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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

1 mai 2012 2 01 /05 /mai /2012 12:16

A mains nues

 Mardi, 1er mai 2012

Mains-d-ouvrier-copie.jpg

             

      Aujourd’hui plus que tout autre jour plus que jamais je tiens à dédier ce poème “ A mains nues ”que j’ai écrit il y a longtemps déjà et jamais publié en entier sur notre blog mais qui est paru dans le seul recueil du genre que j’aie pu faire sortir en 2003 Blues Bunker aux ouvriers et aux ouvrières… anciens et toujours paysans et paysannes… immigrés “ en quête d’une vie meilleure ”… pauvres et fiers travailleuses et travailleurs du monde nos compagnons nos camarades nos amis sur la terre…

“ A mains nues ” je l’ai écrit pour Sylvain que vous connaissez bien désormais et pour mémé Sylvie sa fille mon arrière grand­‑mère qui a commencé à marner dans les filatures du Nord à 7 piges sans sécurité de quoi ou qu’est­‑ce sans maladie sans retraite et qui aurait terminé sa jolie vie dans un hospice misérable sans un sou si la famille ne l’avait pas protégée et accompagnée sa vieillesse durant jusqu’à ses 98 ans…

meme-petit.jpg 

Mémé ma rebelle ma petite ma grande qui me racontait la pauvreté sans honte et l’exploitation du peuple ouvrier paysan solidaire… Mémé c’est par elle et par tous ceux qui comme elle ont connu la terre la mine l’usine les hauts‑fourneaux les ateliers toute une vie de labeur et de peine et qui n’ont jamais baissé la tête ni les yeux devant les sonneurs de morts et les semeurs de mépris que j’ai appris qui sont les miens et qui je suis…

Merci... vous êtes notre grandeur et notre délivrance.

 femme-de-mineur-78.jpg

 

A mains nues

main-petit-copie.jpg

Mains d’ouvriers

Sentinelles des fonderies

Mains orgues de barbarie

Dépouillées de la danse des petits singes

Et des sous de cuivre

Qui roulent dans la poussière bleue

Par les rigoles de lave cerise

Ouvertes comme une plaie

A l’intérieur des paumes

 

Mains sillons de terre rose

Sylvain-et-Palmyre-copie.jpg

Mains crevasses langées d’oripeaux

De moissons et d’abeilles sauvages

Labours de doigts livrés

A la houle des crinières

Mains caresses qui roulent

Sur les hanches des meules

Et mettent en boule les mésanges

Mains charbonnières

Fabriquant des nids de paille rousse

Pour les hommes blessés

Et les chevaux qui marchent sous la terre

 

Mains de femmes penchées

Qui glanent des escarbilles de verre

Afin de nous garder de l’hiver

Et de l’ennui

Mains farandoles et rondes folles

Sur le tambour creux des ruches troncs

Reines aux poignets d’écume

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Battant le sable comme le cœur vert des vagues

Au‑dessus de nous

 

Mains de terre ocre‑rouge et de grand feu

Amantes éphémères des genêts

Couchant les outres crues

Comme des ventres où le pain lève

Dans le brasier de nos désirs enfouis

 

Mains de rebelles

Cousant la toile des drapeaux

Aux bambous des cerfs‑volants

Sentinelles des printemps écervelés

Montant aux branches des cerisiers

Légères comme des rouges‑gorges

Mains cueillant les épis‑bayonettes

Et les bombes de peinture‑sang

Dans la même nuit claire

 

Mains de sorciers sur les deux grands tambours

Tournent la ronde des enfants

Qui n’iront plus en guerre

Mains-d-Elo-se--crivant.jpg

Les œillets sont coupés

Mains ouvertes comme les pages d’un livre

Ecrit pour nous

Doigts d’encre et de poudre mêlés

Comment pourrais‑je oublier ce mur de pierres

Où vous êtes scellés ?

 

Mains de gueux

Mains de poètes

Pas un instant les plombs n’ont cessé de cribler

Les linges blancs

Des signes de reconnaissance

Que vous nous repassiez

Comme des phares

Aujourd-hui-hier.jpg

Entre les barreaux des caves

Mains d’écriture et de conterie

Oiseaux‑labeur échappés

Des poches de l’oiseleur

Paumes rongées par l’eau‑forte et le sel

 

Mains veilleuses allumées dessous la terre

Où les taupes aveugles dépouillent

Les châteaux gravés à l’intérieur

Des douilles de cuivre

De leur manteau de brume verte

 

Mains d’ouvriers

Mains d’immigrés

Mains d’aubes brûlantes comme une plaie

A l’intérieur des paumes

Portrait-chasse-copie.jpg

Mains coupées négligemment

Par les fabriquants d’orgue de barbarie

Mains‑guitares s’abattant à un certain stade

De l’oubli

Qui ne s’appelle plus torture

Mais machine‑outil

C’est fou ce que ces gens‑là aiment la musique !

 

Doigts flocons de neige envolés un à un

Tournent les pages

Comment pourrais‑je oublier mes livres d’images

Où un sang d’encre clair

Tache le bout de mes ongles

De l’empreinte de vos cœurs scellés dans la pierre

A en crier.

 oliviers.jpg

Mercredi, 25 août 1999

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29 avril 2012 7 29 /04 /avril /2012 22:19

L498xH370_jpg_PremierMai2009-4-78903.jpg Photo de Chris Marker

Ces articles ont été publiés sur le site : http://bellaciao.org/fr/

Discours de Jean Rostand

Jean-Rostand--1-.jpg

Patrice Faubert

Jeudi 26 avril 2012

          Extrait idiosyncrasique d’un discours de feu Jean Rostand ( 1894-1977 ) qui fut prononcé le 15 novembre 1968 à la Mutualité à Paris. Des extraits en furent lus à Europe 1 par feu Georges Brassens ( 1921-1981 ), qui en recommanda la lecture. Feu Jean Rostand fut l’un des plus grands savants français, et en autres choses diverses, fut aussi le poète des crapauds et des grenouilles, comme feu J.H. Fabre ( 1823-1915 ) fut le poète des insectes, et n’oublions pas qu’il y a 200 millions d’insectes par individu, et j’ai donc eu la chance de correspondre avec feu Jean Rostand lorsque j’étais jeune, à une époque où je m’ intéressais grandement à l’erpétologie.

 Long extrait d’un discours de feu Jean Rostand

 “ Chers amis

Comment peut-on être Persan ? s’écriait-on au siècle de Montesquieu. Moi, je dirais volontiers aujourd’hui : Comment peut-on ne pas être citoyen du monde ?

Quand on voit les atrocités, les injustices, les exactions commises au nom de l’idole patrie ; quand on voit à quelles sanglantes impasses conduisent tous les nationalismes ; quand on voit comment, pour un peu de pétrole, de cobalt, ou d’uranium, les sentiments les plus élémentaires d’humanité se trouvent bafoués ; quand on voit comment les exigences de l’égoïsme sacré font bon marché de la vie et de la dignité humaine, s’il s’agit d’assurer la possession d’une matière première ou d’une zone d’ influence, quand on voit les sommes fabuleuses gaspillées pour des armements qui ne serviront jamais, ou qui, si par malheur ils servaient, mettraient en péril l’espèce entière, autrement dit, quand on voit les peuples se ruiner, ou pour rien, ou pour leur suicide : quand on songe qu’avec ces dépenses militaires on pourrait créer partout l’abondance annoncée par Jacques Duboin, résoudre tous les problèmes économiques et sociaux - à cause desquels le monde est divisé en blocs antagonistes ; quand on songe à tout ce que la science, la médecine, la culture, la démocratie pourraient gagner à une pacification du monde qui libérerait tant de puissance et d’énergie , absorbées jusqu’ici par l’oeuvre de mort ; comment ne pas rêver , tout au moins, d’une humanité sans frontières et capable enfin de se consacrer à des tâches non plus mesquinement nationales, mais planétaires.

Le spectacle que donne présentement le monde n’est pas fait pour rassurer les amis de la paix. Jamais, il n’a paru plus désuni et plus éloigné de l’union. Partout flambent les nationalismes, les chauvinismes, les racismes, les fanatismes. Partout règnent en maître l’esprit de rivalité, la volonté de domination, la sauvagerie des soi-disant civilisés. Armer l’esprit de l’enfant pour que sa main n’ait plus à être armée : voilà une belle formule.

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Oui, débarrasser, purger les manuels scolaires de tout ce qui peut nourrir les funestes séparatismes ; épargner aux collégiens le sinistre récit des batailles ; se garder de leur détailler les beautés de la stratégie napoléonienne, leur faire comprendre qu’un boucher sur un trône n’en est pas moins un boucher et que les arcs de triomphe et les colonnes Vendôme ne sont que des reliques d’une proche barbarie : les initier aux découvertes scientifiques et aux progrès de la justice, plus qu’aux prouesses meurtrières ; les pénétrer de cette notion qu’aucune guerre n’est belle, qu’aucune victoire n’est glorieuse - puisque les te Deum se chantent sur les charniers, leur enseigner dès le plus jeune âge qu’aucun peuple ne vaut plus qu’un autre, qu’aucune race n’ est supérieure à une autre, qu’aucune patrie ne s’est au cours des temps noblement conduite plus qu’une autre ; leur montrer qu’il n’est pas d’histoire nationale qui ne soit un tissu de férocités et de félonies ; bannir des programmes tout ce qui peut contribuer à mettre dans l’esprit des jeunes un sentiment de primauté nationale, en quelques domaine que ce soit ; matériel, spirituel, moral.

Un de mes amis, professeur d’histoire, me citait naguère , le mot d’un écolier, qui venait de recevoir son livre d’histoire ; “ J’ai reçu mon livre de guerre ”. Et bien, nous ne voulons plus que les livres d’histoire soient des livres de guerre.

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 Pour moi, être pacifiste, ce n’est pas forcément être prêt à tout sacrifier à la paix, mais c’est quand même être capable de lui sacrifier beaucoup de choses et à quoi l’on tient. C’est voir obstinément en toute guerre la gigantesque erreur judiciaire que fait la somme des peines capitales infligées à tant d’innocents ; c’est ne pas consentir aux grossières simplifications et falsifications que diffusent les propagandes pour attiser les haines ; c’est refuser d’égrener le chapelet des slogans de commande et des calomnies de consigne ; c’est ne pas clamer qu’on veut la paix quand on fait le jeu des fanatismes qui la rendent impossible ; c’est dénoncer sans relâche l’atrocité, l’ignominie de la guerre, mais se garder d’imputer à l’un des belligérants des atrocités hors série ; c’est s’interdire de dénoncer d’un côté ce qui se fait ou se ferait aussi du côté adverse ; c’est condamner, dans tous les camps ; les jusqu’au-boutismes et les intransigeances ; c’est s’affliger quand, pour quelque cause que ce soit, on voit un fusil entre les mains d’un enfant ; c’est être obsédé par les fantômes de tous ceux qui sont morts pour rien ; c’est préférer que les réconciliations devancent les charniers ; c’est n’être jamais sûr d’avoir tout à fait raison quand on souscrit à la mort des autres...

Un monde uni ne pourra être bâti que par des hommes et des femmes ayant au coeur ce pacifisme-là. ” Jean Rostand ( 1968 )

Jean-Rostand.jpg

 

Quelles sont les origines du 1er mai ?

Un article publié dans le journal polonais “ Sprawa Robotnicza ”

Rosa Luxemburg

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 L’heureuse idée d’utiliser la célébration d’une journée de repos prolétarienne comme un moyen d’obtenir la journée de travail de 8 heures [1], est née tout d’abord en Australie. Les travailleurs y décidèrent en 1856 d’organiser une journée d’arrêt total du travail, avec des réunions et des distractions, afin de manifester pour la journée de 8 heures. La date de cette manifestation devait être le 21 avril. Au début, les travailleurs australiens avaient prévu cela uniquement pour l’année 1856. Mais cette première manifestation eut une telle répercussion sur les masses prolétariennes d’Australie, les stimulant et les amenant à de nouvelles campagnes, qu’il fut décidé de renouveler cette manifestation tous les ans.

De fait, qu’est-ce qui pourrait donner aux travailleurs plus de courage et plus de confiance dans leurs propres forces qu’un blocage du travail massif qu’ils ont décidé eux‑mêmes ? Qu’est-ce qui pourrait donner plus de courage aux esclaves éternels des usines et des ateliers que le rassemblement de leurs propres troupes ? Donc, l’idée d’une fête prolétarienne fût rapidement acceptée et, d’Australie, commença à se répandre à d’autres pays jusqu’à conquérir l’ensemble du prolétariat du monde.

Les premiers à suivre l’exemple des australiens furent les états-uniens. En 1886 ils décidèrent que le 1er mai serait une journée universelle d’arrêt du travail. Ce jour-là, 200.000 d’entre eux quittèrent leur travail et revendiquèrent la journée de 8 heures. Plus tard, la police et le harcèlement légal empêchèrent pendant des années les travailleurs de renouveler des manifestations de cette ampleur. Cependant, en 1888 ils renouvelèrent leur décision en prévoyant que la prochaine manifestation serait le 1er mai 1890.

Entre temps, le mouvement ouvrier en Europe s’était renforcé et animé. La plus forte expression de ce mouvement intervint au Congrès de l’Internationale Ouvrière en 1889 [2]. A ce Congrès, constitué de 400 délégués, il fût décidé que la journée de 8 heures devait être la première revendication. Sur ce, le délégué des syndicats français, le travailleur Lavigne [3] de Bordeaux, proposa que cette revendication s’exprime dans tous les pays par un arrêt de travail universel. Le délégué des travailleurs américains attira l’attention sur la décision de ses camarades de faire grève le 1er mai 1890, et le Congrès arrêta pour cette date la fête prolétarienne universelle.

A cette occasion, comme trente ans plus tôt en Australie, les travailleurs pensaient véritablement à une seule manifestation. Le Congrès décida que les travailleurs de tous les pays manifesteraient ensemble pour la journée de 8 heures le 1er mai 1890. Personne ne parla de la répétition de la journée sans travail pour les années suivantes. Naturellement, personne ne pouvait prévoir le succès brillant que cette idée allait remporter et la vitesse à laquelle elle serait adoptée par les classes laborieuses. Cependant, ce fût suffisant de manifester le 1er mai une seule fois pour que tout le monde comprenne que le 1er mai devait être une institution annuelle et pérenne.

Le 1er mai revendiquait l’instauration de la journée de 8 heures. Mais même après que ce but fût atteint, le 1er mai ne fût pas abandonné. Aussi longtemps que la lutte des travailleurs contre la bourgeoisie et les classes dominantes continuera, aussi longtemps que toutes les revendications ne seront pas satisfaites, le 1er mai sera l’expression annuelle de ces revendications. Et, quand des jours meilleurs se lèveront, quand la classe ouvrière du monde aura gagné sa délivrance, alors aussi l’humanité fêtera probablement le 1er mai, en l’honneur des luttes acharnées et des nombreuses souffrances du passé.

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Notes

[1] L’usage était alors une journée de travail d’au moins 10 à 12 heures par jour.

[2] Il s’agit du premier congrès de la II° internationale.

[3] Raymond Lavigne ( 1851- ? ), militant politique et syndicaliste.

