A Aimé Césaire Ce soir c'est un simple hommage à un poète qui vient de mourir...
La mort d'un poète pour ceux qui restent c'est un peu moins de lumière et de feu dans leurs mains...
Pas d'images pour accompagner ce poème le visage d'Afrika sur la page d'hier est aussi dédié à l'homme qui a écrit avec une telle force sur la négritude...
Afrika
A Aimé Césaire
Epinay, mardi, 15 avril 2008
Afrika femme rouge et verte
Femme faite avec la terre et la boue sèche
Au fond des fleuves taris par la soif sans fin
Du petit baba blanc au grand fusil
Femme faite avec le lai jaune sucré
Des fruits qu’elle presse contre ses seins
Pour donner à sa peau leur couleur nacrée
Oranges mangues mandarines abricots
Qu’aucun gamin black ne mange il se dépêche
De poser le pack de coca-cola aux pieds
Des types gras qui bectent dans le bistrot
D’Amadou il leur sert la chair rouge et verte
D’éléphant flingué ce matin un vieux mâle
Transi qu’une balle a cueilli Femme faite
De terre cuite et ronde comme ses cuisses
Au centre du feu des feuilles de palmes fraîches
Avec leur huile rackettée par la fente
Brune de leur sexe que le petit baba
Blanc vend pour beurrer les tartines et la tête
De ses maîtresses qui n’ont pas d’odeur
Femme faite de la peau des crocos saqués
De la boue sèche au sang pourpre des marigots
Pour faire sacs à mains sous les ongles qui crissent
Des croqueuses de jeunes nègres trop maigres
Pour faire bon larbin Femme faite avec
Deux yeux noirs obscurs et même plus la peur
Qu’ont les chimpanzés tondus costard trois pièces
Bagouzés rollexifiés horrifiés faisant
Le singe aux terrasses des bistrots Leurs nids
Largués en haut des grands fromagers t’attendent
Femme faite des lèvres rousses coquilles
Qui poussent dans les mangroves salées douces
Comme l’entrejambe des petites négresses
Que la queue énorme des cannibales
Banquiers dodus avale et puis resquille
La récolte des tiens trois dollars l’hectare
Femme faite des dents cachées du tigre blanc
Elevé dans la réserve à touristes
Photos safaris et partouzes devant
Le conseil des vieux au centre du village
Cueilleurs de diamants ils n’ont jamais rien dit
Femme faite des petits couteaux corail
Plantés dans la terre rouge et verte
De tes savanes de tes lagons de tes brousses
Tu arraches avec ta langue des lambeaux
De parchemins d’écorces de pages des livres
Couverts de sperme de pisse de sang d’histoire
Volés chaque jour à ton peuple et tu nourris
Tes enfants affamés qui connaissent ta rage
Ta douleur tes chants tes rêves ta naissance
Bien-aimée Femme faite de terre et de boue
Sèche rouge et verte tu jettes à la gueule
Des riches tenanciers de désastre blanc
Des riches profiteurs de misère noire
Tes bandes de jeunes termites et seul
Dans la poussière du monde finissant
Ton corps de glaise sculpté restera debout.