des listes de proscription n’acceptera de figurer à l’avenir au côté d’un seul de ses maudits…” Me demande si Monnier quand il écrivait ces lignes il se doutait que Ferdine serait encore au pilori réassassiné par ces faux‑derges qui jouissent aujourd’hui de la victoire néfaste du silence de mort qu’ils ont réussi à faire régner sur le troupeau des journaleux des éditeurs qui croquent à la gamelle eux sans y regarder de trop près à la nature pas conforme du personnage depuis les cinquante piges que ça leur tombe dans l’escarcelle… " ce shylok !… ” qu’il grognait à la rigolade Céline… et tous les autres les écrivains du clan… Ouaouf !… Ouaouf !…

J’ai eu droit moi aussi à mes invectives et c’était une époque où j’étais tout à fait novice et bien niaise quant aux diktats qui sont estampillés marqués au fer rouge dessus la peau des bannis du monde idéal et merveilleux de la grande écriture et les conventions d’obligations et d’interdits j’entravais que dalle pour causer comme notre poteau Bardamu ! Je venais tout juste de mettre à réchauffer mon premier ours dans la casserole des petites histoires et je ne savais fichtre pas où je mettais les arpions en entrant dans la galère des éditions… Une fois sorti l’animal il avait eu la chance de bénéficier de l’intérêt d’une amie professeur d’Université qui nous a invités à l’intérieur d’une grande tour de verre où il a fallu causer devant ses étudiants de la façon dont cézigue pas du tout élevée au sein du sanctuaire je secouais la plume au‑dessus du papier blanc… Et ça me faisait rigoler tout doux vu que pour tout dire et comme c’est le cas de qui commence quelque chose avec la dose d'étourderie qu'y faut j’en savais pas grand-chose… Elle se doutait pas que celui qu’était à l’origine de mes griffures c’était le Docteur Destouches justement celui‑là même dont il était hors de question de prononcer le blaze dans les cours de la haute tour de verre transparente et reluisante et à mézigue non plus de Céline on n'avait jamais bavassé dans les écoles… Une ronde des muets quoi !

Panneau-du-cimeti-re.jpg

Ouaouf !… son regard qui m’a ratatinée direct quand j’ai eu dit que c’était Céline qui que… ça m’a coupé la chique illico et j’ai bafouillé je ne sais trop quoi d’inaudible… j’avais pas prévu et j’étais dans l’ignorance de l’omerta et de la violence de mort qui va avec… Au retour direction la Gare du RER elle m’a accompagnée au milieu des bâtiments en dédales vidés des gens et des parkings couleur de mûre écrabouillée et avant de me remettre dans le dur elle m’a asséné d’un ton qui disait que j’avais pas la possibilité de la ramener : “ Ce type c’était vraiment une ordure !… ” et les portes se sont claquées là‑dessus et Hop !… Ouaouf !… Ouaouf !… Et pourtant y sont pas tous de la même veine les montreurs d’ours des maisons fastueuses et y a pas que Gaston qui a mis le paquet pour l’obtenir à l’époque la prose féerique de Céline… C’est encore Monnier qu’a eu l’expérience quand il s’acharnait pour la republication de Voyage “ En 1948, obtenir que l’on parle de Céline autrement qu’en le traînant dans la boue, c’est pas du puits d’amour. ” Cette phrase on peut la recopier telle quelle pour 2011 croyez pas ?

Mais lui Monnier il n’était pas du genre trouillard et en bon Breton il l’avait comme Céline l’obstination aux tripes heureusement vu que ça allait se lever haut la racaille pour le mettre à mal vous imaginez… “ Je demandai une audience et fus rapidement reçu. Je racontai mon voyage et ma première rencontre avec Ferdinand… Paul Lévy m’écoutait, sans manifester d’autre sentiment, qu’un très sincère intérêt. ( … ) Je le revois tout petit dans son grand fauteuil… Il se pencha en arrière… ‘ Pauvre et grand Céline… Comment peut‑on s’acharner sur cet homme et que lui reproche‑t‑on ?… Comment ne comprennent‑ils pas que Céline est un grand poète et qu’il a le droit de tout dire ?… ” Paul Lévy était le directeur de l’hebdomadaire “ Aux écoutes ” où Pierre Monnier marnait comme dessinateur‑pigiste qui on s’en serait douté était juif n’avait pas la hargne des chiens de garde qui nous empoisonnent l’atmosphère de Meudon à Courbevoie Seine à cette heure… “ Mais si cuirassé, si amer qu’il fut, Ferdinand me dit à plusieurs reprises combien il avait ressenti la marque d’amitié de Paul Lévy qui jusqu’au procès final prit sa défense, impavide et indifférent aux insultes dont on l’abreuva. ” Ouais c’est vrai… on peut l’affirmer que Céline tout malvenu et cornichon qu’il soit avec sa truffe d’imposteur à la ramasse et son allure d’enchanteur déchu gardant jusqu’à l’extrême instant le portrait de ses vingt piges aussi accoquiné avec la tronche des anges que Rimbe à dix‑sept ans est capable de ramasser dans sa pogne les ennemis les plus déterminés à le descendre aux enfers infinis et les amis les plus passionnés et les plus dévoués…

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Ouaouf !… Sûr qu’il faut pas croire que notre Bardamu en dépit des haineux bavards baveux pendus à ses basques croupirait à Meudon au centre de son entresol tapissé de feuillets bruissant couinant hululant leurs chants d’arquebusiers cosmiques qu’aucun autre fomenteur de sonnets ou manipulateur de pamphlets n’aurait pu atteindre la cible comme eux qui toujours s’éloignait et encore et toujours… non faut pas croire qu’il se terrait là l’isolé fantôme de l’autre côté de sa lessive de pages fumantes séchant aux mauvaises ampoules et à la torpeur moite qui faufilait par les soupirails dans l’abandon de tous… Et ceux qui aiment autant le personnage qu’il compose et décompose au fil de ses colères de ses enthousiasmes frénétiques et de ses désespoirs absolus prêts à sécher au vent de toutes les douceurs enfantines qu’il laisse surgir d’un coup avant de les engloutir à nouveau savent tous que l’épopée effarée de Bardamu n’aurait sans doute jamais été écrite si son créateur et maître n’avait pas été ce que Monnier appelle “ ces êtres surdoués pour se faire gratuitement des ennemis, quels que soient les faits et les circonstances. 

Ses plus grands poteaux étaient les plus fidèles tout comme la famille des animaux familiers. Ce qu’y a de bien quand on a le caractère qui ne transige pas avec la bêtise et la médiocrité qui fabrique les petits valets en masse et les arrivistes du spectacle qui radinent pour les places les meilleures dessous les ruisseaux dorés des projecteurs c’est qu’on n’est pas embouscaillé longtemps par les serviteurs ni par les maîtres de l’orchestre mité dedans leurs costumes de canailles dérisoires… On l’a vu drôlement nous autres la chienne Bonnie et mézigue à l’époque où mes petites écritures faisaient râler les prétendants au trône de papier mais ça leur a passé vite fait et c’est là que les frangins les vrais les poètes qui sont aussi rares que les visiteurs de l’aube resserrent les rangs et qu’on finit par n’être entourés que par des êtres aussi aériens et scintillants que les combures minuscules des étoiles… Pour Ferdine c’était Marcel Aymé Arletty Marie Canavaggia Henri Mahé Robert Poulet Roger Nimier Pierre Monnier Rebatet Pulicani et le médecin des bestioles le docteur Willemin et quelques autres qui ne l’ont jamais lâché et qui avaient faut le dire hein ?… la gouialle et la trippe pour tenir haut la dragée aux bas du front qui tentent d’user de leur pouvoir sur la couenne du dab qui crèche au ras du trottoir… C’était l’époque où on défendait ses poteaux et dans la littérature aussi y avait la solidarité de l’intelligence… Ouaouf ! Ouaouf !…

Marcel il avait pas hésité à refuser la légion d’honneur que voulait lui accrocher Vincent Auriol et il l’avait pas mâchée sa répartie “ Votre légion d’honneur et vos plaisirs élyséens, vous pouvez vous les carrer dans l’oignon. ” Et Hop ! L’était beau le temps où les mijoteurs de rêves n’avaient rien à faire des cuistots de basses-cours… Mais la terreur quand on est un écrivain dont “ L’enracinement populaire met l’œuvre à l’abri des fluctuations de la mode et des variations de la classe écrivante comme l’écrit encore Monnier et quand on stigmatise “ sans défaillance le règne des forces contraignantes qui régissent les peuples, les soumettent à leurs caprices, et les envoient aux abattoirs ” elle n’arrive pas au petit matin comme un tranchant de guillotine et puis on en cause plus…Oh non ! elle ramène en loucedé traînant du popotin et se dandinant dans les soutes les arrière-cuisines les caveaux et elle accomplit son œuvre de séparation d’avec les gens simples ceux qui pourraient vous lire si on ne les empêchait pas de connaître vos bouquins de les acheter et peut-être un jour d’en bercer quelques pages entre leurs paumes comme elles ont tenu tant de fois l’outil avec le savoir‑faire et la bienveillance des gueux… 

