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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

27 juin 2012 3 27 /06 /juin /2012 14:50

Jessica suite...

Gare.jpg

Il s’en est passé des choses depuis ce temps de nos courses anciennes Jessica… Après des heures entortillées aux toiles d’araignées quand on traquait les hommes dans des bouquins trop gros. Des piles des colonnes qui tenaient les toitures des bibliothèques. On croyait qu’ils créchaient là-dedans là-dessous les burnous de carton rouge entassés au long des pièces et des pièces chacun à l’intérieur de son livre bien planqué. Y avait c’est forcé là-dedans tout au fond les histoires des gens qu’on frôlait dehors au creux de la bouillasse ocre rose de l’aube qu’on se disait. Tu sais comme on a fouillé Jessica… On a fouillé parce que pour nous dans nos quartiers d’où on venait les livres c’était des coffres aux trésors où y avait tout ce qu’on aurait pas nous autres. Et on a jamais rien trouvé.

Fallait aller fouiner ailleurs Jessica hein ? Les Musées les bouquins les choses comme ça c’était l’affaire de ceux qui ne bougeraient pas… ceux qui habitaient quoi… C’était l’affaire des rois confits qu’on aurait dit des canards au creux de leurs palais. Mais le populo lui il tenait pas en place… la raison qu’ils ont inventé les ghettos pour l’enfermer. 

‑ Tu vois… faut  surtout pas qu’on finisse par leur ressembler aux rois…

‑ Mais Jessica… je t’ai répondu et toi tu n’écoutais pas tu avais déjà décidé… c’était comme ça tu partais et je te suivais… Mais Jessica on a trop bougé… tu n’veux pas qu’on se pose… un peu quoi…

‑ Ah bon ! tu as répliqué les mains sur tes hanches et ton ventre dans sa ceinture de petites lunes d’argent autour de ton nombril qui dansait… tu trouves qu’on a bougé toi ! Et les pensionnats… et les asiles et les ghettos… t’as oublié ?

‑ Non Jessica… non… j’ai pas rien oublié… et j’avais envie de saisir tes mains et de les mettre autour de mon cou comme un collier d’oiseaux sauvages…

Il s’en est passé des choses depuis notre rencontre Jessica…

‑ Les gens qu’ont une histoire c’est dans la rue qu’ils sont… tu as dit en haussant les épaules.

Et tu as enfilé tes cuissardes noires du geste que je connaissais et c’était le signe du départ… Un de plus… une gare… un train… nomades encore… Hop ! Hop !

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 Ecoute… écoute…  

Notre époque c’est celle d’un Far West qui est venu s’éclater sur les pavés de la vieille histoire où on ne faisait que barboter de ce côté‑ci du monde. Des siècles alors qu’on barbote et de manière dégoûtante encore à part deux trois mois de la Commune qui nous a un peu sauvés de la honte. Ah ouiche ! la tête bien dedans la vase… Blouh… Blouh… La honte… la honte qu’on a alors ! 

Notre époque… la grande tournée fabuleuse… ne pas rester en place… redevenir des baladins des montreurs d’ours blancs. Des visiteurs… Le seul moyen qu’ils nous lâchent les aboyeurs chiens en laisse et les autres ! Nous mettre à l’attache ce qu’ils voulaient tu penses… si on va se laisser faire sûrement pas ! Zouh ! Les caravanes des voyageurs à côté de nous autres c’était pas grand‑chose. Eux ils avaient toujours fait ça de bouger… dans le temps je veux dire. Un peuple nomade quoi il va il vient… c’est son ordinaire. Et puis pour la liberté merci ! Les endroits qu’ils lui fadent les proprios du coin c’est pas la plage qui grignote le bitume de ses petites dunes mamelles dorées. Oh non ! Nous il fallait qu’on invente ouais ! il a fallu… les hoboes qui sautaient bondissaient en fraude en haut des wagons de tous les trains de marchandises du Grand Ouest ça nous est venu parce qu’on était les mômes des ghettos modernes et qu’on ne voulait pas de ça ma Jessica rien du tout ! Nous ce qu’on avait dedans nos nippes c’était la liberté et la route ah ouiche !

