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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

21 juillet 2013 7 21 /07 /juillet /2013 21:45

" Tu marcheras dans le soleil " suitepepee6.jpg

14 juillet 1993… 15 heures… j’écoute France‑Inter ou France‑Culture sous la toile chauffée du tipi de mon grenier je veux avoir des nouvelles de mes amis sur la terre et FIP que je ne lâchais pas dans l’atelier de céramique de mes poteaux de banlieue n’émet pas ici c’est la brousse il y a de l’électricité mais pas le téléphone et je ne voudrais pas que ça soit autrement… “ Le chanteur et poète Léo Ferré est mort aujourd’hui des suites d’une longue… ” Léo ils viennent de nous jeter sur les épaules un manteau de vieillesse et de désespoir celui que tu nous as retirés il y a vingt cinq ans la première fois de cette année 68 j’en avais 12 c’était extra je ne savais rien du tout sauf ma peur et mon agonie bientôt à bord du petit matin des trains de ligne… 

Avec toi Léo nos enfances déchiquetées des quartiers ont pu goûter à l’intelligence du silence violet giclé de l’arbalète obscène de Rimbe et ses jets d’améthystes crues que même le prince des poètes a laissé partir avec sa jambe boiteuse et ses caillots d’absinthe pour l’Ogaden et au Choa d’Abyssinie royaume du négus Ménélik là où les diamants de sel remplacent les diamants de mots. La pureté de ta colère ton aboiement les chiens au museau de misère Pépé et sa bouille d’impuissance absente ta fronde d’anarchie ses galets ronds et doux baveurs  de mots aux dents de loups nous ont pris de plein fouet et retourné notre inculture bâtarde comme une peau d’animal déjà prêt à toutes les formes de services et de hontes inconnues et nous ont jetés sur les routes parés du costume de nuit étoilée des saltimbanques des rebelles des imposteurs des poètes sans poésie des hoboes marchant le long des voix de chemin de fer lacté de Djibouti à Dine‑Daoua pour ne pas perdre la trace de Rimbe de Harrar au lac salé du Danakil et à la maison bleue et blanche dans l’eau de Tadjourah…

14 juillet 2013… la croûte de sel de mon temps craque sèche sa blancheur à mémoire et les chameaux du Danakil remontent avec leur chargement vers le Nord mais je ne croise  plus leur route désormais les caravanes sur la piste de Mekele sont un mirage pour mes yeux qui ne voient que d’anciennes pochettes de vinyles noirs et blancs que j’échange contre un peu de fric à des passants pressés de retourner au présent. Les miroirs du lac Assalé sont voilés quand je regarde dedans Léo tu ne nous as pas seulement largués à notre décadence de moissonneurs sans moissons tu as emporté avec toi l’eau de nos sources communes à jamais taries qui ont lavé les chemises rougies du sang de nos vieux ouvriers et paysans révoltés fils des Communards mineurs en grève insoumis déserteurs et anarchistes et rafraîchi le genou incandescent de Rimbe sur sa civière tout au long de la plaine de sable blafarde moussant de rayons d’argent qui le ramenait à Zeilah avant de reprendre le bateau pour Aden. leo-ferre-ibanez-et-cedron.jpg                                                  

14 juillet 1993… à peine quelques minutes de l’incompréhension qui me lèche de son mufle volcan et me tire des plaintes que la chienne Bonnie reprend en bas son aboiement de peine je ne l’ai pas oublié et je sais que je vais repartir quitter la petite maison pour retrouver la folie de l’errance qui ne m’a pas lâchée dans ma fuite résolue violente acharnée du monde pestilent des banquiers des militaires des dealers des macs des poètes de cour des rois et leurs troupeaux de bouffons à miroirs. Je sais que je devrai planquer à nouveau comme aux jours de l’enfance foudroyée la passion farouche et obscure pour la route qui n’arrête nulle part et qui relie entre eux les peuples rebelles et leurs conteurs leurs Jeli leurs saltimbanques leurs griots et qu’ils la verront scintiller sur moi dans la lumière verte juste avant la nuit et qu’ils me chasseront.