“ Les temps ont changé. En 1952, la terreur qui règne dans les milieux littéraires est d’une efficacité consternante.  ( … ) Deux trois semaines après sa parution, Féerie pour une autre fois tombe à plat. ( … ) Et pourtant, ça n’est pas aveuglement de ma part, ce n’est pas la foi du charbonnier, je sais que “ Féerie ” est un livre d’une richesse, d’une beauté verbale, d’une poésie bouleversante… ” ( … ) Sûr qu’ils ont changé les temps et que sans ses poteaux justement il y allait droit au casse‑pipe Céline et qu’on l’aurait enterré tout vif avec son tombereau de roses dans le casino baroque de Saint‑Malo “ … du berceau au ‘ de profundis ’ la rose répond du ciel pour vous… ” Ce que c’est drôle l’existence quand même vous trouvez ? Le Casino de Saint‑Malo la chaussée du Sillon que les morceaux d’océan céladon embarquent à pleine écume les jour des hautes eaux la douceur des jardinets face au grignotement salé des brumes et toute cette jetée qui n’a pas de fin et qui continue continue jusqu’au Grand et au Petit Bée… c’est de par là qu’ils sont venus du côté de mon paternel et pour les faire jacter ça j’ai jamais pu… Ouaouf !… Ils voulaient pas moufter et ma mother non plus et c’est bien par le hasard que l’ankou est passé par là et qu’il m’a soufflé aux esgourdes d’aller piocher mes racines du côté du pays malouin et puis de Rennes aussi pour bien faire… Ouaouf !…

  Bateau-Jos-e.jpg

“ La malle de Jersey s’annonce…se dessine… effleure l’horizon… frôle la bouée, la sonore, bourre à la lame… grandit, détache sur Cézembre… c’est de la brisure de mousse partout…mille récifs et le fort‑royal ! le majestueux rafiot borde…mille miss en mollet sautent, s’échappent… ah !…s’égaillent !…riantes !…pépiantes !…d’un pensionnat on ne sait d’où ?…retenues par le temps quelque part !…deux nègres caracolent tout autour ! mandolinant ‘ ministrels ’…c’est pas d’hier… et pensionnaires ! ”                                                                                             Féerie pour une autre fois

Que ceux qu’ont pas erré comme nous autres la foutue cavaleuse la carne de Bonnie toujours à se chercher un cabot à la renifle des derrières ci et là bohémienne de tous les quais pire que cézigue ah ouiche !… que ceux qu’ont pas fourni l’effort à l’encontre des zephs marins les plus corniauds les plus forcenés à nous déloquer nos costumes rigolos dessous l’éponge des embruns à nous arracher nos houppelandes de mirontons de la banlieue qui en peuvent plus sitôt qu’ils avalent la goulée du cavaleur océan… que ceux qu’ont pas failli tout de bon finir fétus entortillés bohêmes vagabonds sans grappins sans amarres ficelés par mille tornades de givre ramené des déserts salés d’Ethiopie et roulés là comme tonneaux au ras des appontements dans les crachins et les bourrasques de l’hiver remontant son manteau de sable à nos esgourdes ne captent pas la magie des éblouissements du vieux Céline qui ne pouvait pas vivre sans maginer les remparts de la forteresse Vauban se dressant devant lui qui était au moins leur Don Quichotte moulinant chaloupant zigzagant face à eux mais sans combat oh non !… que tous ceux‑là nous jettent par‑dessus bord et Hop là !… Ouaouf !… Ouaouf !…

 Bord-de-Seine---Meudon.jpg

Bon alors à demain !

 

 

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26 mars 2011 6 26 /03 /mars /2011 21:47

    grenadier 2  Bon... vous l'aurez assez attendu... voici mon article sur la folie des guerres avec Camus comme point de mire... Je voulais le passer sur deux jours car il est dense mais pour la commodité de la lecture je vous le refile d'un seul tenant... J'ai mis quelques jours à l'écrire car Camus vaut qu'on se dépasse encore plus que d'habitude... En espérant ouvrir une brèche lumineuse dans l'obscur des jours...

Les sonneurs de mortDroits-de-l-homme.jpg

Paris, samedi, 26 mars 2011

           C’est juste au moment où le printemps se pointe comme un galopin frais et joyeux que les sonneurs de mort se sont réveillés cette année d’habitude ils choisissent l’automne la saison où tout se recroqueville et se ratatine sur soi ça leur va beaucoup mieux… Ils sont donc en train de nous pourrir notre printemps léger des peuples qui avait pourtant bien commencé mais d’y croire c’était sans compter avec ce qui se trame depuis quelques années… enfin un bon nombre d’années tout de même et qui n’est pas seulement un mauvais cauchemar à écarter de la main dès qu’on est réveillés… Plutôt que de vous écrire le millième article commentant les monstruosités de Mouamar Kadhafi ce barbe‑bleu assoiffé de sang dont pour ma part j’ignore tout de ce que pense son peuple c’est‑à‑dire les différentes tribus qui composent le pays libyen, et vantant les mérites révolutionnaires de ses opposants anges pacifistes s’exhibant avec colliers de balles et autres jouets militaires et se référant à l’ex roi Idriss dont j’ignore pareillement tout des projets réels et des idées politiques s’ils en ont… je vais m’envoler cormoran black si je peux un peu au‑delà de ces commentaires de bistrot et vous causer de nous…

De nous et de notre propension de peuple gaulois à aimer certaines postures dévotement et très obsessionnellement et à les remettre sur le tapis avec l’aide bien sûr de quelques ahuris qui ont endossé le costume de scène de maîtres à penser depuis que ceux qui devraient jouer ce rôle ont décampé ailleurs et nous ont tranquilles et malfaisants abandonnés… Camus est mort on le sait ça fait un bout de temps et quand je m’acharnais à dix‑sept ans à la lecture de L’Homme révolté je ne me doutais pas que pas mal d’années après je serais à nouveau en train de farfouiller au creux des pages de ce vieux bouquin jauni aux feuillets qui se défilent et qui n’a pas vieilli d’une ligne pour y trouver comme dans les autres écrits libertaires de Camus d’ailleurs quelques petites loupiotes dans notre redoutable nuit actuelle…

Voici un petit extrait qui m’a fait bondir à le relire et remémorer car j’étais tout juste en train de chercher quelque chose qui m’aide à faire le lien entre la guerre menée par un homme fou de pouvoir personnel haineux et destructeur en pleine décadence contre un pays du Maghreb africain qui ne le menaçait pas vraiment, et son désir d’entraîner ce pays le nôtre vers un fascisme sournois de plus en plus belliqueux à l’encontre de sa propre population d’origine africaine… Cette citation est tirée du chapitre intitulé “ Le terrorisme d’Etat et la terreur irrationnelle ” et elle fait référence aux fascismes italien et allemand du début du 20ème Siècle…

“ Le seul homme de culture supérieure qui ait donné au nazisme une apparence de philosophie, Ernst Junger, a d’ailleurs choisi les formules mêmes du nihilisme : ‘ La meilleure réponse à la trahison de la vie par l’esprit, c’est la trahison de l’esprit par l’esprit, et l’une des grandes et cruelles jouissances de ce temps est de participer à ce travail de destruction. Visage sang

Vous allez peut-être être étonnés que je colle une phrase aussi puissante dans sa noirceur et sa gravité sur la situation que nous vivons au présent ces jours‑ci et qui n’a pas cessé de devenir de plus en plus démente au fil des mois depuis que toute conduite sensée et consciente a disparu dans le comportement de ceux qu’on est obligé de regarder comme “ des dirigeants ” même s’ils ne dirigent plus rien ou bien des “ guides ” et ce terme qui nous en rappelle d’autres est sacrément intéressant… Eh bien quoi… il me semble à moi que ça fait bien longtemps qu’on n’a pas de cette manière trahi à la fois la vie par l’esprit et l’esprit par l’esprit en associant à la tête de cette affaire d’Etat deux personnages comme N Sarkozy et BHL qui tous les deux nous mènent l’un par l’action et l’autre par sa théorisation vers la haine et le mépris de l’autre à l’intérieur et vers l’anéantissement de cet autre à l’extérieur avec pour prétexte dans les deux cas de lui venir en aide de le libérer d’un mal bibliquement agrippé à ses basques et de répondre ainsi à son attente passionnée et à la nôtre…

Et nous y revoici à nos penchants gaulois pour la guerre qui a forcément sa raison raisonnable celle d’apporter la justice la bonne façon de gouverner le monde la liberté et la culture la seule la bonne la nôtre… à tous ces peuples arriérés tenus en esclavage soit par leur propre bêtise comme c’était le cas des Arabes et Africains colonisés soit par des tyrans pas éclairés du tout… Allons enfants… ! casser du bicot et du négro et puis du boche et puis de n’importe qui du moment qu’on y retrouve un peu de notre grandeur défaillante de notre cohésion nationale qui dérape et s’écrabouille entre la misère sociale des uns qu’on laisse crever au trottoir et la hantise des autres qui ont beau être nos compatriotes depuis bientôt trois générations mais les voilà toujours en train de nous piquer notre pain et le sac à main des vieilles dames dans les cités de la banlieue féroces… en avant et qu’un sang impur… ! 

