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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 23:05

Métissage d'encre Hélène Cixous Alice Cherki suite ...

      La mort du père-Algérie remise à jour et le corps enfin ré-enterré par la “ violence virtuelle ” qu’est l’écriture des Rêveries n’autorisent-ils pas l’expulsion hors de soi de la prison-douleur comme état d’être ?
      
      Et celle de “ l'enfant-mort ” partie du père, le fils mongolien, n'est-elle pas la dernière expulsion enfin libératrice après toutes les autres déjà subies et posées dans Les Rêveries ? “ L'expulsion pour nous mon frère et moi d'abord ( … ) était la forme même de notre existence et de notre relation au monde depuis la maison du Clos-Salembier ( … ) ”
      L'innocent absolu par défaut qu'est le mongolien, “ le saint simple ” de ce “ second ” livre, ignore “ l'interrogatoire ”, le supplice de la question qui met à la torture le corps d'enfance de la narratrice doublement aliéné - en tant que juive et en tant qu'algérienne - par la transmission d'un enchaînement de plaies inscrite comme initiale mémoire. “ Apprends à lire tue-meurs ! ”, il ne le pourra jamais. De ce fait comme L'Idiot de Dostoïevski, il nous autorise ainsi que celle qui le porte à être “ … gentil ! gentil ! gentil ! ” Et non seulement cela, mais il dé-liera également ce qui de “ tu meurs ” fait “ tumeur ”, ordre donné quelque part au père, qui ne cesse souterrainement en sa caverne d'accomplir l'expiation de l'amour inaccompli.
      C'est en ce sens aussi que se lit le premier acte de la narratrice dans Le Jour où je n'étais pas là, de creuser “ à même la terre durcie et froide ” pour “ enfouir ” “ une petite marmite d'un kilo ” contenant “ le souvenir d'une faute qui revient d'un lointain passé ”. Sur la nature de la faute, on peut continuer d'épiloguer indéfiniment, mais en tout cas il ne s'agit pas ici seulement de refouler, ou “ d'effacer ” cette “ faute ”, dont il est dit que “ ce n'est pas la mienne ” en en faisant du non-dit ou du déni. Il s'agit au contraire d'en finir avec la culpabilité et/ou l'innocence‑coupable. Il s'agit d'en finir avec la passion du père.
      Si Les Rêveries sont pour leur auteure un premier livre algérien, Le Jour où je n'étais pas là est, pour moi, un premier livre juif. Et je pose cela avec mille précautions en sachant que, justement, je ne sais pas. Et en sachant aussi que celle qui nous ouvre ce portail-là le fait depuis le lieu de la plus grande peur, le sanatorium : “ que je m'efforce de ne pas écrire satanorium ”, avec un geste d'amour forcené. Comme peut être forcené le geste de franchir, de s'affranchir de toutes peurs d'un petit bond de chien à trois pattes totalement déséquilibré par l'envergure de la grande bouffée d'air à dévorer.
      Après le questionnement du chien martyr Fips dans Les Rêveries, l'affirmation du chien à trois pattes : “ ce n'est pas ma faute ” puisque ce “ jour-là ”, elle, “ n'était pas là ”, suivie sans doute de : il n'y a pas de faute, est vraiment l'acte libératoire que celle qui écrit s'offre et nous offre pour sortir “ de l'encerclement ou de l'enclave ”.

“ - Les poules pensent aussi.
- Chez les Juifs la poule ne souffre pas. Ma mère ment et se croit.
- J'ai mal aux poules, dis-je. Ma mère a mieux à faire que d'écouter mon Choeur : il y a une émission passionnante sur les Camps de Concentration. Elle s'est retirée dans son programme et elle me laisse à mon caquet. ”