Et un bon 1er mai rebelle à tous !

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22 avril 2012 7 22 /04 /avril /2012 17:20

Demeure d’eau

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Epinay, dimanche, 1er-22 avril 2012

Une demeure d’eau et de rêves c’est ce qu’il me restera bientôt quand j’aurai perdu peut‑être mes papiers papillons mes écritures et mes crayons une fois qu’on m’aura chassée moi comme tant d’autres de la dernière maison… Rien qu’une cabane en banco au milieu d’un champ de coquelicots et de bourrache bleue rien d’autre… Je ne demanderai que ça avec un ruisseau qui passe pas trop loin et c’est tout… Oui c’est bien tout et ça je l’ai eu ou presque c’était il y a vingt‑cinq piges et alors on pouvait vivre dans la liberté sauvage des paysans mes ancêtres et dans la solitude des êtres qui se contentent de la terre et des eaux… Qui se contentent de la grandeur des bontés de la première déesse d’Afrique à tête de lionne Tefnout la protectrice aux dreadlocks quelques siècles plus tard la reine Nyabinghi la solaire la guerrière qui après avoir chassé les hommes et leurs armées prédatrices est devenue la gardienne de la paix de la justice et du partage sur la terre mère…

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Je sais qu’il n’y a pas de demeure ici qui ressemble à la Toguna du peuple Dogon la maison commune des palabres ni de case à apluvium de Casamance et son bassin pour recueillir les pluies sacrées où on accueille l’étranger ni de temple du Genius Terrae Africae le symbole de la grandeur des peuples d’Afrika et sa dépouille d’éléphant l’entourant… Rien qui permette de renouer le lien avec la terre bienveillante et bienfaisante et de sentir la force de Sekhet et les vents brûlants du désert sortant de sa bouche afin d’échapper à la barbarie des chasseurs venus du Nord par l’esquive et la transhumance… Non ici on ne peut plus désormais fabriquer avec nos mains nues des briques de terre rouge et de paille… On ne peut plus monter une cabane avec des croûtes de pin pour murs et de la toile goudronnée pour toiture comme je l’ai fait à flanc de plateau jadis…

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Ici on ne peut plus rien faire d’ailleurs on ne peut plus rien qui ne soit contrôlé surveillé et interdit… Il y a vingt‑cinq piges de ça j’avais réussi à acheter une vieille petite baraque à moitié bancale avec une grange énorme un peu ruinée mais la charpente était de vrai bois de chêne sur trente mètres de long et un bout de terrain d’un hectare pour trois sous… Il n’y avait pas l’eau mais deux sources fraîches qui ne tarissaient jamais et l’une qui coulait dans un bassin de ciment contre la maison… Tout ça valait dix briques de l’époque du franc et nous avions nous aussi notre fontaine précieuse aux eaux bonnes comme le lait mais nous avons tout juste oublié de remercier la déesse Sekhet et sa sœur jumelle Tefnout qui depuis les rives du grand Nil et le temple de Sobek le Seigneur du lac du Fayoum avait rejoint l’oasis de Siwa au cœur du désert libyque… Car nous étions repartis une fois encore nous mettre à la merci de la grande mère nature qui ne nous a jamais trahis et la déesse lointaine fille de l’œil du soleil la sœur aînée de Nyabinghi était à nos côtés… Et nous l’avons oublié…

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La déesse Tefnout la singulière chasseresse de la vaste savane d’Afrique et de tous les déserts la traversière qui sait les pistes de l’eau cachée avec au‑dessus de sa tête de lionne et sa crinière mêlée à sa chevelure le disque solaire au cobra dressé uraéus est la protectrice des champs abondants et de leurs richesses. Elle est la personnification du limon fertile que le Nil dépose sur ses abords lors de ses crues. Nil et Niger ou plutôt Nil blanc Nahr‑el‑Abiad et Nil Bleu Nahr‑el‑Azrak et leur frère jumeau le fleuve Niger les trois plus grands Maîtres d’eaux d’Afrika si elle les connaît Sekhet la voyageuse devenue Tefnout la lionne au museau de rosée la déesse de l’humide et des pluies qui baignent Ain-al-Schams la fontaine du soleil dans l’oasis de Siwa et ses carreaux de mosaïque turquoise où tout le ciel vient boire…

Le-retour-de-Tefnout.jpg                                   Tout comme Nidaba est à la fois déesse des moissons et de l’écriture sumérienne Tefnout a été ramenée en Egypte après son périple dans le désert de Nubie sous la forme d’une lionne par Thot le dieu de la lune et le scribe divin. Thot qui tout pareil à Amma le maître des mondes du peuple Dogon qui a créé l’univers en le nommant et en nommant chaque créature est le seigneur du temps. Et la première des créatures “ réussie ” car Yurugu le renard pâle est l’âme solitaire de l’échec c’est Nommo le fils jumeau à la fois mâle et femelle d’Amma et de sa femme la terre. Nommo le génie de l’eau est initié par son père au verbe créateur et chaque lieu d’eau possède son Nommo qui est sa nyama sa présence sa force vitale… Et Yurugu le devin celui qui sait lire l’histoire des hommes sur les tables de sable s’est mis en route parce qu’il a ravi le don de la parole qui sème le désordre et que comme tous les êtres rebelles il a été chassé de sa demeure la termitière géante de terre rouge… Ah Yurugu !

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 Dans un an je n’aurai plus de maison

En avril foi d’enfant des villes tout ne tient qu’à un fil

On connaît la chanson à partir de ce jour il vous reste six mois pour

Si j’hirondelle j’aurai au moins un nid de ficelle et de boue

De bouts de papier journal où c’est écrit votez pour qui

Ils ont tous les droits parce qu’ils ont le pognon

Le chat Mandrin surveille les aiguilles du réveil matin

Il tente avec sa patte de tout arrêter pile

Mais le temps de velours a toujours été du bon côté

Des bas de soie aux arômes jasmin et rose volés

Dans les jardins de Damas plus de jardinier ne jardinera

C’est face il faut faire malandrins comme si ça nous est égal

Chacun met de côté et chacun a raison

Sa réserve de graines pour les matins utiles

Dans un an je n’aurai plus de maison

tombouctou_02.jpg

Le chat aussi dans son frac à trous prépare ses souris

A faire le trottoir il n’est pas trop tard le jour détale

Dans les caves des poètes épavent des bateaux sous la table

Ont roulé avec les canettes de coca et les coquilles de noix

Je les ramasse pour allumer le poêle pendant que le porc‑épic

Mon pote d’Afrique surveille l’arrivée du propriétaire

Le museau dans sa bière et les croûtes de gruyère

Quand j’étais môme je croyais habiter l’horizon

Fleuve-Niger.jpg

C’est pas comme ça que ça se passe quand on resquille au jeu

On perd sa place à l’épicerie ils ne font plus crédit

En bas sur ma boîte à lettres quelqu’un a écrit minable

C’est la rançon des jours joyeux où on a fait cigale

Les deux billes de Mandrin sur le lit sont couleur lilas

On partage un reste de matloh dans le reste de couscous un régal

Dans un an je n’aurai plus de maison

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Ma vie dérape je suis un renard de passage

La porte est ouverte aux vents sauvages ils viennent avec leurs camions

Les huissiers rôdent marrons en maraude en bas pas un crocodile sacré du Nil

De Borko pas un crocodile et ses trente‑trois sources où Nommo prépare les pierres

Pour nos frondes d’acacia dans la gorge sèche du Gourma

Aya qui garde les piliers des Toguna de la falaise est ma monture

Griot rebelle je me fabrique du bois d’errance

BoatsMopti1.JPG

Et leurs yeux morts fille de Thôt et de Sobek je les dévore

Mes ours sont des ostraka qui sommeillent sous les ordures en tas

Que le scribe divin et son peuple de babouins bombarde d’épluchures d’émeraudes 

Tous les autres gens du quartier font le guet pour rafler la mise

Le chat Mandrin surveille vaurien qu’on ne lui vole rien

Il sait qu’on mettra ce soir la table de sable on boira la liqueur

Des mangues et la sueur des frangipaniers qui sale nos langues d’étrangers

Dans un an je n’aurai plus de maison

SiteDuneRoseY.JPG

           Etrangère à leur terre de goudron et à leurs marres miroirs au pied des forages noirs où ils ont capturé le soleil pour se voir luire dieux parés de colliers de balles incendiaires je chasse les faucons lunaires venus d’al-yiumna les rives de l’Arabie Heureuse jusqu’au lac Tana pour remonter Nahr‑el‑Azrak en direction de Kôm Ombô la demeure de Sobek le seigneur des eaux. Bahr el Nil le lac Tana la mer intérieure de l’Ethiopie où les pêcheurs à bord de leurs tankawa pirogues de papyrus dessous leur couverture de pélicans blancs refusent le combat contre les hippopotames chevaliers des estuaires rougis de limon…

hippo.jpg 

A l’autre bout de la terre d’Afrika à l’extrémité sud de l’empire Songhaï les pêcheurs Sorkos ne lanceront pas le Bangawi contre la tribu des hippopotames du fleuve Niger sans avoir demandé la parole des génies des eaux. Les Houka les génies de la force habitent l’île de Bentia le temps d’un combat qui rend les hommes invincibles le temps de renouveler l’alliance avec les poissons fétiches qui ont fait d’eux les maîtres de la dune rose et de ses chants sur la première île Koïma à l’heure du royaume de Gao… Les pinasses longues au cou cambré de caïlcédrat tatouées de fleurs de baobabs sont aussi vastes que le radeau d’Aguirre et sa colère divine peut tout entière crécher dedans…

pinasse_mopti.jpg 

Notre colère sacrée de n’être plus des hommes libres à la destinée aventureuse des bergers transhumants dont les troupeaux de chamelles blanches de chèvres de moutons et de petits ânes vont et viennent sur le sable aux coloquintes de l’Azawad… de n’être plus des guetteurs d’eau qui remontent les fleuves en racontant la mémoire des peuples aux rythmes des tambours calebasses et leur mille grelots vibrant…

 Buffles-Niger.JPG 

A suivre...

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21 avril 2012 6 21 /04 /avril /2012 22:36

Voici la suite de l'article d'hier concernant la Syrie et l'avenir des peuples de la Méditerranée et du grand Sud...

Cet article est publié sur le site du Grand Soir : http://www.legrandsoir.info/le-terrorisme-anti-syrien-et-ses-connexions-internationales.html

 Le terrorisme anti-syrien et ses connexions internationales

19 avril 2012

Bahar Kimyongür

Palmyre.jpg  Palmyre

Le front saoudien

A l’instar du royaume hachémite, la fidélité de la dynastie Saoud à l’Oncle Sam n’est un secret pour personne et ce depuis le Pacte du Quincy signé sur le croiseur américain du même nom entre Roosevelt et Abdelaziz Ben Saoud en février 1945. Cet accord allait permettre aux Etats-Unis de s’assurer un approvisionnement énergétique sans entrave moyennant une protection de son vassal face à leurs adversaires régionaux communs, notamment le nationalisme arabe et l’Iran dont certains territoires passaient sous influence soviétique. Lorsque la crise syrienne éclata, Etats-Unis et Arabie saoudite fêtaient leurs noces de jasmin pour leurs 66 années de vie commune en scellant le plus grand contrat d’armement de l’histoire : 90 milliards de dollars, impliquant la modernisation de la flotte aérienne et de la marine saoudiennes.

On s’en doutera, l’Etat wahhabite ne pouvait rester les bras croisés face aux événements qui secouent la Syrie, un pays phare du nationalisme arabe et de surcroît, ami de l’Iran, son ennemi juré. Ryad alimente le terrorisme anti-syrien sous diverses formes : diplomatique, économique, religieux, logistique et bien sûr militaire. La Maison des Saoud parraine les djihadistes actifs en Syrie en les encourageant par le biais de ses propagandistes attitrés à mettre le pays à feu et à sang. Par exemple, après avoir autorisé le djihad en Libye et appelé à l’élimination de Mouammar Kaddhafi, l’une des plus grandes autorités juridiques et fatalement religieuses du pays, le Cheikh Saleh Al Luhaydan s’est dit favorable à l’extermination d’un tiers des Syriens pour en sauver les deux tiers. Sur la chaîne télévisée saoudienne Al-Arabiya TV, le prédicateur Aidh Al-Qarni a déclaré que “ Tuer Bachar est plus important que tuer des Israéliens ”. (11)

C’est depuis Ryad et via la chaîne Wessal TV qu’Adnan Al Arour appelle à hacher les alaouites et à donner leur chair aux chiens.

Les récentes déclarations christianophobes du Cheikh Abdul Aziz bin Abdullah, rapportées par Arabian Business, ne vont sans doute pas rassurer les chrétiens de Syrie : s’appuyant sur un hadith décrivant le prophète Mahomet sur son lit de mort, déclarant qu’il « ne devrait pas y avoir deux religions dans la péninsule arabique », le cheikh saoudien Abdullah qui n’est autre la plus grande autorité wahhabite au monde, en a déduit qu’il fallait détruire “ toutes les églises de la région ”. Les chrétiens de Syrie en proie à la haine religieuse, trouvent dans cette déclaration, une raison de plus pour soutenir Bachar el-Assad.

Nombreux sont les citoyens syriens hostiles au régime de Bachar el-Assad qui s’inquiètent du parrainage de leur mouvement démocratique par une théocratie qui décapite encore des femmes pour sorcellerie, qui torture ses opposants politiques dans les prisons et qui ne connaît ni Parlement ni élection.

Sous le soleil de Ryad, il y a aussi Bandar que l’on ne présente plus.

Son rôle trouble dans les attentats de Londres, le financement de groupes salafistes armés revendiqué par l’intéressé, ses collusions avec le Mossad, sa haine du Hezbollah, de la Syrieet de l’Iran font du prince saoudien Bandar Ben Sultan, secrétaire-général du Conseil national de sécurité, une pièce maîtresse du plan de destruction de la Syrie laïque, multiconfessionnelle, souveraine et insoumise. Il n’y a donc pas vraiment de quoi s’étonner lorsque la dictature saoudienne s’engage aux côtés de son voisin et concurrent qatari, à verser les salaires des mercenaires antisyriens lors de la réunion des “ amis de la Syrie ” à Istanbul.

siwa_cleopatra02.jpg  Oasis de Siwa

 Le front qatari

 Le Qatar, c’est avant tout, une gigantesque base militaire US, la plus grande qui se trouve en dehors des Etats-Unis. Et puis, accessoirement, c’est le royaume d’un petit émir médiocre, fourbe et cupide. Dans son royaume, il n’y a ni Parlement, ni Constitution, ni partis, ni élections. En 1995, il organise un coup d’Etat contre son propre père. A peine arrivé au pouvoir, le pétromonarque putschiste se lance dans un vaste programme de partenariat économique avec l’Etat sioniste prévoyant notamment la commercialisation du gaz qatari en Israël. En 2003, l’émir du Qatar autorise l’administration Bush à se servir de son territoire pour lancer l’assaut sur l’Irak.