Et l’évocation de ce fameux sang n’a rien d’innocent elle est toujours là où il faut nommer l’origine biologique des peuples pour justifier ou dénoncer leur vigueur natale et la puissance au combat qui l’accompagne on s’en doute et de l’autre côté leur lâcheté et l’évidence de leur infériorité physique ou pire la cruauté qui depuis toujours les caractérise… Qu’importe que les hommes maghrébins et africains aient en très grand nombre participé à “ nos guerres ” françaises et que tant d’entre eux soient couchés ici sous la terre... il y en a sur cette terre de la métropole justement aujourd’hui encore qui dénient à leurs fils et à leurs filles d’avoir au moins au nom de ce sang versé un droit sur le sol où ils vivent et où ils sont nés… Et c’est en suivant ce fil qu’on voit combien aucune guerre accomplie au nom d’un Etat de son armée et de sa police… non aucune guerre ne garantit d’appartenir au peuple aux côtés duquel on s’est battu pour un idéal ou pour un rêve communs car aucune guerre ne sert aux peuples de ciment ni de lien au contraire…

“ Quand Mussilini exaltait ‘ les forces élémentaires de l’individu ’, il annonçait l’exaltation des puissances obscures du sang et de l’instinct, la justification biologique de ce que l’instinct de domination produit de pire. ” En lisant ces mots que je pioche encore dans “ Terrorisme d’Etat et terreur irrationnelle ” de L’Homme révolté, je me dis que nous y voici revenus à cette exaltation du sang et de l’instinct de tuer, celle qu’on n’agite pas sans un projet monstrueux ou une folie absolue et probablement les deux sous le nez d’une population qui réclame avec le sentiment que c’est son dû un présent dont elle soit heureuse et fière et qui l’enthousiasme et un avenir sans menaces épouvantables avec les portes des grands abattoirs toujours ouvertes devant elle… Sur un champ de bataille criblé de tirs de missiles ils ne pousse pas de blé et les moissons d’images d’horreur qu’on nous prépare grâce à des moyens de diffusion et de communication que toutes les maffias savent utiliser à leurs fins remplaceront rapidement celles dont les livres de Jean Giono le pacifiste “ Que ma joie demeure ” et “ Regain ” ont généreusement nourri nos enfances sans massacres…Enfants-Gaza-2.jpg  

Oui nous y revoilà comme toujours à réagir avec la même façon d’automates avides d’une autorité irrésistible d’une main de fer d’une poigne brutale et sans pitié qui réponde à notre égarement au loin de toute pensée humaine de toute intuition généreuse et ambitieuse pour nous et pour le monde… Tout juste après nos grandes guerres dont Céline disait qu’avec des types‑là on ne savait pas si ça allait finir un jour la boucherie on a rien arrêté du tout… 1945 De Gaulle et Sétif et la guerre d’Algérie à partir de 1954… 1990 Mitterrand et l’Irak… et maintenant on a 2011 Sarkozy et la Libye… Dans ma mémoire ces dernières années ont été inégalées quant à leur frénésie de violence sociale de rapports humains dégénérés et autistes d’affrontements entre générations, entre pauvres et riches, entre français de souche et français issus de l’immigration et elles ont préparé le festin d’un racisme anti‑musulman anti‑arabe et anti‑blacks qui me fait fort malheureusement penser aux années où en Allemagne couvait la haine raciale anti‑juive qu’on sait…

“ A ceux qui désespèrent de tout, ce ne sont pas les raisonnements qui peuvent rendre une foi, mais la seule passion, et ici la passion même qui gisait au fond de ce désespoir, c’est‑à‑dire l’humiliation et la haine. Il n’y avait plus de valeur, à la fois commune et supérieure à tous ces hommes, au nom de laquelle il leur fut possible de se juger les uns les autres. L’Allemagne de 1933 a donc accepté d’adopter les valeurs dégradées de quelques hommes seulement et essayé de les imposer à toute une civilisation. Faute de la morale de Goethe, elle a choisi et subi la morale du gang. 

Et quelles valeurs plus dégradées n’acceptons‑nous pas par ces temps où le fric la corruption des élites du pouvoir et intellectuelles les trahisons de la confiance que peut mettre un peuple dans une justice indépendante et sereine qui en arrive à des jugements de classe et selon l’origine des uns et des autres… les manipulations de la presse et des médias d’une opinion girouette… les mensonges multiples et l’humiliation quotidienne de ceux qui n’ont plus ni travail ni logement… sont devenus les seules balises sous nos yeux affolés dans une tourmente et un chaos qui sont aux mains de toutes les sortes de “ gangs ” et de maffias qu’un Etat peut couver sous son gros corps gavé et repu… “ La morale du gang est triomphe et vengeance, défaite et ressentiment, inépuisablement.” Et la vertu néfaste et nauséabonde des chefs qu’ils soient d’Etat ou de guerre et dans ce cas c’est la même chose c’est d’avoir le rayonnement sombre qui attire les peuples devenus incapables de concevoir une utopie nouvelle et généreuse une vision universelle naissante partagée avec d’autres qui rendent impuissantes ces pulsions morbides illustrées aujourd’hui par la terreur nucléaire et le déchaînement des forces guerrières en Libye… Car ne nous y trompons pas ces forces destructrices dans les deux cas sont les mêmes…

“ Ainsi Rosenberg parlait‑il pompeusement de la vie : ‘ Le style d’une colonne en marche, et peu importe vers quelle destination et pour quelle fin cette colonne est en marche ’ Après cela, la colonne sèmera l’histoire de ruines et dévastera son propre pays, elle aura au moins vécu. camus01.jpg

Et ce mouvement cette agitation sans répit qui évite à l’être de se poser la seule question qui vaille la question de l’homme dans sa solitude et sa dignité face à tous les Etats à toutes les armées à toutes les polices et toutes les forces qui veulent le contraindre à agir dans l’inconscience et l’insensé, cette frénésie de l’affrontement et du conflit, cette passion pour la grandeur et la puissance ultimes qui au lieu de protéger anéantissent et sont en quête perpétuelle d’un Graal à ne jamais atteindre pour continuer à armer sans fin ses troupes en vue de mener des guerres à l’intérieur de pays où les populations vivent selon des contextes de clans souvent rivaux et prompts à s’opposer, où des minorités sociales et religieuses demeurent faciles à manipuler suivant le principe de la hiérarchisation du monde en puissants et misérables… les fameux loosers et winers modernes… tout ça ne vous rappelle pas quelqu’un hein ? 

Ces pseudo maîtres du monde se ressemblent tous et leur particularité si on les observe bien c’est qu’ils n’ont réellement aucun projet ni aucune vision d’avenir à l’égard de ceux qui les ont laissé agir en leur nom jusqu’ici et qui ne savent plus comment les arrêter… Il n’y a pas de but à leurs actes ni à leurs gesticulations ivres il n’y a que l’action en elle‑même dans toute sa démesure et l’orgie de violences qu’elle procure qui les guide et les motive, agir par le moyen de la guerre, de la répression, de la terreur, et faire de chacun de ces moyens une fin en soi c’est la raison d’être de toutes les dictatures, de tous les Hitler, les Franco, les Pinochet et par d’autres détours encore plus subtils des Kissinger, des Bush, des Thatcher et des Sarkozy…

“ Seule, l’action le tenait debout. Etre pour lui, c’était faire. Voilà pourquoi Hitler et ses régimes ne pouvaient se passer d’ennemis. Ils ne pouvaient, dandies forcenés, se définir que par rapport à ces ennemis, prendre forme que dans le combat acharné qui devait les abattre. ( … ) Le combat permanent exigeait des excitants perpétuels. ”

Eh bien ouais ! on s’en serait douté qu’il leur faut à tous ces drogués par l’illusion de la grandeur suprême et totale qui juste après le trône d’or massif et de sang n’a plus que la mort à offrir ce spectacle étourdissant les masses comme ils les appellent... leur dose quotidienne d’excitation meurtrière et c’est bien là où nous en sommes ces temps‑ci… Ils ont réussi leur plus belle opération quasi universelle de stupéfaction des hommes d’un bout à l’autre de notre terre bleue… Ils ont réussi à nous bourrer de peur, de ressentiment et de malheur pour des semaines des mois des années peut‑être et c’est là leur plus grande victoire sur la vie légère et douce du printemps qui vient et c’est là qu’il nous faut inventer encore d’autres moyens pour nous protéger de leur nuisance et du poids énorme qu’ils nous convient à porter comme Sisyphe infiniment et qui nous écrase alors que nous le refusons de toute notre histoire de peuples rebelles comme nous l’avons refusé en 1870, en 1917, et à chaque fois qu’ils ont voulu nous faire nous entretuer…

“ Mais l’ennemi perpétuel c’est la terreur perpétuelle, au niveau de l’Etat, cette fois. L’Etat s’identifie avec ‘ l’appareil ’, c’est‑à‑dire avec l’ensemble des mécanismes de conquête et de répression. La conquête dirigée vers l’intérieur s’appelle propagande ( ‘ premier pas vers l’enfer ’ selon Frank ), ou répression. Dirigée vers l’extérieur, elle crée l’armée. Tous les problèmes sont ainsi militarisés, posés en termes de puissance et d’efficacité ”

