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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

12 juin 2011 7 12 /06 /juin /2011 21:00

 

" Rien de ce qui est humain ne m'est étranger. " Vergès est quelqu'un qui m'a toujours passionnée par ses excès mêmes et là cette petite phrase que je trouve en fait d'une grandeur incroyable et que je lui envie en dit tellement long sur qui il est... Dans cet entretien c'est sa sagesse qui m'étonne... J'aurai dit ce qu'il dit alors que je ne suis pas du tout au fait de la situation politique comme il l'est... Simple analyse lucide des situations humaines... Un homme qui sait tout des forces obscures de l'homme qui intéressaient tant Céline...


Jacques Vergès : “ En Syrie, il faut défendre l’Etat actuel ! ”

Samedi 11 juin 2011

Louis Denghienverges_jacques_old.jpg

Infatigable défenseur, judiciaire et politique, des résistants au Nouvel Ordre mondial, Jacques Vergès, qu’on a vu récemment aux côtés de Roland Dumas dans Tripoli bombardée, donne son sentiment sur ce qui se passe ou pourrait se passer en Syrie. Une analyse sans complaisance de la dérive morale et géopolitique de l’Occident américano-centré et un optimisme raisonné sur l’évolution de la situation, en Syrie et ailleurs.

 Tout d’abord, quelle est votre analyse de la situation en Syrie ?

 Jacques Vergès : Il y a très clairement une tentative de déstabilisation extérieure de la Syrie. Dans ce pays l’Arabie saoudite est à la manœuvre, via les groupes salafistes qu’elle inspire et finance. Et, bien sûr, les États-Unis supervisent cette ébauche de guerre civile. Israël, État frontalier et ennemi de la Syrie , et qui dispose de services de renseignements et d’action assez performants, est selon moi directement impliqué aussi. Et je n’aurai garde d’oublier le rôle moteur que, joue, sur le plan diplomatique, la France pour discréditer et isoler le régime syrien.

Je ne nie pas pour autant qu’il existe des problèmes sociaux en Syrie. La France aussi connaît de graves problèmes sociaux et l’on peut même dire que la société française est confrontée à un certain nombre de blocages. Mais les ennemis intérieurs et extérieurs de la Syriebaasiste font tout pour jeter de l’huile sur le feu. Quant à moi, je suis très clairement un ami de la Syrie telle qu’elle est.

 

Quel est selon vous le - ou les - ressort de l’attitude de Nicolas Sarkozy dans cette affaire ?

 J.V. : Sur un plan strictement idéologique, il y a l’incontestable philosionisme et philo-américanisme de ce président, qui rêve d’être le meilleur élève européen, ou le premier ex‑aequo avec le Britannique David Cameron, de la “ classe OTAN ”. Et l’on touche là à un aspect plus personnel et psychologique du personnage : son désir pathétique de se hisser à ce statut d’homme d’Etat qui joue dans la “ cour des grands ” de ce monde, statut qu’une large majorité de l’opinion française semble lui dénier aujourd’hui. Et puis il y a tous ces échecs intérieurs - économiques ou sécuritaires - qu’on essaye de faire oublier aux électeurs par des roulements de mécanique guerrière ; c’est un procédé vieux comme le monde politique.L-avocat-de-la-terreur.jpg

Enfin il y a le lourd passif de la diplomatie française vis-à-vis du printemps arabe, tunisien et égyptien : de Fillon passant ses vacances aux frais de Moubarak à “ M.A.M. ” proposant à Ben Ali l’expertise française en matière de répression policière, il y à là pas mal de choses à faire oublier, le plus vite possible. Et cela donne notamment cette guerre non avouée contre Kadhafi, décidée dans la précipitation et sans objectif politique clair sur simple injonction de Bernard-Henri Lévy, par dessus l’épaule d’Alain Juppé et de Gérard Longuet. Une politique aventureuse, qui ne pourra déboucher que sur le chaos, et le gâchis de vies humaine et de richesses. Et qui est déjà un échec, comme la guerre d’Afghanistan : Kadhafi résiste, moins à cause de son armement supérieur que du soutien dont il continue de bénéficier dans une large part de la population libyenne, et aussi parce que les opposants soutenus à prix d’or par les Occidentaux font chaque jour la preuve de leur vacuité, non seulement militaire mais politique.

Face à cette résistance, les médias ressortent les bons vieux bobards de la guerre psychologique : est-ce que vous avez entendu cette pittoresque “ information ” diffusée sur nos télévisions ? Kadhafi aurait distribué du viagra à ses soldats pour les inciter à violer les femmes des rebelles ! Quand on en est réduit à ce type de propagande, c’est vraiment que ça va mal !

Pour vous, l’action occidentale, en Libye comme en Syrie, est, en quelque sorte, improvisée, mal pensée, vouée à l’échec. On s’attendrait cependant à moins d’amateurisme de la part de l’administration américaine et de l’OTAN...

J.V. : Mais voyez le gâchis inepte perpétré par les Américains en Irak depuis près de dix ans : ils ont lancé une guerre sous des prétextes bidons pour abattre Saddam Hussein, un “ dur ” du camp arabe face à Israël. Et après d’innombrables victimes et de gigantesques dégâts, ils ont donné le pouvoir à la majorité chiite, autrement dit à l’Iran, leur ennemi public n°1. C’est de la grande géopolitique, ça ? N’importe quel analyste ou connaisseur de la région aurait pu prédire ce résultat à Bush et à sa clique néo-conservatrice ! Cette situation ubuesque a inspiré au grand intellectuel américain Noam Chomsky cette boutade un rien désabusée : “ Je croyais qu’on était allé en Irak pour lutter contre le fanatisme islamiste et on les a mis au pouvoir ! ”

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Eh bien, c’est la même chose en Libye : on fait donner la grosse artillerie contre Kadhafi, qui s’était cependant rapproché de l’Occident - et que Sarkozy, naguère, avait reçu avec les égards qu’on sait - et on n’a comme solution de rechange que des “ bras cassés ” impuissants et infiltrés d’ailleurs par des islamistes radicaux, qui ne représentent au mieux que la province de Cyrénaïque - et même là leur représentativité m’apparaît pour le moins fragile. Et est-ce que la “ détermination ” française - ou anglaise - résistera au premier hélicoptère, ou aux premiers commandos terrestres, abattus ?

Et quant à la Syrie, si les Américains et leurs amis saoudiens parvenaient à renverser le régime de Bachar al-Assad, ils livreraient le pays ipso facto à des sectaires sunnites qui mettraient ce pays moderne à l’heure de Ryad, ce qui à terme sera lourd de conséquences pour Israël et ses protecteurs américains. Cela dit, je reste optimiste, pour la Syrie et même la Libye. La majorité du peuple syrien sait que c’est la guerre civile et la destruction de leur pays que leur apporteraient les opposants officiels plus ou moins fantoches des Américains et les groupes armés infiltrés sur le terrain. Les Syriens ne veulent pas que leur pays devienne un nouvel Irak

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 Et si le but de guerre des Américains et de leurs auxiliaires européens et arabes c’était justement, à défaut de contrôler la Syrie, de la détruire, de la faire revenir un demi-siècle ou plus en arrière, comme certains stratèges d’Outre-Atlantique s’en sont vantés pour l’Irak ?

 J.V. : Mais précisément l’exemple irakien montre que c’est une politique à courte vue, et dangereuse pour les intérêts géostratégiques de Washington : l’Irak aujourd’hui n’a jamais été aussi proche de l’Iran. Et la création de fait d’un État autonome kurde dans le nord du pays a contribué à éloigner la Turquie des États-Unis. On ne gagne rien à créer des situations incontrôlables, le chaos que vous avez créé vous reviendra dans la figure tel un boomerang géopolitique ! Et qu’aura gagné Miss Clinton quand des djihadistes paraderont dans les rues de Tripoli, après celles de Benghazi ? Pour ce qui est de la Syrie, je crois que l’appui dont continue de bénéficier le pouvoir de Bachar al-Assad demeure l’obstacle le plus efficace contre les manœuvres américano-israélo-saoudiennes

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 Donc, en Syrie comme ailleurs, l’Occident pratique la fuite en avant, la politique de la canonnière au jour le jour ?

 J.V. : Exactement. Parce que l’Occident est malade. Économiquement. Politiquement. Et surtout moralement. Pour moi, ces coûteuses gesticulations militaires, de Kaboul à Tripoli en passant par Bagdad sinon Damas, sont comparables aux spasmes d’un agonisant. L’Amérique notamment est très malade, de son économie ruinée, de sa dette colossale, de son dollar devenu une monnaie de Monopoly, de ses escroqueries géantes à la Madoff. Et aussi de l’arrivée sur le “ marché géopolitique ” de puissances émergentes, ou ré-émergentes comme la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil. Pour garder un semblant de légitimité morale et politique, et donc un leadership mondial, on se fabrique un ennemi, un “ Grand Satan ” comme dirait les Iraniens, qui fasse oublier aux opinions internes la faillite imminente. Mais quel crédit moral accorder à des puissances qui pratiquent en permanence le “ deux poids, deux mesures ” ?

Pour nous en tenir au Proche-Orient, on bombarde Tripoli et on menace Damas, quand on laisse Israël poursuivre, en dépit de résolutions répétées de l’ONU, la colonisation et la répression sanglante, quand on laisse les troupes saoudiennes réprimer au Bahrein, autre pion américain dans le Golfe, un mouvement populaire de contestation. On stigmatise le fanatisme iranien, quand on s’appuie sur l’Arabie Saoudite théocratique pratiquant la forme la plus sectaire et obscurantisme de l’Islam. Je pourrais aussi vous parler longuement de la Côte d’Ivoire, où la France, exauçant ainsi le choix américain, a décrété qu’Alassane Ouattara était le gentil démocrate du film, et Laurent Gbagbo le méchant, alors que l’ONU a fait la preuve des nombreuses exactions des troupes de Ouattara contre la population civile, et du climat de terreur qu’elles ont instauré dans leur fief du nord, pendant ces fameuses élections présidentielles. Et si on nous explique que M. Ouattara ne contrôle pas ses troupes, c’est tout simplement un incapable !Verges.jpg

Je le répète, ces expéditions coloniales en Afrique et au Proche-Orient - après tout les deux anciennes puissances coloniales, française et britannique, sont en première ligne militaire et diplomatique en Afrique du Nord comme dans l’ancien Levant - sont la preuve de la mauvaise santé de leurs instigateurs. L’Amérique est malade ? Et la France donc ! L’affaire DSK illustre pour moi, la faillite morale et politique des élites social-libérales, usées et corrompues ; et cette faillite morale s’ajoute à la faillite des institutions et à celle de l’économie, sans oublier l’insécurité : chacun voit que l’État français, qui bombarde Tripoli, est incapable de faire entendre raison aux caïds de banlieue ! Qu’on s’étonne ensuite qu’un président comme Sarkozy, dernier avatar de cette caste gouvernante, cherche à se refaire une virginité et une stature sur le dos des Libyens et des Syriens ! Imposture ! Imposture et spasmes de mourant ! L’Occident risque bien de crever de son cynisme et de sa faillite morale !

 Pour finir, vous vous montrez plutôt optimistes quant à l’évolution de la situation dans ces pays de la “ ligne de front ” ?

 J.V. : Oui. Les Américains et leurs séides peuvent faire pas mal de dégâts - on le voit en Libye, et en Afghanistan, ou encore au Soudan, on l’a vu en Irak et en ex-Yougoslavie. Je ne crois pas qu’ils pourront avoir raison contre des peuples et des nations : on le voit ou on le verra en Syrie, en Libye, en Égypte, au Liban et en Palestine. En Syrie, il faut être vigilant face aux manœuvres de déstabilisation et aux opérations de désinformation.

