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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

25 octobre 2005 2 25 /10 /octobre /2005 00:00
  1. Lundi, 24 octobre 2005
Journal d’une fille de banlieue
La danse du baobab
 
      Y a des choses dont on n’aime pas parler je l’ai déjà dit… et puis quand même il faut en parler vu que sinon on se mord soi-même la queue… Alors des fois même si on n’aime pas il faut sortir du silence qui est pas forcément la bonne raison de la sagesse comme me le répétait ma grand-mère qui avait pour le dire jamais fréquenté les cités de banlieue ni les gens ailleurs très bien comme y faut.
        C’était une petite nouvelle que j’avais écrite et qui s’intitulait La danse du baobab. Une petite nouvelle qui avait à voir avec un corps blessé d’une femme qu’un homme frappe dans la nuit et qui n’sait pas se défendre… Alors elle entre dans une sorte de transe de la folie comme y peut sans doute y en avoir en Afrique quand on veut très fort faire sortir de son corps le mal qu’on vous a fait…
 
        Elle comme elle vivait auprès d’un grand fleuve y avait le battement du moteur des péniches qui ressemblait à celui de son cœur… C’était pas le tam-tam tambour d’Afrique c’était le tam-tam d’eau qui l’invitait qui l’envoûtait… Et les créatures de l’eau qui l’appelaient comme le font sans doute celles du feu et des arbres géants dans la savane rouge ailleurs…
      J’avais écrit ça comme on écrit quand on est poète sans obéir à une idée mais en communication avec les images qui venaient et qui dansaient sur la peau du fleuve et qui dansaient… et avec l’émotion des coups sur la peau du tambour de mon ventre de mes seins de mon cou qui résonnaient sous les poings de l’insensé et qui hurlaient…
      J’avais écrit ça et je croyais pas avoir de comptes à rendre à personne !
      Mais les poètes ont toujours des comptes à rendre à celles et à ceux qui en savent long sur les pourquoi et les comment que ça doit s’écrire un poème et les réalités subjectives qu’on a pas le doit de détourner de leur sens…
 
      Y a des choses dont on n’aime pas parler parce que ça renoue les liens serrés de la souffrance sur les poignets avec des lacets piqués aux godasses des militaires des flics et des truqueurs de vie.
      Y a des choses…
      Quelle idée j’ai eu alors que j’étais invitée à participer à un colloque à Montpellier sur les femmes et la Méditerranée ( j’aime pas les colloques… les gens qui prennent leur personne au sérieux ça me donne sommeil mais on était payé et pas trop mal alors j’y suis allée et j’ai tout de suite regretté sauf pour les canards qui se baladaient sympath sur l’eau des bassins et qui n’la ramenaient pas eux)… Ouais… quelle idée !
      Y avait des gens drôlement qualifiés pour causer sans s’arrêter durant des temps terribles du sujet à traiter et moi j’avais juste rien qu’un petit texte qui s’intitulait La danse des baobabs dans la tête et surtout dans le bas du ventre qui tanguait et qui faisait sa musique pas tranquille du tout.
      Je savais bien que j’étais là  pour causer d’autre chose et précisément je n’pouvais pas… C’était l’émotion et l’émotion ça mange à votre table souvent quand vous avez cette manie de faire le poète tout l’temps et que c’est devenu votre vie en quelque sorte.
      C’est une amie qui a lu quelques extraits du texte et bien sûr y a eu des réactions subjectives de la réalité qui se ramène toujours quand on lui a rien demandé. Y avait un type qui prétendait que « les baobabs… les baobabs ce sont des arbres qui poussent en Afrique et qu’on n’peut pas écrire n’importe quoi sur les baobabs… »
      Et puis une de ces personnes très qualifiées pour parler durant des temps terribles du sujet à traiter qui a affirmé que « les baobabs c’était de Michaux… »
      En moi le tam-tam de ma peau en fleurs de sang se précipitait et courait plus vite plus vite pour rattraper la naissance redoutable de la peur géante du baobab qui danse.
      Je ne pouvais pas leur dire avec d’autres mots que celle du baobab qu’un homme que j’aimais m’avait fracassée la figure et les seins en pleine nuit et que je n’avais su réagir qu’en fuyant au pays des baobabs qui dansent… Non… je n’ai pas pu leur dire car elles m’auraient méprisée elles qui jamais… certainement… ne se seraient laissé faire… Oui… certainement…
      Alors je ne leur ai rien dit. Ni que je n’avais jamais lu Michaux à cette époque-là ni que les baobabs dansent la nuit dans la savane rouge pour évoquer l’esprit des divinités refusant l’esclavage de leur peuple ni que les colloques ça me donne sommeil mais que j’avais besoin de fric alors… et surtout je ne leur ai pas parlé des canards du bassin rigolos et qui ne la ramenaient pas eux…
      Alors je ne leur ai rien dit et j’ai écrit le texte que j’ai intitulé Ba-ô-babs dans le train qui me ramenait vers Paris pour rendre à mon corps fragmenté un peu de la douceur de vivre qu’aujourd’hui grâce au petit compagnon j’ai retrouvé avec une très grande jubilation.
 