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Et au moment où j’écris ces mots qui sont destinés à un Etat fasciste des années 1930 je suis frappée par leur actualité brute et brûlante… Chaque heure nous abreuve d’une nouvelle dose d’émotions qui se situent sur notre arc‑en‑ciel entre l’hystérie de la vengeance et de la haine et la jouissance de la destruction relayées par les médias titrant au choix : “ les victoires de la coalition… ” “ l’élimination massive des forces adverses… ” sans parler des formes plus raffinées et perverses comme : “ la capture par les rebelles des mercenaires noirs de Kadhafi… ” nous suggérant qu’en fait les Africains sont nos vrais ennemis dans cette affaire où nous sommes les défenseurs des bons Arabes qui, s’ils passent leur temps à crier en montant à l’assaut “ Allahu Akbar ! ” ne débitent pas les gens à la machette eux… Et je ne vous raconte pas le contenu des “ macabres découvertes des insurgés sur la route d'Ajdabiya ” décrites avec délectation et racontées de la bouche même d’un de ces hommes dans le journal Le Monde

Comment ne pas être persuadés qu’une fois de plus nous sommes la civilisation blanche qui vient à point pour dégager la barbarie du Sud ?… Et puis si on n’était pas encore sûrs nous voilà transformés en voyeurs repus au festin de la mort avec les images des corps entassés des soldats de Kadhafi rectifiés… “ La vraie logique de ce dynamisme était la défaite totale ou bien de conquête en conquête, d’ennemi en ennemi, l’établissement de l’Empire du sang et de l’action. ” Combien de fois n’a‑t‑on pas entendu depuis le début de cette guerre civile libyenne les obsédés de la passion militaire nous répéter en boucle : “ Mais qu’est‑ce qu’on attend pour passer à l’action ? ” pris qu’ils étaient par une tension irrésistible cérébrale et musculaire, un besoin de faire jaillir au dehors toute cette frustration que l’appel à la grande tuerie alimentée par toutes les voix concordantes politiques et médiatiques reprises en écho de bistrot en bistrot rendait insupportable plus longtemps…Camus 2

Ouais c’est certain qu’en dehors de toute considération concernant la nécessité pour l’Occident de maîtriser les révolutions arabes mises en route de manière spontanée par les peuples aliénés et de les utiliser afin de consolider l’ordre mondial propice à leur rapacité en passe de devenir un joli désordre printanier, cette chasse au mercenaire africain la machette entre les dents tombe on ne peut mieux pour réveiller chez le Français en proie au sommeil hivernal et digestif une hargne qu’il pourra selon les cas une fois la Libye mise en pièce et son peuple occupé à s’écharper sur place, retourner contre les jeunes Blacks des cités ou contre les sans‑papiers maliens qui refusent honteusement de servir de viande à neutrons dans les sites nucléaires pourtant entourés de gazon à pâquerettes fluorescentes de fleuves sans poissons au reflets roses et chocolat et de panaches de fumée crépitant leurs jolies étincelles de césium multicolores…

 Le fascisme, c’est le mépris, en effet. Inversement, toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme. Il faut ajouter que le fascisme ne peut être autre chose sans se renier lui­‑même. ” ( … ) “ Parlant d’une telle révolution, Rauschning dit qu’lle n’est plus libération, justice et essor de l’esprit : elle est ‘ la mort de la liberté, la domination de la violence et l’esclavage de l’esprit ”.

Il me semble aujourd’hui alors que tout est en train de nous pousser à basculer vers l’irrationnel nourrice abondante de toutes nos peurs de l’autre de l’avenir et de l’absence de dieux ou de maîtres souverains, qu’une chance nouvelle et inattendue nous est offerte parce que justement ces moments que nous vivons là sont empreints de gravité et qu’ils nous renvoient à notre responsabilité commune, de choisir enfin le monde que nous désirons avec pour commune mesure la vie… Sans doute s’agirait‑il ainsi que le fait dire Camus à Rieu dans La Peste de Enfants Gazacesser d’être du côté des héros pour être enfin du côté des hommes… 

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22 janvier 2011 6 22 /01 /janvier /2011 01:12

Ah ben ! en vla une bien bonne qui nous arrive dCeline04.jpgirect du côté des bouffons alors... que notre Céline et son poteau Bardamu il n'seront pas mis à la   te cette année pour les 50 ans de leur passage du côté des neigeurs de lune hein ?

 

Ben heureusement encore ! Qu'y nous manquerait plus que ça qu'ils nous  bousillent Céline l'anarchiste en lui récupérant sa tronche de magicien et tout le pataquès des mots fées qu'il a turbinés des heures de damné à nous expédier au tarbouif ! Ouais manquerait plus !

 

C'est nous autres qu'allons lui faire une bamboula du tonnerre des diables à Céline vous allez voir ça tiens ! Et qu'on n'va pas attendre le premier juillet pour s'y coller et d'abord voici la suite du premier épisode du chien du monde tout chaud et tout frétillant d'la queue Ouaouf !

 

Et du coup je vais m'y remettre à vous l'écrire ce chien fatiguez pas va... vous l'aurez et il sera aussi fou que c'est possible ! Allez Zouh !

 

 

 

 

 

 

 

Le chien du monde 2


Ce qu’elle a dû entendre quand elle était môme à Courbevoie du côté de son père qu’était employé au dépôt des tramways et de sa mère lingère ça l’avait formée d’avance à la glossolalie des faubourgs qu’elle met comme Céline dans la bouche de ses personnages tous plus ou moins sortis des bas fonds et des quartiers de pauvreté qui traînent leurs loques de costumes le long du fleuve Arletty… La Seine… le fleuve ou bien les goulées étroites du Canal Saint‑Martin quand les écluses à l’intérieur de la ville lui serrent le kiki… ses ponts tournants aux mécaniques qui grincent et aux passerelles qui ont servi à tous les mômes de tremplin pour se faire du danger à deux ronds quand elles s’ouvrent qu’elles se ferment et qu’on sautait par‑dessus les rambardes vert pomme… La Seine… le fleuve… les gamins d’la banlieue on s’y retrouvait comme attirés par ses remous troubles et ses noyés pas toujours ceux qu’on voudrait les héros malheureux d’une histoire d’amour qui ressemble à celle qu’on voit dans Hôtel du Nord… 

Non pas toujours… plutôt des noyés pareils aux immigrés du bidonville d’Aubervilliers… les Algériens du chemin du halage… y avait encore des cabanes moitié ruines de tôles et de planches de récup toutes les couleurs avec autour des terrains de boue et comme des jardins friches grignotés par des bouquets de ronces énormes où on s’écrasait dans la bouche des fournées de mûres quand on était p’tits. Ouais c’est ça… les Algériens eux aussi ils avaient posé leurs baraques au rebords du fleuve… ils étaient attirés pareillement aimantés comme nous autres quand on courait dès qu’on entendait le bruit qu’on reconnaissait de loin le ploup‑ploup‑ploup… des péniches… On se disait qu’un jour on monterait là‑d’dans on quitterait pour toujours les rues de suie on s’en irait… Mais les Algériens eux qui étaient venus d’un pays sans eau peut‑être qu’ils regardaient couler là devant eux toute la peine qu’ils avaient accumulée quand ils avaient quitté les déserts du Sud et leur frénésie et leur grandeur malgré la misère… Après que le bidonville ait été rasé définitif les vieux hommes et les vielles femmes immigrés c’est au foyer de La Briche qu’ils se sont entassés pour finir à nouveau près du fleuve comme si c’était écrit… c’était leur destin en quelque sorte… 

Ouais faut le dire que dans les banlieues… les faubourgs comme on les appelait à l’époque d’Arletty et de Céline y a les villes qui ont leur fleuve avec ses ruminations et ses brouillards à embarquer l’imaginaire qui les traverse et puis y a les autres… c’est ça qui fait la différence… la classe quoi ! Arletty elle l’avait dans la gorge la rumeur rauque des quais leurs brumes et leurs fumées qui raclent et sa lecture de Voyage avec Michel Simon que j’avais entendue peu après celle de Céline lui-même elle m’a doceline-et-arletty.jpgnnée à moi aussi envie de lire ce texte à haute voix ce que j’ai fait au moins pour la moitié du bouquin.

Et c’est comme ça que la langue de Ferdine moi aussi je l’ai aboyée… grognée… chuintée… gueulée…

Et c’est là que le chien du monde et moi on a commencé à être de bons camarades et à renifler la trace des langues des rues qui font la retape et qui nous prennent avec du sentiment et de l’atmosphère…

Ouaouf ! Ouaouf !…

Ouais c’est ça… Ouaouf ! Ouaouf  pas mort Céline!

Vivant dans sa langue à vif et dans les milliers de bafouilles qu’il a écrites aux poteaux de Montmartre aux critiques aux journaleux baveux aux régleurs de comptes de tous les comités d’épuration et aux autres ! 