Avec le reste de sa famille, il contrôle l’ensemble de la vie économique, politique, militaire et culturelle du pays. La célèbre chaîne télévisée Al Jazeera est son joujou personnel. En peu de temps, il en a fait une puissante arme de propagande anti-syrienne. Grâce aux bidonnages d’Al Jazeera, la CIA et le Mossad peuvent s’offrir des vacances. Le nom de sa Majesté : Hamad Ben Khalifa al Thani. Le printemps arabe ? Il en est le principal bâilleur de fonds. Car pour lui, tout s’achète : le sport, l’art, la culture, la presse et même la foi. Alors, vous pensez bien, une révolution…

L’année dernière, l’émir Hamad envoya 5.000 commandos pour appuyer la rébellion djihadiste contre la Libye souveraine. A présent, son nouveau jeu de casino, c’est la Syrie et les rebelles de ce pays, des jetons de mise. Lorsque ces derniers subissent un revers de la part de l’armée arabe syrienne, il hurle au génocide. Hamad et sa clique, c’est l’hôpital qui se moque de la charité. Et à propos de charité, il a justement embauché un prédateur notoire de la paix et de la démocratie, le cheikh Al Qardawi, histoire d’islamiser le message de la chaîne. Mais malgré ses dollars et ses campagnes de mobilisation contre la Syrie, Al Jazeera est une armée en déroute.

Les coulées de désinformation qui se déversent à propos de la Syrie depuis les studios de la chaîne ont entraîné la démission de ses plus grandes vedettes. De Wadah Khanfar à Ghassan Ben Jeddo, de Louna Chebel à Eman Ayad, Al Jazeera a subi d’importantes défections qui passent inaperçues dans la presse occidentale.

En mars 2012, Ali Hachem et deux de ses collègues quittent eux aussi le navire de la piraterie informative qatarie. Certains des courriels d’Ali Hachem fuités font état de mesures de censure prises par Al Jazeera concernant des images de combattants anti-Bachar s’infiltrant en Syrie depuis le Liban qui datent d’avril 2011. Ces images font donc remonter la présence d’une opposition armée de type terroriste aux débuts du “ printemps syrien ”. Leur publication aurait fait voler en éclats l’imposture selon laquelle le mouvement anti-Bachar ne se serait radicalisé qu’à la fin de l’année 2011, une thèse reprise en chœur par toutes les chancelleries occidentales.

En dépit de ces scandales à répétition, “ nos ” médias continuent de considérer Al Jazeera comme une source fiable et son patron, l’émir Hamad, comme un apôtre de la démocratie syrienne.

Siwa.JPG  Oasis de Siwa

 Le front irakien

 L’invasion de l’Irak par les troupes américano-britannique en mars 2003 a joué un rôle crucial dans l’augmentation du nombre de djihadistes syriens. Les poste-frontières comme Bou Kamal sont devenues des points de passage pour les djihadistes syriens allant combattre les forces d’occupation en Irak. Nombre de Syriens ont été grossir les rangs des bataillons d’Abou Moussab al-Zarqawi. Depuis l’été 2011, le processus s’est visiblement inversé puisque désormais, les militants sunnites irakiens franchissent la frontière pour aller combattre les troupes syriennes.

 Al Qaida

 La branche irakienne d’Al Qaida appelée Tanzim Qaidat al-Jihad fi Bilad al-Rafidayn ( Organisation de la base du Jihad au Pays des deux fleuves ) comptait de nombreuses recrues syriennes. On dit que 13% des volontaires arabes en Irak étaient syriens. (12) Leur terreur fut à l’égal de leur réputation. Al Qaida causa de tels dégâts au sein de la résistance irakienne sunnite que ces derniers durent se résigner à ouvrir un front anti-Al Qaida. En 2006, un Conseil de secours d’Anbar regroupant la majorité des clans et tribus de la province rebelle vit le jour. Son but était de nettoyer la province des terroristes d’Al Qaida. (13)

A Falloujah et à Qaim, les chefs de tribus qui initialement ouvrirent les bras à la bande à Zarqawi finirent par retourner leurs armes. Pour avoir déclaré la guerre à Al Qaida, ils reçurent même le soutien du gouvernement irakien. La terreur aveugle d’Al Qaida a ainsi grandement neutralisé la résistance patriotique irakienne. Tous ces vétérans de la guerre contre les Américains mais aussi contre l’Iran, les chiites et les patriotes sunnites irakiens ont trouvé un nouveau salut dans la guerre contre le régime de Damas.

De décembre 2011 à mars 2012, les villes de Damas, Alep et Deraa ont été la cible de plusieurs attentats suicides ou à la voiture piégée faisant des dizaines de morts et de blessés. Ces attaques ont été revendiquées par Al Qaida ou attribuées à l’organisation takfiriste par les autorités syriennes et les experts internationaux en anti-terrorisme qui confirment l’infiltration de terroristes depuis l’Irak.

 Jabhat Al-Nusra Li-Ahl al-Sham ( Front de soutien à la population du Levant )

 Le 24 janvier dernier, ce groupe a annoncé son apparition dans divers forums islamistes. Mais ce nom à rallonge semble être un diminutif de Jabhat Al Nusra li Ahl Al Sham min Mujahideen al Sham fi Sahat al Jihad ou Front de soutien à la population du Levant par les Moudjahidines de Syrie dans les lieux du Jihad.

D’après les experts en terrorisme, l’expression “ Lieux du Djihad ” suggère que les membres de ce groupe mènent leur guerre sainte sur d’autres fronts comme l’Irak. C’est d’ailleurs ce que révèle le leader du groupe Abou Mohammed al Julani dans une vidéo mise en ligne au milieu du mois de mars. Al Julani signifie le Golanais, référence syrienne explicite. Comme tous les groupes terroristes, Jabhat Al Nusra dispose d’un organe de presse : Al Manara al Bayda, le phare blanc. (14)

Jabhat Al Nusra reçoit l’appui d’un cyber-salafiste éminent dénommé Abou Moundhir al Shanqiti. Ce dernier a émis une fatwa appelant les musulmans à se ranger dans le camp de ceux qui élèvent le drapeau de la charia en Syrie.

Temple-de-Karnak.jpg  Karnak

 Le front turc

 En Turquie, pays membre de l’OTAN depuis 60 ans qui accueillera bientôt le bouclier anti-missile, c’est l’Armée syrienne libre qui tient le haut du pavé. Son chef présumé, Riyad Al Assaad est hébergé dans la province turque anciennement syrienne du Hatay et bénéficie de la protection directe du ministère des affaires étrangères. La Turquie est comme chacun sait l’un des plus ardents ennemis du régime de Damas. Craignant de “ passer pour des impérialistes ”, les forces de l’OTAN poussent Ankara à franchir le Rubicon ou disons l’Oronte en la circonstance, dans la guerre contre la Syrie.

De nombreuses sources font état d’un axe Tripoli-Ankara dans la guerre contre Damas. Un trafiquant d’armes libyen évoque l’achat d’équipements militaires légers par des Syriens à Misrata (15). L’ex-officier de la CIA et directeur du Conseil de l’intérêt national US Philip Giraldi parle carrément d’un transport aérien de l’arsenal de l’ex-armée libyenne vers la Syrie via la base militaire américaine d’Incirlik située dans le sud de la Turquiz à moins de 180 km de la frontière syrienne. Il affirme que l’OTAN est déjà clandestinement engagée dans le conflit syrien sous direction turque.

Giraldi confirme aussi l’information parue en novembre dernier dans le Canard enchaîné, à savoir que des forces spéciales françaises et britanniques assistent les rebelles syriens tandis que la CIAet les Forces spéciales US leur fournissent des équipements de communications et d’espionnage. Un autre ex-agent de la CIA, Robert Baer, dont les mémoires (16) ont inspiré le film Syriana de Stephen Gaghan avec George Clooney en tête d’affiche, a déclaré à l’été 2011 que des armes sont envoyées aux rebelles syriens depuis la Turquie. (17) Sibel Edmonds, cette interprète de la FBI censurée pour avoir dénoncé des abus commis par les services de renseignement américains, affirme que la livraison d’armes aux rebelles syriens est assurée par les Etats-Unis depuis mai 2011. Les Etats-Unis auraient également installé en Turquie une “ division de communication ” dont la mission est de convaincre les soldats de l’armée syrienne à rejoindre la rébellion. (18)

L’implication des mercenaires libyens ne serait pas uniquement logistique. Selon plusieurs témoins oculaires dont un reporter du quotidien espagnol ABC, des djihadistes libyens, dont certains membres du Groupe islamique combattant libyen ( GICL ) sont concentrés aux frontières syro-turques. (19) Dans la région majoritairement arabophone d’Antioche en Turquie qui jouxte la Syrie, la population locale croise un nombre exceptionnellement élevé de Libyens. Occupant les plus luxueux hôtels de la région, ils ne passent pas inaperçus. Certains de ces Libyens multiplient les actes de vandalisme dans certaines zones touristiques comme à Antalya. Des miliciens libyens séjournant en Turquie ont plusieurs fois attaqué et occupé leur ambassade à Istanbul pour réclamer leur solde. A ce tableau étrange vient s’ajouter l’arrestation d’un Libyen de 33 ans à l’aéroport d’Istanbul en possession de 2,5 millions de dollars. Le 1er avril, ce Libyen faisait escale à Istanbul. Sa destination finale : la Jordanie, un pays où l’on signale un grand nombre de mercenaires libyens massés à la frontière syrienne. Tiens, tiens… (20)

Kom-Ombo-Temple-de-Sobek.jpg  Kom Ombo

 Et les USA dans tout ça ?

 Comte tenu des allégations de certains agents de la CIA concernant l’implication US dans la déstabilisation de la Syrie, est-il raisonnable de croire que l’administration Obama serait indifférente voire complaisante à l’égard d’un pays qui figure pourtant dans la liste des “ Etats voyous ” pour son soutien à la résistance palestinienne et son alliance stratégique avec le Hezbollah et l’Iran ? La Syrie est à ce titre cité parmi les sept pays contre lequel “ l’utilisation de l’arme nucléaire est envisageable ”. A ceux qui croient en l’inaction des forces occidentales en Syrie et à leur bonne foi dans leur défense des civils syriens, il convient de leur rappeler qu’il y a un an, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord ( OTAN ) sous commandement américain jurait par tous les saints vouloir agir par “ responsabilité de protéger ” le peuple libyen et promettait de s’en tenir à la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies afin d’ “ empêcher le dictateur Kadhafi de bombarder sa population ” et que, subitement, la protection des citoyens libyens s’est muée en engagement militaire dans une guerre civile, en coup d’état, en attentats ciblés et en bombardements aveugles.

On se souviendra aussi qu’après avoir anéanti la ville libyenne de Syrte où le dirigeant libyen s’était retranché, les forces de l’OTAN le livrèrent en pâtures à des bandes criminelles qui le torturèrent à mort. Cette sordide exécution avait été facilitée par les USA et l’OTAN puisqu’ils ont préalablement traqué et bombardé son convoi. Pourtant, Andres Fogg Rasmussen et ses comparses qui se félicitèrent de la mort de Kadhafi répétèrent des mois durant que le dirigeant libyen n’était pas leur cible. La cynique stratégie des USA et de l’OTAN en Libye qui consistait à “ ne pas dire ce que l’on fait et ne pas faire ce que l’on dit ” est manifestement celle qui a été choisie pour la Syrie.

En effet, officiellement, l’OTAN n’a pas l’intention d’intervenir dans ce pays. Rasmussen a même rappelé que son organisation n’armera pas les rebelles. Pourtant, certains courriers électroniques de l’agence de renseignement privée américaine Stratfor révélés par WikiLeaks le 27 février dernier indiquent la présence de forces spéciales occidentales en Syrie. Le compte-rendu d’une réunion, daté du 6 décembre 2011, sous-entend que des forces spéciales auraient été présentes sur le terrain dès la fin de l’année 2011. A ce propos, le courriel du directeur d’analyse de Stratfor Reva Bhalla est sans équivoque. (21) Il est question d’une réunion regroupant “ quatre gars, niveau lieutenant colonel dont un représentant français et un britannique ” :

Au cours d’un entretien qui dura près de deux heures, ils auraient insinué que des équipes des Forces spéciales étaient déjà sur le terrain, travaillant à des missions de reconnaissance et à l’entraînement des forces de l’opposition. Les stratèges occidentaux réunis aux Etats-Unis sembleraient rejeter l’hypothèse d’une opération aérienne sur le modèle libyen et privilégier l’option d’une guerre d’usure sous forme d’attaques de guérilla et de campagnes d’assassinat afin “ provoquer un effondrement de l’intérieur. ” Ils auraient jugé la situation syrienne beaucoup plus complexe que celle de la Libye et le système de défense syrien trop performant, surtout ses missiles sol-air SA-17 disposés autour de Damas et le long des frontières israélienne et turque. En cas d’attaque aérienne, l’opération serait conduite depuis les bases de l’Otan à Chypre, conclut l’agence Stratfor.

 Si jusqu’à présent, les Etats-Unis n’ont pas envoyé leurs bombardiers sur Damas, ce n’est donc pas parce que le maintien du régime syrien les arrange mais parce que ce régime n’est pas une bouchée facile. En apportant leur appui aux groupes armés, les USA se rendent néanmoins complices des massacres en Syrie. L’OTAN et les Etats-Unis viennent ainsi compléter la très sympathique photo de famille du terrorisme anti-syrien aux côtés des monarchies du Golfe, des mercenaires libyens, des propagandistes salafistes et d’Al Qaida

.Le-vieux-Caire.jpg  Le Caire

 Conclusions

 Le terrorisme anti-syrien est une réalité qui crève les yeux au sens propre comme au sens figuré. Son apparition est antérieure au printemps arabe. Durant les années 70 et 80, les Frères musulmans syriens en furent les principaux acteurs. Après avoir mis le pays à feu et à sang, ils furent écrasés par l’armée syrienne principalement à Hama en 1982. La dictature baassiste misa sur des moyens militaires pour éradiquer ce fléau mais comme bien souvent, la répression a au contraire eu pour effet d’ajourner voire d’amplifier la menace. Avec le retrait syrien du Liban en 2005, les mouvements djihadistes se sont implantés et renforcés dans la région libanaise de Tripoli puis dans les camps palestiniens du pays du Cèdre. Ils y ont retrouvé une nouvelle jeunesse et l’occasion de prendre leur revanche sur le régime baassiste en lançant des attaques en territoire syrien. Puis ils ont connu une troisième renaissance avec le printemps syrien de mars 2011.

Composés de toutes les nationalités qui peuplent la région, les courants djihadistes anti-syriens affichent un antinationalisme radical qui ne reconnaît aucune limite territoriale. Ils ne peuvent donc être associés strictement à un seul pays de la région. On trouve ainsi dans leurs rangs des Saoudiens, des Maghrébins, des Jordaniens, des Libyens, mais aussi de nombreux Palestiniens ultraconservateurs qui rejettent l’idée de lutte de libération nationale en Palestine à la faveur d’une stratégie de guerre de religions “ contre les Juifs et les Croisés ”.

Ces groupes politico-militaires ont causé des dommages significatifs à de nombreux mouvements de libération ainsi qu’à tous les gouvernements nationalistes arabes. En Irak par exemple, les militants d’Al Qaida ont farouchement combattu la résistance sunnite qui pourtant luttait contre les troupes américaines. Aujourd’hui, les gouvernements libanais et irakien, alliés objectifs du régime syrien et en proie à ces mêmes groupes armés, tentent de bloquer le passage des djihadistes vers la Syrie.