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. - Maître Vergès, merci beaucoup !

Propos recueillis le 9 juin par Louis Denghien.

 11 juin 2011 - Michel CollonVerges-2.jpg 

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10 juin 2011 5 10 /06 /juin /2011 19:24

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Donc les rats y vont de leur débandade folle et obstinée en direction du son couinant… s’égosillant hautes‑contre et castrats en plein chant majeur dans le champ d’action devenu champ de bataille avec hurlements des vieilles sirènes… cadavres frais et dodus… fleuris et couronnés par la lumière mauve tamisée des issues de secours secourables. C’est bien impressionnant à voir… 

Les femmes lâchant le ventre nourricier qu’elles promenaient devant elles se précipitent d’un seul tas vers le fond de l’antre matrice providentielle. Entrailles les digérant loin des dents des rats. Les mecs aux plus malins et chacun pour sa pomme se sauvent les mains pleines d’innocence et de choses qui n’ont l’air de rien. Parfois un petit vieux clochard mais pas méchant sort grave un camembert d’une main et le litron de l’autre… pas de la piquette comme d’habitude…

‑ Ah zut !… il a oublié le pain…

Après un instant d’hésitation philosophe il fait demi‑tour dans le sens inverse des rats déjà à l’embouchure des caisses… Il remonte le courant du raz de marée s’étalant… Mais tant pis… Même s’il y a danger de gardiens floués du sanctuaire alimentaire… tant pis… C’est pas possible de manger du camembert sans pain… ça passerait pas… Ça ne passe pas… C’est gaspiller disait sa mère à l’époque.

‑ Bon ? c’est pas fini ?… s’exaspère le bouffon qui surveille nos arrières de son habit rouge couleur extincteur. Prêt à noyer les vigiles prévenus de l’invasion imprévisible d’une meute de rongeurs affamés à l’intérieur d’une infusion de mousse carbonique frivole.

‑ Peut‑être que tu crois qu’on est là pour observer le comportement des populations en état de panique et pour noter leurs réactions animales ?… demande le bouffon furieux.

‑ On est venus chercher des haricots et des sardines… pas plus… Il proteste en grimpant essoufflé dans l’autobus qui nous sauve de perdre haleine et dernier hoquet de vie… le 23… Aussitôt il démarre sans difficultés afin de nous rapatrier avec nos musettes… et pas de tickets vu que le conducteur est un Négro qui comprend à demi‑mot que… sans haricots y a plus personne à la fin…

­‑ Chacun sa culture mais ça n’empêche pas… dit le bouffon qui lui tend la moitié d’une orange sacrifice suprême… et s’abîme dans le jus sucré de la paresse de l’enfance.

Quand même… il faut dire que les haricots secs me causent bien du souci vautrés dans leur paquet de carton trop mou dont ils s’échappent comme de grosses perles. Mais c’est grâce à eux qu’on tient le plus longtemps Aladin et moi. Les mômes blacks nous ont appris à vivre rien qu’avec l’haricot qu’ils pratiquent tels les Arabes parce que ça pousse même là où il y a des inconvénients de sécheresse. Tout l’hiver ça nous fait une base solide pour se poser et puis dormir un peu au milieu des papillons fatigués qui attendent avec nous que ça se réchauffe. Je ne veux pas qu’Aladin aille traîner en quête de nourriture à cause du clochard unijambiste qui ravitaille les lieux de torture. Vous pensez si je suis au courant… Mon père me racontait ça jusqu’à ce que je vomisse. Une manie qu’il avait de me faire peur. Il savait pas m’aimer autrement.

J’ai élevé Aladin dans la méfiance dès que j’ai pu le sortir de sa bande de greffiers malfrats qui étaient ses fréquentations ordinaires de la zone et des festins d’ordures.chatauxoranges-jpg.jpg

‑ Tu en as assez avec les macchabées… je lui dis.

Je lui ai montré les formulaires des Maîtres de la Cité concernant la divagation des animaux en liberté. On peut rien contre les formulaires. Et les rats non plus. Personne qui se doute combien c’est facile d’utiliser les rats à des travaux pour lesquels ils montrent justement une grande habileté et adresse diabolique. Les rats aussi ça fonctionne à l’odeur… Et même aux parfums du lilas et des clous de girofle qui les chatouillent fragile au creux des orifices. A l’odeur ouais… et puis aux vibrations aiguës de la flûte jaune citron qui mordille leurs oreilles. Parce que la flûte est jaune c’est certain… Personne l’a jamais vue mais on le sait.

Le plus compliqué c’est de les entasser tous dans la musette avant… Et qu’ils se taisent. Ils ont une manie de se raconter sans cesse des histoires qui donne l’éveil aux chiens des vigiles dont le museau est plus sensible que le ventre de l’hérisson. Forcément… habitués qu’ils sont à mijoter au fond des fioles de silence et de formol… les rats… ils se croient dans la cour de récréation pour de bon. Ils égratignent des bouts de grimaces et se tordent de rire sous leurs moustaches… Prêts à jaillir au grand air qui les distinguera du reste des animaux ordinaires. L’ère des rats. Heureusement que la flûte les traverse de par en par et les ramène vers la veilleuse mauve du laboratoire.

 

Le laboratoire tout le monde y passe un jour afin de recevoir dans les veines quelques gouttes de sang‑froid. A la suite de ça le corps se couvre d’écailles dures comme du verre qui permettent aux humains de ne plus rien sentir du tout. Sauf sur les poignets où de petites places demeurent vulnérables. Des trous à sentiments par lesquels on peut mourir aussitôt.

Les laboratoires sont des réservoirs de maladies prêtes pour les humains consentants. Les rats habitent dans des caisses plutôt confortables et bien aérées les unes sur les autres où le soleil pas manchot les réchauffe de nuit comme de jour. Inondation solaire sur tubercules de rats gonflés telles des pommes de terre à la fin de l’hiver. Les rats s’installent d’eux‑mêmes à l’intérieur des éprouvettes et on ne sait pas pourquoi par quelle perversité masochiste ils se prêtent aux expériences qui font naître de minuscules fleurs de sang sous leur ventre.

Mon père passait son temps à déboussoler maniaque acrobate parmi les éprouvettes de rats morts. Plus ou moins en voie d’emprunter la mort comme un toboggan descendant vers des grottes au silence d’argile. Il les encourageait en tapant du bout de l’ongle sur la paroi tel un gardien à la porte des cellules. Il voulait les sauver tout. Ça n’était pas possible. Une fois certain qu’ils n’avaient pas su résister à l’invasion il les portait avec ses mains d’homme de peine à l’incinérateur où après avoir raté leur premier rôle ils ne rataient pas le rougeoiement de la fin.

Je crois qu’il n’était qu’un acrobate de laboratoire parce qu’il n’avait pas pu faire autrement. Il s’occupait du martériel de verre et des rats qu’il allait chercher dans une camionnette paDerniere-page-2.jpgr centaines avec la conscience de son crime et de la ruine de son âme. Néanmoins les rats étaient moin s graves pour sa dignité que les humains. Ils n’attendaient pas qu’il rate son numéro. Tout cela finissait par ne plus être qu’une interminable répétition vu qu’ils étaient déjà en plein drame et qu’ils auraient voulu avoir le désir de sortir avant de flotter au ras des eaux. S’il n’y avait pas eu les rats et leur regard indulgent il aurait fait son numéro d’acrobate de la mort pour personne.

Quand il se résigne à ne pas se nourrir avec les morts Aladin se fragilise et s’exprime par feulements maussades. Il perd de son énergie phosphorique et mystérieuse. Celle qui lui permet d’avoir la transparence des vers luisants. De se faufiler à l’intérieur des ampoules. De déambuler d’une lampe à l’autre. D’être l’amant immortel de la voyeuse fantomale… la lune qui l’épie dans chaque flaque d’eau dont elle fait une flaque de lait. Son poil bruissant de voyou des banlieues devient terne. Et il est alors comme tous les autres chats sans distinction… malédiction des malédictions !… à la merci des kamikazes des trottoirs.

Heureusement que la petite fille que je rencontre au bord du canal et qui me rafle régulièrement mes pinceaux le rénove de gouache bleue. Le barbouille… L’immatricule. Lui redonne le goût du caméléon moqueur et de la transformation… Ce qui le sauve de l’humiliation. Et pire encore de l’ennui. Je le vois donc revenir resplendissant et électrisé se pavanant devant le miroir de l’armoire aux sardines jusqu’à tenter d’y pratiquer une ouverture avec sa patte ainsi qu’il fait pour les flaques de lune. Le chat Aladin est un sacré cabotin en fait !

Quand il accepte de s’oublier un peu Aladin constate que je suis repartie à changer de costume de plus en plus souvent. Je ne peux vivre avec moi que le temps d’une pirouetteCRS.jpg. Ce soir j’ai envie de comprendre pourquoi le clochard unijambiste trimballe des poupées de bois le long des ruelles de la Cité aux ordures. Et pourquoi leurs étranges têtes peintes n’ont pas d’yeux. A quel rituel force‑t‑il ces petits êtres à prendre part ? Le chat Aladin surveille mes allées et venues au cas où ça me prenne de m’effacer à temps complet. Je lui ouvre sa dernière boîte de sardines avant qu’il ne perde toutes ses vitamines d’allumage et la lumière verte de ses yeux qui se reflètent dans mes lampes à oublier. Qu’est‑ce que je ferais sans lui ?

Depuis que j’ai retrouvé la piste cahotante du clochard je sais que la petite déesse rouge qui sommeille en moi ne gardera pas longtemps son secret pour elle. Elle finira par dire qui  nous sommes… nous les habitants du Domaine des Sept Lunes. Et nous serons forcés de nous enfoncer encore plus loin au cœur de la nuit afin de fuir les dents avides des vigiles.

 

A suivre...

