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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

17 juin 2008 2 17 /06 /juin /2008 23:08

Hélène Cixous Alice Cherki/Frantz Fanon suite...

        Et certes le courage de dire ce qui ne se dit pas : “ c'est un secret, c'est ce qu'elle me laisse ”, ne peut venir que par une transmission féminine de tout ce que contient la “ vieille Valise” mémoire du corps et de ses maux-mots. Transmission-libération du chien à trois pattes, “ ocre chiot ineffable entre l'infini de l'oubli et l'infini de la mémoire ”. Ce qui est dit à “ d'autres ” n'appartenant pas à “ nous ”, ce qui est livré dé-livre, ce qui est enfin transgressé permet d'affranchir “ l'autre ” de la culpabilité sans objet réel, de la méconnaissance infranchissable. Là où il y a cadeau de sens pour celui qui ne sait pas, il y a désir de désaliénation réciproque.
         C'est une accélération soudaine du mouvement de rapprochement, comme une danse de désenvoûtement, une course à contre-courant de tant de temps pétrifié. Une culbute des corps eux-mêmes cessant de freiner pour enfreindre la peur ossifiée dans les cachots des silences amortis, et se rejoindre par le circuit le plus court avant de n'être à nouveau in-terre-rompus. Là où il y a récit et écoute du récit là seulement il peut y avoir cicatrice.
        “ Mais je ne suis pas la seule, nous l'avons tous tu et sans mot donné et sans briser le sceau déposé il y a des dizaines d'années. (… ) Mais d'un autre côté, il y a eu choix, cette femme a été choisie pour mongolien entre toutes les sept cents mille autres femmes. ”
        Qu'est-ce qui fait qu'on est ce qu'on naît si ce n'est un hasard diabolique qu'on a coutume d'appeler destin et qu'on sert à table toute la vie ? Toute la vie avant, jusqu'au moment où la tentation d'après s'approche à pas de loup et où on tire la nappe d'un geste improvisé imprévisible renversant du coup les mets, les convives et les menus objets du festin. C'est une vraie pagaille qui s'ensuit où on peut dé-choir de son habit désigné sans honte d'être nue tant il est plus aisé de changer d'habit que de peau. La forclusion du mongolien a une peau qui dure et qui demande une éternité d'impatience pour s'en sortir. “ En bas de la scène infatigable le Livre nerveux, veut, veut, veut. ”
        Et je songe ici à une des phrases d'Hélène Cixous lors de notre entretien : “ Je ne peux même pas penser que je pourrais me retrouver un jour devant la tombe de mon père. Je l'exclus absolument comme étant d'une violence terrible. ” La femme qui a été choisie par la mère et par le Livre pour “ pousser la porte de cette nuit ” n'a plus peur de traverser “ le vestibule de l'apocalypse ” pour se rendre sur la “ Tombe ” dans le “ cimetière ” “ potager ” et se réapproprier une “ miette grosse comme un ongle ” de la terre et du corps du fils-père mort afin de rendre cette mort et toutes les morts plus familières. Et de les guider vers l'oubli.
        Premier voyage symbolique aussitôt suivi d'un second sur l'emplacement de la Clinique pour faire la lumière sur le refoulé de la scène primitive d'une épouvantable violence. “ Le livre me pousse à retourner à Alger ”… Alger lieu ancien de la patte coupée après tant d'autres. Lieu renouvelé où “ la mort est enfin entrée avec une grande simplicité dans notre vie et dans notre famille… ”
        Le second voyage commence, il se déroulera à travers le corps d'un enfant mort et mis en boîte depuis longtemps, momifié, corps qui fait pourtant encore souffrir et dont il va falloir accepter de se débarrasser pour ne plus être le chien à trois pattes, le chien boiteux. Ainsi en a décidé le Livre.

