Avant qu'il revienne Sinbad pour ceux qui connaissent le personnage de mes récits-contes Sinbad le taggeur d'oiseaux... donc avant qu'il revienne l'a fallu qu'il parte hein ? Donc là vous aurez l'histoire de son départ de la tess' et sa vadrouille au bord de l'océan et pour son retour c'est dans le bouquin ! Enfin bientôt ça sera un bouquin peut-être...
Le retour de Sinbad
Sinbad il avait quitté la Cité des Blocks dans l’aube bleu marine mouillée qui cernait avec de l’émeraude profond profond l’contour des Blocks et il savait pas quel est le chemin… Il a fait l’détour par la Medina des Arabes à l’entrée y avait encore la mare d’écoulement des caniveaux rigoles pour déposer dedans les eaux grasses criblées de libellules où la p’tite herbe verte elle grignote les déchets blafards des plâtrières le crapaud Kee-Bock qu’il pouvait pas prendre avec lui…
Tip‑top !…Tip‑top !… Le boiteux il a fait deux pas direction des baraques à la masse grise de ciment comme un mirage de sel et de sable qu’était une concrétion rosissante dans le matin malade des banlieues cernées d’partout de black macadam…
‑ Allez Kee-Bock t’as bien du boulot de c’côté-ci !… C’est pas fini la mort… Non… c’est pas fini mon vieux Kee-Bock… Ça n’fait plutôt que d’commencer !
Kee-Bock le boiteux il fixait toujours un point vague au creux du gris liseré des dentelles de rouille des escaliers et des poutrelles qui toilent d’araignaient la Medina…
‑ … Allez mon vieux Kee-Bock j’m’e casse cette fois… Y’a pas le choix… Tache de sauver ta peau d’crapaud sorcier pareil que j’vais sauver la mienne…
Sinbad le taggeur d’oiseaux qu’était jamais sorti pour de vrai d’la Cité des Blocks où il avait mis l’nez à la porte y a dix-sept piges du ventre de M’mâ Zoulika n’connaissait pas le chemin d’l’océan et ses navires qu’ont des voiles immenses comme on voit dedans les livres d’images… Il connaissait pas plus les naufrages ni la danse violente des créatures d’eaux vertes qu’épluchent les vagues et qu’embrassent le corps abandonné des marins…
Il savait juste Sinbad à cause de l’histoire qu’Yvon le camarade lui avait lue à l’intérieur d’un gros bouquin cartonné rouge qu’son blaze c’était celui d’un navigateur arabe et qu’il avait traversé les grands océans pour se poser sur une île et qu’cette histoire c’était un peu la sienne aussi…
Sinbad il connaissait pas le chemin alors il est sorti de la tess’ aux ordures du côté de l’Ouest là où les vents ils soufflent très fort ils t’arrachent les esgourdes ils t’esbignent le tarbouif et ils font rappliquer les p’tits nuages dorés qui ressemblent à des pépites au creux d’la paume d’un dieu fou…
Non… Sinbad qui avait dix-sept balais à cette heure il connaissait rien d’la vie mais quand il a largué l’ombre bleu marine de la Cité un cormoran avec les ailes noires géantes qu’avaient des flaques couleur bronze mat dessus l’a pris en compagnie… Sinbad il s’est dit que cette bestiole qui le lâchait pas c’était une des créatures inconnues qui veillent sur les enfants poètes et les aventuriers qui croquent des paysages et des vents amicaux… Ouais c’était une sorte de piaf comme ceux qu’il avait pas arrêté de tagger sur les murailles de la tess’ alors ça commençait plutôt bien la vadrouille !