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7 juin 2011 2 07 /06 /juin /2011 17:27

Nid de coucousLa-petite-Ch-telaine-1893.-d-tail.jpg

Epinay, dimanche, 5 juin 2011

 

A une petite fille écrasée par une camionnette de la gendarmerie nationale

 

Toi on ne sait pas ton prénom

Ils ne l’ont même pas dit aux informations

Non toi petite fée d’hiver

Tu n’auras pas la lumière

Du mois de juin jaloux pour caresser ton cou

La bonne fortune des fois rate son coup

Toi qui ne rentreras pas ce soir ni demain

A la cité où les tiens ne savent pas bien

Ce qu’ils vont faire avec ce grand paquet d’absence

Que le destin a déposé sans complaisance

Sur le paillasson de l’escalier où tu joues

D’habitude c’est un monde sans gardes fous

Ça conduit sans freiner dans leurs nids de coucous

Et d’autres sont allés au bistrot boire un coup

Pour oublier vite fait cette sale histoire

Qui dérape dans leur banale trajectoire

Toi qui regardes passionnément le chat roux

Jerry s’acharner comme un fou

A traquer le vent par la fenêtre fermée

Et les papillons de tilleul que vous aimez

Surpris Jerry aujourd’hui a guetté longtemps

Ton retour couché sur tes cahiers il attend

Il sent qu’il y a quelque chose

De mauvais sang malgré les roses

 

Pour toi petite fée d’hiver pas de printempsDecouvertes-a-deux-petit.jpg

Qui court le long de tes jambes te chatouillant

Tu n’existes pas tu n’es rien

Qui sait d’où sont venus les tiens

Mourir là petites vagues de l’océan

Qui se souciera de leur peine maintenant

Eux ils sont la force ils sont tout

Leur justice dira pourquoi chercher des poux

Avec l’indifférence des vieux mercenaires

Ils noteront ton nom dessus leurs formulaires

Jerry a attendu des jours entiers en vain

Il ne joue plus avec le vent déjà demain

Il va vieillir et un trou noir dans sa mémoire

Ne cesse pas de grandir quand revient le soir

Toi tu ne grandiras pas et aucun amant

Ne t’offrira le doux parfum jasmin du temps

 

Toi petite fée d’hiver qui n’aura jamais

D’oiseaux chahutant dans tes cheveux tu rêvais

Peut‑être à des étés turbulents casse‑cous

A quitter la cité sur les grands bateaux saouls

Des poèmes de Rimbaud et à des Indiens

Vous emportant le chat Jerry et toi très loin

De l’ennui gris des patelins

Sans fleurs sans rosiers sans jardins

Toi qui n’accompagneras pas les caravanes

Dans les déserts de brousse ni dans les savanes

Toi qui n’auras plus aucun ami sur la terre

Tu sens sur ton corps le poids de tout l’univers

Au silence des astres le chat Jerry veille

Encore et ses yeux verts suivent la lune abeille

Brune qui tourne au‑dessus du nid de coucous

Depuis toujours elle sait bien qu’on est au bout

De la route passant par ce rond‑point maudit

Où s’était arrêtée juste un instant ta vie

Pour musarder le nez au vent

Mais les coucous en ont décidé autrement

 

Non pour toi petite fée d’hiver pas d’automneEscapade-lunaire.jpg

Pas de bruyères d’écureuils croqueurs de pommes

Toi qui ne vieilliras pas au coin des bons feux

Rêvant comme les chats somnolents bienheureux

Contant aux gosses des bergers à la veillée

L’histoire d’un temps où les carrosses rouillés

Des gardes du royaume écrasaient les enfants

Mais ça ne risque plus d’arriver maintenant

Un jour le chat Jerry s’en ira à son tour

Avec ton dernier rire jusqu’au carrefour

Dans son souvenir tu n’as pas changé du tout

Tranquille il poursuivra son chemin jusqu’au bout

De la violence des mondes sans gardes fous

Bousculant les nids et dévorant les coucous

Emportant avec lui petite fée d’hiver

Le temps humain qui tue l’enfance de la terre.

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4 juin 2011 6 04 /06 /juin /2011 22:01

Les quelques photos de la condition ouvrière des femmes m'ont paru passionnantes et tout à fait dans le sujet alors je les ai mises ici pour remplacer celles que je n'aurais pas pu avoir car à l'époque ce genre de photos c'était rare...

L'offensive des pauvres suite...

A la fin de l’année 69 Mémé avait décidé que ça suffisait commeetoiles-plus-petit.jpg ça et sans prévenir elle avait pris elle aussi la piste du cimetière marin d’El Araich où je la conduisais par la main dans mes rêves déchirés. Le petit cimetière boueux et grisâtre où la caravane des femelles entourées du clan des bigots et du curé de service l’avait menée un jour de novembre qui postillonnait de givre était la pire des impostures. J’avais refusé de faire partie des troupes pleurnichant et zézayant des bouts de prières entre leurs chicots qu’elle aurait maudites en levant le poing et en grognant les plus effrontés blasphèmes contre ces bondieuseries. Accroupie dans le recoin de sa chambre où Mauricette et les tantes avaient déjà fait le ménage et enlevé ses vêtements et les rares objets qu’elle gardait précieusement et qui l’avaient accompagnée tout ce temps ainsi que les quelques photos couleur sépia d’Antonin et de Mathilde sa femme je déterrais les deux gros bouquins en chantant le plus fort possible pour écarter le trop plein de ma peine : 

‑  J'aimerai toujours le temps des cerises, C'est de ce temps-là que je garde au cœur Une plaie ouverte ! Et dame Fortune, en m'étant offerte Ne saurait jamais calmer ma douleur... J'aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur !

Mémé enroulait ces témoins survivants de son enfance ouvrière dans un chiffon rouge qui avait appartenu à grand­‑père Antonin et dont elle n’avait pas voulu me dire s’il s’agissait d’un lambeau de drapeau ou d’un foulard mais sans doute qu’elle n’en savait rien. C’est en camouflant ces livres et le bout de tissu rouge qui avait pris les tons ocre rose des vestes de marins et qui était tout l’héritage que j’aurais d’elle au fond du placard de ma soupente que je me suis mise à réfléchir. Il était simple de deviner ce qui m’attendait si je ne me débrouillais pas pour ruser comme elle me l’avait appris et pour préparer la piste de ma fuite loin de la petite maison ouvrière et de la tribu familiale. Et deux ans plus tard sous les huit yeux effarés et furieux de la tribu femelle je faisais mes premiers pas d’arrière petite fille d’ouvrier paysan à la chaîne de l’usine Kréma Hollywood de Montreuil avec un groupe  d’“ établis ” comme on les appelait qui m’avaient adoptée pendant que nous attendions l’ouverture de l’agence Intérim. Mauricette et les tantes avaient beau savoir qu’il leur serait impossible de me retenir ça les rendait folles de me voir prendre le train et disparaître des heures entières hors de leur contrôle sans failles et sans merci qui était rôdé aux trois‑huit lui aussi.

Les sociétés d’intérim qui envahissaient tranquillement le marché du travail ne regardaient pas d’où sortaient ces bandes de jeunes qui acceptaient n’importe quel boulot et n’avaient encore mis la main à aucune patte. Dans nos familles on ne parlait jamais des conditions de travail aliénantes et épuisantes parce qu’il était entendu qu’on était voués à ce sort d’esclaves domestiques consentants et qu’en contrepartie de notre bonne volonté les maîtres veillaient à ce que nos principaux besoins soient satisfaits. Ce qui n’était pas le cas des habitants des pays du Sud qui s’étaient débarrassés de l’Empire étourdiment. Ils avaient rompu leurs amarres… eh bien ils allaient en baver ! Si j’osais remettre en cause la justification du pouvoir absolu des riches et du patronnât par une sorte de don de droit divin Mauricette et les deux tantes resserraient sur moi leurs pinces d’acier et les quelques libertés qui me restaient disparaissaient pour des semaines jusqu’à ce qu’elles se fatiguent d’épier chacun de mes pas. Maintenant que Mémé avait laissé le rafiot sans capitaine la petite maison ouvrière avec son ramassis de femelles bigotes était envahie d’une atmosphère de suspicion et de haine qui la rendait terriblement invivable.

 sanspapfoul2.jpg

A la Kréma c’était autre chose… Même si au départ l’ambiance encore une fois féminine avait provoqué chez moi un réflexe de repli et la tentation de prendre le large à peine entrée dans les immenses entrepôts ateliers qui me paraissaient prêts à m’engloutir tels des ogres avec leurs cuves géantes où mijotaient des sirops et des pâtes filantes aux couleurs vives.  Débarquée là avec tout un fatras d’histoires en tête et de projets en vue de faire circuler les idées libertaires parmi les ouvrières qui marnaient depuis trente ans pour certaines au milieu des énormes marmites couvertes d’une peau de bulles sucrées jusqu’à l’écoeurement le visage et les mains poisseux je réalisais aussitôt mon erreur. J’avais été repérée dès les premiers instants à cause de mon allure nonchalante et de mon accent de ch’Nord qui faisait pouffer les filles tandis que ma maladresse me désignait comme une victime de choix pour leurs plaisanteries vulgaires auxquelles je ne comprenais rien. Elles appartenaient pourtant à la tribu dont Mémé m’avait si souvent parlé mais je n’étais pas des leurs.

.doisneau_4.thumbnail.jpgUne ouvrière à la chaîne chez Renault. 1936. Doisneau

Après avoir épuisé en moins d’une semaine tous les postes qui nécessitaient un minimum de bonne volonté et de résignation à la lenteur terrifiante qui faisait piétiner l’aiguille de la pendule j’avais fini par atterrir à l’emballage. Les paquets de bonbons descendaient au creux des glissières pareilles à des toboggans  triés par catégories différentes à l’intérieur de sorte de réservoirs métalliques où ils s’entassaient par milliers devant chacune d’entre nous. Il s’agissait de les empiler de façon à faire tenir un nombre précis de paquets dans des cartons qu’on devait déplier et mettre en forme sans perdre une minute. Quand le carton était rempli on le posait ouvert sur le tapis roulant de la chaîne et il s’en allait avec les autres en direction du poste suivant où les filles fermaient et scotchaient toute la journée. Etles cartons bouclés repartaient sur la chaîne dans leur ronde infernale accompagnés des grincements et des couinements qui ne s’arrêtaient jamais.

Je n’avais pas mis plus de deux ou trois heures avant de comprendre que le milieu dans lequel je venais de me faire happer par toute la peau de mon corps de gamine n’avait pas grand-chose à voir avec celui que Mémé avait découvert à l’âge de huit ans presque un siècle auparavant. Les missions que les Intérims nous donnaient étaient des remplacements de postes qui faisaient de nous des employées précaires et nomades de la grande industrie et des services dont on se débarrassait aussi facilement que les patrons des filatures congédiant  grand‑père Antonin jusqu’à la prochaine fois… Mais les différentes primes qui s’ajoutaient à nos salaires miteux suscitaient la jalousie et une méfiance souvent assortie d’incompréhension parmi les filles qui trimaient dur et avaient la quarantaine pour la plupart. Qu’est‑ce qu’on venait faire là depuis notre province et nos petits patelins paumés avec des bonifications parce qu’on se payait en plus des huit heures de turbin deux heures de train matin et soir ? On ne nous aimait guère et d’ailleurs les équipes formées depuis des années nous tournaient le dos nous laissant nous débrouiller avec les cartons maudits.

Des ouvrières retournent au travail à pied après leur pause-repas de 30 minutes à la cafétéria du chantier naval. 1943 Joseph Gibson http://www.collectionscanada.gc.ca

Ouvrieres.jpg

Je passais souvent ces jours interminables sans que quelqu’un m’adresse la parole sauf pour râler parce que j’étais à la traîne. L’apprentissage de la condition ouvrière et de sa violence quotidienne allait avoir vite fait de creuser en moi des traces aussi profondes et douloureuses que celles encore fraîches du pensionnat religieux et au bout de six mois de cette galère je laisserais en plan les militantes maos consciencieuses et acharnées. Dispersées dans les différents ateliers elles semblaient s’être habituées au régime sec qu’elles subissaient également mais pour elles la mission n’était pas prêt de s’achever car leurs précédentes expériences dans d’autres usines leur permettaient probablement d’espérer une embauche définitive ce qui changeait tout aux perspectives utopiques qui les animaient. C’est grâce à elles que j’allais faire une rencontre bienvenue pour quelqu’un qui avait vécu jusque là cerné par plusieurs sortes de gynécées dans un repli silencieux et calculé. 

 Ouvrière chez Clerget. 1968. www.turritoire.org 

usine_clerger_ouvriere_r-2.jpg A suivre...
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2 juin 2011 4 02 /06 /juin /2011 22:10
Le petit clown sans ses chaussures

Goutte à goutte tu visclichy-sous-bois.jpg

Goutte à goutte tu meurs

Mais qu’ont-ils fait de ton cœur

Que tu leur as offert joli ?