Partout où il les charmait pourfendait de sa botte favorite l’humour ultralucide y a plus que la durée de la vie d’un homme… Y a du temps cosmique explosé en millions de myriades de comètes de rires et d’émotions qui en finiront jamais d’époustoufler ceux qui le liront et de les convaincre à faire de leur existence le plus énervant et bohème des feux d’artifices. S’il le flaire bien et s’il a la truffe chiennement fine aussi F. Vitoux quand il débobine le fil qui a existé du départ pour Ferdinand Destouches‑Louis Céline ses deux personnages reliés d’un trait rouge de la médecine à l’écriture… son dédale rien qu’à lui…

“ Et Destouches‑Céline allait bientôt, lui aussi, plonger dans la nuit, forcer son rêve dans les plus convulsives promiscuités que la littérature aurait pour charge de traduire. Comme Semmelweis, Céline allait être un accoucheur, un inventeur romanesque de formes et de personnages, il allait donner en quelque sorte la vie pour mieux en épier ensuite l’atroce et bref sursis, pour assister, romancier démuni et rageur, médecin du dérisoire, à tous les râles et sursauts de la mort. ” La vie de Céline, Frédéric Vitoux, p. 242 )

Drôle quand même qu’un type qui ne pouvait pas blairer les agitations cornichones les envoûtements à la parlote ni les visiteurs casse bonbons des tas… il nous ait tous un peu enchantés par le fait… Enfin ce qu’on peut dire le chien et moi c’est que s’il y’a bien une chose qu’on sent du Docteur Destouches quand on zone le long des rives aux péniches de plus en plus pourries… une chose qui nous remonte de tout ce pourrissement des mondes et des êtres c’est sa gentillesse ouais… Oh ! pas une gentillesse innocente non… et c’est ça qui est fortiche…  Ferdinand s’il est furieux c’est vrai il garde pourtant une gentillesse qui sait… pour les gens ordinaires des pareils à nous autres qu’il allait soigner le soir du côté de la Seine justement sa vieille malade cancéreuse elle l’attendait… Et lui par Le sentier des bœufs il descendait… le sentier qu’existe encore de nos jours et que c’est si étroit que pour sûr le bœufs ils allaient boire à la queue leu leu au géant abreuvoir et puis ils remontaient tranquilles et braves dans le soir aussi…

Et Céline probable qu’il les avait en lui ces images-là d’une bienveillance animale comme il aimait et que ça lui faisait bien plaisir… Alors ces notes dans ses Cahiers de prison ça ne peut que nous toucher forcément…louis-ferdinand-celine-a-meudon.jpg

“ [ Folio 4 I°  ] – 

Le lendemain visite Courbevoie – à Marie – A Arletty – Lucette est née là tout près – rue St Louis‑en‑l’île – Bébert à la Samaritaine – On est < nés > tous les trois bien nés sur les au murmure des berges < par le fait > ‑ on va nous s’arracher de là ‑ < cela compte peut-être pour nous avoir donné bien de la gentillesse à tous les trois > ‑ C’est toujours aux rives à ces rives que je reviens – c’est là entre les ponts que je sens bien ma

[ Folio 4 V° ] vie passer‑ ( … ) ”  

( Henri Godard, Un autre Céline Deux cahiers de prison Suivi de Lettres à Lucienne Delforge, Ed. textuel, 2008 Cahier 4 p. 55 )

A suivre...

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14 novembre 2010 7 14 /11 /novembre /2010 22:54

      Y a des mois de ça avant que je m'éclate l'épaule droite et que ça dure je vous avais fait la surprise d'une Petite chronique au sujet de Monsieur Céline et ceux qui lisent notre blog régulier savent que Céline c'est pour mézigue bien plus qu'un écrivain... Sur le coup de la grande jubilation de cette écriture vu que quand on cause de Céline forcé on entre dans un délire qui n's'arrête plus j'ai décidé d'en faire un bouquin de ma tribulation célinienne et puis après avoir bien entamé l'affaire j'ai laissé de côté parc'que Céline tout le monde écrit dessus n'importe quoi alors à quoi bon...

      Et pis voilà qu'avec la patte cassée le fantôme du géant oiseau black splendide de Meudon est venu tourner au-dessus de mézigue un de ces jours où y avait plus personne et plus rien et c'est encore lui sa silhouette familière comme quand on est allés au cimetière de Meudon l'ami Louis et moi lui faire un signe qui m'a redonné l'envie des mots et la force de l'émotion qu'il faut continuer y aller écrire aboyer Ouaouf ! Ouaouf ! Alors voilà des fragments de ces chroniques du chien du monde... des brouillons bien sûr hein ? Et pour le bouquin on verra... Céline c'est un vrai poteau y'a pas à dire !

Le chien du monde celine-louis-petit.jpg

Epinay, samedi, 14 février 2009

          “ Ces gens-là même que je regardais par la fenêtre et qui n’avaient l’air de rien, à marcher comme ça dans la rue, ils m’y faisaient penser, à bavarder au coin des portes, à se frotter les uns contre les autres. Je savais moi, ce qu’ils cherchaient, ce qu’ils cachaient avec leurs airs de rien les gens. C’est tuer et se tuer qu’ils voulaient, pas d’un seul coup bien sûr, mais petit à petit comme Robinson avec tout ce qu’ils trouvaient, des vieux chagrins, des nouvelles misères, des haines encore sans nom quand ça n’est pas la guerre toute crue et que ça se passe alors plus vite encore que d’habitude. ”

Voyage au bout de la nuit Louis-Ferdinand Céline Ed. La Pléiade, 1981

         Ouaouf ! Ouaouf ! Le revoilà ce chien du monde encore ! Ce sacré bon sang de clébard qui tient à la ramener chaque fois qu’on cherche à la lui faire fermer et qu’il y a péril pour sa peau pour ses poils pour sa tronche de vieux baroudeur d’utopies qui cavale d’un bout de cette carcasse de terre l’autre depuis quarante balais et le reste… Et pourquoi sa gueulerie vous me direz hein ? 

Ouais d’accord il se mêle ! il se mêle !… mais vous n’croyez pas qu’y’a lieu après tous ceux qu’on a vu crever ces derniers temps dans des guerres qui n’sont là que pour le rapport et la finance et bien endormir le populo comme toutes les guerres de toujours Hein ? Ceux qu’on a dégommés pantins du joli jeu de massacre… Paf ! Pif ! Paf ! pour le plaisir… et les autres les fabricants d’armement qui se repassent les jumelles et qu’applaudissent. Et la haine des larbins de la fricaille les chasseurs de négros et de basanés toute catégorie bien établis en ce monde-ci direction des gens du Sud… y’a pas de quoi se mêler des fois ? Et la cervelle en putréfaction des véreux politicards et rentiers gras qui mène la troupe des bigorneaux prolétaires et autres bouffons à se laisser estourbir au formol et sa morbide odeur qu’ils reniflent ravis… y’a pas de quoi ? 

Ouaouf ! Ouaouf ! La question qu’il se pose le chien qu’a la manie des interrogations dans son for intérieur vu que dehors les causeries des autres les humains intelligents il se mêle pas… il a pas lu assez il peut pas hein ? La question… ouais c’est ça… ce qu’il en aurait écrit Céline de la mort crépuscule d’aujourd’hui… la mort des p’tits loupiots n’importe où au fond du sas d’Arabie d’Afrique qu’on les surveille grouiller vermine emportée par le souffle puant de notre chaos moderne avec cette passion qu’ils ont dans leur bande de vieillards mafieux à faire du néant de ce qui veut à toute force s’entourlouper de la vie…

S’il y songeait déjà Céline à la cafardeuse manie de l’humain de malmener sa tribu et ses petits qu’aucune bête aurait l’idée… Dans son discours sur Zola à Médan en 1933 cité par François Gibault ( Céline 1932-1944 Délires et persécutions, Ed. Mercure de France, 1985 p. 59 ) ( Texte intégral in Cahiers Céline, n°1,  Ed. Gallimard, 1976 pp. 78‑93 ) il leur prédisait aux comiques que ça serait de pire en pire leur manière d’abominer le monde et c’est triste comme il avait raison alors !

“ Mais le goût des guerres et des massacres ne saurait avoir pour origine essentielle l’appétit de conquête, de pouvoir et de bénéfices des classes dirigeantes. ( … ) Le sadisme unanime actuel procède avant tout d’un désir de néant profondément installé dans l’homme et surtout dans la masse des hommes, une sorte d’impatience amoureuse, à peu près irrésistible, unanime, pour la mort. ( … ) Quand nous serons devenus normaux tout à fait au sens où nos civilisations l’entendent et le désirent et bientôt l’exigeront, je crois que nous finirons par éclater tout à fait aussi de méchanceté. On ne nous aura laissé pour nous distraire que l’instinct de destruction. C’est lui qu’on cultive dès l’école et qu’on entretient tout au long de ce qu’on intitule encore La vie. ” 

Céline ouais !… oh là là ! faut pas causer hein ?… Je vous ai effleuré déjà ce que le pas imaginable Docteur Destouches m’avait refilé… parc’que Céline excusez dans ma tronche d’ex môme de la banlieue zone d’indicible c’est d’abord toujours le “ Docteur Destouches ” … excusez ou excusez pas mais de l’époque d’après la première tuerie grandiose comme de celle d’aujourd’hui choisir la banlieue de n’importe quelle grande Babylone pourrie de peur effarement misère et compagnie pour marner dans la médecine c’est pas donné à tout l’monde… Et ceux qui n’ont souvent même pas assez de tunes pour aller se faire soigner les ratiches… excusez mais ils sont au parfum de c’qu’un toubib qu’est pas venu là par hasard ou parce qu’il a pas eu le choix mais à cause de son envie de filer la paluche aux gens des faubourgs c’est précieux ça ouais !

