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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

7 mai 2008 3 07 /05 /mai /2008 11:47

Entretien avec Hélène Cixous De l'autre côté de nos liens infernaux  à partir de son livre Les Rêveries de la Femme sauvage

           De l'autre côté de nos liens infernaux suite...       Et comment pourrait-on imaginer monter vers un quelconque paradis en gravissant des piles de corps morts et défigurés ? “ … ma mère ne s'est jamais rendu compte de la quantité d'éléments mortels empilés dans la Ville. ” “ … cette Ville qui était nombreusement nommée, comme le sont les divines Villes dont on récite les attributs, pour moi c'est l'Enfer… ( … ) semblant être la vie même, alors qu'en réalité selon moi elle était guerre sur guerre… On pense bien sûr aux charniers juifs ou aux mille deux cent morts de la petite bourgade de Toudja en Kabylie durant la guerre d'Algérie, par exemple.
      Qu'y a-t-il de pire que de se condamner, de se damner à voir d'en haut ce qui Est sa propre plaie ? Comment sauver le corps aimant de ce carnage ? En ce sens Aïcha ne pourrait‑elle pas être tout le contraire de ce qu'est Fips ? La jouissance du corps autorisée au travers du corps de “ l'autre ” ?
      “ Entrer dans la maison charnelle d'Aïcha ”, ce n'est peut-être pas seulement “ entrer ” pour renaître mais aussi “ descendre ” ? Ne plus voir d'un peu au-dessus, comme sur le Vélo ce qui se passe dans le “ par-terre ”. Mettre pied-à-terre. S'enraciner.
      Et justement, Aïcha la représentation de la Mère, ne peut-elle aussi être regardée comme image symbolique de la Déesse Mère originelle, figure solaire et lunaire à la fois ? Présence matriarcale généreuse et abondante. Alma matrix.

H.C
.: Aïcha est quelqu'un de très particulier. Elle a figuré le maternel pour moi parce qu'elle était une très belle femme en premier lieu, et ensuite parce qu'elle était tout le temps enceinte. Lorsqu'elle ne pouvait plus travailler, une de ses filles prenait le relais. C'était comme si le corps d'Aïcha était là tout le temps. Aïcha qui avait peut-être appartenu à la tribu des Ouled Naïl était quelqu'un que je n'ai jamais vu humiliée ou offensée. Elle était tellement rayonnante charnellement que c'était cela qui dominait. 
Je pensais toujours qu'elle n'était pas domestique. Je la vivais comme une sorte d'entité très archaïque et que j'aimais moi aussi de manière archaïque. Elle avait bien sûr une autre vie que j'ai toujours désirée, mais à laquelle je n'ai jamais eu accès. Le jour où j'ai appris épouvantée que son prénom n'était pas Aïcha en fait, j'ai vu là l'image de l'aliénation dans laquelle nous étions. Elle n'a jamais osé dire: “ mais je ne m'appelle pas Aïcha ”. Et nous étions sans soupçons car le nom contre lequel nous nous gardions était Fatma qu'utilisaient les Européens à l'égard des Algériennes.
C'était une personne qui avait un charme fou. 
     
      Mais le mensonge change le corps aimé par la Déesse Mère en corps trahi par le Dieu Père. Le message reçu à la naissance est promesse de vie soudain muée dans le sang en cycles de mort. Ce sont “ les Treize coups de fouet d'Aïcha ” - mère terre promise - Aïcha qui est justement celle qui dispense le lait de ce Paradis perdu, sur le dos de Fips, fils père perdu, père-dû dans lequel perdure la cruauté des crimes et des esclavages.

H.C.:
Cette scène avec Fips était terrifiante. Nous étions tous dans un état de transe. Elle a accompli le geste de secours le plus immédiat. Le malheur c'est qu'après coup on ait toujours attaché Fips car il était devenu dangereux.
     
      “ Mais là-dessus m'arrive Aïcha lente crémeuse une jatte de lait sur le point de bouillir qui ne déborde pas remue de l'intérieur des épaisseurs désirables une gélatine enivrante à contempler pour son légérissime frémissement.

