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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

3 juin 2008 2 03 /06 /juin /2008 23:46

Métissages d’encre
Hélène Cixous Les Rêveries de la Femme sauvage, Ed.Galilée, 2000
Le Jour où je n’étais pas là, Ed.Galilée, 2000
Alice Cherki Frantz Fanon Portrait, Ed.Le Seuil, 2000

      J’ai déjà eu l’occasion de travailler avec Hélène Cixous à partir d’une nouvelle qu’elle a publié en 1997 dans le livre composé par Leïla Sebbar Une enfance algérienne. Son texte porte pour titre “ Pieds nus ” et son histoire algérienne à laquelle se mêle celle de la petite fille juive qu’elle découvre être violemment demeure ouverte sur un désir impossible de fusion avec cet autre-là…
      Au cours de notre second entretien sur son livre Les Rêveries de la Femme sauvage qui est paru en février 2000 Hélène Cixous a prononcé cette phrase que je n’ai pas oubliée : “ Ce n’est certes pas mon premier livre, mais c’est un premier livre… ” Lorsque quelques mois plus tard elle va publier Le Jour où je n’étais pas là qui s’inscrit dans la suite du précédent roman en élaborant un récit fictionnel autour de ses origines juives et de celles de sa famille j’aurai envie de revenir sur ce métissage douloureux et inaccompli.
      En ce qui concerne l’ouvrage d’Alice Cherki Frantz Fanon Portrait il s’agit d’un tissage de liens entre la parole d’un homme né aux Antilles et celle d’autres hommes nés ou vivant en Algérie ou encore la traversant à ce moment d’extrême violence qu’a été la guerre d’Indépendance. Hommes qu’il a approchés en tant que psychiatre militant et écrivain. Sa démarche étant toujours d’accompagner chacun dans son désir d’être au-delà des origines des peurs et des aliénations qui marquent tout parcours humain.
      Ces deux livres se rejoignent parce qu’ils nous parlent des différentes formes que prend l’aliénation de soi et de l’autre au travers de l’enfermement dans un héritage et une histoire transmise… au travers des violences que secrètent les sociétés et de ce qui a été et est tenté par certaines et par certains pour enfreindre ces contraintes ou ces interdits ancestraux. Ces livres éclairent également le rôle que peut jouer l’écriture quand elle devient après la prise de conscience de l’aliénation la scène où se retrace et de rejoue autrement notre rapport au monde…

 
Hélène Cixous

       Dans son livre Les rêveries de la femme sauvage Hélène Cixous dénoue et renoue le fil de l’Algérie quarante ans après avoir quitté cette terre matrice où la scène de l’expulsion n’avait cessé de se répéter avant de se jouer pour de bon…
      Ces Rêveries devaient en fait être “ Ravin ” : celui de “ la femme sauvage ” “ en haut à l’écart de la Ville ” “ et à l’embouchure ” duquel le père de la petite fille qu’elle est dans l’Algérie d’alors médecin et radiologue dont la famille est d’origine juive espagnole marocaine la “ dépose dans le but de tisser des liens algériens ” après avoir fui Oran et l’antisémitisme en 1946. Un “ Ravin ” “ où s’entassaient sans eau et sans logis des dizaines de milliers de misérables ” dans le bidonville du Clos-Salembier. “ Ravin ” dont la sonorité d’après Hélène Cixous ne pouvait convenir au titre de ce livre car il évoquait trop les raves ou plutôt le céleri-rave cher à sa mère Eve l’Allemande d’Osnabrück… mot qui revenait régulièrement à l’ordre du jour de leurs échanges tendrement alimentaires. Et qui n’aimerait songer pour un jardin de naissance à “ rêves ” plutôt qu’à “ raves ” ?

