Lettre de Jean‑claude Xuereb à Frédéric Mitterand
Avignon, le 24 décembre 2009
Lettre ouverte en forme de supplique à Monsieur Frédéric Mitterand, Ministre de la Culture et de la Communication
Monsieur le Ministre,
C’est à l’homme de culture, doué d’une exceptionnelle sensibilité artistique, que je me permets d’adresser cette supplique : Je vous demande solennellement de bien vouloir prendre en considération l’appel contenu dans la “ Prière sur la tombe d’Albert Camus à Lourmarin ”, dont je vous transmets ci‑joint copie, afin que soit définitivement abandonné le projet de transfert des cendres de Camus au Panthéon.
Ce projet, bien loin de recueillir l’adhésion unanime que vous escomptiez, se révèle un sujet de discorde et de division parmi les camusiens les plus fervents et même au sein de la famille de l’écrivain.
Le petit cimetière provençal où Camus repose depuis 1960, est devenu au fil des décennies un lieu de pèlerinage vers lequel convergent d’innombrables admirateurs de l’auteur de “ l’homme révolté ”, venus de la France entière et de tous les pays du monde pour s’y recueillir. Que l’on soit croyany ou incroyant, on y respire le même souffle de l’esprit que celui qui traverse les tombes de la colline Sainte Salsa à Tipasa. Retirer le corps de ce carré de terre constituerait une véritable profanation comparable à celle que signifierait le déplacement du gisant de Colombey.
Sur le dernier feuillet de “ La postérité du soleil ”, ouvrage inspiré par la Provence et resté inédit jusqu’en 1967, Camus avait écrit : “ Demain, oui, dans cette vallée heureuse, nous trouverons l’audace de mourir contents ”. De grâce, que nul ne s’avise de trahir son choix et sa volonté de vivre et de reposer là. Que “ Le gisant mis en lumière ”demeure à jamais dans “ L’éternité à Lourmarin ”. Son ami René Char, qui fut aussi le mien, vous en conjure, depuis sa tombe l’isloise. Avec quelle émotion ne me parlait‑t‑il pas de son “ cher Albert ” !
Ne serait‑t‑il pas plutôt possible de rendre un hommage national à Albert Camus, devant la modeste tombe de Lourmarin, en présence des plus hautes autorités de l’Etat, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la disparition de l’un de nos plus grands écrivains ?
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma très haute considération.
Jean-Claude Xuereb et Jean Pélégri à Avignon
Prière sur la tombe d’Albert Camus à Lourmarin
Jean‑Claude Xuereb
A René Char
S’il vous plaît, qu’aucun bruit discordant ne vienne troubler le chant profond des jours et des nuits, du soleil et des orages, des cigales ou des grillons, dans “ l’éternité à Lourmarin ”, sous le dôme d’un ciel de Provence si proche de celui de sa terre natale.
Ici fleurissent en liberté l’aspic et les genêts. L’air et la lumière y vibrent plus salubres et salutaires que dans la pénombre des voûtes empierrées où pourrissent les lichens de la vanité et de la grandiloquence.
L’enfant de Belcourt vous en saura gré.
28‑11‑2099