      Dans Les Rêveries, c'est à la mère originaire d'une famille juive d'Osnabrück - “ ville de Prusse ( Hanovre )“  - qu'est confié le soin de “mettre au monde trois cents ou quatre cents bébés algériens par an ”, à l'intérieur de “ La Clinique : ( … ) au beau et selon moi crapuleux milieu exactement de la Ville tout entière en proie aux couteaux imaginaires et réels, il y avait, enclavé d'abord par mon père et après sa mort par ma mère, le Berceau. ” Dans Le Jour où je n'étais pas là, c'est à nouveau à la mère qu'est remis le sort de l'enfant mongolien qu'elle accompagnera jusqu'à l'instant de la mort puisqu'elle est la seule à pouvoir rouvrir le passage de ses mains de vie. Entre les mains de la mère la mort ne mord plus elle réunit.
      L'innocence-coupable doucement exhumée est menée à son terme terrestre afin de pouvoir entamer enfin une trajectoire de légèreté comme une pluie d'étoiles. L'enfant mongolien, “ mon fils celui qui est mort, mon ancien fils mon fils qui n'est plus mon fils ”, porte les trois noms qui figurent son passé archaïque, son présent dépassé et son avenir utopique. “ En premier il s'appelle Adam; en deuxième elle l'appelle Georges le nom de son père mort qui attend d'être rappelé parmi les vivants depuis des années. En troisième elle l'appelle Lev le nom du Prince compliqué inexplicable. ”
      Adam, le prénom qu'elle ne choisit pas est le vis-à-vis de celui de la mère Eve dont on sait le rôle essentiel dans les R-êve-ries, Georges le prénom lié au corps dont l'OR seul demeure, et Lev par qui s'accomplit la résurrection du rêve et du désir. La métaphore du mongolien permet de surcroît d'interroger intimement l'inconscient des projections familiales. Son visage sans trace “ de méchanceté ” qui en fait un être “ gentil ”  étymologiquement, païen - et cette sorte de “ nouveau nez ” : “ ce qui m'est né, comme ayant cédé aux objurgations contre l'ancien nez les unes après les autres ”, demandent : “ serait-ce une espèce de non-juif ? ”
      Ainsi pourrait se réaliser le travail de deuil - de tous les deuils - à partir de l'enfant qui se lève au nom du père mort et renommé par sa fille. Au nom du jardin Algérie, premier souvenir paradisiaque offert dans le “ Parc du Cercle des Officiers à Oran ” d'où “ Adam ” fut chassé, et qui revient à nous sur la “ scène de papier ”. “ Lorsque mon père est devenu officier pendant la guerre, j'ai pu entrer dans le jardin… mon père a ensuite été jeté dehors un an après en tant que Juif… ”
      Sur “ la scène de papier ” avec le Livre comme “ premier ou dernier personnage ”, le décor planté dans Les Rêveries se développe et s'ouvre en un champ d'investigation que la mère investit de sa présence primordiale, celle qui éclaire chaque micro-récit et chaque petite scène de sa force et de “ sa gloire cachée ”. “ Donne-moi mais ne me dis pas ”, phrase qui revient à plusieurs reprises dans Le Jour où je n'étais pas là, pour signifier à la fois “ donne-moi ma mort ” et “ redonne-moi la vie ”, est symbolique du mouvement infini qui n'a cessé de “ porter la maternité à incandescence ”. Car c'est la mère qui fait au Livre cadeau d'Etre “ jusqu'à la fin ”.
      Nous avions dit au cours d'une réflexion précédant celle-ci qu'à l'intérieur du théâtre des Rêveries, intervenait un nombre illimité de personnages, pour ainsi dire presque tout était personnage. On retrouve ici ce jeu des icônes vivantes : “ Le Grand Portail ”, “ L'Enfer ”, “ le Paradis ”, “ la Ville ”, “ le Petit Bois ” et surtout “ La Clinique ”. C'est cette clinique d'accouchements, porte entrebâillée sur l'Algérie féminine, qui devient l'univers clef du mongolien. Le lieu de la bonté et de la simplicité recueillante pour l'enfant à trois pattes. Cette féminité qui automatiquement conçoit qu'un minuscule changement de lettre peut augurer d'un changement de monde. “ … aimez. Pas aidez. ”
      La présence crémeuse d'Aïcha, qui joue le rôle du double de la mère dans Les Rêveries, permet aussi de contrer l'univers inhumain de la brutalité coloniale, par sa chaleur d'aimance : “ c'est dans le choc entre les nombreux mondes que le sens surgit; et Aïcha a pris son intensité par rapport au personnage androgyne de la mère ”. Aïcha et La Clinique sont le ventre, l'utérus d'une géante baleine femelle où la générosité de l'être féminin peut retrouver sa force primitive. Mais hormis Aïcha, “ la nostalgie d'une féminité indicible ” dans le premier livre, explosent ici en figures cette fois repérables : “ Zohra ”, “ une bonne cuisinière. Une femme jetée dehors. ” “ Barta la femme de ménage, Maria la bossue, et la femme qui ne tombe pas dans les pommes. ” “ La femme corpulente. La sage-femme compétente. La femme du camionneur aux abois…  ”
      Au sein de La Clinique a commencé l'expulsion de quelque chose de nouveau à naître, au sens de “ dis-moi quelque chose ”, qui ne peut avoir lieu qu'entre femmes. Parce que tout ce qui “ naît-sens ” est dit d'abord par le rythme du corps en travail avec lui-même et avec la tension musculaire des autres corps aidant par mimétisme amoureux. “ Le Choeur encourage la femme. ”

“ Il y avait une femme dit ma mère, c'était d'ailleurs une juive, dit ma mère se donnant à elle-même l'autorisation d'utiliser le mot de juive qu'elle m'interdit farouchement de dire. ”
A suivre...

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