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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

15 avril 2012 7 15 /04 /avril /2012 19:03

Ce texte est estrait de mon bouquin dont je vous ai déjà livré des fragments : Squatt d'encre rouge que j'ai eu envie de vous faire partager au moment de ne pas fêter les 50 ans de l'Indépendance de l'Algérie... Et puis en même temps c'est encore une histoire de peinture et d'êtres humains disgrâciés mais fabuleux... hein ?

Pour la petite histoire rigolote un détail... ces pages vous ne les lirez pas ailleurs qu'ici car les " copines " avec qui j'avais créé la maison d'édition qui a publié cet ours ont viré les exemplaires entreposés des bouquins à la benne à ordures il y a de ça... des nuits déjà... l'amitié vous savez... Ce qui n'enlève rien à la beauté des femmes d'Orient... et à l'amour qu'ont eu pour elles les peintres orientalistes...

03-Jean-Francois-Portaels--Portrait-de-jeune-orientale.jpg 

Le jardinier aveugle

Toulouse-Lautrec.jpg

Tout le monde le sait il boite. Enfin tout le monde… ça n’est pas sûr. Y en a bien qui racontent qu’ils l’ont rencontré à l’entrebâillement de la nuit dans une ruelle creusée à même le mâchefer où éclatent ci et là les veines d’or du Blockhaus. Et qu’il ne boitait pas du tout… Pas du tout. D’une extrémité à l’autre de la Grande‑Mer qui nous relie… d’un bout à l’autre de ses portes de sable les villes et les nabots se ressemblent. Y’a qu’à écouter la suite pour en être bigrement convaincus…

J’ignore comment ça se fait mais je crois qu’on l’a vu traînailler sa carcasse de navire à l’aveuglette un coup à droite un coup à gauche… vlim‑vlam… une grande bordée de son foc velours rouge qui ne passe pas inaperçu par tous les coins du monde où on labyrinthe à l’étroit. Les espaces marins qui pour finir éclatent en une corolle d’eau généreusement ouverte. Sa boîte de crayons à couleurs ses fusains et ses graphites bleus léchés afin que ça colle un peu sur les feuilles du carnet volages. Ses fioles pas plus grandes que des récipients à potions nains ses mies de pain en boule pour effacer les traces trop profondes. Des bancals y en a plein la planète qui ne sont même pas affranchis de leur passage dans les intestins du Blockhaus. Mais pas des comme lui…

D’Alger toujours repeinte à Paris la Citéaux ordures… Florence ou Amsterdam bataille des péniches des petits bateaux des rafiots haute mer. C’est sa boîte à couleurs qui le met en quart. Qui le propulse rageur et polisson d’un quartier à l’autre. A ressort qu’il est… Que d’un côté mais quand même. C’est le fait d’avoir grandi tordu qui l’a découragé de prendre racine à l’intérieur du ciment. Ça l’a rendu tout à l’envers des vrais hommes vertigineux tatoués de muscles baobabs et lisses comme des soldats de plomb.

Vrai ça lui a mis de l’aile dans le plomb si on veut… Séparé de l’espèce. Cassé et re‑cassé en dandinement aérien d’oiseau de nuit écarlate. Un voltigeur. Enfin ce que j’ai pu reluquer jusqu’ici. Pas facile de le suivre… un coup à droite un coup à gauche… vlim‑vlam… une vague d’eau verte et salée amère qui vous embouche les oreiles. Et la petite musique dedans quand on se décourage pas. Le tout de pas perdre sa trace d’abord. D’un port à l’autre… D’une ville à l’autre… D’un bordel à l’autre… Partout… avec sa boîte à couleurs…

‑ Eh Toulouse ! Toulouse !… monte un peu voir ma belette bleue comme elle me va !