 

C’est midi douceur café

Et un petit clown affolé

Sous un gros édredon planqué

C’est midi au bar de la gare

Un train qui vient un train qui part

C’est midi en train de se réveiller

Dans la chambre d’hôtel des fleurs papier

Rient

Dis qu’as-tu fait de ta vie ?

Sur les marches de bois pourri

Ont sauté bien des chaussures d’artistes

Qui ne tenaient ni haut ni pavé

C’est sous la rue que poussent les améthystes

Que tu n’as jamais cueillies

Ni à minuit ni à midi

 

C’est sur la rue de plumes paré

Qu’à midi tu t’aventures

Autour de ton cou dansent tes chaussures

Fils du coq blanc petit clown bien aimé

Des oreillers et des dunes sabliers

Y’a un rayon de soleil

Qui joue entre tes orteils

La piste a perdu tous ses pouvoirs

Fils du coq rouge ta sanguine parure

Te fait roi des fous faut pas lui en vouloir

Neigent à midi gouttes vermeilles

Dans ton ivresse café noir

Neigent à minuit gouttes de temps

Dans le cri de verre de ton regard

Gratteront la poussière coq rouge coq blanc

Pour délivrer les cailloux voie lactée

Qui remplissaient tes chaussures véritétrain-petit.jpg

 

Pas de scrupules pas de soucis

Sitôt passée la consigne maligne

Au joueur d’orgue de barbarie

De perforer d’avance les tickets gris

Des instants tristes de la vie

Petit clown sur le trottoir avance nu

Parmi les herbes et la rosée

Et dans le ventre aux appels retenus

Tissé de laine bleue et de baisers

D’une femme se laisse emporter

Caniveau là caniveau ci

Mais non c’est un ruisseau pardi

Et des fougères plein leur lit

Miel et cardamome à midi

Juste la douceur café de l’été

 

Goutte à goutte tu vis

Petit clown grand voyageur

Pour pas déranger les spectateurs

Tes chaussures sur ton cœur

Que tu leur as offert joli

Du côté de l’escalier de serviceBaskets-rouges-chaussures-noires-2.jpg

Mijotent les feux d’artifice

Des pâquerettes et des narcisses

Que ceux qui se lèvent à midi

Font pousser dans les coulisses

Du cirque ambulant de la vie.

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30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 20:50

L'offensive des pauvres suite...serrure-petit.jpg

Comment fait‑on pour vivre dans un monde dont on n’a jamais supporté l’inhumanité et qui suit depuis l’origine le chemin en spirale de sa propre folie ne cessant de recommencer à l’aube ce qui l’a perdu au crépuscule ? J’en ai croisé de ces voyageurs solitaires sur les pistes d’ailleurs qui menaient leur révolte comme une caravane d’un puits à l’autre toujours assoiffée. Le plus souvent leur fuite funambule trouve sa fin et son sens à la façon de Jean Genet l’errant sans demeure autre que ses prisons et les mots des poèmes au petit cimetière d’El Araich toujours suspendu au‑dessus de l’océan.

Dans le courant affolé des années 70 qui emportait toutes nos vieilles reliques avec lui ceux qui avaient quitté les faubourgs des grandes citadelles aux centres d’affaires obséquieux ruisselant déjà de rouleaux de monnaie tandis que les périphéries se suspendaient en bidonvilles à leurs basques vagabondaient au gré de leurs quêtes d’une communauté rurale à l’autre. Il y avait un tel désir de goûter à cette condition paysanne dont Mémé m’avait tant décrit les rites et les enchantements qui tenaient avant tout à ses paroles et aux légendes qu’elle y mêlait !

Aucun d’entre nous ne connaissait l’Afrique au moment de notre évasion déraisonnable qui allait nous faire transhumer à travers les plateaux herbeux du Massif Central sur la piste ocre rouge et ébène des Causses jusqu’aux vignobles et aux vergers des grands domaines méditerranéens où les ouvriers agricoles maghrébins seraient nos initiateurs à un autre style de misère. L’Afrique des rites et des magies que nous étions en train de surprendre au fil des images bourrées de trésors des premiers films de Jean Rouch se révélait sous nos yeux incrédules comme une réserve inépuisable de nos cultures populaires orales. Cette expression précieuse de nous‑mêmes qui relie les peuples du monde par le pacte de l’échange et par la fierté de leurs singularités nous avait échappée et c’est grâce aux salles obscures qui étaient notre seule pioche à culture que nous y avons eu droit. Bientôt les deux facettes miroitantes de cet univers enchanteur et inquiétant allaient se rejoindre dans nos songes et nous mettre en demeure d’y aller voir. Et puis c’était le grand bouleversement de la lutte des Indépendances qui venait de s’accomplir. Au moment où les peuples de tout ce continent asservi entrés en rébellion tentaient d’incarner par leurs combats lucides l’utopie de l’Unité Africaine beaucoup d’entre nous se sont dits qu’il était temps aussi de fondre les armes dans les forges du présent et de passer à l’action.

J’ai pris l’habitude de voyager font tous les nomades en emportant juste un sac en toile de jute grise avec des vêtements de rechange et le nécessaire de toilette sans oublier les trois ou quatre recueils de poèmes qui ne me quittent pas. Il y a des années que les aéroports et les gares des pays d’Afrique de l’Ouest et du Nord sont devenus mes escales familières. Sans parler des cargos transportant des chargements de bois ou de céréales et de coton qui de Dakar à Banjul et à Conakry font le plein de chargements venus par la route ou par le fleuve du Mali et du Burkina Faso ou encore du Niger. Parfois ce sont des pinasses chargées de fruits qu’on transborde sur les ponts avant qu’enfin repus prennent la direction de l’Europe. En compagnie de quelques autres toubabs acharnés comme moi à aller à la rencontre de toute la sauvagerie qui est en nous je suis désormais une passagère bienvenue à bord de leurs flancs énormes. Mais les aéroports qui se sont abattus ces dernières années sur les villes perdues du grand continent noir comme les oiseaux sur champ de mil nous ont rendus esclaves de nos sociétés exténuées de vitesse et de transes. mali_longboat.jpg

Nous voici à nouveau captifs de l’Occident nous autres les baroudeurs de l’écriture et collecteurs de contes avides de partir sans cesse à la découverte de civilisations où les griots et les tisseurs de paroles demeurent les maîtres de l’attente et de l’enchantement. Quel émerveillement de pouvoir bondir en deux ou trois heures de Bamako la plus grande cité du Mali sur le fleuve Niger à Tombouctou prise dans les sables du désert Sahara et de se retrouver à nouveau en moins de temps qu’on peut imaginer en Afrique sur le port de Mopti la ville des pêcheurs Bozos ! Mais voilà que justement le bonheur incomparable de l’Afrique c’est qu’on y fait l’expérience rarissime et inconnue de ceux qui n’ont pas vécu l’époque des paysans ouvriers des années 1850 d’un temps réglé sur d’autres cadences que celles des horloges des aéroports. Ceux qui sont comme c’est mon cas correspondants d’une revue de littératures africaines ont pris pour rythme de rédaction de leurs articles ou de leurs récits le déhanchement d’un de ces bateaux transportant les hommes et les animaux en plus d’une quantité incroyable de marchandises depuis Koulikoro le port le plus proche de Bamako jusqu’à Tombouctou en cinq ou six jours c’est selon.

Autant que la lumière brutale des braises calcinant la savane de brousse ocre et sanguine et que l’indigo glacé des ciels tendus au­‑dessus des Tassilis j’aime cette lenteur puissante roulant dans la chaleur des jours entrecoupée de réveils et de crépuscules vigoureux qui mène tout ici. C’est la marche solitaire et obstinée des tribus d’éléphants du désert malien de Gourma en route vers le Burkina Faso qui donne sa mesure et sa force au chant profond des peuples de cette terre. Je n’imaginais pas il y a trente ans en mettant les pieds pour la première fois sur le territoire des griots dans le village de Yoff aux maisons entourées de murs ronds en banco blanc et ocre jaune à la sortie de l’aéroport de Dakar qu’une grande partie des habitants des villages d’Afrique de l’Ouest que j’allais traverser en tous sens vivait à peu près comme grand‑père Antonin et les siens à plus d’un siècle de là. Le père et le grand père d’Antonin n’avaient sans doute que de modestes lopins de terre à retourner ainsi qu’un cheval et quelques chèvres mais ils faisaient vivre leur famille et n’avaient pas été contraints de se louer dans les grands domaines et de se vendre pour finir leurs mains de paysans sans terres aux usines naissantes. Ils étaient restés humains.

Parfois la misère des paysans africains et de ceux qui anciens nomades touarègues ou éleveurs peuls et leurs troupeaux rivés à la soif partaient engrosser les faubourgs démesurés des citadelles géantes allait me submerger comme une vague lancinante que j’aurais tant voulu fuir encore et dont le chant plus strident que mille balafons hantait chacun de mes retours. C’était malgré tout ce qui séparait les deux mondes les brûlots de mémoire furieux de Mémé qui me revenaient en agitant leurs chiffons rouges et les illusions des Indépendances ne tarderaient pas à enfiler les linceuls de boue noire du fleuve Niger. Pourtant au‑delà des nouveaux esclavages organisés par les maîtres de l’Occident et leurs complices au plus haut niveau des Etats africains ainsi que le pillage de leurs ressources naturelles et de leurs récoltes que les peuples transformés en bataillons de fourmis portaient sur leurs dos j’ai trouvé partout ici dans les villages de brousse le respect des rythmes naturels et des rites qui ont donné sens à la vie depuis bien avant les multiples colonisations.

Ce que j’étais venue chercher au hasard de mes tribulations et grâce à l’incroyable magie des rencontres qui avait semé ses miettes de rêves sur ma trajectoire c’était un réel qui les dépasserait tous en grandeur et en exigence. Les chants des femmes en pleine récolte dans les rizières de la Casamance parsemant les bolongs et la caravane de l’azalaï avec ses chameaux chargés des plaques étincelantes de sel arraché aux mines de Tadouéni faisant route jusqu’à Tombouctou m’avaient plongée rapidement au cœur de cet acharnement quotidien qu’il faut pour survivre dignement sur la terre ancestrale. Le pemali_meeting_house.jpguple Dogon du Mali transportant dans des sacs suspendus à ses reins la terre pour les cultures de mil ou de fonio à flanc de la falaise de Bandiagara sur des terrasses aménagées avec des murets qui retiennent les eaux d’écoulement a su préserver lui aussi une cosmogonie qui relie chacun des gestes usuels à des cérémonies magiques d’une rare beauté et d’une créativité infinie. En regardant avec la sensation bienfaisante de me glisser à nouveau dehors du gynécée de la petite maison ouvrière l’océan danser comme un bracelet de turquoise passé au bras du Cap Manuel à la pointe sud de Dakar je ne me doutais pas que c’était du cœur de cette Afrique‑là que nous parviendrait un jour de printemps le cri rouge de notre liberté retrouvée.