14 juillet 2013… ils ont pris les noms dont nous n’avons pas voulu et ils ont revêtu nos pelisses de loups que nous avons oubliées aux wagons bars des trains de nuit nous les artistes sans art les passants sauvages inquiets maraudeurs d’outrances et dressés renverseurs de bi‑voies nains à boussoles qui indiquent opiniâtres le Nord alternatif aux chevelures de pâquerettes repues de mousse carbonique. Nous les voleurs de givre les conducteurs d’astres généreux aux naseaux bleus qui ne sommes revenus aux portes des Babylone monstrueuses et marquées du sceau de l’imposture d’une époque décadente que pour confier aux enfants des quartiers le signe tracé par les grands voyageurs lunaires sur le premier cairn au bord de la route de neige du Jabal Nafûsa du côté de Zawila où les pieds de sable de tant de fils et de filles esclaves ont marqué le chemin d’une humiliante transhumance celle des Têtes Rondes des grottes d’Akakus qui est aussi la nôtre. Nous n’avons pas su conduire la caravane jusqu’aux portes du royaume de Gao et la chamelle blanche nous a laissés à notre absence.leo_ferre.jpg

14 juillet 2013… Léo… sur cette vitre du bistrot où je bois à l’aube qu’on empêche un petit noir avant d’aller dormir quelqu’un a écrit au rouge à lèvres aujourd’hui les mots que tu nous envoyais à chacun de tes passages comète aux concerts de la FA au moment de faire claquer la gueule noire et blanche de ton piano “ encore un pour la route ”… C’était comme un sémaphore entre nous autres les anarchistes tous on avait le sentiment que le halo sacré de la torchère aux cent mille flambeaux brillait à notre intention de ces deux heures d’intelligence poétique et d’amitié partagées avec la giclée brute noire vermeil que tu nous offrais en confiance. On était tes frangins de vigilance ceux qui gardaient au fond de leurs poings crevés la colère et l’ivresse que tu servais d’abondance à chacun de tes récitals les deux totems des sculpteurs de solitude. Jamais on ne voulait croire que ce serait un jour “ le dernier pour la route… ” et qu’il nous faudrait le boire comme tu l’avais bu tous ces soirs‑là à la sortie du théâtre ou de la salle de concert quand nous étions mille et que tu t’en revenais aux côtés de Pépé après la fête.    

14 juillet 1993… entre mes appels et ceux de la chienne Bonnie elle m’est arrivée à la rescousse la tronche de môme des quartiers de Richard et ce verre qu’on ne boit pas parce qu’il faut bondir foncer à la recherche des copains qui se sont perdus au bout de la trouée nocturne dans le sous­‑monde des coursiers de la ville matrice où les rues étaient notre Grand Canyon on se tenait à l’épaule et j’avais vingt cinq ans… Richard je l’ai rencontré agrippé au guidon d’une mobylette bleue et à chaque fois qu’il partait pour la dernière tournée la plus longue celle qui nous menait au bout de la banlieue fracassée d’obscurité jusqu’à l’éblouissement des sorties d’autoroute le porteur chargé à ras et qu’il faisait frotter à l’angle du boulevard la main tendue vers nous comme pour dire au revoir il y en avait un qui fredonnait “ Allez Richard encore un le dernier pour la route… Eh ! Monsieur Richard le dernier… le dernier pour la route… ” On avait vingt‑cinq ans on ne savait rien de la mort des chambre d’hôpital où on arrive après trois jours et trois nuits à chercher en vain sur les listes des commissariats des papiers égarés dans un camion du SAMU de l’enfance vidangée vite fort sans peur et sans calculer demain.

On ne savait rien du monde qui s’annonçait là où de toutes façons on n’irait pas pointer notre museau de voyous de camés de soulards de fonceurs de rêveurs de clowns d’étrangers de zonards de voyageurs de poètes ratés de fous de hippies parce qu’on était nés au moment où on pouvait encore marcher dans le soleil comme le disait Arthur à sa sœur Isabelle sur son lit à l’Hôpital de la Conception à Marseille le dimanche 4 octobre 1891. Après s’être gavés de nos rites et deferre.jpg nos désordres les imposteurs se sont assis sur les trônes de paille enfermés dans leurs châteaux de verre et ils ont vendu aux enchères nos cheveux noués avec les perles de couleur des Indiens Rouges la parole d’un vieil homme accroupi au pied de la falaise sacrée et les masques sculptés pour l’ultime cérémonie. Alors notre temps d’enfants du rêve est devenu plus court que celui de ton passage comète sur la scène à bord du bateau ivre de Rimbe encore une fois Léo là où tu nous répétais doucement pour nous prévenir “ mon image seule est présente… ” et nous avons décidé de nous asseoir au bord de la piste en attendant.                 

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