Mais la connaissance du terrain de ces derniers disposant d’un soutien logistique sophistiqué de la part de l’OTAN et de ses alliés du Golfe rend ses frontières poreuses. Par exemple, certaines tribus sunnites transfrontalières, naguère en lutte contre les troupes d’occupation américaines et contre les chiites et aujourd’hui hostiles au régime de Damas pour des motifs essentiellement sectaires, acheminent armes, équipements et combattants depuis la province irakienne d’Anbar vers le district syrien de Deir Ez-Zor.

L’OTAN est donc bel et bien militairement engagée en Syrie par l’intermédiaire de ses alliés arabes mais aussi et surtout par le biais de la Turquie qui, selon les propres déclarations du premier ministre Recep Tayyip Erdogan, est un acteur clé dans la réalisation du Projet américain du Grand Moyen-Orient, un plan qui vise à abattre les dernières poches de résistance anti-US de la région.

Eviter de comparer les scènes de destruction, de massacres et de désolation qui nous parviennent de Syrie avec la guerre civile algérienne des années 90 devient de plus en plus difficile. D’autant que la Syrie et l’Algérie, pays phare du nationalisme arabe, sont tous deux dotés de gouvernements politico-militaires issus d’une guerre de libération contre la France coloniale et sont tous deux confrontés à un terrorisme d’un même genre. Les djihadistes algériens étaient des vétérans d’Afghanistan qui combattirent les troupes soviétiques alors que les djihadistes aujourd’hui actifs en Syrie ont fait leurs armes sur les fronts irakien, afghan ou libyen.

Dans l’Algérie des années 90 comme dans la Syrie de 2012, les groupes terroristes procèdent à un nettoyage ethnique, idéologique et confessionnel méthodique. Une différence de taille tout de même entre les deux pays : s’il demeure une menace, le terrorisme algérien a malgré tout pu en grande partie être neutralisé grâce à des moyens politiques basés sur le dialogue et la réconciliation. L’un des architectes de la paix algérienne fut Ahmed Ben Bella, héros révolutionnaire et premier président de l’Algérie indépendante. Il nous a quittés le 11 avril dernier. Osons espérer que la Syrie trouvera son Ahmed Ben Bella.

oasis-Dakhla7.jpg  Oasis de Dakhla

http://mediawerkgroepsyrie.wordpress.com/2012/04/15/le-terro...

Avec un bémol : le président de la République doit obligatoirement être musulman. Cet article de la Constitution a été maintenu malgré la nouvelle réforme pour ne pas s’aliéner la majorité musulmane du pays.

A propos du mensonge sur l’appartenance religieuse du cheikh Hassoune, voir Envoyé Spécial, 19 janvier 2012. Apropos d’Ali Mamlouk, voir Le Figaro, 31 juillet 2011

Sunday Telegraph, 29 octobre 2011

Voir U.S. Department of State, Foreign Terrorist Organizations, 27 janvier 2012

Ulrike Putz, The Burial Brigade of Homs in Der Spiegel, 29 mars 2012

Maghreb Intelligence, 17 février 2012

Nir Rosen, Al Jazeera online, 13 février 2012

Georges Malbrunot, Le Figaro, 22 février 2011

Vicken Cheterian, Le Monde diplomatique, mai 2010

David Enders, McClatchy Newspapers, 1er avril 2012

Sabq (journal saoudien en ligne), 26 février 2012

The Jamestown Foundation, Terrorism Monitor, 2 décembre 2005

Peter Beaumont, The Guardian, 3 octobre 2006

Ayfer Erkul, De Morgen, 20 mars 2012

Ruth Sherlock, The Telegraph, 25 novembre 2011

Robert Baer, La chute de la CIA: les mémoires d’un guerrier de l’ombre sur les fronts de l’islamisme (trad. Daniel Roche de See not evil, Three Rivers Press, New York, 2001) collection Folio documents, Ed. Gallimard, 2002

Hürriyet, 8 mars 2012

Interview de Sibel Edmonds, Russia Today, 16 décembre 2012

Daniel Iriarte, Islamistas libios se deplazan a Siria para « ayudar » a la revolucion, 17 décembre 2011

Milliyet, 2 avril 2012

Russia Today, 6 mars 2012

 URL de cet article 16420

http://www.legrandsoir.info/le-terrorisme-anti-syrien-et-ses-connexions-internationales.htmldeesse-Sekhmet.jpg  Et voici la déesse Sekhet la lionne Tefnout reine du Nil et des eaux que vous retrouverez bientôt dans une des histoires que je suis en train de bricoler mais sans quitter Afrika et le Mali du peuple Dogon... enfin vous verrez ça... A suivre... 

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20 avril 2012 5 20 /04 /avril /2012 16:57

          Dans cette période brutale qui prête si peu à la poésie et pourtant...pierres-pour-Oslo.jpg

          Dans cette période où on offre à un dément de la pire des natures qui soit un espace public pour étaler ses délires à fin " d'explications " avec la possibilité de rameuter autour de lui tous les dingues qui entendent nous faire vivre dans des camps entourés de murs de barbelés de miradors rien qu'entre nous les mêmes toujours aussi séparés que des espèces animales incompatibles et des bactéries non mutantes... 

          Dans cette période où on prépare la terre douce du printemps pour de nouvelles tueries de nouvelles moissons sanglantes et l'anéantissement de nos rêves partagés de la traversée d'Afrika dans sa largeur... de Oualatta à Bamako à Tombouctou à Gao à Tamanrasset à Ghât à Sebha à al-Koufra à Siwa à Al-Kaïra... et puis il ne nous reste plus qu'à remonter le grand Nil Bleu Nahr el-Azrak jusqu'à Assouan et encore Khartoum au Soudan et Adis Ababa en Ethiopie et enfin jusqu'au lac Tana tout près de l'Erytrée... 

          Dans cette période où Afrika est plus que jamais menacée par ceux qui ici se préparent à nous voler nos amitiés les plus chères et nos désirs les plus obstinés de nous rejoindre au-delà de leurs vues rétrécies par leurs obsessions à pognon à pouvoir à destruction de la Grande-Mère généreuse... j'ai déniché cet article à lire si on veut vraiment piger ce qui se joue dans la mise en pièce actuelle de l'Orient africain... Syrie Liban Irak Iran et du Nord-Ouest africain... Egypte Libye Algérie Mali Sénégal Guinée-Bissau Côte d'Ivoire Nigeria Niger Soudan...

          Ce qui va sembler changer ici dans quelques jours ne changera rien là-bas pour des milliers d'Africains et rien pour nous ici les multiculturalistes acharnés... Nous le savons nous le voyons c'est là devant nous...

          Cet article décrit précisément et en tenant compte de tout l'Orient Arabe l'enjeu syrien qui est un enjeu de mort. Ce qui semble lointain est proche et nous allons avoir à nous battre avec tous les peuples du monde pour sortir de l'esclavage qui nous est promis... A nous de ne pas le choisir... Ya Basta !

          Il n'y a ici que la moitié de l'article qui est assez long et dense donc je l'ai coupé en deux... La suite demain et si vous avez hâte d'en savoir plus lisez-le en entier sur le site du Grand Soir...

291ET_chutesNilBleu.jpg Chutes du Nil bleu

Cet article est publié sur le site du Grand Soir : http://www.legrandsoir.info/le-terrorisme-anti-syrien-et-ses-connexions-internationales.html

Le terrorisme anti-syrien et ses connexions internationales

19 avril 2012

Bahar Kimyongür

          Depuis le début du printemps syrien, le gouvernement de Damas prétend combattre des gangs terroristes. La plupart des médias occidentaux dénoncent, dans cette thèse, une propagande d’Etat servant à justifier sa répression contre le mouvement de contestation. S’il est évident que celle-ci tombe comme du pain béni pour l’Etat baassiste de réputation peu accueillante envers les mouvements d’opposition qui échappent à son contrôle, elle n’en est pas fausse pour autant. Plusieurs éléments objectifs accréditent en effet la thèse du gouvernement syrien.

damascus1 Damas

 D’abord, il y a le facteur laïcité.

  La Syrie est en l’occurrence le dernier Etat arabe laïc. (1) Les minorités religieuses y jouissent des mêmes droits que la majorité musulmane. Pour certaines sectes sunnites championnes de la guerre contre l’Autre quel qu’il soit, la laïcité arabe et l’égalité interreligieuse, incompatibles avec la charia, sont une injure à l’islam et rendent l’Etat syrien plus détestable qu’une Europe “ athée ” ou “ chrétienne ”. Or, la Syrie compte pas moins de dix églises chrétiennes différentes, avec des sunnites qui sont arabes, kurdes, tcherkesses ou turkmènes, avec des chrétiens non arabes comme les Arméniens, les Assyriens ou les Levantins, avec des musulmans syncrétiques et donc inclassables comme les alaouites et les druzes. Par conséquent, la tâche qui consiste à maintenir sur pied cette charpente ethnico-religieuse fragile et complexe s’avère si ardue que seul un régime laïc, solide et forcément autoritaire peut y parvenir.

 Ensuite, il y a le facteur confessionnel.

 En raison de l’origine du président Bachar El-Assad, le régime syrien est abusivement décrit comme “ alaouite ”. Cette qualification est totalement fausse, calomnieuse, sectaire voire raciste. Elle est avant tout fausse parce que l’état-major, la police politique, les divers services de renseignements, les membres du gouvernement sont majoritairement sunnites de même qu’une partie non négligeable de la bourgeoisie. Nos médias à sensations ne manquent pas de parler de Mme Asma El-Assad, l’épouse du président d’origine sunnite dans un but de la diaboliser. Mais ils évitent délibérément de citer la vice-présidente de la Républiquearabe syrienne, Mme Najah Al Attar, la première et unique femme arabe au monde à occuper un poste aussi élevé. Mme Al Attar est non seulement d’origine sunnite mais elle est aussi la sœur de l’un des dirigeants exilés des Frères musulmans, illustration emblématique du paradoxe syrien. En réalité, l’appareil d’Etat baassiste est le reflet quasi parfait de la diversité ethnico-religieuse qui prévaut en Syrie. Le mythe à propos de la « dictature alaouite » est tellement grotesque que même le grand mufti sunnite, le cheikh Bedreddine Hassoune ou encore le chef de la police politique Ali Mamlouk, lui aussi de confession sunnite, sont parfois classés parmi les alaouites par la presse internationale. (2)

Le plus étonnant est que cette même presse apporte de l’eau au moulin de certains milieux salafistes (sunnites ultra-orthodoxes) syriens qui propagent le mensonge selon lequel le pays aurait été usurpé par les alaouites lesquels seraient, selon eux, des agents chiites. Ces mêmes salafistes taxent les chiites de négateurs (rawafidhs) parce que ces derniers rejettent, entre autres, la légitimité du califat, c’est-à-dire du gouvernement sunnite des origines de l’islam. Or, d’une part, il existe des différences notables entre alaouites et chiites tant sur le plan théologique que de la pratique religieuse. La divinisation d’Ali, la doctrine trinitaire, la croyance en la métempsychose ou encore le rejet de la charia propres aux alaouites, sont sources de critiques de la part des théologiens chiites qui ne manquent pas de les taxer d’exagérateurs (ghoulat).

D’autre part, s’il y a une religion d’Etat en Syrie, c’est bien l’islam sunnite de rite hanéfite représenté entre autres par le cheikh Muhammad Saïd Ramadan Al Bouti et le grand mufti de la République, le cheikh Badreddine Hassoune dont la sage parole tranche avec les appels au meurtre et à la haine des cheikhs wahhabites. Mais qu’à cela ne tienne, pour expliquer l’alliance anti-US et antisioniste formée par l’axe Damas-Téhéran-Hezbollah, la presse aux ordres et les milieux sunnites ultraconservateurs répètent en chœur que la Syrie est dominée par les alaouites qui formeraient une “ secte chiite ”. La Syrie étant soutenue par la Chine, la Russie, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua ou encore la Bolivie, il faudrait logiquement en conclure que Hu Jintao, Poutine, Chavez, Castro, Ortega ou Morales sont eux aussi des alaouites, au moins des crypto-chiites.

damas_takiah_soughra_01.jpg Damas

 Troisièmement, il y a le facteur nationaliste.

 Il convient de rappeler que pour les salafistes, la Syrie n’existe pas. Ce nom serait comme celui de l’Irak une fabrication athée. Dans leur jargon inspiré du Coran, l’Irak s’appelle Bilad Al Rafidaïn (le pays des deux Fleuves) et la Syrie, Bilad Al Cham (le pays de Cham).

Celui qui adopte l’idéologie nationaliste et se consacre à la libération de sa patrie commet un péché d’association (shirk). Il viole le principe du tawhid, l’unicité divine et à ce titre, il mérite la mort. Pour ces fanatiques, le seul combat agréé par Allah est le djihad, la guerre dite “ sainte ” livrée au nom d’Allah et visant à étendre l’Islam.

En tant que corollaire du nationalisme arabe, le panarabisme, cette idée progressiste d’unité et de solidarité interarabe est à fortiori un sacrilège parce qu’il mine l’idée de “ oumma ”, la mère patrie musulmane. Comme le rappelait récemment le président Bachar El‑Assad dans une interview accordée au journal Sunday Telegraph, le combat qui se livre actuellement sur le sol syrien oppose deux courants inconciliables : le panarabisme et le panislamisme (3).

 Ce conflit originel introduit un facteur historique fondateur de la menace terroriste en Syrie.

 Depuis 1963, la Syrie baassiste mène en effet une véritable guerre contre les mouvements djihadistes. L’armée gouvernementale et les Frères musulmans se sont affrontés dans de nombreuses batailles qui se sont toutes soldées par la victoire du pouvoir syrien. Ces victoires ont été arrachées au prix de nombreuses victimes, l’armée n’hésitant pas à semer la terreur pour parvenir à ses fins. En 1982, l’armée de Hafez El-Assad a pilonné des pans entiers de la ville de Hama pour venir à bout de la résistance djihadiste, massacrant sans distinction militants et civils innocents. On dénombre au moins dix mille morts dans les bombardements et les batailles de rue. De véritables chasses à l’homme ont ensuite été lancées contre les Frères musulmans syriens à travers le pays, contraignant ces derniers à l’exil. La répression n’est pas pour autant parvenue à éradiquer la tradition guerrière ni l’esprit revanchard des djihadistes syriens.damas-syrie.jpg Damas

 A présent, voyons pays par pays quels sont les mouvements terroristes auxquels les troupes syriennes sont aujourd’hui confrontées.