Le chien et moi on a pas cessé depuis notre vagabondage à Meudon d’essayer d’entrer en communication avec ce type trop incroyable qui soignait les pires lascars et qui en connaissait un bout sur l’âme des gens alors !… Ouaouf ! Ouaouf ! Mort Céline en 1961 dans la grande fournaise du juillet qui démarre et pose son couvercle de marmite banlieue sur la Seine aux brumes d’herbes folles… Vous y croyez vous ? Eh bien nous autres pour sûr qu’on y croit pas une seconde et qu’à chaque fois on la sent sa présence là au creux du fouillis des plantes en sauvagerie des bords de Seine comme il aimait aller s’y frotter avec Agar le grand chien terrible ! Pas dire qu’on les voit en chair et en poils non… et pourtant hein ?… des fois qu’on se pointe dans la Nightd’automne quand les ciseaux des rives taillent au creux des tissus des brumes des fantômes légers qui dansent entre les silhouettes noires des saules et des plantes d’eau géantes…celine-affiche.jpg

Mort Céline lui qu’a fait que s’empoigner avec la chienne d’existence qui lui tenait si fort à l’âme et à la peau qu’il s’est battu brandissant les armes en papier du chevalier Don Quichotte pas qu’on le traîne au gibet et Lucette et Bébert itou tant qu’il a pu ? Et même bien avant d’avoir entrepris de passer sa médecine et de boucler sa thèse sur le médecin accoucheur hongrois Semmelweis alors qu’il en revient juste de la grande tuerie déjà il s’intéressait à donner des tuyaux aux gens pas qu’ils soient dévorés crus par les maladies de la misère qui fréquente partout dans les milieux ouvriers. Oh ! c’était des choses simples… des conseils sur l’hygiène et des petites façons de se soigner comme on en a bien besoin dans les maisons des familles semblables à la mienne ainsi que le raconte Frédéric Vitoux dans son histoire de La vie de Céline, ( Ed. Gallimard, collection Folio 2004, p. 219 ) :

“ La paix pour lui ne changeait donc rien. La mort demeurait au programme, à l’horizon. Il fallait continuer d’engager contre elle une guerre de chaque instant. Appelons‑là la croisade contre la tuberculose, mettons. Il fallait s’épuiser à dresser une parole vigilante, consolatrice – comme autant de conseils inutiles au fond, inutiles autant qu’indispensables. Face à la mort donc, la dernière triomphatrice contre laquelle on n’en finit pas de lutter, avant de rendre les armes. ”

“  Elle est alors elle‑même aux prises avec les paparazzi et les journaleux de la presse à sensation. Mais, si quelque chose ne lui a jamais manqué, c’est la répartie, le quolibet comme elle dit elle‑même. Elle sait, très vite, et pour quelques secondes, abandonner cette aristocratie naturelle qui tient si bien les autres à distance et proclamer avec calme : ‘ Je ne trouve ces feuilles‑là qu’aux chiottes, et mon cul ne sait pas lire. ” ( Ferdinand furieux, Pierre Monnier Avec 313 lettres de Louis‑Ferdinand Céline à Pierre Monnier, Ed. L’âge d’homme, 2009, p. 37 )

Arletty aussi on aurait pu la croiser sa dégaine de grand oiseau nocturne au plumage luxueux blanc des chouettes effraies qu’on entend du côté de Meudon et des péniches du chemin de hallage les grosses bien ventrues bien épaisses avec leurs pontons d’amarrage aux couleurs pastel rouillées rose vif… bleu turquoise… vert pomme… leurs boîtes aux lettres branlantes pourries qui pendouillent à des poteaux où on a peint des noms tous plus croquignoles qui seraient sortis  des films de Carné ou de Renoir qu’ça aurait pas d’étonnement… Ce qu’on en a fait du chemin là… nous autres à renifler les relents qui viennent direct des berges de la vase mélangée touillée avec les plantes d’eau leurs lacets bleuâtres qui grimpent gigotent aux pieds des pontons qu’on voit profond malgré les remous bruns terre et ocre et les bandes de canards bavardeux… ils ont la gouaille des faubourgs eux aussi… qui piétinent à fleur de flotte autour des barques en bois dont la peinture verte rouge cerise ou chocolat s’arrache des flancs pour dériver en reflets touillés à ceux de leurs énormes frangines…courbevoie  

Sûr qu’elle les avait à la bonne pareillement les rives à cet endroit de la Seine qui se frotte sa pelure un peu rouquine contre les ruines béton gris de L’île Seguin Arletty et qu’elle y a bourlingué des fois au bas Meudon avec Céline évident avant qu’ils remontent direction la Routedes Gardes… leurs deux formes noires silhouettes longues fantômes presque déjà d’un temps révolu… Les bords de la Seine à Meudon ça ne pouvait que l’enchanter même si ça n’a pas le côté heureux et insouciant que la bande des peintres impressionnistes ont donné pour toujours aux guinguettes des bords de Marne et leurs taches mauves roses blanches… elle qui avait posé pour Marie Laurencin et Van Dongen dans sa jeunesse… Et puis justement à cet endroit‑là Meudon vers Billancourt c’était encore du petit peuple et de la débine des prolos qu’on pouvait trouver… Enfin c’est ce qu’il en restait et Céline à son retour d’exil il n’a pas pu faire autrement que d’y aller attiré par cette population où il avait démarré y’avait une cinquantaine d’année de ça à Courbevoie pareillement… Arletty ça n’la gênait pas la langue de Céline… ses ricochets… ses balbutiements toujours à la limite extrême du retour à l’animalité… aux grognements et aux aboiements…

“ Une amie m’invite à prendre le café et me réserve une surprise. Dans un coin du salon, debout, un très bel homme aux yeux gris – Présentations : ‑ Céline. – Arletty. Ensemble : ‘ Courbevoie ’. Longue embrassade. Début d’une amitié que rien n’a pu troubler. ”  ( La Défense, Arletty, Ed. La Table ronde, 1971, pp. 140 et 141 ) La-vie-de-Celine-F-Vitoux.jpg

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15 juin 2009 1 15 /06 /juin /2009 23:52

     
              Comme promis il y a quelques jours voici le reportage que notre reporter spéciale S Bretagne Françoise Bezombe
s qui participe à nos Cahiers depuis qu'ils existent nous a concocté au Festival des Etonnants Voyageurs de Saint-Malo. C'est vraiment un plaisir extra de se balader avec elle dans notre ville d'adoption de Saint-Malo au milieu des écrivains et des bouquins ! Alors Bon voyage et Bon vent dans toutes nos voiles sans oublier de remercier le photographe Robert Bezombes !

SAINT-MALO DES LIVRES

 

 

Depuis vingt ans Saint-Malo accueille en son sein le Festival Etonnants Voyageurs et ceci durant trois inoubliables journées.

Et depuis cinq ans, comme un aimant, cette manifestation m'attire tant la passion des livres et de la lecture me dévore ! Dès l'école primaire où je fis l'apprentissage de la lecture comme tout un chacun je suis devenue une papivore !

 

Arrivée dans la cité corsaire, joyau de la Côte d'Emeraude, le samedi 30 mai 2009.

 

Les nourritures spirituelles s'alliant à celles du corps en Bretagne, je m'empresse de déguster les traditionnelles galette-crêpe dans ma crêperie préférée Le Salidou tenue par une autre Françoise dont le chaleureux accueil m'a fidélisée. Déambulation dans les ruelles intra-muros si chères à Dominique et sur les remparts afin de humer l'air iodé et tonique de la cité malouine. En remontant la Chaussée du Sillon où la brise en permanence caresse le promeneur - quand ce n'est pas le vent qui carrément le revivifie ! - je prends mon billet pour passer toute la journée du lendemain au Salon du Livre car cette manifestation draine un monde fou et il faut savoir s'organiser afin de faire la queue le moins possible : on est là pour se détendre!

 

Dimanche 31 mai, journée bouquins.

 

Toute cette journée je déambulerai parmi les stands qui accueillent de nombreux auteurs. Il fait chaud, le soleil est au rendez-vous.

Un de mes premiers arrêts sera réservé à un éditeur breton, Diabase, où je suis toujours gentiment accueillie car nous commençons à bien nous connaître vu qu'il est aussi présent au Salon du Livre de Paris. Pour moi l'occasion d'acheter le dernier recueil de nouvelles d'Hervé Jaouen  Petites trahisons et grands malentendus ( tout un programme... )


           Dans les allées surchauffées par la chaleur due au soleil qui s'en donne à coeur joie et la foule compacte – qui a dit qu'il ne fait jamais beau en Bretagne ?? - je croiserai Azouz Begag, Patrick Rambaud, auteur de  deux livres de Chroniques du règne de Nicolas 1er, satires politiques à ne pas rater que j'ai lues récemment et lesquelles en y repensant m'ont fait lui sourire lorsque je suis passée près de lui..