De le faire monter les marches glacées à mourir suspendu au bras d’une fille ça les amuse… Vlim‑vlam… vlim‑vlam… Pas aigri ni cornichon malgré sa dégaine… vlim‑vlam… il renifle dans la chevelure des odeurs de sirène qui dégrafent les parfums à provoquer le rut des hommes matous marquant d’urine les murailles rondes du Blockhaus…

‑ Qu’il est mignon !cover-femme_rousse_assise_sur_un_divan_1897.jpg

La fille descend nue sous son chandail mauve. Des porte-jarretelles noirs remontent ses bas. Des filets lourds d’écailles roses au ventre des poissons. Marée haute… Une fuite de rails sans fin au centre de ses gros seins… Ça a la consistance des mangues trop mûres… Orangé mou à mettre ses doigts et vite les retirer…

Il se hisse sur la pointe des chaussures vernies qui lui font des pieds de clown. Ses pieds ont grandi normalement. Et pas ses jambes. La nique ! Gentiment elle l’embrasse sur le front. Elle prend pas des airs en dépit des talons qui lui donnent encore de la supériorité. Plutôt complice. Lui il a posé sa main sur la rampe à sa hauteur et d’un bond… Hop !… il a franchi la marche au‑dessus. Retire son melon. Fait une pirouette pleine de grâce. Et hop !… encore une marche… Hop ! Hop ! En dessous de lui la fille a relevé tous ses cheveux dans ses mains. De longues mèches en suspens des algues rouges sombre sur ses ongles marins.

Elle noue des cordages invisibles… Pfuitt… ça siffle doucement entre ses doigts. Un tangage… trois quatre coups d’ongles à plein paquet… un mouvement du poignet comme une ronde où se croisent en rient des petites filles et hop !… elle a tressé une natte lourde une amarre plus bas que ses reins. Le nabot ne la quitte pas des mirettes tant que ça dure son manège… Flaouch ! Il en prend ce qu’il peut de sa manière de femme à passer brutale par tous les artifices. Et puis d’avoir toujours des mimiques d’enfant à fleur de peau… des fossettes au creux du cou des grains de beauté plus vrais que des boucles d’oreilles des frissons de ruisseaux sous les aisselles…

‑ Alors Monsieur Toulouse… quand c’est que vous me croquez moi ? J’ai pas de belles jambes des fois ? A Alger sûr qu’ils s’en rappellent de mes jambes… Demandez‑leur un peu si c’est pas vrai ! C’est moi la reine de la Kasbah ! Des mains plein ma fourrure… des blanches… des indigènes… des café‑crème… Je leur ai laissé ma fourrure pour pas qu’ils pleurent… Ils se sont enroulés dedans chacun un petit bout… Faut me croquer M’sieur Toulouse avant qu’y viennent me reprendre ! Y’a que la mer par le fait…Toulouse-Lautrec-Art-Elsa-La-Viennoise

Elle glousse… descend vers le bar en ondulant des hanches tel un caboteur fasciné par l’éclat doré de la barre de cuivre. Elle écoute plus. Les mains des types s’ouvrent et se referment sur elle dans la houle légère du soir… Flaouch…

‑ Bientôt ma poule…

C’est la voix goguenarde du nabot. Un murmure rauque à l’intérieur de la gorge. Du haut de son perchoir il cherche à distinguer l’attache des filets résilles mouillés d’écailles roses. Il voit en se penchant la natte rouge qui bat les reins comme un appel puissant. Un cri qui monte du port d’Alger. Un cri de femme. Long… douloureux… ivre… Une délivrance d’écume… Un soleil… Un cri qui gonfle dans sa chair… Brusque ça le reprend… l’embarque… Il se laisse tomber sur la dernière marche et il ouvre sa boîte à couleurs…

Lautrec.jpg

En attendant un des macs du Blockhaus surveille les mouvements lascifs et surprenants du fleuve. Des vermoulus de la sorte ça ne nous manque pas ! Y a du monde et on ne sait pas qui… ni combien ils sont ceux qui ajoutent consolident la masse insolente et meurtrière du Blockhaus. Le Blockhaus c’est une masse arrondie et souple… l’intérieur d’une montgolfière en réalité. Mais pour ce qui est de l’image qu’on en voit c’est un cube de matière inerte hérissée de cheminées… de pylônes… de miradors…