Quand Sinbad pensait à lui en arquant au long des routes des villes de plus en plus espacées c’qui lui arrivait souvent depuis la mort de Virgile il se maginait amarré avec des gros cordages à un port aux bras qu’enlaçaient l’océan… Ouais ! Il était un jeune cotre aux voiles rouge sang et à la coque noire parce que c’était des couleurs qu’il aimait bien… Il se souvenait pas de c’que ça fait sur la peau d’être léché par la langue de sel de partout et d’avoir de grands souffles hardis plein sa voilure mais ça avait pas d’importance parc’qu’une fois arrivé là-bas il réapprendrait vite… Non ça avait pas d’importance…
Le temps que ça a duré le voyage il pouvait pas le dire vu qu’il a eu l’impression que sa vie elle avait pas existé avant… Tout c’qu’il savait c’est qu’il fallait faire très attention à la pt'ite somme de flouz qu’Yvon lui a refilée en attendant ligotée précieuse dedans un tire jus par les quatre coins comme les vrais voyageurs dont il avait lu les histoires aussi et dessiné sur des bouts de paplar les équipages illusoires…
Il a graillé dans des bistrots juste le soir parc’que quand il entrait la casquette enfoncée jusqu’aux calots on n’lui demandait rien rapport à son âge et toujours il à choisi des bouis‑bouis crades à la périphérie des villes des endroits qui lui paraissaient familiers où un tas d’choses ripous cassées traînent sur le sol et où les gens ont un regard paumé qu’a été avant plein d’bonté et d’nostalgie…
Une fois il est entré dans un troquet au rebord d’un chantier que des grues immenses picoraient avec leur miaulement d’acier et leurs grandes silhouettes d’oiseaux métal où les ouvriers devaient casser la dalle le midi des tambouilles apportées à la gamelle qu’on leur faisait réchauffer moyennant un peu d’monnaie qu’ils laissaient sur la table après leur verre de jaja et comme il a demandé fissa pareil que d’habitude un sandwich et un boc de bière la patronne lui a sorti en l’reluquant bizarre :
‑ Non gamin on a pas ça ici… Faut rentrer chez toi p’tit…
Pourtant Sinbad qu’avait eu l’réflexe de calter rapide pendant qu’les châsses en bonne amitié des prolos qui bâfraient déjà le zieutaient avait laissé pousser sa barbe et les jours passés sur les routes depuis la Cité des Blocks lui avaient refilé une couleur pain d’épices plus sombre encore qu’la sienne qui convenait à son avis aux voyageurs expérimentés et d’un certain âge… Mais de faire le cheminot alors qu’il était pas un habitué d’la route et les rencontres où il s’était tiré rapide malgré qu’il ne moufte pas sauf au cormoran noir ça lui avait appris à jouer l’idiot et à n’pas avoir des gestes qui montrent sa trouille…
Avec les quelques mots d’arabe que M’mâ Zoulika lui a appris il a demandé à un qu’était assis à la table contre la sienne et qu’avait le faciès comme lui s’il aurait pas un morceau de galette à partager et de l’eau aussi s’il voulait bien… L’autre qui le reluquait y’a un moment en trempant la galette dorée dedans une sauce rouge où se baladaient des p’tits morceaux de viande mêlée à la semoule et aux carottes lui a mis la main sur le bras en signe qu’il avait pigé et que Sinbad il aie rien à craindre…
Il est allé ensuite prendre une assiette et un verre d’eau au comptoir où la patronne a pas essayé de l’empêcher et il a partagé la chorba et les morceaux du galette mœlleux avec Sinbad qui a mangé là son meilleur repas sur tout le chemin vers la mer…
Et puis après quand ils sont partis l’un à côté de l’autre jusqu’au premier croisement pour faire semblant le camarade il avait encore donné à Sinbad le morceau de galette qui restait vu que lui il en a d’autre dans la maison où il crèche avec des ouvriers zimmigrés comme lui qu’ils ont cuite hier ensemble histoire de pas perdre l’habitude…
Pourtant Sinbad il préfère la compagnie du cormoran noir aux flaques de bronze mat à celle des humains qui lui posent beaucoup trop de questions… C’est une manie qu’ils ont de causer et d’vouloir savoir d’où il vient et pourquoi il fait comme ça le voyage d’l’océan…
Sinbad il déjeunait au gré des bistrots qu’il croisait à la night et il gardait un bout d’pain du casse dalle pour le matin qu’il trempait dans un bol de kaouah vraiment noir si y’en a et il avait pigé comme ça une chose qui lui a bien servi ensuite… C’est dans les bistrots que les gens racontent l’histoire de leur life et même s’il était très jeune encore pour l’instant il fallait pas qu’il oublie ça…
A suivre...