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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

10 novembre 2010 3 10 /11 /novembre /2010 23:09

          Celles et ceux qui connaissent notre blog des Cahiers seront sans doute aussi passionnés que mézigue par cet article qui nous affranchit quant à la réalité de la façon dont s'est mise en place ce qu'on a appelé la banlieue ou plutôt " la zone " avec toute la tendresse qu'on porte nous autres à ce mot-là... Moi qui écris sur le sujet depuis un bail j'y ai trouvé des références à la fois socio et littéraires à mes sensations et à mes souvenirs les plus vifs là où je n'avais pas toujours ni les dates ni les lieux exacts pour retrouver les pistes inscrites tout au coeur de mon enfance de banlieue... N'hésitez pas à aller faire un tour sur le site où je l'ai pioché à votre intention... c'est béton !

Tangui Perron ( Périphérie, centre de production documentaire ) et Benoît Pouvreau ( Bureau du patrimoine, DCJS, Conseil général de la Seine-Saint-Denis )
http://www.peripherie.asso.fr6-Famille-Perrin-1941.jpg1941 à Drancy

Bidonvilles en Seine-Saint-Denis, images et représentations

Article de Tangui Perron et Benoit Pouvreau

            Si les bidonvilles ont une histoire, quasiment sans trace dans le paysage urbain, ce terme si explicite a également un passé riche d’enseignements sur la perception du phénomène et ses traitements politiques. Né en “ Afrique du Nord ” dans un contexte colonial où se mêlaient déséquilibre et explosion démographiques, exode vers les villes, croissance urbaine anarchique et injustices sociales, le terme de bidonville fut importé vers la métropole du temps des guerres coloniales ( principalement la guerre d’Algérie ) et il triompha lors de la dernière décade des “ Trente glorieuses ”, alors que l’immigration vers la France était encore massive et organisée. ( … )

 Zone, taudis et bidonvilles ( 1940-1954 ) 

De l’usage des mots

 En Afrique du Nord, le mot “ bidonville ” apparaît dès la fin des années trente et se diffuse au cours des années quarante. Une première occurrence peut être relevée dans un film du PCF, Maurice Thorez en Algérie ( 1939 ) : le vocabulaire politique s’empare alors d’une réalité émergeante pour mieux la stigmatiser. Certains architectes et urbanistes entament une réflexion sur le sujet. Dans les faits, la lutte contre les bidonvilles algériens se limitera à l’éradication brutale et inefficace, sans contrepartie de “ recasement des indigènes ”.

Le mot de “ bidonville ” met plus de temps à s’imposer en métropole, car il est associé à la situation nord-africaine et ne peut, de ce fait, se confondre avec le mal-logement ouvrier, une constante, notamment dans le nord-est parisien, depuis le XIXème siècle. Nombre de baraques et logements précaires se situent encore au sein de la “ zone ”, espace non‑ædificandi séparant Paris de la banlieue, jouxtant “ les fortifs ”. La zone est alors fréquentée par un sous-prolétariat ou un prolétariat pauvre, majoritairement parisien.

Cependant, outre cette population, l’habitat précaire en banlieue concerne aussi et déjà les travailleurs étrangers. Dès le début du XXème siècle des Espagnols commencent à s’installer au Cornillon à Saint-Denis, à la limite d’Aubervilliers, une ville où existe déjà, près de Pantin cette fois, une “ petite Prusse ” constituée d’Alsaciens-Lorrains. A Saint-Ouen, au Blanc-Mesnil ou à Drancy naissent des quartiers espagnols baptisés quartier “ nègre ”, “ chave ” ou “ chinois ”.  La terminologie employée comme la réalité de l’habitat pouvait ainsi préparer une partie de l’opinion à envisager cette réalité sociale et urbaine sous le registre d’une double exclusion.

Des Italiens, des Polonais, des Portugais sont également présents dans la banlieue du nord-est parisien mais ne créent pas des quartiers avec une identité aussi marquée. De même, les Nord-Africains, essentiellement des Kabyles vivant et travaillant à Saint-Ouen, Saint‑Denis et Aubervilliers, souvent célibataires, se logent dans les hôtels meublés. Pour toutes ces populations de travailleurs immigrés, y compris les Français musulmans d’Algérie, la zone constitue également un abri plus ou moins durable accueillant aussi les Tsiganes ou Roms venus du sud-est de l’Europe. Il y a donc, en banlieue nord-est, juxtapositions de populations diverses et d’habitats pauvres, de longue date, avant que les évolutions démographiques et urbaines, ainsi qu’une certaine médiatisation opérant dans un contexte politique précis, n’imposent le terme de “ bidonville ”.ban.jpg

Aubervilliers, images du peuple

           Jusque dans les années 1945, le paysage du logement précaire en banlieue est donc peu modifié, “ les ruines de la guerre ne faisant que s’ajouter aux simples ruines de la misère ”, pour paraphraser le commentaire de Jacques Prévert dans Aubervilliers d’Eli Lotar qui par deux fois, en début et en fin de film, insiste sur cette banale continuité.

