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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

26 octobre 2005 3 26 /10 /octobre /2005 00:00
Mardi, 25 octobre 2005
Journal d’une fille qui écrit sans papier suite
 
 
      Gare du Nord. Gare du Nord… toujours plus vers le Nord dans la banlieue sur Macadam city blues…
 
     C’est à l’aube pour sûr quand tous les musiciens qui jouent sur la harpe des courants-d’air et l’accordéon aux touches comètes scotchées au creux de leurs doigts magiciens costumées en noir et en blanc accompagnées de petits singes qui font la manche dans leur casquette black pailletée rouge rouge que les rats sortent leur museau rose fendu de sous les rails où ils crèchent.
     Les rats ça a pas forcément besoin de grand-chose pour exister et ça fricotte gentil en tribu à peine carnivore au pied des blocks vu que l’espèce a évolué à cause des temps de disette dans ces quartiers-ci à l’intérieur des sacs poubelles en plastique bleu où les bouts de sandwichs jambon-beurre et les boîtes de soda leur font un déjeuner formidable.
      A l’aube pendant que les machines suceuses frotteuses lapeuses se poursuivent sous le jour violet doux qui givre la verrière en une transe archaïque les rats sortent de sous les rails gris bleu acier filant le suaire de la nuit joyeux lurons qui partent à la conquête de Macadam city blues. Traderidera…
 
      Gare du Nord vous connaissez ?
 
      C’était au milieu de l’automne et je marchais sur le quai noir-cendres roses encore frôlant les hommes… femmes de ménage balais seaux odeurs de pisse et de café noir très noir mêlées aux machines lapant suçant mâchonnant les vieux bouts de mégots de la nuit rouge quand soudain elle est venue vers moi et je ne savais pas du tout d’où elle avait surgi.
      Jeune… très jeune… seize ans peut-être et une frimousse d’enfance pas amochée malgré les piercings au coin des sourcils avec des cheveux décolorés petites touffes blond clairs… très clairs… des ailes d’éphémères dans ses cheveux et puis des endroits teints de bleu outremer ébouriffés comme des vagues d’océan.
      Ses yeux aussi ils étaient de ce bleu-là qui te submerge et que tu n’peux plus refaire surface… du bleu d’ailleurs doux et léger du bleu pirouettes dans les champs de lin avec de la lavande égarée et des chardons qui grattent le ventre des piafs.
 
      - Dis… ma jolie… t’aurait pas un peu d’monnaie… j’dors dehors avec mon chien et y nous faudrait une couverture… la nôtre on s’l’est fait piquer dans un squatt… et y nous ont virés ensuite…
      Ses yeux… dedans il y avait tout… elle… moi… nous… l’enfance que j’avais laissée dans la nuit bleue de la banlieue… quelque part il y a longtemps… de la détresse et des ouragans de libellules qui tourbillonnaient… tourbillonnaient… Pfuitt… pfuitt…
      Une couverture… oui bien sûr… il faisait déjà pas chaud… Dans un squatt… A l’époque c’était dans les communautés qu’on atterrissait après s’être tirés de chez les parents… nos vieux… de drôles d’aventures… de la folie de la violence et des moments qu’on n’peut pas oublier vous savez ?…
      C’était au large des horizons où on avait embarqué un si beau jour… au hasard… c’était loin très loin de Macadam city blues…
 
      Gare du Nord vous connaissez ?
 
      Je la regardais… et ça me remontait de là-bas… il faudra que je le raconte un jour pour les mômes des cités peut-être… Elle avait l’air que j’aurais eu si la peur ne m’avait pas rongée au ventre… quinze ans… seize… tout au plus…
      Je la regardais… c’est une gamine comme elle que j’aurais eue… ouais… j’aurais bien aimé… enfin ça c’est ce que je croyais juste à ce moment du dernier train de nuit quand on se balance loin très loin de la réalité quotidienne…
      On se serait tenu la main léger léger quand ça fait mal et qu’on a pas de bouclier épouvantail avec écailles d’acier écarlates pour chasser les empoisonneuses de vie et les rangers qui écrabouillent la tête des rats…
      Je la regardais… qu’est-ce qu’ils avaient dans la tronche ses vieux ?… La laisser comme ça sur le trottoir avec un chien et pas de couverture… Moi j’avais pas connu ça mais les camarades à l’époque… on était insoumis… ça me remontait… et elle attendait que je lui réponde pour la couverture…
 
      Gare du Nord vous connaissez ?
 
      Ah oui !… la couverture… je fouillais mes poches… je savais plus… de la monnaie si j’en avais… et puis ça m’est revenu d’un coup… le repas de midi avec les gens qui voulaient qu’on parle de ce travail qu’ils auraient jamais plus… ils avaient tenu à payer pour nous au restau… Alors c’était forcé que le billet je ne l’avais pas entamé…
      Je lui ai tendu comme on donne ses billes à celui qui vient de perdre la partie dans la cour de récré pour le plaisir… seulement pour le plaisir…
      - Tiens… pour la couverture… y a peut-être assez…
 
      Le bleu pirouette de ses yeux s’est encore éclairci et elle est partie d’un grand rire en fourrant le billet dans la poche de son Jean… elle me regardait aussi avec l’étonnement qu’on a quand on galère un peu dans les tornades et que par hasard y a l’éclaircie…
      - Ouais ! toi alors t’es super chouette ma jolie !…
      Y avait le parfum du café noir très fort qui venait et sûrement c’était le dernier avant que le type ne ferme la guitoune pour aller dans les draps d’un lit d’eau tiède effacer les odeurs de sa vie… les odeurs de bitume gras chauffé par les pieds des gens qui marchent… les odeurs de friture et de marc dans les sacs plastique bleus toute la journée… et le parfum aussi parfois d’une femme passagère… Effacer les odeurs de sa vie dans des draps d’océan…
 
      Gare du Nord vous connaissez ?
 
      - C’est quoi ton métier ?… elle m’a demandé en lâchant une grosse poignée de sucres qu’elle avait dans sa main au-dessus de la tasse de café noir tandis que le type la fixait de ses petits yeux ronds vides pas gentils du tout.
      Elle a tendu la main vers le sucre et il a retir é la boîte ronde métal pleine ou presque en grognant :
      - Eh ! ça suffit le sucre… t’en as pris assez pour aujourd’hui !…
      Avec l’air qu’on a quand dans un colloque où on s’endort à moitié pendant que les autres causent des temps et des temps j’ai attrapé la boîte ronde métal des mains du type qui la poussait en direction du bout du comptoir et je l’ai vidée au fond de sa musette sur laquelle y avait des tas de mots au feutre noir qui farandolaient.
      - Oh rien !… j’écris des chroniques… des histoires…
      J’ai reposé la boîte métal sur le comptoir et on a pouffé de rire et le type en haussant les épaules nous a tourné le dos en mâchant des choses entre ses dents qui grinçaient pareil à celles des rats et qu’on n’a pas entendues.
 
      Gare du Nord… Nord… toujours plus vers le Nord…
 
A suivre…
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