 

A la fin de l’année 69 Mémé avait décidé que ça suffisait comme ça et sans prévenir elle avait pris elle aussi la piste du cimetière marin d’El Araich où je la conduisais par la main dans mes rêves déchirés. Le petit cimetière boueux et grisâtre où la caravane des femelles entourées du clan des bigots et du curé de service l’avait menée un jour de novembre qui postillonnait de givre était la pire des impostures. J’avais refusé de faire partie des troupes pleurnichant et zézayant des bouts de prières entre leurs chicots qu’elle aurait maudites en levant le poing et en grognant les plus effrontés blasphèmes contre ces bondieuseries. Accroupie dans le recoin de sa chambre où Mauricette et les tantes avaient déjà fait le ménage et enlevé ses vêtements et les rares objets qu’elle gardait précieusement et qui l’avaient accompagnée tout ce temps ainsi que les quelques photos couleur sépia d’Antonin et de Mathilde sa femme je déterrais les deux gros bouquins en chantant le plus fort possible pour écarter le trop plein de ma peine : 

‑  J'aimerai toujours le temps des cerises,

C'est de ce temps-là que je garde au cœur

Une plaie ouverte !

Et dame Fortune, en m'étant offerte

Ne saurait jamais calmer ma douleur...

J'aimerai toujours le temps des cerises

Et le souvenir que je garde au cœur !

Mémé enroulait ces témoins survivants de son enfance ouvrière dans un chiffon rouge qui avait appartenu à grand­‑père Antonin et dont elle n’avait pas voulu me dire s’il s’agissait d’un lambeau de drapeau ou d’un foulard mais sans doute qu’elle n’en savait rien. C’est en camouflant ces livres et le bout de tissu rouge qui avait pris les tons ocre rose des vestes de marins et qui était tout l’héritage que j’aurais d’elle au fond du placard de ma soupente que je me suis mise à réfléchir. Impossible de ne pas deviner ce qui m’attendait si je ne me débrouillais pas pour ruser comme elle me l’avait appris et pour préparer la piste de ma fuite loin de la petite maison ouvrière et de la tribu familiale. Et deux ans plus tard sous les huit yeux effarés et furieux de la tribu femelle je faisais mes premiers pas d’arrière petite fille d’ouvrier paysan à la chaîne de l’usine Kréma Hollywood de Montreuil avec un groupe  d’“ établis ” comme on les appelait qui m’avaient adoptées pendant que nous attendions l’ouverture de l’agence Intérim. Mauricette et les tantes avaient beau savoir qu’il leur serait impossible de me retenir ça les rendait folles de me voir prendre le train et disparaître des heures entières hors de leur contrôle sans faille qui était rôdé aux trois‑huit lui aussi.

Les sociétés d’intérim ne regardaient pas d’où sortaient ces bandes de jeunes qui acceptaient n’importe quel boulot et n’avaient mis la main à aucune patte n’ayant qu’une notion approximative de ce que ça signifiait que travailler. Dans nos familles on ne parlait jamais des conditions de travail aliénantes et épuisantes parce qu’il était entendu qu’on était voués à ce sort d’esclaves domestiques consentants et qu’en contrepartie de notre bonne volonté on était à l’abri des besoins principaux. Ce qui n’était pas le cas des habitants des pays du Sud qui s’étaient débarrassés de l’Empire et qui ayant rompu leurs amarres allaient en baver. Si j’osais remettre en cause la justification du pouvoir absolu des riches et du patronnât par une sorte de don de droit divin Mauricette et les deux tantes resserraient sur moi leurs pinces d’acier et les quelques libertés qui me restaient disparaissaient pour des semaines jusqu’à ce qu’elles se fatiguent de guetter chacun de mes pas. Maintenant que Mémé avait laissé le rafiot sans capitaine la petite maison ouvrière avec son ramassis de femelles bigotes était envahie d’une atmosphère de suspicion et de haine qui la rendait terriblement invivable. 

A la Kréma c’était autre chose même si au départ l’ambiance encore une fois féminine avait provoqué chez moi un réflexe de repli et la tentation de prendre le large à peine entrée dans les immenses entrepôts ateliers qui me paraissaient prêts à m’engloutir tels des ogres avec leurs cuves géantes où mijotaient des sirops et des pâtes filantes aux couleurs vives.  Débarquée là avec tout un fatras d’histoires en tête et de projets en vue de faire circuler les idées libertaires parmi les ouvrières qui marnaient depuis trente ans pour certaines au milieu des énormes marmites couvertes d’une peau de bulles sucrées jusqu’à l’écoeurement le visage et les mains poisseux je réalisais aussitôt mon erreur. J’avais été repérée dès les premiers instants à cause de mon allure nonchalante et de mon accent de ch’Nord qui faisait pouffer les filles tandis que ma maladresse me désignait comme une victime de choix pour leurs plaisanteries vulgaires auxquelles je ne comprenais rien.

Une fois épuisé en moins d’une semaine tous les postes qui nécessitaient un minimum de bonne volonté et de résignation à la lenteur terrifiante qui faisait piétiner l’aiguille de la pendule j’avais fini par atterrir à l’emballage. Les paquets de bonbons descendaient au creux des glissières pareilles à des toboggans  triés par catégories différentes à l’intérieur de sorte de réservoirs métalliques où ils s’entassaient par milliers devant chacune d’entre nous. Il s’agissait de les empiler de façon à faire tenir un nombre précis de paquets dans des cartons qu’on devait déplier et mettre en forme sans perdre une minute. Quand le carton était rempli on le posait ouvert sur le tapis roulant de la chaîne et il s’en allait avec les autres en direction du poste suivant où les filles fermaient et scotchaient toute la journée. Et les cartons bouclés repartaient sur la chaîne dans leur ronde infernale accompagnés des grincements et des couinements qui ne s’arrêtaient jamais.On-vit-sans-vivre-NetB-copie.jpg

Je n’avais pas mis plus de deux ou trois heures avant de comprendre que le milieu dans lequel je venais de me faire happer par toute la peau de mon corps de gamine n’avait pas grand-chose à voir avec celui que Mémé avait découvert à l’âge de huit ans presque un siècle auparavant. Les missions que les Intérims nous donnaient étaient des remplacements de postes qui faisaient de nous des employées précaires et nomades de la grande industrie et des services mais les différentes primes qui s’ajoutaient à nos salaires miteux suscitaient la jalousie et une méfiance souvent assortie d’incompréhension parmi les filles qui trimaient dur et avaient la quarantaine pour la plupart. On ne nous aimait guère et d’ailleurs nous ne faisions pas partie des équipes formées depuis des années qui avaient appris à faire le dos rond et je passais souvent ces jours interminables sans que quelqu’un m’adresse la parole sauf pour râler parce que j’étais à la traîne. L’apprentissage de la condition ouvrière et sa violence quotidienne allait avoir vite fait de creuser en moi des traces aussi profondes et douloureuses que celles encore fraîches du pensionnat religieux et au bout de six mois de cette galère je laissais en plan les militantes maos consciencieuses et acharnées.

Dispersées dans les différents ateliers elles semblaient s’être habituées au régime sec qu’elles subissaient également mais pour elles la mission n’était pas prêt de s’achever car leurs expériences dans d’autres usines leur permettaient probablement d’espérer une embauche définitive ce qui changeait tout aux perspectives utopiques qui les animaient. C’est grâce à elles que j’allais faire une rencontre bienvenue pour quelqu’un qui avait vécu jusque là cerné par plusieurs sortes de gynécées dans un repli silencieux et calculé. Une camarades de l’usine qui besognait au nettoyage des cuves où on casait les ouvrières disqualifiées par manque d’initiative avait pris l’habitude de rester discuter avec une des établies le soir au bistrot après les heures d’abrutissement vu que chez elle c’était encore pire et que plus tard elle rentrait moins elle risquait les coups de ceinture du paternel au retour à moitié ivre de son usine à lui. Malgré les tentatives répétées afin de la persuader que seule une organisation collective des rôles à jouer pourrait fiche par terre cette broyeuse de vies Martine qu’on n’appelait que Titine à l’atelier n’avait aucune envie de moisir entre la puanteur douceâtre des sirops et les vapeur acides des produits à nettoyer les cuves.

En la faisant causer l’autre avait appris que son père qui avait d’abord été maçon était venu du Portugal avec sa femme et comme bon nombre de ses compatriotes il s’était résigné à une situation médiocre d’ouvrier à l’emboutissage des usines automobiles de Renault Flins depuis vingt ans aux 3/Avec-les-ch-vres-70.jpg8. Titine avait refusé d’en dire plus sur la galère familiale migratoire mais ce qui avait attiré l’attention de l’établie c’est qu’elle habitait une petite maison ouvrière dans les hauteurs de Creil. Elles m’avaient guett ée toutes les deux en fumant une clope à la sortie du vestiaire et c’est comme ça que j’avais fait la connaissance de Titine qui était ma voisine à quelques rues de là et je n’en savais rien. Pendant les trajets en train aller-retour de l’usine on avait eu tout le temps d’écrire et de réécrire cent fois le scénario de notre future cavale commune et surtout de planifier notre projet pour être sûres de nous. Attendre et bondir au bon moment comme le fait la panthère bouclée dans sa cage qui sait que l’instant précis où la porte sera entrouverte mérite la durée du siège. Cette époque était celle de toutes les audaces et de toutes les séparations et celle où prendre le large était une façon d’être aussi évidente que ludique.

 

 

A suivre...

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28 mai 2011 6 28 /05 /mai /2011 22:12

Cet article est publié sur le site ACRIMED : http://www.acrimed.org/article3601.html

Et voilà le début de la suite de “ Prenons la rue ! ” A mon avis ça va donner quelque chose de vraiment irrésistible… Rendez‑vous demain Place de la Bastille… A suivre…

 Loin de l’Espagne et de l’information : ce que veulent les manifestants

Henri Maler, le 24 mai 2011revolte-petit.jpg

      Ce court article n’a pas vocation à analyser de manière exhaustive le traitement médiatique des mobilisations en Espagne. D’autres articles suivront...

      Acrimed n’est pas un site d’information ou de contre-information généraliste, mais d’information et de contre-information sur les médias, les journalismes et l’information elle-même. Pourtant – une fois n’est pas coutume –, il suffit, pour prendre la mesure de la vacuité de l’information entre le 15 et le 21 mai sur les mobilisations en Espagne, d’effectuer une rapide “ revue des médias ” et de lui opposer ce que l’on y trouve pas : les plateformes des manifestants. ( … )

      Quand “ l’affaire DSK ” occupe les temps d’antenne et dévore les surfaces imprimées… De glorieux journaux télévisés ( … )

Ce que l’on n’apprend qu’en surfant ailleurs … sur des revendications prétendument disparates, confuses et apolitiques…

 Manifeste de “ Democracia Real Ya ! ” ( 15 mai )

 Nous sommes des personnes ordinaires. Nous sommes comme vous : des gens qui se lèvent tous les matins pour étudier, travailler ou pour chercher un travail, des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et pouvoir offrir un meilleur avenir à ceux qui les entourent.

 Parmi nous, certains se considèrent plus progressistes, d’autres plus conservateurs. Certains sont croyants, d’autres pas. Certains suivent des idéologies précises, d’autres se considèrent apolitiques. Mais nous sommes tous préoccupés et indignés par la situation politique, économique et sociale autour de nous : par la corruption des politiciens, patrons, banquiers, ... qui nous laissent sans défense et sans jamais être entendus.

 Cette situation est devenue la norme, une souffrance quotidienne et sans espoir aucun. Mais en unissant nos forces nous pouvons la changer. Le moment est venu de changer les choses, de bâtir ensemble une société meilleure. En conséquence nous soutenons avec vigueur les affirmations suivantes :

 L’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement écologique durable, le bien-être et le bonheur des personnes doivent être les priorités de chaque société avancée.

 Des droits inaliénables doivent être garantis au sein de notre société : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à la participation politique, au libre développement personnel et le droit du consommateur à une vie saine et heureuse.

