Les fils d’Ura
Epinay, vendredi, 25 juillet 2014
dans leur rêve déjà les marcheurs sont en route
fascinés ils observent la fin du spectacle
agrippés aux babines des robots d’Ura
tueurs obscènes dieux joueurs jumeaux de Seth
rapteurs du rouge tous les signaux seront faux
déchirure qui danse peau des calebasses
se crevasse teintures de sang des totems
Decheret le Rouge aras en pluie corps gisants
fricassées cigales d’Ura abdomen d’or
jeunes garçons masqués lapins de jaspe mauve
fuyez les fûts métal vert giclant en grand vol
pointes phosphore rongeuses au sol fixant
fuyez la tribu livrée avec terre arable
chassée de toutes prairies des arbres‑ima
des fontaines de buée où Sekhet moissonne
fuyez les vals de Kemet déesse de boue
déesse d’eau figure apprivoisée des fleuves
retournez aux bras serpents de Mami Wata
créature de l’océan Noun indigo
Harrakoyé sa fille première et sauvage
des génies Tourou aux pêcheurs Sorko elle va
offrant sa beauté ses fruits poissons et ses îles
couleurs sacrées des pinasses jamais lassées
fils d’Ura la soif est votre désir sans fin
Harrakoyé gorou‑gondi totem reptile
chevelure noire naissance des rivières
la force de son lait vous a faits voyageurs
fils d’Ura héritiers du soleil vos ancêtres
nomades et montures de laine leurs chants
semailles aux dunes offerts marcheurs de lune
seigneurs des tours de froid donjons sapés grisaille
fils d’Ura fuyez quittez la nourrice amère
buvez le lait gras de la chamelle de tête
en arrière nul ne reviendra sous vos pieds
s’écrit l’épopée de la piste peuples rares
les cathédrales du désert sont des maisons
de passage demain Jabbaren des Ajjer
girafes de Tin‑Tehad prêtresses du temps
laissant derrière loin les noirs soleils de mort
fils d’Ura gardez‑vous des émissaires doubles
partout s’épouillent leurs armures et vous visent
soyez sculpteurs de branches petites demeures
de vents voraces bercées par les hanches larges
oliviers enchevêtrés chevelures d’ambre
qui vieilliront debout dessus notre néant
leurs colliers de fruits joyaux mûrs au cou des femmes
pressés giclent la nuit plaies marines bouts d’os
au creux du poing fermé des vieux compagnons d’Ur
graveurs de loups garous des rocs d’oued Mathendous
nains griots auvents voiliers de Bandiagara
convives très anciens au festin de Saturne
dans les cours des villages les autels se parent
lait caillé sang frais les Hogons peignent des rêves
les masques Awa saluent le jour de la danse
prenez avec vous le lapin le kanaga
salut la terre ! elle vous protège salut !
enfants arcboutés aux flancs desséchés d’Ura
vous lirez bien avant la fin de ces murailles
le radium bout dedans ses marmites d’azur
rapteurs de rouge au fronton cousu des visages
la traque a remplacé la trace mais les pas
de la chamelle de tête délient le sable
de ses promesses d’eau l’Azalaï continue
dans l’autre sens au désert il faut repartir
et monter plus haut pour voir le monde sauvé
lessive de lune bleue fumante farouche
futur arraché aux gras charniers d’abondance
fils d’Ura gardez secrète la pierre à feu
il faudra tout réapprendre à l’envers des îles
océan poche marsupiale abandonnée
terrier rouge couche de mousse frais sommeil
rêveurs d’eau innocents tamiseurs de bonté
la race des guerriers a des veines de givre
salut la terre ! l’espèce mangeuse git
fils d’Ura oubliez son nom que rien ne reste
d’elle montez plus haut voir le monde sauvé