 Le ravin de la femme sauvage 
A.Renoir 1881
     


      Ces Rêveries  sont dit-elle “ un premier livre, donc un livre timide et inquiet ”. Il est vrai que ce livre en dépit de tous ceux écrits auparavant est premier pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’il confirme que l’auteure a décidé selon son expression de “ franchir un interdit ” qu’elle s’était posé depuis son départ d’Algérie au moment de la guerre d’Indépendance.
      Celui d’écrire sur “ la situation d’enfance de résistance au colonialisme ” et plus largement sur cette impossible relation “ dedans-dehors ” qui était la sienne et celle de son frère “ mon double ” avec ceux Indigènes aux surnoms multiples et grotesques mais jamais nommés qui demeuraient de l’autre côté “ des centaines de portes du Clos-Salembier ”.
      De cet “ enfer ” de la séparation à l’intérieur de ce qui ne sera jamais ni atteint ni étreint, elle va “ en-faire ” naître l’icône de la “ Cage-prison ” où croupit Fips, “ le Chien annoncé par notre père ”. Et là aussi le livre est premier car depuis Dedans publié en 1969 où éclatait la réalité du désespoir primordial qui est la mort du père alors qu’elle a douze ans le 12 février 1948 mort qui s’engouffre par une caverne dans le poumon… c’est la première tentative d’ouvrir la cage de “ l’arabsence ” en la reliant directement à celle d’une douleur tout aussi indicible. Ceci s’inscrivant dans la lignée du récit Or les Lettres de mon Père publié en 1997 qui revenait sur le sens de cette perte enclose à l’intérieur de la cage du “ sans ” sens… cage ayant précédé toutes les autres…
      Dans Les Rêveries cette “ mise en abîme généralisée de la Cage dans une cage ” identifiée déssinée écrite enfin celle où le chien Fips “ figure de tout être aliéné ” se pose soudain la question originelle jusqu’ici esquivée : “ Est-ce que je suis juif… ? ” et peut-être ensuite : est-ce parce que je suis juif que je suis dans la cage ? permet de remonter jusqu’au premier refus de soi par l’autre. Et cela alors même et en cela-même que cet autre est tellement semblable et tellement désirable et désiré.
      Le personnage du père cet “ arabizarre ” qui a dans ce livre comme c’était le cas en réalité une conscience politique et humaine de l’autre de l’Indigène en tant que sujet et qui meurt peu avant que celui-ci n’entreprenne sa libération pose la question quarante ans après l’interrogation qui est celle de l’écrivaine dans chacun de ses livres à l’intérieur de “ la nuit du récit ” : qu’est-ce que l’aliénation ? Ou plutôt : à partir de quelle petite différence de quelle “ faute ” de quel faux pas et que ne faut-il pas ? est-on désigné comme n’appartenant pas au grand flot déferlant des êtres humains aimables regardables… de ceux qu’on accueille chez soi “ dans son chez ” ? De quoi enfin peut-on être coupable “ à trois ans ” à Oran ?
      Livre premier car le personnage du père “ un faux mouvement de l’histoire de ce pays ” qui a choisi de “ nicher ” et “ d’élever ” ses enfants sur les hauteurs du Clos-Salembier et qui renouvelle chaque récit de sa présence-absence sous-jacente va pour la première fois “ céder la place ” au cours du second récit à “ l’enfant simple ” le renaissant et le reconnaissant.

Bidonville du Clos-Salembier à Alger
Photo tirée du livre
Urban form and Colonial Confrontations
Algiers under French Rule
, 1997
     


      En effet la scène d’ouverture de ce second livre est également située à Alger et la phrase récurrente qui inaugure le texte des Rêveries y est reprise : “ Tout le temps où je vivais en Algérie mon pays natal ( … ) je rêvais d’arriver un jour en Algérie ( … ) ”. Or lorsqu’on a lu Les Rêveries il devient évident que le lieu de la mémoire vive a été-est l’Algérie.

“ Dans cette histoire, Alger est le nombril du monde, car c’est là que réside le tribunal, la famille, avec ses dieux purs et ses dieux injustes, ses interprètes sages et ses interprètes de mauvaise foi. C’est au centre de la Ville que s’ouvre La Clinique, synagogue fondée par mon père le Docteur Georges Cixous, puis détruite, abandonnée, désertée, puis relevée par ma mère la Sage-Femme Eve Cixous, ranimée, rappelée La Clinique. ( … ) La Clinique est la porte du monde. Le nombril cicatrisé.
Le Jour où je n’étais pas là Hélène Cixous
     
      Si dans Les Rêveries l’écriture résultait d’un “ effort de transposition instantanée du matériel de référence ” Le Jour où je n’étais pas là va prendre la suite de cette démarche de manière encore plus palpable que dans les récits précédents. Les deux livres me sont apparus étroitement liés comme s’ils réalisaient enfin l’hosmose tant convoitée dans l’enfance algérienne entre le fait d’être juive et celui de se sentir arabe.

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