 Le front libanais

 En avril 2005, l’Occident s’est réjoui de voir les troupes syriennes quitter le territoire libanais après 30 ans de présence ininterrompue. Cet événement avait été déclenché par l’attentat visant l’ex-premier ministre libano-saoudien Rafiq Hariri connu pour son hostilité envers la Syrie, attentat immédiatement imputé au régime de Damas par l’Europe et les Etats‑Unis sans la moindre preuve et avant même le début de l’enquête. Une “ révolution du Cèdre ” soutenue par les officines droitsdelhommistes de la CIA poussa l’armée syrienne à quitter le Liban. A peine les chars syriens se sont-ils retirés que les groupes salafistes refirent surface, dégainant leurs sabres et leurs prêches sectaires. Ces mouvements se sont implantés dans le Nord-Liban du côté de Tripoli majoritairement sunnite puis, peu à peu, dans les camps palestiniens du Liban, profitant des divisions politiques et de la faiblesse militaire des organisations palestiniennes ainsi que de la politique de non-intervention de l’armée libanaise dans ces camps.

Entre 2005 et 2010, les groupes djihadistes ont mené la guerre contre tous les soutiens réels ou supposés du régime de Bachar el-Assad comme les populations chiites, alaouites ou les militants du Hezbollah. Certains de ces mouvements ont été jusqu’à franchir la frontière syro-libanaise pour harceler les troupes du pouvoir baassiste sur leur propre territoire. L’activisme anti-syrien des groupes salafistes libanais armés connut ensuite une recrudescence avec le début de la crise syrienne de 2011. Ils furent relayés par des mouvements salafistes non armés.

Le 4 mars 2012, quelques deux mille salafistes conduits par Ahmad Al Assir, un prédicateur de la ville de Saïda devenu l’étoile montante du sunnisme libanais, ont défilé à Beyrouth pour protester contre le régime de Bachar El Assad. Derrière un impressionnant cordon de sécurité composé de policiers et de militaires, quelque centaines de contre-manifestants du Parti baas libanais ont protesté contre ce défilé. D’Aarida à Naqoura, tout le Liban retint son souffle. Comme son cœur se resserre à chaque fois que des tirs retentissent depuis les quartiers tripolitains de Bab Tebbaneh et Djebel Mohsen.

Car dans ce pays où la ligne de fracture politique est également confessionnelle avec des sunnites majoritairement anti-Assad et des chiites majoritairement pro-Assad et puis aussi avec des chrétiens divisés qui se retrouvent dans les deux camps, la hantise de la guerre civile est omniprésente. Mais le gouvernement d’union nationale tente de calmer le jeu et veille à rester neutre face au conflit syrien. Pour autant, certains groupes salafistes ne ratent pas une occasion pour semer le chaos dans ces deux pays géographiquement interdépendants et complémentaires.

 Voici une brève description de certains de ces mouvements sectaires actifs au Liban et qui menacent la Syrie depuis plusieurs années :

 Groupe de Sir El-Dinniyeh

Ce mouvement sunnite dirigé entre 1995 et 1999 par Bassam Ahmad Kanj, un vétéran d’Afghanistan et de Bosnie, est apparu à la suite de luttes entre différents courants islamiques voulant contrôler les mosquées de Tripoli. En janvier 2000, le Groupe de Dinniyeh a tenté de créer un mini-Etat islamiste dans le Nord du Liban. Les militants ont pris le contrôle des villages du district de Dinniyeh, à l’Est de Tripoli. 13.000 soldats libanais ont été envoyés pour mater cette rébellion djihadiste. Les survivants de l’assaut se retranchèrent dans le camp palestinien d’Ayn El Hilwé dans le sud du Liban.

Après le retrait des forces armées syriennes en avril 2005, les combattants du groupe de Dinniyeh sont revenus à Tripoli où se trouvaient encore des cellules clandestines. La même année, le ministre libanais de l’intérieur par intérim, Ahmed Fatfat qui est précisément originaire de Sir El-Dinniyeh et qui, par ailleurs, dispose de la citoyenneté belge, a mené campagne pour obtenir la libération des prisonniers du groupe de Dinniyeh et ce, dans le but d’obtenir l’appui politique des groupes sunnites et salafistes du Nord-Liban.liban-beyrouth-1-4.jpg Beyrouth

 Fatah Al Islam

 Mouvement sunnite radical du Nord du Liban. Le Fatah Al Islam a littéralement occupé la ville de Tripoli avec la complicité de Saad Hariri et son parti, le Courant du futur. Hariri voulait se servir de ces radicaux sunnites pour combattre le Hezbollah chiite libanais et le gouvernement syrien. Parmi les alliés de Hariri, le groupe appelé “ Fatah El Islam ” dissident du mouvement national palestinien s’est emparé du camp de Nahr El Bared. Ce mouvement terroriste a assassiné 137 soldats libanais de manière brutale notamment lors de sataniques rituels se soldant par des décapitations. Le 13 février 2007, le Fatah El Islam fit également exploser deux bus dans le quartier chrétien d’Alaq-Bikfaya.

De mai à septembre 2007, l’armée libanaise fit le siège du camp palestinien de Nahr el Bared où étaient retranchés les combattants djihadistes et ce n’est qu’après d’intenses combats dignes de l’opération syrienne de Baba Amro qu’elle parvint à les neutraliser. Pas moins de 30.000 Palestiniens ont dû fuir les combats. Quant à Nahr el Bared, il fut réduit à l’état de ruines. Quelques mois plus tard, le Fatah al Islam est impliqué dans un attentat meurtrier qui secoue Damas. Le 27 septembre 2008, le sanctuaire chiite de Sayda Zainab à Damas est en effet la cible d’un attentat à la voiture piégée où 17 pèlerins sont tués. Le Fatah Al Islam est souvent cité lorsque des affrontements éclatent à Tripoli entre le quartier sunnite de Bab Tabbaneh et le quartier alaouite de Djébel Mohsen.

 Jounoud Al Cham ( Les soldats du Levant )

 Mouvement sunnite radical du Sud du Liban aux origines multiples. Certains de ses membres seraient issus du groupe Dinniyeh tandis que d’autres seraient des vétérans d’Afghanistan ayant combattu sous le commandement d’Abou Moussab Al Zarqawi. La plupart de ses combattants seraient des Palestiniens “ takfiristes ”, c’est-à-dire en guerre contre les autres religions et les non-croyants. Jounoud Al Cham serait responsable d’un attentant en 2004 à Beyrouth qui a tué un responsable du Hezbollah. Depuis plusieurs années, il tente de prendre le contrôle du camp palestinien d’Ayn El Hilwé situé à proximité de la ville de Sayda. En 2005, le groupe fait parler de lui pour ses accrochages quotidiens avec l’armée syrienne. Jounoud al-Sham se trouve sur la liste des organisations terroristes émise par la Russie. Il n’est pas sur la liste des organisations terroristes étrangères du Département d’Etat nord-américain. (4)

Beyrouth-1.jpg Beyrouth avant...

 Ousbat Al Ansar ( Ligue des partisans )

 Présent sur la liste des organisations terroristes, Ousbat al-Ansar lutte pour “ l’établissement d’un Etat sunnite radical au Liban ”. Connu pour ses expéditions punitives contre tous les musulmans “ déviants ”, Ousbat al-Ansar fait assassiner des personnalités sunnites comme le cheikh Nizar Halabi. Il fait également plastiquer des établissements publics jugés impies : salles de théâtre, restaurants, discothèques… En janvier 2000, il attaque à coups de roquettes l’ambassade de Russie à Beyrouth. Héritier du groupe de Dinniyeh, il infiltre le camp palestinien d’Ayn El Hilwé dans le Sud du Liban. Lorsqu’en septembre 2002, je visitai les camps palestiniens du Liban, l’inquiétude des résistants palestiniens était palpable. Nombre d’entre eux avaient été tués lors de tentatives de prises de contrôles par ce groupe réputé proche d’Al Qaïda. En 2003, quelque 200 membres d’Ousbat Al Ansar attaquèrent les locaux du Fatah, le mouvement palestinien de Yasser Arafat. Il y eut huit morts dont six membres du Fatah.

 Le mythe de l’ASL

 Il faut le reconnaître : les chasseurs de dictateurs qui peuplent les rédactions des grands organes de presse sont passés maître dans l’art du camouflage quand il s’agit de présenter des “ résistants ” qui servent les intérêts de leur camp. En véritables chirurgiens esthétiques, ils vous transforment l’Armée syrienne libre ( ASL ) en mouvement de résistance démocratique brave et sympathique composé de déserteurs humanistes dégoûtés par les atrocités commises par l’armée syrienne. Il n’y a aucun doute que l’armée du régime baassiste ne fait pas dans la dentelle et commet d’impardonnables exactions contre des civils, qu’ils soient terroristes, manifestants pacifistes ou simples citoyens pris entre deux feux.

A ce sujet, les médias mainstream nous abreuvent ad nauseam de crimes imputés aux troupes syriennes parfois à raison mais le plus souvent à tort. Car en termes de cruauté, l’ASL ne vaut pas vraiment mieux. Seuls quelques rares journalistes comme le néerlandais Jan Eikelboom osent montrer l’envers du décor, celui d’une ASL sadique et crapuleuse. La correspondante à Beyrouth du Spiegel, Ulrike Putz vient, elle aussi, d’égratigner la réputation de l’ASL. Dans une interview mise en ligne sur le site de l’hebdo allemand, Ulrike Putz a mis en lumière l’existence d’une “ brigade d’enterrement ” chargée d’exécuter les ennemis de leur sinistre révolution à Baba Amr, le quartier insurgé de Homs repris par l’armée syrienne. (5)

L’égorgeur interrogé par Der Spiegel attribue 200 à 250 exécutions à sa brigade des croque-morts, soit près de 3% du bilan total des victimes de la guerre civile syrienne depuis un an. Du côté des institutions humanitaires, il a fallu attendre la date fatidique du 20 mars 2012 pour qu’une éminente ONG, à savoir Human Rights Watch, dont la traduction signifie bien “ guetteur des droits de l’homme ” reconnaisse enfin les tortures, exécutions et mutilations commises par les groupes armés opposés au régime syrien. Après 11 mois de terrorisme insurgé… A la bonne heure ô infaillible sentinelle ! “ Sah Al Naum ”, comme on dit en arabe à quelqu’un qui se réveille.

Z02Sayda-Zaynab.jpg Sayda

Passons à une autre info qui écorne un peu plus la renommée de l’Armée syrienne libre et leurs appuis atlantistes. D’après des sources diplomatiques et militaires, l’ASL, cette armée dite de “ déserteurs ” manquerait d’effectifs militaires. Pour pallier cette pénurie de combattants, l’ASL enrôlerait des salafistes à tour de bras. C’est le cas du bataillon Al Farouq de l’ASL qui s’était rendu célèbre par ses enlèvements d’ingénieurs civils et de pèlerins iraniens, par ces tortures et ces exécutions sommaires. La difficulté de recruter des conscrits est somme toute fort logique puisqu’un déserteur est par définition un homme qui abandonne le combat. Déserter signifie quitter la guerre.

Dans le cas syrien, de nombreux déserteurs se constituent réfugiés et quittent le pays. La propagande de guerre occidentale affirme que s’ils quittent l’armée ou ne répondent pas aux appels sous les drapeaux, c’est parce qu’ils refusent de tuer des manifestants pacifiques. En réalité, ces jeunes recrues craignent autant de tuer que de mourir. Ils affrontent un ennemi invisible rompu aux techniques de guérilla, qui tire aveuglément sur des pro et des anti‑régime et qui n’hésite pas à liquider ses prisonniers selon un rituel sordide de décapitation et de dépeçage. La terreur qu’inspirent les groupes armés dissuade légitimement de nombreux jeunes de risquer leur vie en circulant en uniforme. Alors, ils choisissent de quitter l’armée et le pays.

Par exemple, les déserteurs kurdes syriens se réfugient dans la région autonome du Kurdistan irakien. A Erbil surtout, dans un quartier peuplé de Kurdes syriens que l’on surnomme “ le petit Qamishli ”. D’autres rejoignent les camps de réfugiés d’Irak, du Liban, de la Turquie ou de la Jordanie. Le terme de “ déserteur ” servant à désigner les militaires qui ont fait défection pour rejoindre le camp adverse et tirer sur leurs anciens camarades est donc inapproprié. Il serait plus correct de parler de transfuges.

 Voici une analyse de Maghreb Intelligence, une agence que l’on ne peut soupçonner de collusions avec le régime de Damas et qui appuie la thèse de la démobilisation des jeunes appelés, de la faiblesse de l’ASL et de la présence de salafistes armés sur le champ de bataille :

D’après un rapport émanant d’une ambassade européenne à Damas et corroboré par des enquêtes menées par des centres de recherches français à la frontière turque, l’Armée Libre Syrienne -ALS- ne compterait en tout et pour tout que quelque 3000 combattants. Ils sont pour la plupart armés de fusils de chasse, de Kalachnikov et de mortiers de fabrication chinoise provenant d’Irak et du Liban. D’après ce rapport, l’ALS n’a pas pu enrôler la majorité des 20 milles militaires qui auraient déserté l’armée de Bachar Al Assad. D’ailleurs, l’ALS est particulièrement présente dans les camps de réfugiés établis sur le territoire turc. A Hama, Deraa et Idlib ce sont davantage des groupes armés salafistes qui donnent la réplique à l’armée syrienne. Ces salafistes, particulièrement violents et déterminés, proviennent dans leur grande majorité de la mouvance sunnite radicale active au Liban. (6)

A part le fait d’être impitoyable, infiltrée par des groupes sectaires et en manque d’effectifs, l’Armée syrienne libre est désorganisée. Elle n’est pas chapeautée par une direction centrale et unifiée. (7)

De nombreuses indications, notamment les saisies d’armes réalisées à divers postes‑frontières du pays, montrent que l’ASL reçoit des armes de l’étranger et ce, depuis le début de l’insurrection, ce que l’ASL démentait avant de demander ouvertement une intervention militaire étrangère sous forme de bombardements, d’appui logistique ou de création de zones-tampons. Au début de son insurrection, le groupe armé dissident ne voulait visiblement pas donner l’image d’une cinquième colonne agissant pour des forces étrangères ni compromettre ces généreux mécènes que l’on devine. On se souviendra que dans le documentaire de propagande anti-Bachar réalisé par Sofia Amara, intitulé “ Syrie : Permis de tuer ” et diffusé sur la chaîne frano-allemande Arte en octobre 2011, un soldat de l’ASL est sur le point de révéler ses fournisseurs étrangers quand son supérieur le somme de se taire.

Lattaquieh2.jpg Lattaquieh

 Le front jordanien

 L’allégeance de la monarchie hachémite à Washington et Tel-Aviv relève du lieu commun. Pour satisfaire ses alliés, la Jordanie a d’ailleurs été le premier régime arabe à appeler Bachar El-Assad à quitter le pouvoir. Le 22 février 2012, le correspondant du Figaro, Georges Malbrunot révélait que la Jordanie avait acheté à l’Allemagne quatre batteries anti‑missiles Patriot américains “ pour protéger Israël contre d’éventuelles attaques aériennes menées depuis la Syrie. ” (8) Ces missiles devraient être installés à Irbid, non loin de la frontière syrienne.

Déjà en 1981, la monarchie sécuritaire alliée des Etats-Unis avait laissé faire l’aviation israélienne qui avait violé son espace aérien pour aller bombarder le réacteur nucléaire irakien d’Osirak.