        “ J'ouvre les mains. On ne reprend pas l'enfant qu'on a donné. Il faut que je m'arrête me dis-je. Je fermai le livre. (… )
J'ai laissé la porte de la Clinique se refermer derrière moi. ”

Alice Cherki / Frantz Fanon

        “ Fanon croyait en l'homme incroyablement. Il ne pensait pas forcément au progrès, mais qu'à force de désirer, la vie l'emporte sur la mort. ”
Frantz Fanon Portrait

        Ce qui m'a intéressée parmi les différentes facettes de la personnalité d'un homme riche en contradictions et en excès - “ il ne faut pas s'économiser… ” résumerait assez bien sa pensée - c'est l'intérêt qu'il portait à l'écriture comme mouvement du corps et la réflexion qu'il a menée à travers elle sur l'aliénation de l'être et ce dès le début de son histoire.
        Né en Martinique en 1925 où il connaît et lit Aimé Césaire il va sitôt débutées ses études de médecine en France où il part parce qu'“ il étouffe dans une société étriquée et immobile ” et parce qu'il n'y a “ pas de faculté aux Antilles à cette époque-là ”, se préoccuper de littérature et de philosophie autant que de ce qui deviendra son métier, la psychiatrie.
        C'est cette particularité de sa démarche consistant à ne pas établir de séparation entre son expérience médicale et politique, sa vie d'homme, et son travail de journaliste et d'écrivain qui rendent le personnage attachant, et l'écriture, à la fois vivante puisque suivant le mouvement de son évolution au contact des autres, et particulièrement clairvoyante quant à la répétition de relations inhumaines.
        Il commence d'ailleurs lorsqu'il est étudiant en psychiatrie à Lyon, par rédiger un article qui sera publié dans la revue Esprit en 1952, intitulé Le syndrome nord-africain. Ce texte le premier rendu public situe quelle sera durant toute sa vie la préoccupation passionnée qui donnera naissance à ses livres. Il s'agit déjà d'“ une extraordinaire interrogation sur le rejet et la chosification d'un autre, baptisé ‘ bicot ’, ‘ bougnoule’, ‘ raton’, ‘ melon’. ”
        “ Il met en évidence l'attitude raciste et rejetante du corps médical français devant un patient nord-africain qui se présente avec sa douleur. Il est sa douleur et ne peut être dans le langage qui préciserait un symptôme. (… ) L'ouvrier nord-africain, coupé de ses origines et coupé de ses fins, devient un objet, une chose jetée dans le grand fracas. ”
“Le syndrome nord-africain” - Frantz Fanon Portrait
        Quelques années avant d'aller expérimenter un ressenti identique en Algérie, Fanon observe dans la situation en miroir, le mépris en métropole concernant la population ouvrière immigrée dont le corps est deux fois “ coupé ” voire mutilé dans son autonomie par un asservissement physique dont il ne peut se défaire ni par les mots ni par les actes. La thèse qu'il rédige et qu'il présente en premier lieu sera le futur texte du manuscrit de Peau noire, masques blancs, qui est alors refusé. C'est à l'hôpital de Saint-Alban, en Lozère, avec le docteur Tosquelles, “ psychiatre, émigré espagnol antifranquiste ” qu'il “ pratique les techniques de soins de l'époque associées à la social-thérapie ” qu'il mettra plus tard en place à l'hôpital de Blida. Peau noire, masques blancs retravaillé en collaboration avec Francis Jeanson est publié aux Editions du Seuil en 1952.
        Dans ce premier ouvrage il s'agit de “ transmettre une expérience subjective d'homme noir plongé dans un monde blanc dominant et sûr de sa suprématie (… ) procéder à une analyse qui essaie de rendre compte de cette condition dans l'espoir de la dépasser, aussi bien pour l'homme noir que pour l'homme blanc. ” Il est donc question ici de parler de la situation non seulement de domination de l'autre sur soi mais du fait qu'il est l'unique “ référent ” sur tous les plans y compris et surtout sur celui du corps… de l'épiderme… et du sang lui-même - ce qui ne sera jamais anodin pour Fanon - ainsi que du langage intimement lié à l'expression de ce corps. Cette prise de conscience se double d'un refus de repli dans l'origine dont on sait qu'il est également générateur de violence réflexive et autodestructrice.
        “ Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de rechercher en quoi ma race est supérieure ou inférieure à une autre race. Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d'une culpabilité envers le passé de ma race. Il n'y a pas de mission nègre, il n'y a pas de fardeau blanc. Le nègre n'est pas, pas plus que le Blanc. Tous deux ont à s'écarter des voix inhumaines qui furent celles de leurs ancêtres respectifs afin que naisse une véritable communication. ”
Peau noire, masques blancs - Frantz Fanon Portrait
A suivre...

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