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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

26 mars 2009 4 26 /03 /mars /2009 23:42

Le chien du monde suite...

            Le médecin vous voulez que je vous dise ce que ça représente pour les gens des campagnes dans les années 50‑60 par là que je me souviens drôlement vu qu’à la cambrousse j’y étais des longs bouts à cause de la mauvaise atmosphère des banlieues qui me rendait malade des bronches justement… la bouillasse noire des rues l’hiver et la poussière des fumées et le mouillé partout ça aidait pas… Mes parents ils faisaient leur possible et on allait les dimanches prendre l’air tous ensemble aux bois de Clichy avec les autres loupiots des cités on se retrouvait mêlés aux clébards qui caracolaient dingues s’étripaient se coursaient… les grands-mères qui tanguaient sur leurs rhumatismes et leurs kilos de bouffe bon marché mais je continuais quand même à tousser. Alors on m’a empaquetée un jour et Hop ! j’ai d’un coup avec la paluche solide de mon grand-père le cheminot du réseau Nord qui m’entraînait largué mes terrains vagues familiers pour me retrouver au milieu des prairies des vergers de pommiers et des ruisseaux à cresson… un énorme bond dans l’inconnu… Hop ! Hop !

D’abord la campagne ça n’a pas eu un grand effet sur mes maladies que la family life des années pas très luxueuses avait pas arrangées mais pour ce qui est de la suite et de mon goût à me barrer dans les rêveries et l’imaginaire ça a bien donné des fruits… Mais au sujet de la médecine des campagnes j’ai pu observer ce que j’ai voulu et en garder des échantillons dans ma mémoire car à cause de moi le toubib il se pointait régulier une ou deux fois le mois pour des otites des bronchites des coqueluches des eczémas des éruptions enfin vous voyez… Entendu que mes grands-parents avaient pas tout à fait les habitudes des paysans du coin bien qu’ils aient vécu dans les petites bourgades du Nord assez folichonnes… mais je crois que de la manière qu’ils le considéraient le médecin c’est exemplaire de c’t’époque et du milieu où Céline il a zoné aussi sans doute malgré les progrès de la médecine et de la pauvreté…

Ma grand-mère elle le faisait prévenir par la personne de l’épicerie vu qu’entendu qu’on avait pas le téléphone la veille au soir pour qu’il nous mette dans sa tournée pareil que le facteur et au moins deux plombes avant qu’il radine déjà c’était le branle-bas… Y’avait que la grande cuisine où on faisait tout qu’était entretenue tiède par l’énorme cuisinière à bois l’hiver et c’est dessus qu’on mettait la marmite d’eau à chauffer vu qu’y avait que l’eau froide au robinet. Fallait d’abord désinfecter à fond la cuvette tôle émaillée où le Docteur il se lavait les mains… Ah ouiche ! c’est que c’était sa cuvette rien qu’à lui qu’on rangeait après usage et personne y touchait hein ! Même si j’étais auscultée que des oreilles ou de la poitrine moi on me lavait d’un bout à l’autre de ma personne au gant de toilette tout contre la grosse bécane qui ronflait et me cramait la couenne et vite on me frictionnait avec l’eau de Cologne dès fois que je sente… On aurait eu la honte !

Quand le médecin se pointait ma grand-mère qui l’appelait toujours Docteur… sur un ton respectueux lui apportait l’eau chaude la savonnette neuve le torchon blanc juste sorti de l’armoire qu’il se lave les mains c’était le rituel que s’il se prêtait pas il était grillé fichu pour des siècles à des centaines de lieues tout autour… De c’t’époque j’ai le souvenir des cataplasmes à la farine et lin et de moutarde qui piquaient abominable… des tisanes de thym des décoctions d’eucalyptus qui bouillaient des heures sur la cuisinière pour assainir l’atmosphère… De la main qui tenait la mienne comme une caresse de fraîcheur que j’attendais et des discussions qui en finissaient pas avec mon grand-père sur les gelées tardives qui allaient massacrer les fleurs des abricotiers et les ruses pour détourner l’interdiction de pêcher les écrevisses dans la vase de la rivière où les poissons faisaient miroir au soleil… Le chien du monde lui couché devant la porte il guettait la fin de la séance heureux qu’y ait des hommes pour rendre la vie et la mort plus légère…

Avant de repartir continuer sa tournée des gourbis le Docteur se relavait les mains et ma grand-mère lui payait cérémonieusement la consultation avec les sous qui étaient prêts posés sur la table pendant qu’il expliquait les choses écrites sur l’ordonnance mais on connaissait tout… Y avait que des choses simples et pas chères qu’on allait acheter au bourg à côté avec l’autobus et pour les tisanes on cueillait les plantes au jardin et Hop ! Comme Céline après quand je l’ai lu il nous filait des conseils de pas se prendre le chou avec mes maladies… à force de prendre l’air dans les p’tits chemins où on marchait après l’école avec mon grand-père jusqu’à la nuit elles ficheraient le camp un jour… C’était aussi simple que ça… Ma grand-mère disait “ Au revoir Docteur et merci pour le dérangement… ” en le raccompagnant à la grille et toute la journée on avait entre nous la présence bienveillante d’une ombre  paisible qui nous accompagnait…

C’est vrai que l’enfance dont je cause elle n’est pas aussi proche du début du siècle que la période où Céline entreprend ses tournées médicales en Bretagne sous la direction du docteur Follet pour parler aux paysans de la tuberculose et des microbes en général… Mais quand j’accompagnais mon grand-père chez certains paysans dans ces années 60 la pauvreté installée là-dedans comme chez elle avec l’alcoolisme les maladies mentales et les gamins qui arrêtaient l’école au certificat qui ne savaient pas tous lire couramment c’était pas si rare et ça me serre la gorge de rage et d’impuissance quand ça me revient… En y pensant je n’crois pas que si le Docteur Destouches s’était pointé avec son attirail de cinéma sur la place de l’école comme le raconte Henri Mahé il aurait été déplacé…

“ Je me souviens encore de ce soldat américain dégingandé qui parcourait le bourg une pile de bouquins sous le bras. Nous, les mômes, nous l’escortions, car il nous faisait rire et nous donnait du chouine-gomme… Puis tu rentrais à l’Hôtel Piton et nous écrasions notre nez sur les vitres pour t’apercevoir griffonnant à la craie sur une ardoise… Ainsi, seul, tu préparais ton bac… Le soir, sous la halle, conférencier itinérant de la mission Rockefeller, tu gueulais aux bonnes gens accourus, leur faisant à la lanterne magique des projections de microbes qui auraient bien ‘ graissé ’ :

‘ – Le microbe c’est la mort ! Il y en a plein dans l’eau ! Il y en a plein dans le lait ! Faites bouillir votre eau ! Faites bouillir votre lait !… ”  La Brinquebale avec Céline, Henri Mahé, Ed. La Table ronde, 1969, p. 215

 


A suivre...

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