En politique intérieure, la Jordanie n’affiche pas une posture plus progressiste. Ainsi, des décennies durant, Amman a encouragé les Frères musulmans selon un calcul politique motivé par le souci d’éradiquer l’ennemi principal, à savoir l’opposition de gauche laïque ( communiste, baathiste et nassérienne ). Selon M. Abdel Latif Arabiyat, ancien ministre et ex-porte-parole du Parlement jordanien : “ La confrérie n’était pas une organisation révolutionnaire, elle prônait la stabilité. Avec la montée en puissance des partis nationalistes et de gauche, nous avons conclu une alliance officieuse avec les autorités ” (9). En 1970, les Frères musulmans se rangèrent du côté de la monarchie lorsque le roi Hussein ordonna l’écrasement des fédayins palestiniens.

Motus donc de la part des Frères musulmans devant le massacre dit du “ Septembre noir ” dans lequel près de vingt mille Palestiniens ont été massacrés. De cette stratégie d’instrumentalisation des Frères musulmans jordaniens, ce sont finalement ces derniers qui sont sortis vainqueurs puisqu’ils représentent aujourd’hui le principal mouvement d’opposition du pays. Pour le royaume hachémite, les Frères musulmans constituaient un moindre mal à la fois par rapport à la gauche mais aussi par rapport aux mouvements djihadistes. Ce mariage de raison n’a pas tenu longtemps. Et finalement, la monarchie se vit contrainte de réprimer un mouvement devenu trop puissant.

Entretemps, la Jordanie subit plusieurs attentats terroristes. En 2005, ce sont des hôtels de la capitale Amman qui furent visés par des groupes salafistes. Abou Moussab Al Zarqawi, l’ancien chef d’Al Qaïda en Irak, est lui-même originaire de Zarqa, une ville jordanienne située au Nord-est d’ Amman. La révolte syrienne contre le régime ayant éclaté à Deraa, une ville méridionale proche de la frontière jordanienne, elle a éveillé l’appétit de conquête du courant djihadiste basé en Jordanie qui s’était essoufflé suite aux nombreuses pertes essuyées dans les rangs d’Al Qaïda. On y trouve entre autres la Brigade Tawhid, une petite armée djihadiste formée de plusieurs dizaines de combattants naguère actifs au sein du Fatah Al‑Islam et s’infiltrant en Syrie pour attaquer l’armée gouvernementale. (10) Le portail d’info libéral jordanien Al Bawaba révèle que la ville frontalière de Ramtha accueille des mercenaires libyens payés par l’Arabie saoudite et le Qatar.

 Par ailleurs, étant situé entre la Syrie et l’Arabie saoudite, le royaume hachémite est un passage obligé pour tous les djihadistes, les instructeurs et les convois militaires envoyés par Ryad.

amman789.jpg Amman

A suivre...

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15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 19:03

Ce texte est estrait de mon bouquin dont je vous ai déjà livré des fragments : Squatt d'encre rouge que j'ai eu envie de vous faire partager au moment de ne pas fêter les 50 ans de l'Indépendance de l'Algérie... Et puis en même temps c'est encore une histoire de peinture et d'êtres humains disgrâciés mais fabuleux... hein ?

Pour la petite histoire rigolote un détail... ces pages vous ne les lirez pas ailleurs qu'ici car les " copines " avec qui j'avais créé la maison d'édition qui a publié cet ours ont viré les exemplaires entreposés des bouquins à la benne à ordures il y a de ça... des nuits déjà... l'amitié vous savez... Ce qui n'enlève rien à la beauté des femmes d'Orient... et à l'amour qu'ont eu pour elles les peintres orientalistes...

03-Jean-Francois-Portaels--Portrait-de-jeune-orientale.jpg 

Le jardinier aveugle

Toulouse-Lautrec.jpg

Tout le monde le sait il boite. Enfin tout le monde… ça n’est pas sûr. Y en a bien qui racontent qu’ils l’ont rencontré à l’entrebâillement de la nuit dans une ruelle creusée à même le mâchefer où éclatent ci et là les veines d’or du Blockhaus. Et qu’il ne boitait pas du tout… Pas du tout. D’une extrémité à l’autre de la Grande‑Mer qui nous relie… d’un bout à l’autre de ses portes de sable les villes et les nabots se ressemblent. Y’a qu’à écouter la suite pour en être bigrement convaincus…

J’ignore comment ça se fait mais je crois qu’on l’a vu traînailler sa carcasse de navire à l’aveuglette un coup à droite un coup à gauche… vlim‑vlam… une grande bordée de son foc velours rouge qui ne passe pas inaperçu par tous les coins du monde où on labyrinthe à l’étroit. Les espaces marins qui pour finir éclatent en une corolle d’eau généreusement ouverte. Sa boîte de crayons à couleurs ses fusains et ses graphites bleus léchés afin que ça colle un peu sur les feuilles du carnet volages. Ses fioles pas plus grandes que des récipients à potions nains ses mies de pain en boule pour effacer les traces trop profondes. Des bancals y en a plein la planète qui ne sont même pas affranchis de leur passage dans les intestins du Blockhaus. Mais pas des comme lui…

D’Alger toujours repeinte à Paris la Citéaux ordures… Florence ou Amsterdam bataille des péniches des petits bateaux des rafiots haute mer. C’est sa boîte à couleurs qui le met en quart. Qui le propulse rageur et polisson d’un quartier à l’autre. A ressort qu’il est… Que d’un côté mais quand même. C’est le fait d’avoir grandi tordu qui l’a découragé de prendre racine à l’intérieur du ciment. Ça l’a rendu tout à l’envers des vrais hommes vertigineux tatoués de muscles baobabs et lisses comme des soldats de plomb.

Vrai ça lui a mis de l’aile dans le plomb si on veut… Séparé de l’espèce. Cassé et re‑cassé en dandinement aérien d’oiseau de nuit écarlate. Un voltigeur. Enfin ce que j’ai pu reluquer jusqu’ici. Pas facile de le suivre… un coup à droite un coup à gauche… vlim‑vlam… une vague d’eau verte et salée amère qui vous embouche les oreiles. Et la petite musique dedans quand on se décourage pas. Le tout de pas perdre sa trace d’abord. D’un port à l’autre… D’une ville à l’autre… D’un bordel à l’autre… Partout… avec sa boîte à couleurs…

‑ Eh Toulouse ! Toulouse !… monte un peu voir ma belette bleue comme elle me va !

De le faire monter les marches glacées à mourir suspendu au bras d’une fille ça les amuse… Vlim‑vlam… vlim‑vlam… Pas aigri ni cornichon malgré sa dégaine… vlim‑vlam… il renifle dans la chevelure des odeurs de sirène qui dégrafent les parfums à provoquer le rut des hommes matous marquant d’urine les murailles rondes du Blockhaus…

‑ Qu’il est mignon !cover-femme_rousse_assise_sur_un_divan_1897.jpg

La fille descend nue sous son chandail mauve. Des porte-jarretelles noirs remontent ses bas. Des filets lourds d’écailles roses au ventre des poissons. Marée haute… Une fuite de rails sans fin au centre de ses gros seins… Ça a la consistance des mangues trop mûres… Orangé mou à mettre ses doigts et vite les retirer…

Il se hisse sur la pointe des chaussures vernies qui lui font des pieds de clown. Ses pieds ont grandi normalement. Et pas ses jambes. La nique ! Gentiment elle l’embrasse sur le front. Elle prend pas des airs en dépit des talons qui lui donnent encore de la supériorité. Plutôt complice. Lui il a posé sa main sur la rampe à sa hauteur et d’un bond… Hop !… il a franchi la marche au‑dessus. Retire son melon. Fait une pirouette pleine de grâce. Et hop !… encore une marche… Hop ! Hop ! En dessous de lui la fille a relevé tous ses cheveux dans ses mains. De longues mèches en suspens des algues rouges sombre sur ses ongles marins.

Elle noue des cordages invisibles… Pfuitt… ça siffle doucement entre ses doigts. Un tangage… trois quatre coups d’ongles à plein paquet… un mouvement du poignet comme une ronde où se croisent en rient des petites filles et hop !… elle a tressé une natte lourde une amarre plus bas que ses reins. Le nabot ne la quitte pas des mirettes tant que ça dure son manège… Flaouch ! Il en prend ce qu’il peut de sa manière de femme à passer brutale par tous les artifices. Et puis d’avoir toujours des mimiques d’enfant à fleur de peau… des fossettes au creux du cou des grains de beauté plus vrais que des boucles d’oreilles des frissons de ruisseaux sous les aisselles…

‑ Alors Monsieur Toulouse… quand c’est que vous me croquez moi ? J’ai pas de belles jambes des fois ? A Alger sûr qu’ils s’en rappellent de mes jambes… Demandez‑leur un peu si c’est pas vrai ! C’est moi la reine de la Kasbah ! Des mains plein ma fourrure… des blanches… des indigènes… des café‑crème… Je leur ai laissé ma fourrure pour pas qu’ils pleurent… Ils se sont enroulés dedans chacun un petit bout… Faut me croquer M’sieur Toulouse avant qu’y viennent me reprendre ! Y’a que la mer par le fait…Toulouse-Lautrec-Art-Elsa-La-Viennoise

Elle glousse… descend vers le bar en ondulant des hanches tel un caboteur fasciné par l’éclat doré de la barre de cuivre. Elle écoute plus. Les mains des types s’ouvrent et se referment sur elle dans la houle légère du soir… Flaouch…

‑ Bientôt ma poule…

C’est la voix goguenarde du nabot. Un murmure rauque à l’intérieur de la gorge. Du haut de son perchoir il cherche à distinguer l’attache des filets résilles mouillés d’écailles roses. Il voit en se penchant la natte rouge qui bat les reins comme un appel puissant. Un cri qui monte du port d’Alger. Un cri de femme. Long… douloureux… ivre… Une délivrance d’écume… Un soleil… Un cri qui gonfle dans sa chair… Brusque ça le reprend… l’embarque… Il se laisse tomber sur la dernière marche et il ouvre sa boîte à couleurs…

Lautrec.jpg

En attendant un des macs du Blockhaus surveille les mouvements lascifs et surprenants du fleuve. Des vermoulus de la sorte ça ne nous manque pas ! Y a du monde et on ne sait pas qui… ni combien ils sont ceux qui ajoutent consolident la masse insolente et meurtrière du Blockhaus. Le Blockhaus c’est une masse arrondie et souple… l’intérieur d’une montgolfière en réalité. Mais pour ce qui est de l’image qu’on en voit c’est un cube de matière inerte hérissée de cheminées… de pylônes… de miradors…

En attendant disais‑je… il surveille d’un des huit cent soixante‑trois miradors de petites formes blanches jouant et se poursuivant au long des replis des canaux. Les canaux tissent la ville d’une tenture mouvante sous sa peau. La ville ici c’est un écrin d’acier de ferrailles de tas d’immondices encerclant un diamant liquide. La ville ici c’est des glous‑glous entre deux rives qu’on soupçonne pas forcément si on n’est pas averti. Tout juste la nuit on entend si on s’approche des rires… Des chuchotis des froissements de tissus qu’on défait… Des riens du tout peut‑être un songe d’écluses… 

Le type sur son perchoir pointe le rayon projecteur dans l’entre‑deux des eaux. C’est là qu’il aime à farfouiller. Il remarque depuis un moment qu’il s’y passe des choses. D’ailleurs c’est par ce côté de la Cité qu’il a son pouvoir. Le secret des femmes il imagine qu’il connaît. Et forcément ça se tient dans quelque chose d’aquatique. On voit pas comment ça serait autrement. Il s’agirait d’une histoire de mère à traverser… A force il croit qu’il sait. Et les autres avec. Quand on croit dans des certitudes glaviotantes l’important c’est que le plus grand nombre d’autres aussi. Comme ça qu’on les tient les pouvoirs fantoches mais bien corrosifs. A tout pourrir d’ignorance et de mauvaises odeurs reniflements d’égouts phosphoreux et décharges constellées de papillons noirs…

Les femmes vaut mieux pas leur demander leur avis. Engouffrées qu’elles sont à l’intérieur du réel pas le temps de réfléchir. Celles des quais des bassins des trottoirs… robe de jersey rouge à ras des reins… fourreau giclant de cuir noir… jean moulant leurs hanches adolescentes… Celles‑là elles parleront pas. Elles savent trop. Ça les fait basculer dans le désaveu et la marge définitive. Ayez pas peur… Vous imaginez pas que l’histoire s’échappe de ses rails en tortillant. Ici là‑bas… le Blockhaus avec sa coupole saline… ses effluves larvées de vieux port englouti et la Cité de jade sans cesse à faire ses noces orange et bleues.

Dinet.jpg

Le gros mateur bien renseigné un peu pacha qui porte des étoffes épaisses autour de son petit corps boudiné et vif comme une toupie a mis la paluche sur le marché femelle qu’il fallait pas rater. Un de ces arrivages par la marée dans la profondeur moite et moirée des ports du Nord de l’espèce mutante. Celle mijotée avec acharnement et énergie virile par l’arrière‑pays. Depuis des lustres qu’ils y turbinaient aux fontaines sacrées au fond des cours refermées sur le puits‑nombril derrière les portes géantes des palais silencieux. Ils avaient fini par les fabriquer exactement telles qu’ils les voulaient.

Le temps que ça avait pris… Et les imbéciles qui se mettaient entre leurs jambes à pas comprendre l’intérêt… le rapport que ça ferait… les avantages pour tout le monde… la maîtrise absolue de l’univers grouillant informe obscur toujours à fourrer de la vie à tors et à travers du désordre dans les dessous verdâtres. Enfin une migration énorme venue de la Cité femelle… ses ruelles foisonnantes de draps blancs de filets tendus afin de les prendre vives encore enfants… Ce qui les avait décidées peut‑être…

C’était une nuit… une nuit de novembre écorchée d’oiseaux rouges au‑dessus du môle. Une nuit rouge comme une fuite de sang frais. Une nuit de salive insuffisante et d’echymoses muées caresses. Une nuit neuve et bien‑aimée sous la laine des sandales. De partout sans personne derrière ni devant elles sont arrivées avec l’odeur ardente des chevilles. De partout dans l’arrière‑pays… On les écoutait pas… on les voyait pas… elles existaient pas. De la petite Kabylie… des Hauts‑Plateaux… de l’Oranie… et surtout du grand Sud… oui surtout… des oasis introuvables… Sans personne…

Renoir-3.jpg 

A suivre...   

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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 00:40

      Comme vous vous en doutez mézigue n'a aucun intérêt à partager avec la pseudo passion électoraliste de la populace à l'heure actuelle vieille anar que je suis... Mais le peuple lui à qui on ne la fait pas a bien besoin que quelques-uns à la manière de Léo de Brassens et leurs frangins poètes clament et répètent que ceux qui trahissent et ont toujours trahi le mieux les espoirs et les luttes populaires et sociales sont ceux qui les ont revendiquées le plus haut avec le talent et le baratin des tribuns... 

      Alors gaffe à une trahison de plus on n'est pas à ça prêt dans ces auberges-là... N'oublions pas qu'au moment de la guerre en Libye nous avons été très peu à refuser qu'on aille descendre en notre nom et avec notre pognon le peuple libyen et que tous les tribuns réunis se sont ruées pour la curée...