Ba-ô-babs
 A Louis
 
       Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! !
      Voilà comment moi je l'entends ce mot. Il carillonne à l'intérieur de mon estomac… de mon sexe… de ma gorge. Voilà comment il éclate et pousse… pousse… grandit… s'enverge et se dresse debout.
      Il est l'arbre au centre du monde. L'axe autour duquel je m'enroule lorsque ça se déchire dedans. L'écorce rêche où je me frotte et que j'enlace avec tout mon désir d'une danse sans fin au milieu de la clairière écriture.
 
      Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! !
      Oui c'est ça ! il est mon tango et ma caricature. Le pommier de l'île d'Avallon qui se dégueule de mon enfance pourrie. Pourrie par ceux qui prétendaient savoir comment les arbres font pour gémir leurs sons… leurs rythmes… leurs transes d'amour.
      Ils y prétendaient déjà comme à une pensée précise et froide bien organisée qu'ils nous jetaient dans les pieds. Une pensée mécanique et laborieusement remontée. Que Ba-ô-bab le grand maître de la forêt leur recrachait en pleine poire.
     
      Oui ! J'écris avec mon ventre… avec ma peau de lézard dont on pourrait faire de jolis sacs à mains… avec mes pieds sur des trottoirs à putes où la braise grésille sous les petites cuillères… avec mon sexe exquis qui lèche de longues lapées de pluie.
      J'écris avec la honte et la chaleur exsangue des cuisses des filles ouvertes et jouisseuses de macs… avec l'humus et les tas de feuilles rouges d'adolescence quand c'est la première fois. Avec le sperme symphonie… avec la bruyère… les hérissons et les mains coupées… le sang… le sang… le sang qui gicle des bombes d'aéro-solitudes.
      J'écris avec le sang noir qui nous bande cicatrices en pleines rues et ne nous coagule pas. Jamais. Ça nous talonne drôlement cette récolte de fruits archi-mûrs qui jute entre nos paumes de nettoyeuses de poubelles de plastique vertes. Les poubelles de plastique vertes sont bourrées d'idées et de chiens empoisonnés dont les cadavres puent.
      Ba-ô-babs !
      Dans la clairière des Ba-ô-babs qui dansent les corps nus commencent à suer leur poésie comme la savane sèche craque et comme la lave du volcan déchire d'incandescence les couloirs barbelés où piétinent les troupeaux de penseurs aux armures étincelantes.

      Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! !
      J'écris avec la rage au ras des dents et l'amour silence qui force l'écluse tout en bas. Comme la brûlure de cigarette chaque nuit sur le poignet d'une fille qui attend à l'arrêt du bus Cours de Vincennes qu'on lui découse ses certitudes de crâne rasé avec goudron et plumes pour mémoire. Devant les mâles et les femelles qui rient du même rire.
 
      J'écris comme je pissais hier à quatre pattes et comme je me hisse aujourd’hui sur la pointe des pieds au sommet de la Tour Soleil pour sentir ma peur hurler au moment où je plonge dans le vide et qu'un minuscule feuillet de papier blanc à côté de mon oreiller me récupère.
      Ba-ô-babs !
      J'écris cerise écrabouillée et chouette clouée le bec… cri de jouissance au pied du réverbère en plein allumage et main au cul sec des fillettes de 13 ans dans les trains de bidasses.
      J'écris bûcher de fleurs au cœur des Cités et coups de poing dans la gueule au troisième sous-sol pendant que des réflexions asexuées nous passent en rase-mottes au-dessus des chaires ma chère où nous réfléchissons sur la chair fraîche mais plus pour longtemps. Il faudrait faire vite. Ça sent le roussi !
 
      Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! Ba-ô-babs ! !
       Oui ! c'est ça je suis une femme et j'écris avec ma peau… avec mon cul… avec mon rire et mes dessous de soie du soir écarquillés sur les crépuscules d'une tendresse bleue mourante.
      Rien à foutre des milliers de mots au fronton des édifices du pareil au même. Si j'appareille c'est en plein élan d'abeilles… de ruches… de troncs et de miel me dégoulinant… m'envahissant… me ruisselant de désordre et de démesure.
 
      Bâ-ô-babs !
      C'est une très grande solitude - et voilà tout.
      Androgynement je l'ai fourrée sous l'édredon rouge de Vincent où il y avait déjà une oreille coupée… trois tubes jaune de chrome entamés… et le corps de Sien la putain de La Haye. C'est combien ?
      Non ! Je ne pense pas. Je dépense mon style et mes petits potins de concierge jusqu'à ce que j'entende craquer les jointures de mes pinceaux doigts… de mes ongles plumes et je me tire. Je mets les voiles. La sortie des artistes c'est par où ?
      Troisième sous-sol !
      Ah ! eux aussi ?
Août 2003
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