Nos vieux ils n’allaient pas nous tenir à l’intérieur de leurs gourbis à coups de tatanes sur la touffe… Han ! han ! ils se dérangeaient pas ils nous corrigeaient le matin au soir et vlan ! et zouh ! Qu’on n’avait rien à dire et pas à en moufter une sinon c’était la chaise qui te volait en plein museau et les insultes ils nous les mettaient avec les fleurs et les bonbecs autant qu’on en voulait… tiens et retiens ! Alors forcé nous on s’en tirait sitôt qu’on ne les avait plus dans les arpions vadrouiller du côté des décharges grasses pourries de rats les dessous des ponts du chemin de fer et compagnie les échangeurs des voix express… Le ghetto du bidonville comme un gros iguane de tôles c’est par là qu’il s’étire et demain ça ne sera pas mieux hein ? 

Alors si vous ne voulez pas vous raciner profond à la terre de chez nous eh ben allez‑y aux recoins qui puent joli tous les gogues de la ville rien que pour eux les zoiseaux migrateurs ! Eux longtemps ils ont fait que passer. Ils ont calté ailleurs plus loin encore. Pourtant leur histoire elle est bien ancienne et que ça remonte joliment si on cherche des civilisations des cultes des légendes… Nomades ma Jessica les peuples du voyage ils nous ont faites on peut pas les renier ! Ouaouf ! Ouaouf ! Les premiers qui nous ont épatés je le jure bien ma Jessica… tu ne diras pas le contraire toi qui as la chevelure sanguine des femmes de leurs tribus.

L-A-FEMME-DE-L-AZAWACH-1.00-X-0.81.jpg 

Il s’en est passé des choses… Notre époque… pour sûr que c’était celle des Indiens rouges qui sortaient de leurs réserves à cirrhoses où les autres les avaient bouclés avec leur Far West et les Black Panthers qui déchiraient les papiers où était tamponnée la liste de ceux qu’attendaient sur la quai d’embarquement du côté de Gorée leurs pieds nus figés dedans l’asphalte black coulé au désespoir. La Californie 1962 direction Oakland… l’Alabama… le Mississipi… et dix ans après l’American Indian Movement de Minneapolis qui fait sauter le comptoir d’échange de Wounded Knee… Pan ! Boum ratataboum ! Ouaouf ! Geronimo et ses tribus fières… ils leur donnaient à tondre la pelouse de leurs petits jardin ma Jessica ! 

 Ce sont eux et leurs rites de la terre et des arbres au creux de leur bouche muette qui nous balancent leur purée de légendes en cavale. Rien que le Katapok ! Katapok ! des chevaux d’abord… Ces galopeurs qu’ils étaient les bougres ! On ne pouvait pas suivre… Les Indiens on les entendait ma Jessica au fond de nos nuits de lave indigo leurs tambours de guerre qui dévoraient les kilomètres de fils barbelés de leurs réserves… Ils l’avaient trouvée eux l’échappée… Ils l’avaient inventée.

Tam Tam Ratatatatam ! Boum Boum Ratatatatboum ! Tam Tam Tam Tam !…

Les Indiens ouais… Katapok ! Katapok ! les chevaux d’abord… la fierté des chevaux libres qui avancent qui avancent… Ils avaient gardé les chevaux Jessica ! Grands ! Les jambes longues fines qui creusaient les drailles tu te souviens ? Nous on montait à cru nos petits chevaux emmêlés aux crinières noires et les paysans les petits fils des Camisards avec leurs chemises blanches tout en haut de la montagne du Bougès en croyaient pas leurs yeux. Ils avaient les fusils aussi les Indiens et les aigles des canyons incendiés étaient de leur côté. Les aigles chassaient pour eux dans les troupeaux des voleurs de terres. Ils buvaient le jeune sang des racines et l’eau de pluie. Ils avaient les fusils qui claquaient comme des fouets. Les fusils pour faire descendre l’âme des dieux et les tambours de guerre…

Tam Tam Ratatatatam ! Boum Boum Ratatatataboum ! Tam Tam Tam Tam !…

Les nôtres d’Indiens ils nous sont venus du Sud après plus tard. Les chevaux arabes petits aussi racés au sang brutal qui menaient les fantasias… Katapok ! Katapok ! Et les fusils pareil pour les cérémonies et les bendir les derboukas et les chants furieux et les chants de noces… ils ont pris la suite c’est tout. Ce qu’ils ont appelé notre délire Jessica… ils ont cherché à nous boucler dès qu’on est tombés du ventre rond et laiteux de la lune avec les grands Youyous de la bonne naissance. C’est l’âme des peuples libres et joyeux qui nous déambule et qui court et qui court…

Il s’en est passé des choses hein Jessica ?

Nous c’était une génération entière… la première génération qu’à voulu vraiment prendre la route Hop ! Hop !