      N'oublions pas que si les peuples de l'ALBA sont en train de se libérer du poids pesant sur nous tous de la violence du capitalisme mondialisé c'est d'abord parce qu'ils ont pris conscience que le combat se mènera par chacun et par tous au-delà des frontières du fric de la race et de la culture avec la force et la grandeur humaine de nos rêves mis en commun et de nos utopies devenant réalités de chaque jour...

      Et que vive la Canaille !

      Cet article a été publié sur le site de Bellaciao bellaciao.org/fr/

Mélenchon : une lettre ouverte de Jacques Lacaze Regards-sur-la-commune-1871-1--2-.jpg
lundi 9 avril 2012 - 20h55

Cher(e)s ami(e)s, chers camarades.

Une pétition de soutien à la campagne de Mélenchon a été lancée par des syndicalistes du 62, il y a 3 mois. Depuis ces syndicalistes se mobilisent très fortement dans cette campagne. Sollicité, j’ai refusé de participer à ces initiatives. J’ai expliqué pourquoi, et je n’y reviens pas.

Je voudrais poser quelques questions que soulève la campagne de Mélenchon et du Front de Gauche.

Première remarque, cette campagne électorale est d’un classicisme total. Mélenchon au nom du Front de Gauche la mène sur un programme précis. Ce programme est très superposable à celui de Mitterrand de 1981, sauf que ce dernier proposait – hypocritement – d’en finir avec le capitalisme et proposait le socialisme comme alternative.

Mélenchon se garde bien de le faire. Il ne dit strictement rien sur la sortie de l’Europe et de l’euro. Il continue à parler de l’Europe sociale.

Son remarquable succès est manifestement lié à son don de tribun, d’entraîneur de foules, à son charisme. Et déjà là : DANGER.

Mais ce n’est pas le plus important. Sa campagne personnalisée à outrance s’inscrit à 100% dans la tradition "démocratique" d’un état entièrement aux mains de la bande du Fouquets. Elle connaît certes une mobilisation très importante de militants syndicalistes en particulier, qui traduit un grand espoir et un ral bol du sarkozisme. Cette campagne est menée dans le cadre de cette démocratie pourrie, où tous les coups sont permis (voir entre autres, l’exploitation par les droites de l’effroyable affaire de Montauban et Toulouse). Et personne ne peut exclure qu’un coup tordu ne soit en préparation !

Cette campagne, ne peut que renforcer cette démocratie représentative, qui a pour finalité quand les "politiques" sont élus de leur donner carte blanche pour négocier dans l’opacité la plus totale et … de trahir comme en 36, en 45, en 56, en 81 etc...

Voyons de plus près, Mélenchon et le Front de Gauche, se sont bien gardé d’appeler à la constitution de comités de base, dans les quartiers, les entreprises, les universités etc. De fait seul le discours mélenchonien est à l’ordre du jour : il faut s’émerveiller d’entendre ce qu’on a envie d’entendre sans se poser la question du comment et de la suite. En l’absence de comités populaires il n’est pas possible de nous exprimer, de peser directement dans la vie politique, dans la lutte de classes.

« C’est mon programme : à prendre ou à laisser », voilà le vrai fond du discours. Il ne se démarque ainsi, d’aucun des 10 candidats, d’extrême droite, de droite, de « gauche », d’extrême gauche ! Ils apportent tous la pâtée aux électeurs, pour qu’ils puissent glisser le précieux bulletin à l’abri des regards indiscrets !

Imaginons … si Mélenchon avait proposé avec lucidité et courage d’appeler à la constitution de tels comités, d’appeler au débat citoyen et à l’action, sur la base de nos luttes dans les entreprises, les quartiers, les écoles, les universités, partout et à la base, la campagne prenait une tout autre allure. Les luttes pour les salaires, les retraites, les conditions de travail, le maintien des emplois, le produire en France et donc le refus de délocaliser les entreprises, les luttes contre les fermetures de classes, les luttes pour défendre les droits sociaux acquis, les luttes des sans papiers, bref, les innombrables luttes des travailleurs, qui font notre quotidien depuis des années, auraient pu s’exprimer avec force et s’épauler entre elles. Alors là oui, un formidable mouvement citoyen, populaire et démocratique aurait pu prendre son essor et laisser de côté la comédie électorale.amlat.jpg

Les revendications de l’ensemble du peuple de France qui est le créateur des richesses, des travailleurs, des privés d’emploi, des enseignants, des petits commerçants, des artisans, des petits agriculteurs, des « classes moyennes » visées par le pouvoir actuel au service de l’infime minorité des très riches, pourraient devenir une immense force préfigurant les mobilisations citoyennes, les actions, les grèves, bref, les luttes indispensables pour changer les choses.

Un tel mouvement n’attend qu’une occasion pour se développer ! Comme en 36, les luttes pour les salaires, le pouvoir d’achat, le logement, les conditions de travail, la mise en place de nouveaux droits pour les travailleurs en prenant appui sur ce que la gauche et la droite défont systématiquement depuis 45 ans : les droits acquis en 1945 !

Nos propositions pour la France que nous voulons pourront émerger !La-commune-arton148.jpg

J’ai, par exemple, en ce qui me concerne beaucoup de choses à dire sur la santé. En premier lieu que changer les choses dans ce domaine, ce n’est pas réclamer toujours plus de moyens, toujours plus d’hôpitaux, toujours plus de médecins, d’infirmières etc, même si cette revendication est nécessaire. Changer les choses en matière de santé, c’est lutter contre le pouvoir de l’industrie pharmaceutique, l’empêcher de diriger la politique de santé, avec comme seul critère la rentabilité et son corollaire, les catastrophes sanitaires. Il faut s’orienter vers une politique de prévention, de vraie santé publique ; ce qui nécessitera de former différemment les travailleurs de la santé, de diversifier les métiers et d’augmenter leur nombre.

Nous savons où est l’argent extorqué aux travailleurs : dans les poches du patronat ! Ces riches actionnaires qui exigent une rentabilité de leurs actions et autres stocks options de 15 à 20%, et quand ça concerne des millions d’euros, le résultat est vertigineux !

Mais voila, Mélenchon et les partis du Front de Gauche, n’ont pas choisi cette voie. Je peux vous assurer, cher(e)s, chers camarades, qui si tel avait été le cas, je me serais porté aux avant postes de la mobilisation.

Je suis sûr que la masse des syndicalistes, des militants, des travailleurs mobilisés durant l’automne 2010 se seraient eux aussi mobilisés avec un enthousiasme renouvelé à la porte des boites, dans la rue. Mais rien n’est perdu ! Prenons au mot Jean Luc Mélenchon et le Front de Gauche, oeuvrons pour un été et un automne chaud, très chaud.ALBA.jpg

Le candidat du front de Gauche propose de réunir une assemblée constituante, et bien commençons tout de suite en lançant des comités de base pour discuter de la constitution, du pouvoir, de la démocratie politique, judiciaire, économique, dans les entreprises que nous voulons, à partir de nos luttes, de nos revendications.

Contre la mort programmée par ces riches qui dirigent encore nos destinées (Grèce, Portugal, Espagne …. et bientôt France) décrétons selon la belle formule de Maurice Clavel « L’insurrection de la vie ».

Je voudrais, ajouter une toute petite remarque : Mitterrand, pour contrer la droite et se maintenir au pouvoir, après avoir trahi les espoirs qu’avait fait naître la victoire de la gauche en 81, a favorisé l’émergence du parti du sinistre Le Pen. Les médias ont très largement contribué au succès d’Arlette la candidate de LO qui était devenue la coqueluche des émissions radio télé et l’exutoire pour les mécontents. Puis ce fut le tour du « facteur » Besancenot. LO et NPA sont aujourd’hui tombés bien bas.

Il est clair que les médias, toujours au service du pouvoir, favorisent la candidature de Mélenchon. Sachons déjouer le piège en changeant de terrain ! Du terrain électoral imposons que l’action se place sur notre terrain, celui des luttes de classes contre le patronat et la classe politique de droite et de gauche à sa solde.la_commune.jpg

Jacques Lacaze. 2 avril 2012 

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2 avril 2012 1 02 /04 /avril /2012 18:17

Ce texte court que vous avez déjà lu je l'ai modifié  car il pourrait être publié dans le dialogue que nous menons Leïla Sebbar et moi... si toutefois publication il y a... Du coup j'ai revu une partie de ce que j'ai écrit à destination de mes gros manuscrits de récits concernant nos vies partagées dans les cités de banlieue qui eux ne trouveront pas d'éditeur c'est sûr...

J'écris donc désormais pour le vent pour les papillons pour la pluie et le ciel bleu vif du printemps... et pour les lecteurs assidus de notre blog ! Je vous remercie vraiment de me donner une raison de continuer et vous aurez de nouveaux textes ou des textes réécrits sans tarder...


Asikel le fils du coq blanc suiteAgades-rue.jpg

 

Ecoute…

Le mualem le regarde qui prend la piste du Sud celle qui s’en va bien au large de l'oasis… Ziouh ! Avec ses yeux d'eau noire et de khôl qui tanguent Hop ! Hop !  Où il va Asikel le gamin maigre racé pareil que l’éclair fauve de la gazelle dedans sa gandoura pâle ? Où il va ? Il frappe des mots… Tip‑Tap ! Tip‑Tap !  Les mots sont les fils de chaque grain de sable. Qui est-ce qui marche dans les traces des bestioles du désert qui ont fait les transhumances d’un côté de l’autre… Ziouh ! D’un côté de l’autre entre les pattes des chèvres ou des chamelles au milieu des petits de la dernière portée. Le mualem le regarde s’enfoncer à l'intérieur des mamelles des dunes cachées … Ziouh !  C’est lui Asikel qui a posé la rose de sable en haut du cairn qu’il a trouvé au croisement des pistes anciennes qu’on n’utilise plus et qui s’égarent ?

C’est lui qui va à la rencontre des caravanes perdues avec la monture que personne ne voit et qui renseigne les voyageurs ? Les conducteurs des caravanes qui arrivent à l’oasis racontent. Ils ont entendu des appels aux rythmes haletants des tambours de lune et des cymbalettes qui grésillent… Ta ta tatatam ! Asikel… Y a un bâton planté au creux du nombril du vent qui lui fait monter dans les reins et danser jusqu'au fond de la gorge le balancement halluciné des chants ? Asikel ne voit pas le mualem dans l’ombre qui le fixe. De ses quinquets profonds obscurs comme les puits du désert il suit la trace laissée par les nomades… Hop ! Hop ! Dessus les tablettes d'argile vierge il marche ses talons rejoignent les empreintes qui ont creusé la boue ocre rouge des Babel de la Mésopotamie.

Asikel profite des mots inconnus. Ceux qui arrivent qui grignotent les pages la première fois qu’il les entend ils viennent d’ailleurs ? Asikel tord le cou à l'écriture sage du cahier d’école Craou ! Il inaugure des royaumes de sel glacés et l’écume claire fige des troupeaux de fleurs barbouillées avec la poussière d’or… Pfuitt ! Le mualem a deviné à travers la magie des Cités de sable et de sel des cahiers d’Asikel et la fascination des guerriers qui chevauchent les oiseaux géants l'influence du vieux taleb et du coq blanc qui resplendit… Cra ! Cra ! Cra ! Le taleb saupoudre les dunes de l’oasis des brumes de mirages et les images d'enfance des parfums d’épices du secret. Et il greffe à Asikel ses graines de mémoire. Des graines de la terre d'ici des graines d'un pays des graines de grenade sang. 

En tournant les pages du cahier d'école d’Asikel qui n'a pas de père comme les autres mômes de l’oasis le mualem pourrait lire la guerre planquée dessous les tas de dattes endormies de silence et de mouches. Entre les couches de sel qui veillent aux tranches de tomates et de poivrons il y a des Indigènes qui triment aux orangeries qui entassent les cageots d’odeurs et de fusils. Dans les jarres de terre qui ne bougent pas le mualem pourrait lire la guerre en dessous des cils des femmes qui attendent. Et aussi en tournant les pages du cahier d'Asikel qui ne raconte jamais ces choses-là. Et qui raconte seulement l'histoire de l’oasis et de son nom… Ziouh ! Cra ! Hop ! Ziouh ! 

- Asikel... Asikel...

 

Ecoute… écoute…Palmier-Lac-Grabawn.jpg

La mousse froide des murs de l'école indigène grimpe sur les jambes d’Asikel. 

A chaque fois la voix du mualem qui appelle son petit nom… Asikel !… le surprend.

Dans l’oasis il n’y a que les palmiers à la tignasse sèche et les orangers d’amertume mais le mualem décrit les fleuves et leurs eaux tellement vertes et douces qu’on y trouve des poissons aux écailles argent et bleues. Les arbres là‑bas dans le Nord ils ont leurs feuilles qui retombent et se couchent dessus leurs pieds et le courant des fleuves les peigne avec ses doigts luisants.

Ce que ça doit être simple d'avoir des racines ! 

C‘est pour ça qu’Asikel qui bondit de table en table Hop ! Hop !…a inventé l’arbre rouge le palmier et son ventre rempli d’histoires dans le cahier à la couverture de papier rose.

Il aimerait bien Asikel mais ça il le dira jamais à personne même pas au coq blanc son ami que le mualem de l'école des garçons indigènes soit un tout petit peu son père tant pis s’il sait que le mualem n’est pas un homme arabe. En secret il le nomme Abu Yahya. C’est un nom de quelqu’un qui a de la bonté… il pense Asikel. Oh ! juste une moitié de père puisque l'autre moitié c'est le coq blanc. Et il y a aussi le palmier où dégringolent les pierres de foudre quand il frotte le ciel… Raouh ! Raouh ! Ça l'arrangerait bien d’être le fils de tous ces pères ! Une paternité éclatée quoi. Comme ça Asikel l'enfant-gazelle serait une poignée de chaque créature de la terre vivante.

Mais c'est pas possible… il se répète Asikel. Y aura pas d’Abu Yahya et mieux c’est pour tout l’monde hein ? D'abord le mualem il a un garçon c’est Victor en priorité de père du même âge que lui et avec beaucoup de soldats qui prouvent son droit par le sang. Des soldats de plomb drôlement bien armés de fusils et de canons attelés à des chevaux aux harnachements rouges et or des soldats de riches. Ensuite la melma la femme du mualem elle ne tolèrera jamais qu'Asikel soit tombé du palmier dans le ventre de sa mère par les manigances de son homme et les caresses de ses doigts qui sont fins comme des rayons de lumière !

Le palmier rouge est un conteur qui enchante le ventre de la lune. Et Asikel n'a pas de père pour sa mère vêtue seulement de ses cheveux sa mère tout entière à lui qui danse dessus la peau froide de l’oasis la nuit. Sa mère elle fait voler le sable qui neige des étoiles autour du palmier. Sa mère toute la terre tourbillonne Ziouh ! Ziouh ! tourbillonne et les khal‑khal d’argent de ses chevilles tintent au‑dessus de ses pieds légers.

- Eh bien ! Asikel tu veux nous raconter l’histoire que tu as écrite dans ton cahier puisque tu sais faire chanter les mots de notre langue dans ta bouche...

- Oh non ! mualem… non...