       Dans “ … il n'y a pas de femme chez nous… ” peut-on entendre: il n'y a pas d'accueil ou de plénitude, pas de corps ouvert pour recevoir et pour donner ? Aïcha ne vous semble‑t‑elle pas tellement femme et tellement vraie parce qu'elle se situe “ avant ” la formulation historique-politique-virile guerrière de penser l'autre, la vie, le monde ? Une figure primordiale qui tisserait du lien-amour-vie et non du lien-violence-mort.
      Une relation au monde qui passerait par le sentir et le ressentir et non plus par l'abstraction du sens. “ … d'ailleurs vivre était ma façon de penser et la peau était le livre. ”
      Et lorsque vous évoquez la confusion entre le masculin et le féminin ou encore une fois, “ l'inversion ” des rôles par votre mère avec le cadeau du vélo de femme à votre frère, ne pensez-vous pas que de faire prendre la place du féminin par le masculin est le désir général des mères ? C'est à dire de lui faire occuper les deux places. Ou toute la place ?
      Pour ce faire elles “ économisent ” du masculin et dé-pensent du féminin ?
      Pour reprendre ce que vous dites concernant Le Vélo  … et d'autant plus viril à la fin qu'il était féminin au commencement. ” Ne peut-on largement déborder l'histoire du Vélo et de l'Algérie pour rejoindre l'universel ? Le monde serait “ d'autant plus viril à la fin qu'il était féminin au commencement ”. Car qui a exprimé son désir de s'approprier la connaissance interdite au départ si ce n'est la femme ?

H.C
.: Sur ce point je dois vous reprendre mais uniquement par rapport au référent. J'accepte tout à fait ce que vous dites de l'inversion du féminin masculin comme piste d'interprétation. Mais il faut savoir que ma mère est un être neutre. Elle n'a donc jamais privilégié le masculin, justement. De ce point de vue-là elle est très germanique. Elle appartenait à une famille qui, en plus est une famille de femmes. Son propre père a été tué en 1915, comme soldat allemand. C'était les femmes qui portaient la famille, la nourrissaient.
C'est sa rationalité économique, à la mort de mon père, car nous étions pauvres, qui lui a fait acheter au bout de toutes ces années d'attente, un vélo de fille. Elle n'a même pas songé à castrer mon frère dans cette histoire puisque l'homme n'existait pas pour elle. Elle n'a pas vu du tout l'enjeu de la scène.  Elle vivait parmi ses sages-femmes et voilà. L'homme, on pouvait très bien s'en passer. Elle était complètement hors du symbolique. Elle était au delà de l'opposition masculin féminin.
     
      La complexité de votre “
couple ” avec votre frère ne réside-t-elle pas dans le fait qu'il ait volé votre désir d'aller vous mêler “ aux petizarabes ” grâce au Vélo ? Et qu'il y soit allé seul. “ Sans vous. Vous êtes une fois encore dans le “ sans ”.
      Ce vélo-volé n'a-t-il pas été pour vous le tournant du “ jeu ”, du “ je ” ? Puisque la scène du réel vous échappait, foncer sur la scène de l'irréel ? Inventer un univers faute de découvrir celui qui aurait dû être vôtre.
      En tant que femme et créatrice, l'Algérie ne peut-elle être votre intime obscur ? “ …ne‑pas-connaître l'Algérie c'est la connaître aussi. Le lien-de-lait avec Aïcha.

H.C.:
Pour mon frère qui lui, est un algérien, le côté masculin, viril et machiste comptait énormément. Il s'est emparé du vélo, alors que lorsque je suis sortie à quatorze ans, les petizarabes ne l'ont pas toléré. J'ai été mise par terre instantanément. J'ai renoncé au vélo pour privilégier mon voyage intérieur.
Mon frère ne m'a pas volé le vélo, c'était très clair entre nous. Cela a opéré une division d'orientation. J'ai pris la direction de la littérature, et lui celle de la terre, de la géographie et de l'exploration. Il est resté du côté de l'aventure et de la conquête. Il voulait la terre et moi je voulais le papier.
Et pourtant je désirais passionnément connaître l'Algérie. Mais nous ne disposions pas de moyens de transport. C'est seulement avant mon départ d'Algérie que j'ai découvert Tipaza parce que quelqu'un qui avait une voiture me l'a permis. Je pouvais atteindre ce qui était à la portée de mes pieds. Nous traversions Alger dans toutes les directions en permanence. Nous étions des explorateurs. Mais cela a ses limites. C'est mon frère qui a commencé à tout découvrir. Moi je suis partie sans avoir connu l'Algérie.
Mais on connaît de mille manières. Moi j'ai connu le corps des Algériens. Parce que ma mère m'a déléguée à la remplacer à l'âge de 14 ans dans les soins qu'elle donnait aux Algériens dans les bidonvilles. J'ai vraiment tout vu. J'ai vu, j'ai senti, j'ai touché. Hommes et femmes.
Lorsque j'ai vu l'Algérie, puisque ma mère y est restée jusqu'en 1971, ce n'était déjà plus chez moi.
 A suivre...

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