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Ecoute… écoute…

Valises ! Un deux trois ! Valises encore !

Gare de l'Est. Treize ans viennent de sonner à l'horloge du mois d'août. A l'horloge de la gare du mois d'août. Dong… dong… dong… Un mois d'août qui a marqué la fin de sa vie en liberté. Mais elle ne le sait pas encore. Un mois d'août qu’elle n'arrivera jamais à aimer par la suite. Mais elle ne le sait pas encore. Diable de destin auquel elle va tenter de tordre le cou en lui faisant porter le masque d'une rencontre lumineuse… Dong… dong… dong…

Gare de l’Est… De là qu’il partaient les trains d’Orient mais elle l’a oublié. Sa main dans celle du vieil Antonin son grand-père à la ramasse conducteur des locos les chevalières black métal panachées bleu et mauve direction les steppes du Nord et de l’Asie et leurs cavales Ouah ! Gare d’Orient Gare aux rêves…

Et puis voilà… Les familles ça prépare ses coups dans l’ombre et Tac ! ça frappe sec et ça touche pile et ça t’enlève pour toujours l’innocence de l’aube…

Tac ! Les trains de bidasses des années 70 avec ces p’tits soldats contingent crétins comme le troupeau qu’hurlait y’a pas loin de ça :

‑ A Berlin ! Nach Berlin !…

‑ Ha ha ha ha ha ! le rire de l’exciseuse au manteau rouge qui les voit rappliquer et se lèche les doigts… P’tits soldats… P’tits soldats…

‑ Nach Troies Bar‑sur‑Aube Chaumont… Kaserne… elles glaviote la voix fantôme du haut‑parleur… 

Gare de l’Est… Treize piges et dans la tronche le vide vertige et des mains à charpie qui se magnent de boucher ça… pas d’hémorragie hein !… Du sang à souvenirs c’est mauvais l’en faut pas… Les guerres c’est fini la bidasserie en foire qui reluque ses cuisses d’enfance on en cause pas… 

‑ La quille ! La quille !… hurlent bavent s’appellent et se marrent quand elle entre toute seule dans le wagon… Terreur d’abattoir… La guerre… des femmes des vieux des p’tits en rang qui giclent écarlate… Des civils coincés traqués zoo une toute petite bande de terre et Pan Pan Pan… La neige la protège de l’exciseuse qui les lèche goulue… ravie… descend leur braguette… La neige remplit son crâne de l’oubli manteau épais sa laine blanche qui chasse la mémoire en charpie rouge… Ah ! ouais…

Valises… Un deux trois ! Valises ! Gare de l’Est… Treize ans hein ?

Jessica… son nom… la violence et l’oubli… Seule…

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 - Jessica ! Jessica !…

 Quelqu’un crie son nom dans la courant d’air des gares…

- Jessica !…

Oui… C’est elle… C’est bien elle qui n’en a pas encore fini de revenir… Pas encore fini Jessica… Oui… Mais cette histoire… celle-là justement… Cette histoire comment la dire sans se servir des mots qui montent d’habitude comme des fruits aux lèvres ?

- Jessica !…

Oui… Oui… Jessica… je sais bien que c’est son nom…

- Jessica !… Jessica !…

- Oui… ils hurlent son nom dans le courant d’air des gares… ils l’appellent… elle ne peut pas se dérober… Ça serait vraiment dégueulasse !… Oui…

Oui Jessica… je te laisserai encore… encore dire l’histoire à ma place…

C’est Jessica qui a décidé il y a… il y a longtemps… de les laisser choisir leur rythme… leur rythme de danseurs africains… Jessica qui a posé la question…

- Jessica !… Jessica !…

Oui… la question de cent tambours là-bas qui ne la laissent pas dormir entre les draps légers amants de la nuit bleue…

- Jessica !…

La nuit bleue des gares… l’été… Jessica tu le sais… ils t’attendent avec la clope de la dernière fatigue au bec pour que tu la leur fumes… et pour que tu la leur rendes toute neuve… pas mouillée de tes lèvres où souffle le souffle de leur tragédie. L’allumette qu’ils te craquent Jessica n’a rien à voir avec la noirceur de tes bas dans le rouge rouge géant du feu… De ton feu… Rien… Oui… Rien du tout… C’est ça Jessica… c’est bien ça…

- Jessica ! aaaaaaaaaaaa !…

itinerant-men-aka-hoboes-waiting-w-their-bindles-to-illegal.jpg  A suivre...

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