Les gens pour qui j’écris
Epinay, dimanche, 10 janvier 2010
Au nom des gens de rien de rien du tout
Au nom des gens des rues des gens comme nous
Des pas grand-chose
Des vendeurs de roses
A la sauvette des paysans ouvriers
Des p’tits cireurs des cantonniers des mineurs
Des chanteurs des cours des rabatteurs de lapins
Des caissières des sidérurgistes
Des chiffonniers des rémouleurs des cheminots
Des garçons de café des typistes
Des repasseuses des ferrailleurs des grutiers
Des dockers des barbiers des rempailleurs
Des écrivains publics des porteurs d’eau
Des filles qui font le tapin
Des emboutisseurs des marins des mécanos
Des femmes de chambre des concierges
Des éclusiers des laveurs de carreaux
Des crieurs de journaux des fondeurs de cierges
Au nom des gueux des galériens
Au nom de tous ceux qui n’ont pas de nom
Des paysans sans terre des Palestiniens
Sans Palestine des vieux prolos sans le rond
Des Indiens sans territoire des Algériens
Sans mémoires des jardiniers sans jardins
Des arbres sans oiseaux des champs de blé vert
Sans coquelicots au nom des baladins
Sans estrade des affamés sans couverts
Des voyageurs sans terrain vague au nom
De ceux que le fleuve a emportés qui n’ont
Nulle part où on vienne poser
Un poème un caillou une rose
Ceux qui errent sans papiers sans écoles
Sans cahiers sans crayons sans paroles
Sans un endroit où s’arrêter pour déposer
Un p’tit bout d’eux quelque chose
Au nom des inconnus d’hier ne sachant ni
Lire leur nom sur les affiches pour la guerre
Ni refuser de la faire du choix banni
Au nom des condamnés à mort d’avant-hier
Et des damnés à vie d’aujourd’hui
Au nom des gens de rien
Des blazes à misère
Des gens des rues comme nous nom d’un chien !
Au nom du jardin volé
Au jardinier j’ose
Ecrire des choses
Comme des cailloux et
Des roses posés
A la croisée des chemins
Pour que le voyageur égaré
Qui se repose
Sache qu’il est arrivé
Enfin parmi les siens
Nom d’un chien !