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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

Texte Libre

Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

4 mai 2009 1 04 /05 /mai /2009 23:25

Un lit comme un livre debout suite...

       “ J’ignore aux dépens de qui se joue la facétie qui a métamorphosé mon père en gardien d’un puits dans le désert, lui, le nomade des hauts plateaux, le berger, l’enfant de la soif qui a passé une partie de sa vie à chercher des aires de pâturages pour ses bêtes, à courir après des flaques éphémères, des mirages. ( … )

        Les récits nomades, leurs départs leurs arrivées, leur quête d’eau, le travail de la laine, les caravanes du sel, de cotonnades, du thé… Grand-mère n’en finit pas de me ressasser sa mémoire nomade. Mais elle, elle a connu ça avant de se retrouver rivée à la vie sédentaire. Moi, j’ai ouvert les yeux attachée comme une chèvre aux piliers rouillés d’une citerne. “

 

          L’errance une des formes de l’exil c’est le choix de la séparation d’avec l’idéal des autres qui ont été les siens, la liberté brutale qui affranchit de tout les liens de l’origine sans reniement mais avec la conscience de son destin… C’est à sa source que boivent les êtres qui ont le courage des départs, les voyageurs insatiables… Le désir de celle qui va squatter “ la pièce des invités ” qui “ s’ouvre à deux pas du seuil de la cour ”après s’être glissée à l’intérieur du lit de la grand-mère nomade, le premier vrai lit à l’écart des autres, du côté de celle qui s’est approprié les mots, c’est d’abord celui de l’insouciance conquise avec l’intuition qu’en poésie il n’y a pas de prix à payer pour l’incroyable légèreté de la vie. Ainsi des jardins des Français à Béchar qui “ foisonnent de fleurs ”. “ Moi cette féerie-là je ne peux la contempler que par-dessus les murs. Mes parents disent qu’ils ont trop besoin pour s’occuper de l’inutile. ”

          L’errance au cœur des livres qui s’accumulent autour d’elle dans la pièce des invités pour celle à qui on veut de force apprendre à participer aux “ activités qui dévorent les jours ” c’est le premier voyage qui force le piège de la réalité “ A force de guetter, d’espérer la magie des fleurs, j’en ai découvert des confettis dans notre potager ” “ Je suis déjà une glaneuse d’inutile ”. Les livres sont l’essence de la révolte, le bouclier dressé face à la mère qui a entrepris de modeler sa fille selon sa propre image. Celle de qui provient l’interdit du plaisir et de la transgression des lois de la maison. Celle qui balaie la paresse et la jouissance du bien être. “ Entre ma fille et moi il y a toujours eu un livre.  Ne pas participer, ne pas entrer dans le jeu de la mère, c’est s’affranchir de la culpabilité héréditaire,  si tu ne fais pas comme moi, tu me renies, tu me tues ”, c’est inventer seule sa différence. Mais la différence dans laquelle il y a aussi errance demeure une imposture qui accroît le plaisir. “ Une vie en marge. L’idée m’obsède. ”

           Rien n’empêchera le départ, la course, l’envol, la fuite vers soi-même. Quitter le territoire réel pour se rejoindre, se remettre bout à bout et s’organiser en être enfin réuni, relié aux autres par le fil ténu et pourtant si tenace de l’écriture. Reconquérir l’espace des rêves communs. De Kenadsa lieu de la naissance à Béchar, d’Oran à Paris et puis à Montpellier où une fois terminé sa médecine elle va choisir des pistes traversières qui mènent du côté des “ nomades du monde moderne ” les ouvriers immigrés qui habitent dans les cités toujours à l’extérieur du vrai monde et en parallèle après celui de la lecture le chemin de l’écriture. L’écriture qui devient le centre, un centre excentré, marginalisé, le lieu de l’effraction. “ Hier, j’avais mis un écriteau sur la porte de la salle d’attente. ( … ) ‑ Ah ! Elle est partie faire l’écrivain. Alors elle reviendra demain. ”


          “ Jour après jour j’examine les lits des immigrés, ces corps partis… ” Comment ne se retrouverait-elle pas proche de ceux qui ont quitté comme elle la terre d’origine, terre de leur pauvreté ? Immigrés qui croient avoir atteint un port où le regard les évite, les gomme, les retire des mots en dépit de tous les papiers à remplir… Des papiers d’emballage emballant des promesses de travail, de logement, de plaisirs, de richesse pourquoi pas. On les nomme “ immigrés ”, on ne les prénomme pas. Je me souviens de leur regard qui accrochait les nôtres. Enfant je courrais à l’aventure dans les ruelles des bidonvilles où ils croupissaient emplissant mon corps avide des odeurs de menthe et de cardamome, des chants et des paroles étrangères, et je m’accroupissais au milieu des autres pour écouter les conteuses qui semaient au creux de l’obscur de la banlieue les petits clous d’or des flammèches des lampes à huile. Leurs corps cassés, emmurés au fond d’un silence qui solidifiait les djellabas de sa pesanteur, échangeaient avec les nôtres d’enfants des cités la lumière inoubliable de la première rencontre avec ailleurs…

          “ J’ai souri en observant les traits intelligents, l’expression généreuse de cette femme et cet homme âgés, analphabètes. Eux, ils refusent la bêtise comme la panique, sans discours ni sentiment d’héroïsme. Je me sens forte d’eux, de leur estime. ” “ Ces corps partis ” n’ont jamais été accueillis nulle part. Ils ne s’y sont pas trompés, réfugiés à l’intérieur de leur dignité d’hommes et de femmes dans les dortoirs ou les réfectoires, ils n’attendent rien et leur corps se recroqueville lentement sur leur absence. Moi je sais ce qu’ils ont à nous donner et ceux qui les ont rencontrés, errant un soir dans la cité, ont reçu en plein cœur toute la nostalgie d’un monde déjà englouti. “ … ils me tendent quelques dattes, une théière, un plateau en offrande… ( … ) Leurs mots, l’expression de leur visage me bouleversent tant. C’est mon plus beau cadeau. ” Au centre de la fracture et de tout ce qui ne pourra jamais être dit s’insinue celle ou celui par qui la différence prend corps étranger, au large de soi, et mène par des chemins qu’il va falloir débroussailler de mots, à la ressemblance déshabillée de tous ses faux-semblants.
A suivre...

 

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