 L’état actuel de notre système politique et économique ne répond pas à ces priorités et il est par de multiples facettes un obstacle au progrès de l’humanité.

Madrid-3203c.jpg

 La démocratie appartient au peuple ( demos = peuple, cratie = pouvoir ), ce qui signifie que chacun de nous constitue une partie du gouvernement. Cependant, en Espagne, la majorité de la classe politique ne nous écoute même plus. Ses fonctions devraient être de porter notre voix auprès des institutions, en facilitant la participation politique des citoyens à travers des canaux de démocratie directe pour le bénéfice du plus grand nombre, et non pas celle de s’enrichir et de prospérer à nos dépens, en suivant les ordres des forces économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature en suivant les ordres des pouvoirs économiques et en s’accrochant au pouvoir grâce à une dictature des partis représentée par les sigles inamovibles du PPSOE.

La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns sont à la source des inégalités, frustrations et injustices, ce qui mène à la violence, que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et non-durable, entraîne notre système social dans une spirale, qui s’auto-consume, enrichissant une minorité et appauvrissant les autres. Jusqu’à son effondrement.

La volonté et le but du système sont l’accumulation d’argent, sans tenir compte ni de l’efficacité ni du bien-être de la société ; gaspillant ses ressources, et détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs mécontents.

Les citoyens sont les engrenages d’une machine destinée à enrichir cette minorité qui se moque de nos besoins. Nous sommes anonymes mais sans nous, rien de cela n’existerait, car nous faisons fonctionner le monde.

Si en tant que société nous apprenons à ne pas confier notre avenir à une rentabilité économique abstraite où la majorité ne bénéficie pas de ses avantages, nous pourrons supprimer les abus que nous endurons.

Nous avons besoin d’une révolution éthique. Plutôt que de mettre l’argent avant les êtres humains, il faut le mettre à notre service. Nous sommes des personnes, pas des objets. Je ne suis pas le produit de ce que j’achète, pourquoi je l’achète ou à qui je l’achète.

Au nom de tout ce qui vient d’être dit, je suis indigné. Je crois sincèrement que je peux changer les choses. Je crois que je peux aider. Je sais que, tous ensemble, on peut y parvenir. Sors avec nous. C’est ton droit.beauté

 http://democraciarealya.es/?page_id=88

 Propositions approuvées par l’assemblée générale ( Madrid, 20 mai )

        Toutes nos excuses pour les éventuelles erreurs de traduction ( Acrimed ).

      Résultat de la consultation de l´assemblée réunie le 20 mai 2011 au campement de la Puerta del Sol. Celui-ci est la compilation et la synthèse des propositions reçues ces derniers jours. Une première liste de propositions a été élaborée. Nous soulignons que l´assemblée est un processus ouvert et collaboratif. Cette liste n’est pas fermée, les propositions approuvées lors de l’assemblée du 20 mai au campement de la Puertadel Sol sont :

1. Le changement de la loi électorale avec des listes pour une seule circonscription. L’attribution des résultats doit être proportionnelle au nombre de votes.

2. Les droits basiques et fondamentaux doivent être respectés, comme : le droit à un logement digne, s´articulant sur la réforme de la loi hypothécaire en cas de dévolution du logement pour non-paiement, la dette doit être annulée, une santé publique gratuite et universelle, la libre circulation des personnes et le renforcement de l´éducation publique et laïque.

3. L’abolition des lois et des mesures discriminatoires et injustes comme les lois issues du “ processus de Bologne ” et de l’espace européen d’enseignement supérieur, et celle connue sous le nom de loi Sinde ( contrôle d’internet ).

4. Une réforme fiscale pour les salaires les plus bas et une réforme des impôts sur le patrimoine et les héritages. La mise en place de la taxe Tobin qui concerne les transactions financières internationales et la suppression des paradis fiscaux.

5. Des réformes des conditions de travail de la classe politique pour abolir les salaires à vie. Que les programmes et les propositions électorales aient un caractère contraignant.

6. Le refus et la condamnation de la corruption, rendre obligatoire par la loi électorale la présentation de listes propres exemptes de toute corruption.

7. Différentes mesures en rapport avec les banques et les marchés financiers selon l’article de la Constitution qui dit que toute la richesse du pays sous toutes ses formes doit être utilisée pour l´intérêt général. La réduction du pouvoir du Fonds monétaire international et de la Banquecentrale européenne : nationalisation de toutes les banques sauvées par l´État, renforcement de tous les contrôles sur les entités et les opérations financières pour éviter tout abus.

8. Une vraie séparation de l´État et de l´Église, comme le stipule l´article 7 de la Constitution.

9. Une démocratie participative et directe où les citoyens sont actifs. Un accès populaire aux moyens de communication qui doivent être éthiques et fidèles à la vérité.

afp-indignados-espana-protestas-1.jpg

10. Une vraie révision des conditions de travail, sous surveillance effective des autorités étatiques.

11. La fermeture de toutes les centrales nucléaires et la promotion des énergies renouvelables et gratuites.

12. La récupération des entreprises publiques privatisées.

13. Une séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

14. La réduction du budget militaire et la fermeture immédiate des entreprises d´armement. Un plus grand contrôle sur les forces et corps de sécurité de l´État. Comme le mouvement pacifiste nous disons non à la guerre.

15. La récupération de la mémoire historique et des principes fondamentaux de la lutte pour la démocratie dans notre pays.

16. Une transparence totale des comptes et des financements des partis politiques comme mesure de contrôle de la corruption politique.Les-indignes.jpg

Alors si ça c'est pas un vrai programme pour changer le monde hein ?

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27 mai 2011 5 27 /05 /mai /2011 19:13

      Un nouveau fragment de Squatt d'encre rouge qui se situe juste après le texte de " Sorrow... tu comprends ". Vous aures la suite du " Domaine des Sept Lunes " dans quelques jours c'est promis... La photo de couverture du bouquin est de mon pote photographe Jacques Du Mont...


Imposture des FleursSquatt-d-encre-rouge.jpg

 

J’ai raconté ici comment une jeune statuaire d’un immense talent, élève de Rodin, absolument saine de corps et d’esprit en possessions de toutes ses facultés intellectuelles, avait été, un jour, saisie chez elle par trois hommes qui, sans mandat d’un juge d’instruction, en violation de domicile, l’avaient brutalement jetée dans une voiture et enfermée dans un in pace de la maison des fous de Ville Evrard.

Paul Vibert

 

Oui, il faudra en finir ici, je ne peux plus faire les deux choses à la fois, travailler et me donner mille peines pour vivre avec les drôles de malades d’ici, ça détraque.

Vincent

 

D’où est ce qu’il m’est venu ? Tu devrais pourtant bien savoir que je me disais. Du fin fond mouillé ébouriffé de gouttes de sommeil de mes inquiétudes d’enfant.

Alors je l’appelais le chevalier des brumes. Justement à cause de cette envie de rester dans le vague. Et de la manière qu’il avait eue de débouler sans crier gare au cœur de ma vie par les coins où j’avais tant été punie.

Les pince²aux m’ont toujours crevé la peau des mains. Ils étaient mes armes et je ne le savais pas. Je me mettais en garde et j’attaquais leur tas de plantes carnivores préposées à me déshabiller la petite boule de soie rouge. La petite boule d’oiseaux ronchons. La petite boule de pétales pas ouverts. La petite boule de moi sur ma ligne de défense. En face les troupeaux de toute part ils venaient. Les carabosses plantes carnivores noires et velues et la clique des autres qui se ratatinent à la façon du passe lasser. Rien à faire que de les repeindre. Guignol foutu guignol.

Je ne pourrai plus jamais peindre.

Depuis des années que je vivais au coin ça finissait par me convenir. A l’intérieur du plissement des murs d’autres compères par lesquels je trouvais le moyen d’ouvrir le trappe de l’angle. Et de m’y mettre toute nue. Une manie que j’avais prise chez les sœurs souris grises de soulever mon suaire de nuit pour surveiller mon ventre. Un coquelicot… que je me disais afin de me consoler devant le bulbe refermé qui se tendait sur son secret. Un jour il s’ouvrira. Et personne n’en saura rien. Ma petite fille. Mon secret. Mon trésor. Et personne n’en a rien su. Alors je brandissais les pinceaux.

 

Tu devrais bien savoir comment ils s’y prennent… à voler le cheval des aulnes qu’y n’y voit que dalle lui non plus. Malgré ses gros yeux en démesure le cheval est menacé autant que moi… que je me disais. Les ogres il les imaginait différents le cheval. Il demeurait perplexe tout comme moi. Il concevait pas les choses de ce monde autres que des hommes bleus montant à cru dans les sables moussant. Et les seigneurs d’Arabie. Mais pas les grands voiliers crevant au fond des ports cimetières.

Il n’a pas vu venir les troupeaux de chars alignés le cheval. Les lignes tracées dans la tête de ce mec et de tous les autres. Là haut… les autres. Juchés au sommet de la vertu dressée de leur sexe tourelle. Guettant. Se ramassant sous le grignotement glouton des chenilles. Moi j’ai tenté de lui peindre des signaux d’extrême danger sur la première affiche de la rue de la folie. Là où se figent un à un les oiseaux de la peur. Ce mec le conducteur c’est le même que celui qui a déboutonné mes tubes de peinture que je lui disais. Guignol grand guignol.

A quoi ça sert de raconter qu’il a vidé mes étendues de soleils chromés au fond des caves des châtreurs d’enfants ? Pendant longtemps je m’en suis voulu. J’aurais peut être su les effacer de ce minable trompe œil les colonies de chars cloportes. Je lui aurais esquissé à la place la fresque de tout un ciel où on s’extase. Comme dans mon coin bariolé de poings indigo. Mais sans la peur. Je l’appelais le chevalier des brumes parce qu’il portait un foulard volé à la boule d’élytres repliés des coquelicots. J’imaginais que c’était pareil à la boule d’oiseaux ronchons de mon souvenir. Première naissance.4-de-couv-terre-d-exil.jpg

 

En ce temps je croyais que je pourrais repeindre toute la terre. Il suffisait de commencer par un bout. Je m’attaquais aux chars modestement. Ces en tassements d’êtres d’acier tordus de doigts morts. Les mecs sont soudés au dedans de leur carapace. Ils peuvent pas sortir. Ils s’avancent accroupis en dodelinant du bec. Une masse de corbeaux masqués dont la pensée oxydée tourmente des forêts camouflages.

Nous… le cheval et moi on n’a pas vu s’ouvrir la tranchée de petits cercueils mécaniques. Je ne pourrai plus jamais peindre.

Le cheval il a été pris au piège des mots fleurs bien avant moi. C’est à cause de son alimentation. Il a foncé dedans la prairie de renoncules câlines. Il avait envie d’en manger plein. Il est venu tout près. Et maintenant il a un gros tatouage en noir sur le dos. Son numéro pour l’abattoir. Quand il balance sa tête misérable de droite et de gauche il pense aux voiles de hérons gris à l’horizon poudré d’encens et de miel sauvage. Droit devant lui le type perforé l’a déjà rayé de la liste.

 

Tu devrais pourtant bien savoir comment il s’y est pris afin de se faire la dégaine qui corresponde épouvantablement à ton rêve… que je me disais. Surtout que j’avais eu l’habitude d’un domaine de chiffonniers. Des boîtes de conserves nous offrant des plaies saignantes. Des lames de faux rampant sous les pattes des chats. Des catapultes croqueuses de boulons à bavures d’acier copines. Tout un palais de ferrailles clinquantes que les garçons offraient en riant à mes poignets couverts de bracelets. Un chevalier c’est pas pareil. Ça ne s’invente pas.