Asikel debout au milieu de l’estrade son cahier à la couverture de papier rose serré dedans son poing… Raouf ! Dire non Asikel il n’a pas l’habitude. Un garçon indigène sans père à l’intérieur de l’oasis il fait pas le mariole ! Le mualem regarde avec de l’inquiétude et un peu de moquerie le môme arabe et ses calots de lave noire qui sont les pierres du feu. Asikel debout au milieu de l’estrade qui n'a pas peur de lui.

- Non ?

- Non mualem… non mualem…

Le mualem songe qu’Asikel a juste la voix qu'on prend quand on parle au sable la voix des contes après que les nomades ont quitté la piste le soir pour monter la tente. Il fait bon avant le froid des météores indigo on a allumé les feux qui tiennent loin les chacals. La voix qui conte défie le vide des dunes brûlantes elle trouve le puits avec la pierre couchée dessus. Le mualem songe qu’Asikel est un garçon indigène avec le talent des griots des récitants sur les places des villages dessous le grand acacia et son feuillage bleu un peu gris. Il sait qu’il n’a pas la même patience quand Victor lit en écorchant les mots des récitations. Asikel… à cause du secret du cahier à la couverture de papier rose qu’il trimballe partout le mualem devine qu’il porte en lui la mémoire des griots du désert la mémoire d’un peuple prisonnière.Coucher-de-soleil-Ubari.jpg

Asikel solitaire court au large de l’oasis… Ziouh ! Ziouh ! Il ne le défie pas il s’échappe. Il lui échappe…  Hop ! Hop ! Au-delà de lui qui reste ici enfermé entre les murs blanchis à la chaux de la maison d’école et si ça lui prend de s’aventurer le spectre blafard lui plaque aussitôt la sueur sur le dos entre la chemise et la peau comme une écorce mauvaise. Impuissant malgré les guerriers de plomb de Victor et toute leur armée qui a envahi l’oasis il y a longtemps le mualem la main au‑dessus des yeux observe la boule de plumes qui se déploie insaisissable. Grande et sauvage fuite radieuse hors d'atteinte… Ziouh ! Le mualem a pensé un instant qu’il peut briser cette volonté d'argile de sang et de pépins de grenade. C’est facile. Il suffirait… 

Le mualem qui a pas mal bourlingué au milieu des populations et des tribus a pigé qu’ici l'épervier le meilleur chasseur celui que le rajoul au burnous blanc qui les dresse vendra très cher au prince venu du Yemen exprès ne se laissera pas capturer dans le cercle jaune de son vol… Craou ! Sauf si un jet de fronde jailli on ne sait d’où le condamne à mort il ne capturera pas l'âme d'épervier d'Asikel ! Bien plus haut plus haut que le soleil… Ziouh ! Ziouh ! Asikel il se tait. Il y a une raison plus forte que sa vie plus grande que le palmier rouge qui enchante la lune. Une raison plus profonde que sa bouche derrière le voile de son cri. Le cheich indigo qui le protège des étincelles de sable bâillonne ses lèvres. Le mualem le sait Asikel ne parlera pas. Et la mousse froide des murs de l'école le sait et le coq blanc le sait. Sous la torture le mualem se dit qu’Asikel ne parlera pas… Craou !

Les autres mômes indigènes croient connaître par avance le dénouement ils épient la proie du mualem qu'ils n’ont pas pu avoir fragile et démesurée avec la convoitise du chacal. S’ils la choppent… Raouf ! Il faut des rites sacrificiels pour renouveler l'alliance des dieux et des hommes hein ? Personne n’est capable de se moquer des dieux de leur rire au nez. Non personne. Asikel lui il n’a pas peur des dieux et pas peur des hommes ! Ça finira mal ! C’est forcé on connaît l’histoire. Y’a que les victimes qui acceptent de jouer leur rôle qui sont bien vues chez les colons et les petits maîtres. La victime indigène elle emporte dessous le burnous la souillure et le remord… Yalla ! C’est tout bon ! Quand la fleur écarlate au fond de sa gorge éclate c’est l'innocence garantie des porteurs de couteaux !

Mais les mouches tournent vrombissent couinent… Chuitt ! Chuitt !… autour de celui qui se débat dans la luisance des fers. Han ! Sous la crue de cailloux bouillants… Han ! Face aux lacets d'acier sur les poignets… Han ! Une grande nuée de mouches comptables de la saleté qui suinte des pierres glacées des dalles des caves raclées par les pieds des esclaves rebelles et des bestioles des abattoirs… Chuitt ! Chuitt ! Et dehors en plein soleil de l’oasis la lumière asperge de paillettes roses bleues vert pomme les lèvres des garçons arabes qui attendent la mise à mort. La lumière elle constelle les gandouras elle rassure les tas de dattes de son tapis épais de laine. De ses pieds d'oiseaux elle tasse les couches de tomates et de poivrons salées jusqu'à ras bord. Et elle piétine Tip-tap ! Tip-tap ! C’est plein de frelons de neige dans les oreilles.femme-touareg-au-puits-1.jpg

 

Ecoute… écoute…

Le mualem il connaît une partie de cette l'histoire que les vieux Arabes se racontent en mâchonnant la chique sur la place du village la djemaa alors il se laisse prendre avec Asikel. Il épluche les pages du cahier d'écriture à la couverture de papier rose. Ça y est il se perd au creux d’un monde minéral avec des arbres morts qui dégringolent en poussières de silice et de mica doré ! Et Hop ! Ils refourguent leur armure de coquillages creuse aux bracelets mouvants des reptiles… Et Hop ! Les traces du fennec qu’on ne voit pas elles le disent encore : le chemin il n’est qu'à l'intérieur de soi-même…

Au milieu d'une page Asikel a écrit sous la dictée du coq blanc… Les dunes aux pieds qui marchent frapperont aux portes des mechta… elles jetteront leur œil de sable jusqu’aux terrasses blanches… elles passeront la porte el Bab… Hop ! Hop ! Hop !… Elles sauteront par-dessus la margelle du puits… elles couperont la langue du kanoun… Craou !… Alors on s’en ira sur le dos des petits ânes… C'est comme ça que le pays des dunes redeviendra le pays de la pierre d'Anu le pays de la pierre tombée du ciel… Et la première Babylone rayonnante effacera les traces de notre exil…

Asikel attend le châtiment qui ne va pas tarder le mualem il a l’habitude avec les mômes indigènes il se laisse pas faire ! Asikel il attend et il tâche de rester digne. Depuis que le taleb lui a causé et aussi à cause du coq blanc il n’a plus peur. Oui c’est ça la peur elle est partie de son corps on dirait… Han ! Le mualem a refermé le cahier à la couverture de papier rose.

‑ Asikel… tu peux nous expliquer comment on récolte le miel des ruches tronc ?

‑ Oh oui mualem !… c'est très facile !… D'abord y faut aller ramasser toute la paille qu'on peut trouver dans les champs après les mains des femmes et avant que les ânes qui mâchent tout ils soient passés par là… Ensuite y faut en faire des petites touffes qu’on tord et on y met le feu parce que la fumée elle endort les abeilles… et là on peut y aller… Dans la bouche d'Asikel l'oiseau parlait… parlait... Ziouh ! Cra ! Hop ! Ziouh !

- Arrête mon fils !… arrête avec cet oiseau que tu as dans la bouche… Elle disait la mère d'Asikel en frappant ses mains l’une contre l’autre et en secouant les khal‑khal de ses chevilles… Arrête ! tu me fais mourir… 

Et Asikel parlait… parlait... Mais c'était juste le chant de la flûte qui endormait les rats pendant que le coq blanc boule de plumes ardente volait volait plus haut que le soleil plus haut que le rêve des hommes penchés au dessus de la terre.Dune-rouge-Tadrart.jpg 

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25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 22:05

     Les images et la citation de ce message ont été empruntés au blog de Paul Jorion : http://www.pauljorion.com/blog/

      Parfois quand on a l'impression qu'on est rien que ce qu'on fait depuis des années que ce qu'on écrit que ce qu'on peint ne sert à rien et ne touche personne parce que l'idéal qu'on a depuis qu'on est ado et pour lequel on s'est trop battu a fini par vous mettre dans une sacrée mouise... et que la mouise ça crée autour de vous la solitude alors on a vraiment envie d'abandonner... La mouise ça n'est pas que la misère et déjà ça nous suffirait bien... non c'est aussi le désastre mental aux frontières de la folie j'en ai déjà causé ici je crois... Tiens faudra bien un de ces jours que je vous recopie quelques pages de ma Hurle blanche que vous voyez  comme j'ai écrit d'abord sur les marges de cette terreur-là hein ?... Alors je vous causais de la mouise qui vient quand ce qu'on fait avec toute la force du rêve incarné n'a plus de sens et qu'aucun de ceux qu'on connaît et qu'on aime n'est là pour dire continue... Mais c'est normal... c'est ça la création on y est seul terriblement totalement fabuleusement seul et ça n'a rien de tragique sauf lorsque comme le peintre Vincent on y laisse tout son sang...

      Et il n'y a que ceux qui ont été qui sont les frangins de galère et de création... il n'y a que les mots des êtres vrais qui ont suivi eux aussi un chemin acharné de solitude qui redonnent la petite lumière par le coeur étroit des volets fermés sur la vie...

Les intrus (1903) Eugène Laermans (1864-1940)

Eugene-Laermans-1864-1940-les-intrus-1903

     " C’est par la misère que j’ai approché la vie. La toile est liée à un drame fondamental. Je peins l’impossibilité de peindre. La peinture, c’est un œil, un œil aveuglé, qui continue de voir, qui voit ce qui l’aveugle. N’être rien. Simplement rien. C’est une expérience qui fait peur. Il faut tout lâcher. Pour être vrai, il faut plonger, toucher le fond. La toile ne vient pas de la tête, mais de la vie. Je ne fais que chercher la vie. Tout ça échappe à la pensée, à la volonté. " Bram Van Velde.

      Pour moi c'est la peinture qui prime tout et qui redonne du sens à ce rien où je nage à contre-sens... les mots des peintres toujours m'ont sortie du néant... Et aussi et d'abord ces images d'un peintre qui n'a pas hésité à mettre le peuple celui auquel j'appartiens au coeur de sa lanterne magique pour lui offrir tout l'espace d'une toile la scène où écrire son histoire... Eugène Laermans peintre belge avec ces deux toiles qui me touchent au point que pas un mot n'est nécessaire pour les dire...

      C'est ça... il y a un moment où on a l'impression que ça n'est plus possible de partager les utopies les plus chères l'idéal le plus fou et le plus intensément ancré dans le réel avec personne... Il n'y a plus qu'à attendre que revienne le temps des rêves partagés le temps joli des cerises et de la Commune en fleurs... 

      A bientôt peut-être... Bien à vous tous.

Un soir de grève (1893)

Bruxelles_Laermans_greve.jpg

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7 mars 2012 3 07 /03 /mars /2012 22:28

     Aux femmes ouvrières du monde et aux peuples rebelles...

      Cet article a été publié sur le site de bellaciao.org/fr/

7 mars 1921, 18H45, Kronstadt est attaqué par les bolchéviques...

Makhno

 ...pour avoir tenté de libérer la Russie.

Kronstadt_poster-1-.jpg

       Kronstadt, héroïque et généreuse, rêvait de libérer la Russie grâce à une Troisième révolution qu’elle se sentait fière d’avoir amorcée. Elle ne formulait pas de programme défini. Ses slogans étaient la liberté et la fraternité universelle. Elle considérai tla Troisième révolution comme étant un procédé conduisant graduellement à l’émancipation, le premier pas dans cette direction consistant en une élection libre pour des soviets indépendants, sans contrôle d’aucun parti politique, et représentant l’expression de la volonté et des intérêts du peuple. Les marins proclamaient à tous les ouvriers du monde leur grand idéal, sans réserve et d’une manière naturelle, et appelaient le prolétariat à joindre ses forces dans la lutte commune, confiants que leur cause trouverait un soutien passionné, et qu’en tout premier lieu, les ouvriers de Petrograd s’empresseraient de leur venir en aide.

Entre temps Trotsky avait rassemblé ses forces. Les divisions les plus dignes de confiance en provenance des fronts, des régiments kursanti [élèves officiers], des détachements de la Tchéka et des unités militaires formées exclusivement de communistes étaient rassemblés maintenant dans les forts de Sestroretsk, Lissy Noss, Krasnaïa Gorka et dans les endroits fortifiés environnants. Les plus illustres experts militaires russes furent expédiés sur place pour préparer les plans relatifs au blocus et à l’attaque de Kronstadt, et le tristement célèbre Toukhachevski fut nommé commandant en chef pour le siège de Kronstadt.

Le 7 mars, à 18 h 45, les batteries communistes de Sestroretsk et de Lissy Noss tirèrent les premiers coups de feu contre Kronstadt.

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C’était le jour anniversaire de la Journée des femmes ouvrières. Kronstadt, assiégée et attaquée, n’oublia pas ce grand jour férié. Sous le feu d’innombrables batteries, les vaillants marins envoyèrent leurs vœux par radio aux femmes ouvrières du monde, ce qui caractérisait tout à fait la psychologie de la cité rebelle. La radio disait :

 “ Aujourd’hui est un jour férié universel, la Journée des femmes ouvrières. Au milieu du tonnerre des canons, nous envoyons de Kronstadt nos vœux fraternels aux femmes ouvrières de l’univers. Puissiez-vous bientôt vous libérer de toute forme de violence et d’oppression. Longue vie aux femmes ouvrières révolutionnaires ! Longue vie à la Révolution sociale dans le monde entier ! ”

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 Le cri de Kronstadt qui fendait le cœur : “ Que le monde entier le sache ”, publié après que le premier coup de feu ait été tiré, dans le n° 6 d’Izvestia, n’était pas moins caractéristique : “ Le premier coup de feu a été tiré … Debout, le sang des ouvriers lui arrivant aux genoux, le maréchal Trotsky fut le premier à ouvrir le feu contre Kronstadt la révolutionnaire qui s’est élevée contre l’autocratie des communistes pour établir le véritable pouvoir des Soviets. (…) ”

 Alexandre Berkman, La rébellion de Kronstadt (trad. Marianne Lehmann), pp. 42-44

       En 1918 Trotski s’en prend aux anarchistes russes qu’il appelle “ anarcho-bandits ” alors qu’ils sont déjà en lutte contre Dénikine. Il dit lui‑même “ Enfin, le pouvoir soviétique débarrasse, avec un balai de fer, la Russie de l'anarchisme ! ”

En juin 1919, toujours Trotsky s’en prend aux insurgés makhnovistes menacés d'arrestation pour faits de haute trahison. Le congrès des communes libres de Goulaï Polié basées sur des idées de solidarité et des principes non autoritaires est soutenu par la Makhnovtchina, Trotsy et les Bolchevistes en profitent pour traiter les Makhnovistes de contre‑révolutionnaires les assimilant à des koulaks.

Les troupes de Trotsky et son train blindé auront la peau des Makhnovistes qui se battent d’un côté contre les armées blanches de Wrangel et de l’autre contre les Bolchevistes. Il finit en faisant fusiller les paysans d’Ukraine qui ont soutenu l'insurrection.kronstadt.jpg

Un petit rappel historique des faits réels ça ne fait jamais de mal hein ?

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