Lorsqu'une longue file attend devant un stand, attendez-vous à une « vedette ». Et, en effet, en me haussant sur la pointe des pieds j'ai pu constater que l'une d'elles aboutissait à une dédicace de Bernard Giraudeau : est-ce l'écrivain ou l'acteur qui attire le plus ces gens ?

Je suis allée parler et me faire dédicacer un ouvrage ( mon “ petit truc à moi ” c'est d'emmener toujours sur moi dans les salons des ouvrages que j'ai déjà en ma possession lorsque les auteurs sont prévus au programme ) par Anna Moï, écrivaine française d'origine vietnamienne, Hervé Jaouen le Quimpérois, Jean-Marie Blas de Roblès dont j'ai acquis Là où les tigres sont chez eux, Prix Médicis, « gros pavé », comme l'on dit, que je me réserve en tant que lecture estivale. Les livres étant pour moi une formidable incitation au voyage…

Je croiserai aussi la route d'Amin Maalouf, d'Alain Mabanckou au sourire épanoui et à l'éternelle casquette vissée sur le crâne.

Ce que j'aime à Saint-Malo c'est qu'on ne reste pas confiné à l'intérieur du bâtiment du Salon du Livre, la ville offrant plusieurs sites pour les différentes manifestations. C'est ainsi qu'au Palais du Grand Large – rien qu'à ce nom évocateur on se voit en partance vers des horizons lointains – suite à la projection du film de Christophe de Ponfilly L'étoile du soldat sur l'Afghanistan j'ai assisté à une rencontre à laquelle participait Atiq Rahimi, Prix Goncourt.

A travers la ville on a le plaisir de croiser de nombreux auteurs. Sur mon chemin par deux fois j'ai vu l'écrivain Abdelkader Djemaï mais il était très occupé car je pense qu'il devait se rendre à des rencontres littéraires, les auteurs ayant apparemment à ce salon de nombreuses interventions à effectuer. Mon angoisse était de ne pouvoir le voir, lui parler et me faire dédicacer mes ouvrages. Et enfin, bonheur, dans les allées du salon en fin de journée, nous avons pu échanger. Mon mari qui l'avait aperçu m'a vite prévenue et il a voulu immortaliser ce moment par le cliché que Dominique a mis en ligne sur ce blog précédemment. Ce fut un échange enrichissant, tant cet auteur est chaleureux et surtout tant de gentillesse et de patience émanent de lui.
        Son dernier livre Un moment d'oubli a été justement un moment absolument inoubliable pour la lectrice que je suis et je ne peux que vous inciter à vous y plonger à votre tour. De plus l'article de Dominique sur ce blog donnait déjà une forte envie d'ouvrir le roman d'Abdelkader Djemaï.


             Cette journée littéraire se terminera par un petit tour du côté de ma chère crêperie Le Salidou et un tour des remparts par le chemin de ronde afin de voir le soleil se coucher car aujourd'hui il a bien bossé et il a droit au repos !

 

Lundi 1er juin

 

Saint-Malo, je dois hélas te quitter !

Un dernier tour sur le Sillon, un clin d'oeil au Fort National photographié hier soir parmi les ors du coucher de soleil somptueux.


            Après un détour par Cancale et ses célèbres huîtres dont une flopée d'Anglais ravis se régalaient en bordure de la jetée, direction le Morbihan chez ma soeurette... avec dans ma besace de la lecture pour cet été et de belles images plein les mirettes !

Et un grand désir au fond du coeur : être là pour la 21ème édition en 2010 en souhaitant que mon amie Dominique y soit aussi...

Et merci de m'avoir suivie – sans ennui je l'espère – au pays des Corsaires et des Etonnants Voyageurs.

 

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7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 22:08

Bon voilà encore un bout un fragment de mes gribouillis et petites chroniques que je mets au point par le principe de l'écriture spirale de l'escargot ( ceux qui connaissent l'écrivain Jean Pélégri comprennent... ) sur ce que L.F.Céline a apporté dans l'écriture de quelqu'un comme mézigue tout cru sortie d'un milieu populaire et qui a rien d'intello ni d'écrivain pro et qui aboie frénétique Ouaouf ! Ouaouf ! C'est tout fouillis... c'est comme ça... ceux qui ont la passion de Céline apprécieront...

Le chien du monde suite...


      Le chien et moi on a pas cessé depuis notre vagabondage à Meudon d'essayer d'entrer en communication avec ce type trop incroyable qui soignait les pires lascars et qui en connaissait un bout sur l'âme des gens alors !... Ouaouf ! Ouaouf ! mort Céline en 1961 dans la grande fournaise du juillet qui démarre et pose son couvercle de marmite banlieue sur la Seine aux brumes d'herbes fraîches... Vous y croyez vous ? Eh bien nous autres pour sûr qu'on y croit pas une seconde et qu'à chaque fois on la sent sa présence là au creux du fouillis des plantes en sauvagerie des bords de Seine comme il aimait aller s'y frotter avec Agar le grand chien terrible !       
      Pas dire qu'on les voit en chair et en poils non... pour ça faudrait qu'on se pointe dans la Night d'automne quand les ciseaux des rives taillent au creux des tissus des brumes des fantômes légers qui dansent entre les silhouettes noires des saules et des plantes d'eau géantes...
      Mort Céline lui qui n'a fait que s'empoigner avec la chienne d'existence qui lui tenait si fort à l'âme et à la peau qu'il s'est battu brandissant les armes en papier du chevalier Don Quichotte pas qu'on le traîne au gibet et Lucette et Bébert itou tant qu'il a pu... Et même bien avant d'avoir entrepris de passer sa médecine et de boucler sa thèse sur le médecin accoucheur hongrois Semmelweis alors qu'il en revient juste de la grande tuerie déjà il s'intéressait à donner des tuyaux aux gens pas qu'ils soient dévorés crus par les maladies de la misère qui fréquente partout dans les milieux ouvriers. Oh ! c'était des choses simples... des conseils sur l'hygiène et des petites façons de se soigner comme on en a bien besoin dans les maisons des familles semblables à la mienne ainsi que le raconte Frédéric Vitoux dans son histoire de La vie de Céline, ( Ed. Gallimard, collection Folio 2004, p. 219 ) :
      " La paix pour lui ne changeait donc rien. La mort demeurait au programme, à l'horizon. Il fallait continuer d'engager contre elle une guerre de chaque instant. Appelons là la croisade contre la tuberculose, mettons. Il fallait s'épuiser à dresser une parole vigilante, consolatrice - comme autant de conseils inutiles au fond, inutiles autant qu'indispensables. Face à la mort donc, la dernière triomphatrice contre laquelle on n'en finit pas de lutter, avant de rendre les armes. "
      Non pas mort Céline pour sûr lui qu'acceptait pas jamais la mort des autres et qu'était la compassion même pour ceux qu'il soignait comme on le voit si on veut bien... je vous en ai déjà causé dans la petite chronique précédente... quand le môme Bébert le neveu de la bignolle de Ferdinand lui meurt doucement entre les pattes d'une fièvre typhoïde. " Sur sa face livide dansotait cet infini petit sourire d'affection pure que je n'ai jamais pu oublier. Une gaieté pour l'univers. " (Voyage au bout de la nuit Louis-Ferdinand Céline Ed. La Pléiade, 1981, p. 242 ) Pas plus ni moins mort qu'il est Ferdinand que sa complice Arletty qu'a comme lui la gouaille et la classe des gens des faubourgs... Ouaouf ! Ouaouf ! qu'il oublie jamais de citer dans ses lettres de Klarskovsgard au Danemark qu'il écrit à Pierre Monnier un de ses poteaux d'Armorique. Voilà comment il en cause Monnier... sûr que Ferdinand et elle ils étaient de la même trempe !
      " Elle est alors elle même aux prises avec les paparazzi et les journaleux de la presse à sensation. Mais, si quelque chose ne lui a jamais manqué, c'est la répartie, le quolibet comme elle dit elle même. Elle sait, très vite, et pour quelques secondes, abandonner cette aristocratie naturelle qui tient si bien les autres à distance et proclamer avec calme : ‘ Je ne trouve ces feuilles là qu'aux chiottes, et mon cul ne sait pas lire. " ( Ferdinand furieux, Pierre Monnier Avec 313 lettres de Louis Ferdinand Céline à Pierre Monnier, Ed. L'âge d'homme, 2009, p. 37 )