En attendant disais‑je… il surveille d’un des huit cent soixante‑trois miradors de petites formes blanches jouant et se poursuivant au long des replis des canaux. Les canaux tissent la ville d’une tenture mouvante sous sa peau. La ville ici c’est un écrin d’acier de ferrailles de tas d’immondices encerclant un diamant liquide. La ville ici c’est des glous‑glous entre deux rives qu’on soupçonne pas forcément si on n’est pas averti. Tout juste la nuit on entend si on s’approche des rires… Des chuchotis des froissements de tissus qu’on défait… Des riens du tout peut‑être un songe d’écluses… 

Le type sur son perchoir pointe le rayon projecteur dans l’entre‑deux des eaux. C’est là qu’il aime à farfouiller. Il remarque depuis un moment qu’il s’y passe des choses. D’ailleurs c’est par ce côté de la Cité qu’il a son pouvoir. Le secret des femmes il imagine qu’il connaît. Et forcément ça se tient dans quelque chose d’aquatique. On voit pas comment ça serait autrement. Il s’agirait d’une histoire de mère à traverser… A force il croit qu’il sait. Et les autres avec. Quand on croit dans des certitudes glaviotantes l’important c’est que le plus grand nombre d’autres aussi. Comme ça qu’on les tient les pouvoirs fantoches mais bien corrosifs. A tout pourrir d’ignorance et de mauvaises odeurs reniflements d’égouts phosphoreux et décharges constellées de papillons noirs…

Les femmes vaut mieux pas leur demander leur avis. Engouffrées qu’elles sont à l’intérieur du réel pas le temps de réfléchir. Celles des quais des bassins des trottoirs… robe de jersey rouge à ras des reins… fourreau giclant de cuir noir… jean moulant leurs hanches adolescentes… Celles‑là elles parleront pas. Elles savent trop. Ça les fait basculer dans le désaveu et la marge définitive. Ayez pas peur… Vous imaginez pas que l’histoire s’échappe de ses rails en tortillant. Ici là‑bas… le Blockhaus avec sa coupole saline… ses effluves larvées de vieux port englouti et la Cité de jade sans cesse à faire ses noces orange et bleues.

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Le gros mateur bien renseigné un peu pacha qui porte des étoffes épaisses autour de son petit corps boudiné et vif comme une toupie a mis la paluche sur le marché femelle qu’il fallait pas rater. Un de ces arrivages par la marée dans la profondeur moite et moirée des ports du Nord de l’espèce mutante. Celle mijotée avec acharnement et énergie virile par l’arrière‑pays. Depuis des lustres qu’ils y turbinaient aux fontaines sacrées au fond des cours refermées sur le puits‑nombril derrière les portes géantes des palais silencieux. Ils avaient fini par les fabriquer exactement telles qu’ils les voulaient.

Le temps que ça avait pris… Et les imbéciles qui se mettaient entre leurs jambes à pas comprendre l’intérêt… le rapport que ça ferait… les avantages pour tout le monde… la maîtrise absolue de l’univers grouillant informe obscur toujours à fourrer de la vie à tors et à travers du désordre dans les dessous verdâtres. Enfin une migration énorme venue de la Cité femelle… ses ruelles foisonnantes de draps blancs de filets tendus afin de les prendre vives encore enfants… Ce qui les avait décidées peut‑être…

C’était une nuit… une nuit de novembre écorchée d’oiseaux rouges au‑dessus du môle. Une nuit rouge comme une fuite de sang frais. Une nuit de salive insuffisante et d’echymoses muées caresses. Une nuit neuve et bien‑aimée sous la laine des sandales. De partout sans personne derrière ni devant elles sont arrivées avec l’odeur ardente des chevilles. De partout dans l’arrière‑pays… On les écoutait pas… on les voyait pas… elles existaient pas. De la petite Kabylie… des Hauts‑Plateaux… de l’Oranie… et surtout du grand Sud… oui surtout… des oasis introuvables… Sans personne…

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A suivre...   

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