Ainsi, après les destructions causées par le bombardement du 2 août 1944, les baraques du Franc-Moisin situées au bord du canal à Saint-Denis, sont “ reconstruites ” les dimanches et jours de fêtes. Certes la loi du 11 octobre 1940 apermis au gouvernement de Vichy de chasser les habitants de la zone repoussés plus loin. En ce début d’après-guerre, la réalité du mal-logement est dénommée par le vocabulaire populaire ( zone, taudis, baraques… voir “ village nègre ” ) ou administratif ( habitat insalubre ou défectueux ), et par des  images qui contribuent à ancrer un type de représentation.

 Quand Henri-Cartier Bresson photographie à Aubervilliers, en 1932, un enfant largement “ casquetté ” adossé à des planches, sur fond de baraques en bois ( avec rideaux ), il n’efface pas toute trace de pittoresque, nous renvoyant ainsi des références extérieures ( Poulbot triste ou mauvais garçon ou encore The Kid ( 1921 ) de Charlie Chaplin ). C’est que la zone et les taudis ont leurs images et leur imagerie.

En 1928, dans un documentaire consacré à La zone, Georges Lacombe mêle ainsi description documentaire, presque didactique, et recherche du pittoresque. Dans un décor de baraques en ruine et de paysage industriel ( avec des lambeaux de campagne ), se presse un peuple de travailleurs, des chiffonniers, de badauds et de personnages “ typiques ” ( gitane amoureuse et portrait en pied de La Gouluedéchue ). Le réalisateur allemand réfugié en France, Victor Trivas, avec Dans les rues ( 1933 ) recrée l’ambiance de la zone lieu de rédemption pour son héros un moment fourvoyé, espace d’une liberté nouvelle.Zone.jpg

Au sein du réalisme poétique comme de la photographie humaniste on retrouve ce même amour du “ petit peuple ”, dominé par les habitants des quartiers populaires parisiens, avec leurs cours, escaliers et bistrots. Né en 1910 à Paris, Willy Ronis ne franchit le boulevard de Belleville qu’en 1947 et les images des enfants d’Aubervilliers qu’il capte en 1950 se mêlent joyeusement à celles des petits parisiens des classes populaires. De même, si Robert Doisneau prend quelques clichés de Saint-Denis en 1944, c’est plusieurs décennies plus tard qu’il ausculte la topographie nouvelle de la banlieue.

L’environnement et l’univers des gitans  est également difficilement abordable en dehors de tout un système de représentations déjà fixées. Ainsi, les images des gitans du bidonville de Montreuil réalisées par Henri Cartier-Bresson en 1952-1953 ne semblent pas pouvoir dépasser complètement certains stéréotypes. “ Poésie de la zone ”, “ images du petit peuple éternel ” et folklore tsigane ont beaucoup dominé les représentations du mal-logement ouvrier en région parisienne, ce qui a longtemps empêché de révéler l’ampleur des misères réelles ainsi que leurs évolutions.

 En regard, le film d’Eli Lotar et Jacques Prévert, Aubervilliers ( 1946, 34 min ), apparaît bien comme une rupture dans l’histoire des représentations du logement précaire. En fait, ce court-métrage s’inscrit dans la tradition du documentaire de création se fixant, entre autres, pour tâche de révéler et dénoncer certains aspects occultés de la société, la misère sociale en particulier.

Les deux auteurs insistent à plusieurs reprises sur les origines prolétaires et ouvrières de ce petit peuple de la misère. La part du travail et du labeur est constamment présente au texte et à l’image ( Aubervilliers contient ainsi une évocation de conditions de travail épouvantables dans l’usine Saint-Gobain de la commune ).

Chaque adulte est ainsi présentée selon son métier. Le premier nommé est symptomatiquement un travailleur immigré portugais, José Pereira, “ maçon tombé du toit, plus d’une fois qu’à son tour ”. La seconde caractéristique originale de ce documentaire ( au‑delà donc de l’image récurrente, et sans doute plus convenue, de l’enfance malheureuse ) est aussi l’extrême attention portée à l’habitat, y compris dans son rapport à la propriété. Aubervilliers, qui s’inscrit donc dans la continuité du documentaire politique sans être militant, rompt ainsi avec les représentations en définitive rassurantes du mal-logement ouvrier, que celles-ci soient portées par des regards extérieurs, à la recherche de visions exotiques, ou par des regards plus proches du mouvement ouvrier, souvent enclins à l’optimisme et à la propagande.

Le terme de bidonvilles n’y apparaît pas, mais émerge déjà à l’image, entre autres, une réalité qui caractérisera en partie ces derniers : se dressent, en effet, sur des terrains non aménagés, à la propriété hasardeuse, des baraques de bois et de tôle ainsi que des caravanes immobilisées. Cette vision à contre-courant, s’il elle marque l’histoire du documentaire et sera par la suite imitée et réintégrée dans l’histoire de la ville, était au sortir de la guerre quasiment irrecevable pour l’opinion. IBidonville-de-la-femme-sauvage-copie.jpgl faudra d’autres médiations pour rendre visible le mal-logement ouvrier. A suivre...

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