      Arletty aussi on aurait pu la croiser sa dégaine de grand oiseau nocturne au plumage luxueux blanc des chouettes effraies qu'on entend du côté de Meudon et des péniches du chemin de hallage les grosses bien ventrues bien épaisses avec leurs pontons d'amarrage aux couleurs pastel rouillées rose vif... bleu turquoise... vert pomme... leurs boîtes aux lettres branlantes pourries qui pendouillent à des poteaux où on a peint des noms tous plus croquignoles qui seraient sortis des films de Carné ou de Renoir qu'ça aurait pas d'étonnement... Ce qu'on en a fait du chemin là... nous autres à renifler les relents qui viennent direct des berges de la vase mélangée touillée avec les plantes d'eau leurs lacets bleuâtres qui grimpent gigotent aux pieds des pontons qu'on voit profond malgré les remous bruns terre et ocre et les bandes de canards bavardeux... ils ont la gouaille des faubourgs eux aussi... qui piétinent à fleur de flotte autour des barques en bois dont la peinture verte rouge cerise ou chocolat s'arrache des flancs pour dériver en reflets touillés à ceux de leurs énormes frangines...
      Sûr qu'elle les avait à la bonne pareillement les rives à cet endroit de la Seine qui se frotte sa pelure un peu rouquine contre les ruines béton gris de L'île Seguin Arletty et qu'elle y a bourlingué des fois au bas Meudon avec Céline évident avant qu'ils remontent direction la Route des Gardes... leurs deux formes noires silhouettes longues fantômes presque déjà d'un temps révolu... Les bords de la Seine à Meudon ça ne pouvait que l'enchanter même si ça n'a pas le côté heureux et insouciant que la bande des peintres impressionnistes ont donné pour toujours aux guinguettes des bords de Marne et leurs taches mauves roses blanches... elle qui avait posé pour Marie Laurencin et Van Dongen dans sa jeunesse... Et puis justement à cet endroit là Meudon vers Billancourt c'était encore du petit peuple et de la débine des prolos qu'on pouvait trouver... Enfin c'est ce qu'il en restait et Céline à son retour d'exil il n'a pas pu faire autrement que d'y aller attiré par cette population où il avait démarré y'avait une cinquantaine d'année de ça à Courbevoie pareillement... Arletty ça n'la gênait pas la langue de Céline... ses ricochets... ses balbutiements toujours à la limite extrême du retour à l'animalité... aux grognements et aux aboiements...

“ Une amie m’invite à prendre le café et me réserve une surprise. Dans un coin du salon, debout, un très bel homme aux yeux gris – Présentations : ‑ Céline. – Arletty. Ensemble : ‘ Courbevoie ’. Longue embrassade. Début d’une amitié que rien n’a pu troubler. ”  ( La Défense, Arletty, Ed. La Table ronde, 1971, pp. 140 et 141 )

A suivre...

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26 mars 2009 4 26 /03 /mars /2009 23:42

Le chien du monde suite...

            Le médecin vous voulez que je vous dise ce que ça représente pour les gens des campagnes dans les années 50‑60 par là que je me souviens drôlement vu qu’à la cambrousse j’y étais des longs bouts à cause de la mauvaise atmosphère des banlieues qui me rendait malade des bronches justement… la bouillasse noire des rues l’hiver et la poussière des fumées et le mouillé partout ça aidait pas… Mes parents ils faisaient leur possible et on allait les dimanches prendre l’air tous ensemble aux bois de Clichy avec les autres loupiots des cités on se retrouvait mêlés aux clébards qui caracolaient dingues s’étripaient se coursaient… les grands-mères qui tanguaient sur leurs rhumatismes et leurs kilos de bouffe bon marché mais je continuais quand même à tousser. Alors on m’a empaquetée un jour et Hop ! j’ai d’un coup avec la paluche solide de mon grand-père le cheminot du réseau Nord qui m’entraînait largué mes terrains vagues familiers pour me retrouver au milieu des prairies des vergers de pommiers et des ruisseaux à cresson… un énorme bond dans l’inconnu… Hop ! Hop !

D’abord la campagne ça n’a pas eu un grand effet sur mes maladies que la family life des années pas très luxueuses avait pas arrangées mais pour ce qui est de la suite et de mon goût à me barrer dans les rêveries et l’imaginaire ça a bien donné des fruits… Mais au sujet de la médecine des campagnes j’ai pu observer ce que j’ai voulu et en garder des échantillons dans ma mémoire car à cause de moi le toubib il se pointait régulier une ou deux fois le mois pour des otites des bronchites des coqueluches des eczémas des éruptions enfin vous voyez… Entendu que mes grands-parents avaient pas tout à fait les habitudes des paysans du coin bien qu’ils aient vécu dans les petites bourgades du Nord assez folichonnes… mais je crois que de la manière qu’ils le considéraient le médecin c’est exemplaire de c’t’époque et du milieu où Céline il a zoné aussi sans doute malgré les progrès de la médecine et de la pauvreté…

Ma grand-mère elle le faisait prévenir par la personne de l’épicerie vu qu’entendu qu’on avait pas le téléphone la veille au soir pour qu’il nous mette dans sa tournée pareil que le facteur et au moins deux plombes avant qu’il radine déjà c’était le branle-bas… Y’avait que la grande cuisine où on faisait tout qu’était entretenue tiède par l’énorme cuisinière à bois l’hiver et c’est dessus qu’on mettait la marmite d’eau à chauffer vu qu’y avait que l’eau froide au robinet. Fallait d’abord désinfecter à fond la cuvette tôle émaillée où le Docteur il se lavait les mains… Ah ouiche ! c’est que c’était sa cuvette rien qu’à lui qu’on rangeait après usage et personne y touchait hein ! Même si j’étais auscultée que des oreilles ou de la poitrine moi on me lavait d’un bout à l’autre de ma personne au gant de toilette tout contre la grosse bécane qui ronflait et me cramait la couenne et vite on me frictionnait avec l’eau de Cologne dès fois que je sente… On aurait eu la honte !

Quand le médecin se pointait ma grand-mère qui l’appelait toujours Docteur… sur un ton respectueux lui apportait l’eau chaude la savonnette neuve le torchon blanc juste sorti de l’armoire qu’il se lave les mains c’était le rituel que s’il se prêtait pas il était grillé fichu pour des siècles à des centaines de lieues tout autour… De c’t’époque j’ai le souvenir des cataplasmes à la farine et lin et de moutarde qui piquaient abominable… des tisanes de thym des décoctions d’eucalyptus qui bouillaient des heures sur la cuisinière pour assainir l’atmosphère… De la main qui tenait la mienne comme une caresse de fraîcheur que j’attendais et des discussions qui en finissaient pas avec mon grand-père sur les gelées tardives qui allaient massacrer les fleurs des abricotiers et les ruses pour détourner l’interdiction de pêcher les écrevisses dans la vase de la rivière où les poissons faisaient miroir au soleil… Le chien du monde lui couché devant la porte il guettait la fin de la séance heureux qu’y ait des hommes pour rendre la vie et la mort plus légère…

Avant de repartir continuer sa tournée des gourbis le Docteur se relavait les mains et ma grand-mère lui payait cérémonieusement la consultation avec les sous qui étaient prêts posés sur la table pendant qu’il expliquait les choses écrites sur l’ordonnance mais on connaissait tout… Y avait que des choses simples et pas chères qu’on allait acheter au bourg à côté avec l’autobus et pour les tisanes on cueillait les plantes au jardin et Hop ! Comme Céline après quand je l’ai lu il nous filait des conseils de pas se prendre le chou avec mes maladies… à force de prendre l’air dans les p’tits chemins où on marchait après l’école avec mon grand-père jusqu’à la nuit elles ficheraient le camp un jour… C’était aussi simple que ça… Ma grand-mère disait “ Au revoir Docteur et merci pour le dérangement… ” en le raccompagnant à la grille et toute la journée on avait entre nous la présence bienveillante d’une ombre  paisible qui nous accompagnait…

C’est vrai que l’enfance dont je cause elle n’est pas aussi proche du début du siècle que la période où Céline entreprend ses tournées médicales en Bretagne sous la direction du docteur Follet pour parler aux paysans de la tuberculose et des microbes en général… Mais quand j’accompagnais mon grand-père chez certains paysans dans ces années 60 la pauvreté installée là-dedans comme chez elle avec l’alcoolisme les maladies mentales et les gamins qui arrêtaient l’école au certificat qui ne savaient pas tous lire couramment c’était pas si rare et ça me serre la gorge de rage et d’impuissance quand ça me revient… En y pensant je n’crois pas que si le Docteur Destouches s’était pointé avec son attirail de cinéma sur la place de l’école comme le raconte Henri Mahé il aurait été déplacé…

“ Je me souviens encore de ce soldat américain dégingandé qui parcourait le bourg une pile de bouquins sous le bras. Nous, les mômes, nous l’escortions, car il nous faisait rire et nous donnait du chouine-gomme… Puis tu rentrais à l’Hôtel Piton et nous écrasions notre nez sur les vitres pour t’apercevoir griffonnant à la craie sur une ardoise… Ainsi, seul, tu préparais ton bac… Le soir, sous la halle, conférencier itinérant de la mission Rockefeller, tu gueulais aux bonnes gens accourus, leur faisant à la lanterne magique des projections de microbes qui auraient bien ‘ graissé ’ :

‘ – Le microbe c’est la mort ! Il y en a plein dans l’eau ! Il y en a plein dans le lait ! Faites bouillir votre eau ! Faites bouillir votre lait !… ”  La Brinquebale avec Céline, Henri Mahé, Ed. La Table ronde, 1969, p. 215

 


A suivre...

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