Je relevais le défi en aiguisant sur la lanière de cuir du palonnier de Makhno – c’était le nom du vieux cheval couleur de suie comme il se doit pour remonter la brume des utopies sans se salir – le rasoir coupe choux de mon grand père. Avec lequel je me taillais un chemin de ronces. Et c’était moi qui parvenais la première aux cerisiers sauvages. Non… au grand jamais le chevalier ne serait vêtu des lames d’acier que la casse jetait sur nous tels des petits avions de papier. C’était un seigneur d’Arabie… que je racontais à Makhno le vieux cheval de suie. Qui acquiesçait. Les grands voiliers mouraient au fond des ports.

 

Le chevalier des brumes je l’attendais au coin. J’y avais découpé une meurtrière au rasoir à force d’y être. Il était mon compagnon de peine intense. Mon gardien de petite veilleuse dans les draps souillés des dortoirs. Je l’attendais. Léger l’épervier de ses mains déplierait la boule chatoyante des coquelicots. Il ne pèserait pas plus que le froissement de son vol sur ma gorge d’enfant. Pas un instant je ne perdrais ses yeux. Partout où je passais je lui peignais un croissant de lune.

Rien à voir avec l’autre le conducteur de char. Tournant et retournant dans le cercle de la même arène de papier sous le jaillissement pisseux d’un faisceau jaunâtre. Pitrerie dont les bouteilles d’alcool qu’il entassait en forteresses à l’intérieur de sa cellule plus étroite que le dé du contorsionniste l’aidaient à s’imaginer le héros. Guignol… Il est arrivé avec une bombe de peinture sexe. Sa virilité à giclé sur le graffiti de l’Oiseau peur qui n’a pas eu le temps de dégager ses ailes. Je voulais lui dire pars… pars vite… envole moi…

Ma petite fille. Mon secret. Mon trésor. Est ce qu’il nous berce derrière la brume de ses songes ? Est ce qu’il se souvient de nous ?

Pourquoi est ce qu’on ne la sent pas d’avance l’imposture ? La marchandise en toc avec sa cohorte de cendres de carrosses en citrouilles ? Souillon… souillon… souillure… Je ne pourrai… plus…

Je voudrais mes frangines… mes violentes… revenir vers vous. Peindre. O jamais peindre… Peindre l’imposture des fleurs. Les dresseurs de mots. Et lui aussi l’ensorceleur… Il te retirera les pinceaux des mains. Et il les fera disparaître au fond de son chapeau à double tour. Les chevaux qui avancent le long du canal encordés aux péniches rouges. Qui s’en souviendra ? Soleil.jpg

 

Les dresseurs de mots guignols sont rentrés sous ta peau. Ils t’ouvriront devant le nez les bocaux de bonbons dont tu rêvais lorsque tu étais une petite fille grave et surprise par la couleur jaune. Et quand tu auras la main dedans ils refermeront le piège. Ils rangeront le bocal avec ta main dedans leur armoire à mort. Dedans le jaune. A mort. Guignol foutu guignol.

T’avais qu’à pas la mettre ta main. Maintenant partout où tu iras on saura qui tu es. Tu ne pourras pas te défendre. On ne t’écoutera pas parce que tu n’as que des champs de coquelicots sur ton ventre et le cheval qui se roule dedans. Tu voulais pas qu’on oublie les chevaux rouges haleurs des péniches et les grands voiliers des noces. Et ceux qui errent sous la terre aveugle. Ceux qui galopent encore dans les plaines de lin bleu d’Ukraine. Y a erreur. La fierté des déserts d’Arabie c’est pas par ici… que je dis à Makhno le vieux cheval de suie.

Qu’est ce que ça veut dire la tendresse massacrée par les chenilles foreuses des sociétés superbes ? Et l’innocence comme un volubilis grimpant à tes poignets ?

Cette chiennerie quelle horreur ! De vivre là… Toi tu cherchais un tapis roulant d’étoiles. Tu l’appelais le chevalier des brumes… Tu ne pouvais pas savoir qu’il était conducteur de char dans la Cité aux ordures. Guignol…

 

Cette nuit je ne dormais pas – je recrache tous les soirs les cachets de l’oubli dans le trou rond des puits de faïence – alors il est venu de nouveau. Il est venu… Makhno le cheval de suie. Me rappeler. Derrière les grilles qu’il ne voit plus. Je l’ai entendu galoper de son pas bien à lui. Sur les plates bandes taillées ras en bordure des cubes blancs de l’asile. Il est formellement interdit de marcher sur les plates bandes sous peine de se voir couper l’oreille droite au rasoir.

Le jardin de mes peurs j’y vais parfois pour me faire du mal. J’y vais… regarder ce qu’il advient des pâquerettes secrètes que j’avais semées sournoisement dans ses cheveux frisés. Mon petit mec… Et je vois la superbe déesse de ma folie. Ses dix bras scintillant de bijoux précieux. Ses mamelles gonflant sa chemise à fleurs. Elle ma ravisseuse… arrachant une par une les petites têtes des fleurs étourdies.

Travail bien inutile d’ailleurs mais qu’elle accomplit avec la ténacité des ornithorynques. Inutile car juste à côté se dresse l’usine à défoliant qui l’a rendu chauve. Guignol foutu guignol.

Qu’est ce qu’il attend pour venir le chevalier des brumes… que je me disais. La tresse de coton écru a épaissi sur l’étang. Les chevaux de halage en sont tout étranglés. Et les noces de mer pendues. L’Ukraine bleue se balance au bout de l’oubli. S’il ne vient pas c’est moi qui prendrai la place de l’ourse blanche dans sa bassine de glaciation éternelle. Moi ourse transplantée là avec mon fragment de banquise. Juste un peu plus vaste que mon désarroi. Ne pas comprendre. Et qui fond. Me laissant petite ourse désemparée. Perdue. Ma tête pleine d’écailles de froid pures. Fracassée. Dérisoire et frappée au front par cette boîte de sauce mémoire.

Ne pas comprendre ce bruit d’armes automatiques là bas et cette étoilée rouge qui grandit… qui grandit…

Je ne pourrai plus jamais peindre.

 

Toi non plus tu n’as pas de nom. Je t’appellerai le chevalier des brumes… Ils t’ont retiré jusqu’à la peau de tes mains. Dans les rivières de l’Oiseau peur. Les rivières de sable où les grands voiliers se sont débattus. Enduits d’ambre noire. Peu à peu… Enduits d’ambre mort. Peu à peu… Ne pas comprendre. Alors tu t’es enfui. Très loin. Tu as couru à l’intérieur de ta tête jusqu’au bord de la mer et la mer a rempli ta tête. Et des mouettes qui ne criaient pas ont percuté ton armure nouvelle. Leur trajectoire s’est rompue. L’une après l’autre. Elles n’ont jamais rejoint leur poing d’envol.

Chaque jour je suis venue. Chaque jour à la même place. Je suis venue. J’ai attendu. Parce que Makhno le cheval de suie me l’avait dit j’ai attendu. Je ne voulais pas croire que tu viendraiSon-coeur.jpgs de la mer. Je ne voulais pas croire que tu viendrais de l’autre côté. Que tu viendrais. Et je devinais qu’il y avait encore une petite place pour la souffrance et pour la haine. Les compagnons de halage étaient là au ssi. Les mariniers. Les ouvriers aveugles sous la terre. Et les cavaliers paysans d’Ukraine. Et les cheveux de mon grand père. Tout ceux qui avaient aimé la vie bien avant moi. Rendez vous !… Rendez moi ma petite fille. Mon secret. Mon trésor.

Puis j’ai décidé de marcher jusqu’au navire que je voyais échoué avec ces choses qui le faisaient vivant. Ces loques aux reflets clairs. Toi tu es arrivé du côté de la mer. Sûrement  tu venais du navire empaqueté de toiles brumeuses. Des toiles vierges.

Alors… j’ai vu tes yeux de billes noires irisées d’or mat me regarder fixement. Tu as tourné autour de moi afin de mesurer l’odeur de ma peur. Mais je n’avais plus la force d’avoir peur. Tu avais ton pelage épais en prévision de l’hiver à venir. Alors… toi le cheval marin aux sabots d’encre volée tu es entré dans mon rêve par l’imposte des fleurs. Et j’ai su que ce serait très difficile de t’oublier. 

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 18:18

Cet article est publié sur le site : http://bellaciao.org/fr/spip.php?article117381

 

Prenons la Rue ! coleredefoules-petit.jpg

Collectif Ara

Mardi 24 mai 2011

 

Bonjour à tous,

 

Quelques mots qui vous intéresseront peut-être, pour faire suivre l’appel à prendre la rue.


Bienvenue à tous ! Bienvenue à ce qui pourrait devenir une époque d’un renouveau. Une Révolution ayant appris du passé et utilisant la technologie du système contre lui-même.


La coordination de ce genre nouveau de mouvements spontanés se fait grâce à Internet. Mais ce qui compte, c’est combien serons‑nous dans les rues, demain, la semaine prochaine, le mois prochain…Car parlons directement de l’essentiel et du but à atteindre : Prendre la rue ! Jusqu’à obtenir ce que l’on demande : Démocratie Réelle Maintenant !

 

Il y a plus qu’un appel citoyen venu d’en bas, des pays Arabes ou d’Espagne. Il y a une énergie, une force, une envie générale de dire STOP ! !


Stop au système qui ne correspond pas à ce que nous voulons pour nos Vies.


En même temps que le système économique actuel qui veut que l’on soit de simples consommateurs, il y a cette conscience collective citoyenne qui se développe un peu partout.

Cet appel à prendre la rue partout en France et à l’étranger est aussi un renouveau dans la forme contestataire. On ne prend pas la rue pour demander une retraite à 60 ans ou plus de pouvoir d’achat. On prend la rue pour dire : STOP ! ! On veut retrouver les bases de ce que veut dire le mot DEMOCRATIE ! ! !

 

C’est aussi un appel à l’unité, un appel pacifique où tout le monde sera bienvenu, toutes les générations, peut importe ton origine ou ton statut social, si on y réfléchit bien, nous sommes nombreux à vouloir une autre société.

C’est une époque propice à la naissance et l’épanouissement de choses nouvelles. Repensons dès aujourd’hui la société de demain !

Pour nous, pour les générations futures, dès aujourd’hui, en 2011, peut commencer quelque chose de différent. Ensemble, en tant qu’individu libre de penser et d’agir par soi‑même, disons : YA BASTA ! ! STOP ! !

 

C’est un changement qui vient, qui sera subi ou qui peut être provoqué. Alors soyons actif de nos Vies et provoquons ce changement !

Alors si tu te sens concerné(e), si tu as envie de descendre librement dans la rue pour te faire entendre, bienvenue !

 

Infos : http://reelledemocratie.com/

 

Rassemblements prévus* :

MERCREDI 25 MAI :djins-petit.jpg

 

PERPIGNAN : Campement permanent Place République LILLE : 12h, Place de la République LYON : Campement permanent Place Bellecour STRASBOURG : Campement permanent Place République BAYONNE : 18h, Place de la Mairie + campement CLERMONT-FERRAND : 14h, Place de Jaude GRENOBLE : 20h, Place Victor Hugo MARSEILLE 18h Place Thiers cours Estienne D’Orves MONTLUçON : 14h, Place Piquand MONTPELLIER : 18h à l’esplanade NANCY : 19h30, Place Maginot, contact 0659827367 NANTES : 18h, Place Royale (devenue place du peuple) NICE : 20h, Place Garibaldi PARIS : 19h à la Bastille RENNES : 19h, Place de la Mairie TOULOUSE : 19h Place du Capitole TOURS : 19h, Place Jean Jaurès PAU : 20h Place Clemenceau

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22 mai 2011 7 22 /05 /mai /2011 21:50

L'offensive des pauvres suite...

‑ Il était bien bon Monsieur le Comte… paysagefenetremadoudou-petit.jpg

‑ Et ben non qu’il était pas bien bon alors !… Quand il avait besoin y faisait trimer les t’chiot gars à ses usines et dévaler et pis quand y avait pu ben zouh !…

‑ Peut‑être mais ça on y peut rien c’est comme ça quand t’es patron et c’est des choses qu’on n’comprend pas nous autres… on est des p’tites gens…

‑ Et comment ça qu’on est des p’tites gens hein ? C’est ben nous autres au pays richou qu’on l’remontait l’charbon et qu’on y allait entre les machines à bobinages des fois !… On y faisait des 12 des 15 heures et après zouh !… qu’elle grondait mémé riboulant de tous ses calots gris acier délavés mais toujours durs et vifs pareils à des flèches de basalte et en levant son vieux poing à la peau qui faisait transparence dessus ses veines bleues comme des petits ruisseaux au matin.

‑ Ça alors comment tu peux… il laissait grand‑père Antonin courir les lapins le dimanche sur ses terres Monsieur le Comte et sans lui les hivers où y avait pas usine vous auriez eu que les truches… elle soufflait sa fille Mauricette qui avoisinait les 70 ans en resserrant son fichu noir sur ses cheveux qui n’arrêtait pas de glisser à chaque fois que la conversation avec sa mère faisait monter la vapeur entre elles et c’était régulier…

‑ Qu’est‑c’qu’tu racontes encore avec tes lapins !… qu’on s’en fiche bin des lapins et qu’on en a eu plus dans nos gamelles d’leurs os et dl’eurs têtes sans quinquins qu’de la viande !… Les riches y s’la gardaient la chasse que l’pauv pays d’Antonin et ses t’chiots pères y rabattaient pour eux ma fille !… C’était des chevreuils et des sangliers énormes comme ça qu’y s’avalaient et nous autres on fricotait la carne de lapins… que jamais j’veux en renifler l’odeur que ça sentait…

‑ Si c’est pas malheureux… si c’est pas malheureux d’entendre ça !… C’est bien grâce à ceux qu’ont d’la fortune qu’y a du travail pour les ouvriers… Je sais pas qui c’est qui t’a fourré ces idées‑là ma pauv’vieille… S’ils étaient pas là…

‑ S’y z’étaient point là on s’rait sûrement pas dans la misère qu’on a été toute notre vie parc’qu’on s’rait ben aise de pouvoir la toucher leur paie à vendre nous autres tout c’qu’y avait dans les wagons et à manger et pis à boire comme eux autres tiens donc !… et mémé ponctuait sa tirade en cognant trois ou quatre coups de sa canne sur la tomette rouge sang ce qui faisait sursauter Mauricette même si c’était toujours le même scénario…Main-d-tail-Dom.jpg

‑ Mais tu vas arrêter hein ? Tu vas arrêter de dire des mauvaises choses comme ça à ton âge… Si c’est pas honteux ! Ah la la la la… si c’est pas honteux mon Dieu mon Dieu… 

‑ Et qu’est‑c’qu’il a mon âge… à mon âge j’sais ben d’quoi que j’cause et c’est pas toi qui m’feras la leçon des fois que t’y saurais que’q’chose à tout ça ma fille !… C’est la politique comme du temps des Communeux et tes bondieuseries y z’ont ren à voir avec… et les affaires des t’chiots pères qui s’sont battus pour nous autres t’en sais ren de ren !…  Occupe‑t’en que d’ton bon dieu et d’tes pleurnicheries !… Et c’est tout juste mon âge qui t’empêche pas l’respect pour une vieuse ouvrière comme mé !

Quand elle s’y mettait mémé avec son patois richou elle était sacrément mauvaise et on sentait siffler dans l’air autour sa fureur contenue et sa révolte de petite ouvrière de huit carats à quatre pattes entre les grosses bobineuses des fileteries de ch’Nord qui n’avait pas oublié et y avait guère intérêt à insister même si elle n’était pas loin des 90 printemps… Au moment où sa colère commençait à faire bouillir le fricot elle attrapait sa canne en bois de noyer que lui avait taillé exprès Batiste un pays avec qui elle causait de cette sacrée histoire des Partageux et qui compensait sa guibole brisée au fémur et son boitillement qu’elle accentuait pour écarter les adversaires. Elle en menaçait Mauricette avec la frénésie que lui procurait le combat inégal et gagné d’avance contre sa fille qui battait déjà la campagne et ravalait ses imprécations… y avait pas moyen avec cette vieille folle…

Mémé et moi quand on a commencé à se fréquenter on avait 80 années à rattraper et toute une famille bien pensante et adepte en bondieuserie entre nous deux. C’est surtout du côté des femmes de la tribu maternelle qu’on cherchait à lui fermer son clapet depuis toujours afin qu’elle n’entraîne pas à cause de ses débordements populaires et libertaires la chute de l’ascension lente et obstinée du clan en direction de la classe moyenne tant convoitée. Mémé qui s’appelait Sylvie de son petit nom était née au mois d’août dans le furieux été incendié de l’année 1871 à la sortie des fusillades qui ont massacré des milliers de Communards et conduit les corps des pauvres gens hommes femmes vieillards enfants mêlés aux abattoirs de Versailles où se sont écoulés durant des semaines des ruisseaux écarlates au pied des pâquerettes. De ça et d’être la fille unique d’Antonin paysan ouvrier au service des riches propriétaires des domaines agricoles et des filatures du Nord elle tirait une fierté et une grande gueule que pas un contremaître ni un curé n’avait réussi à faire taire.Bonhomme-ogresse.jpg

C’est sûr contrairement à la plupart des femmes et des hommes de son époque et de sa condition Mémé ignorait la peur. Elle pratiquait en revanche la ruse et la finesse d’esprit vis‑à‑vis de l’ennemi de classe réuni dans le personnage du riche noble ou bourgeois et du curé et son intelligence et son intuition de femme du peuple lui suggéraient qu’il n’y a pas la moindre bonté ni la moindre justice à attendre de ces gens‑là. Le fait qu’elle soit entrée en piste dans ce cirque des gueux comme une petite acrobate avide de la lumière dorée courant sur le fil où elle avait décidé de danser juste un peu au‑dessus du monde de misère qui l’entourait l’année même de la Commune me fascinait et m’enthousiasmait. Mémé était le seul personnage féminin de cette famille où tous subissaient sans broncher l’aliénation et la soumission aux conditions pénibles et cruelles de la main d’œuvre ouvrière qui jonglait avec le désordre et l’inconvenance comme avec des balles de couleurs vives.

De son côté le clan femelle qui n’avait pas cessé de maudire la grand‑mère iconoclaste s’était prémuni d’un possible héritage à mon égard en me claquemurant dans une institution religieuse où je croupissais encore à la veille de mes dix‑sept ans. Je survivais avide du vent et des rêves dans ce bagne moderne en chipant aux libraires à chacune de mes sorties un recueil de poèmes de Villon ou de Rimbaud à la résignation du désespoir et à la haine de mon corps de fille déjà honteusement accusé de se situer à mi‑chemin entre l’objet d’une coupable tentation et la proie de tous les vices. Mémé dressée face au soleil telle une vieille squaw tenait bon en dépit des sévices que la tribu lui faisait subir afin qu’elle s’installe enfin dans un hospice pour les gâteux mal pensants. Elle s’incrustait à l’intérieur de la maison familiale dans la banlieue blafarde de Creil qu’on avait fini par payer au bout de toutes ces années de galères prolétaires avec sa canne en bois de noyer qui tambourinait rebelle sur la tomette rouge sang. Les conversations d’insurgés que Baptiste le compagnon menuisier et elle partageaient chaque soir remplissaient Mauricette ainsi que les deux tantes toutes des bigotes aux fichus noirs à pois blancs noués sous le menton et ma mère d’incompréhension et de dégoût. Mais Mémé tenait bon. Elle m’attendait.

A chacun de mes voyages de retour à la maison familiale qui tenait du gynécée vu qu’il n’y avait là‑dedans que des créatures femelles sur trois générations et après avoir balancé en vrac dans l’entrée mon vieux sac de toile grise bourré de linge sale je me précipitais dans la chambre de Mémé qui me guettait en sentinelle depuis des heures derrière le carreau brumeux. Dès le bout de la rue déjà je devinais son visage de veilleuse immobile avec sa peau tissée d’un réseau de fils volés à la toile d’araignée des jours semblable à une eau forte illustrant la première page d’un vieux bouquin où était écrite l’histoire des pauvres gens dont je ne savais rien et pourtant c’était aussi la mienne. Mémé m’attendait farouche et plus jeune que jamais guerrière fragile et déterminée à en découdre jusqu’à la fin au milieu d’une armée de souvenirs portant le brassard rouge sang des Fédérés qui montaient la garde entre elle et les pieuses figurines que les femmes de la tribu avaient semées dans tous les recoins.

‑ Ah ma t’chiotte te v’la ! Jeune-fille-lisant-1978.jpg

Sur la table à côté d’elle il y avait le gros volume de la première publication intégrale de Mes Cahiers rouges parue en 1908 que le journaliste Maxime Vuillaume créateur du Père Duchène avait rédigés au jour le jour pendant l’année terrible où elle était née et que grand père Antonin lui racontait à sa façon tous les soirs à la veillée après ses heures de turbin. C’était le genre de bouquin avec les Mémoires de Louise Michel que Mémé ne sortait qu’avec mille précautions et qu’elle planquait habituellement au‑dedans d’une cachette qu’on avait bricolée elle et moi en creusant un trou dessous les tomettes qu’elle replaçait ensuite minutieusement. Les femelles de la tribu étaient aux aguets et leur hargne ne nous lâchait que quand elles partaient en troupe silencieuse et sévère alignées l’une derrière l’autre pour les offices qui avaient lieu juste après l’angélus du soir et nous laissaient ainsi toute une heure de frondeuse liberté. Sitôt que le portail en bois du petit jardin sauvage rempli d’églantiers avait grincé et regrincé Mémé commençait sa lecture en ponctuant le récit d’expressions en patois et de commentaires qui nous provoquaient des fous rires énormes.

A dix‑sept ans je connaissais par cœur toute l’histoire de la Commune et l’épopée fabuleuse du peuple rebelle de Paris ainsi que la vie de Louise Michel l’indomptable vierge rouge. Et c’est à cet âge‑là sans savoir ce qui m’attendait à la sortie du pensionnat qui tombait par un joli coup de dés du sort dans l’année 1968 qu’à cause de Mémé j’ai écrit à la dernière page de mon journal de bord de prisonnière : c’est décidé aujourd’hui en quittant ce lieu où toute mon enfance et mon adolescence ont pourri de tristesse et d’ennui je sais que je serai anarchiste… Et Mémé à qui j’avais annoncé ça fièrement folle de joie à la perspective de mon retour définitif à bord de notre galère commune m’avait observée de ses calots perçants où clignotait de la malice en répétant :

‑ Ah ma t’chiotte si tu savais… si tu savais…  Jean-Baptiste-Cl-ment-copie.jpg

A suivre...

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