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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

Texte Libre

Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 01:11

Clair‑obscurcaravage2.small.jpg

 

En bas… La nuit… L’ombre bitume… Le métro… Les couloirs poisseux gras chauds… Des trous violets… Des ténèbres qui bouillent d’odeur de puits… Des stridences par endroits… Plein plein… C’est pas si noir que ça au fond… Des stridences… Des traînées… Comme de l’argent… 

Des comètes… Des loupiotes qu’on balance… Remonter… Les voûtes aux carreaux blancs comme de la glace… Remonter encore… Beaucoup… Sortir… Dehors… En haut… La rue… La lumière… Crapahuter des marches des marches et des marches… Ça y est… Toute la clarté d’un coup… Y en aura pour tout le monde… C’est ça qu’est bien alors !

A l’entrée du trou suffisait de s’asseoir… c’était pas compliqué… La bouche du métro… Sa goule qu’avale les gaziers les clebs les baluchons et le jour pareil et le soleil et la lune… Se poser là bien tranquille bien visible… Là où les passants balancent leurs mégots et les prospectus en confettis d’étoiles mortes qui scintillent encore un peu des belles galéjades qu’on leur a faites… Avec ses deux paluches il a balayé dégagé deux emplacements emmanchés l’un contre l’autre noirs et luisants comme du velours… Là‑dessus il a déposé déplié les bouts d’un carton qu’avait contenu de quoi s’en mettre plein le lampion et y restait les miettes… le boulanger les fourrait en tas devant la lourde de sa cagna à fuel… Et par‑dessus il a déroulé un plaid en lainage rouge un peu passé avec même des trous dedans mais ça pouvait aller… 

Il s’est redressé pour zyeuter l’installation… s’assurer que personne allait piétiner la crèche plantée qu’elle était juste là on y voyait pas lerche et le jour c’était tout comme la nuit ça tournait court… En fait il était plutôt veinard là en haut à cette saison d’hiver et ses grelots d’absence qu’on évite pas qu’il se mette pas à neiger ni à faire grand froid en plus… que ça ne le poisse pas d’un coup par-dessous ses frusques qui avaient des tournures qu’on imagine être celles d’un jardinier du printemps avant le printemps… Mais il était remonté et sa veste et son futale en velours avaient la couleur des brisures de marrons glacés qui attendaient les bourgeoises gourmandes le morlingue pas facile devant la vitrine de la boulange avec les grandes pièces solides aux coudes et aux genoux comme le brun brûlé des châtaignes sur les tôles percées des carrioles à braseros… Ses pieds nus glissaient à l’intérieur des godasses en toile dont il avait viré les lacets et ça faisait entrer des plaques de poussière brillantes et grises que la bas du pantalon déchiré La-chandelle.jpgn’arrivait pas à camoufler…

L’endroit lui a paru bien convenable et situé gentiment au bout de la place de la Nation un quartier populaire et même tout à fait ouvrier qui s’était embourgeoisé avec une mémoire de pauvreté exactement suffisante pour émoustiller les bonnes consciences prêtes à tout afin de ne pas y retourner jamais… laisser les autres y plonger à leur place dans le ragoût de la trouille et leur semer comme ça avec la monnaie un coup d’œil indifférent… et s’en aller loin vite fait… le plus vite qu’on peut aussi loin que le monde là‑bas endormi au creux de la clarté noire de l’aube…

C’était une place aussi bonne que toutes les autres entourée de boutiques pimpantes qui donnaient le change à faire croire que les affaires allaient leur bonhomme en chemin … des petits commerces qui faisaient sauter l’ardoise des prix sous le tarbouif des grands‑mères radinant tout juste du bureau de poste à côté la pension du trimestre fourrée au fond du keusse… des vitrines bourrées de colifichets brimborions factices qui clignotaient leurs guirlandes aux leds têtes d’aiguilles bleus et argent pour la fête qu’on préparait partout là en haut… C’était une place aussi honnête que possible et personne pas un caïd du secteur pas un manchot qui ait essayé de la lui faucher… Un strapontin à l’orchestre en face du canardier dans sa guérite de phare en carton barbouillée vert d’armée où la troupe des besogneux du jour dételle et se retourne les fouilles pour acheter les nouvelles de la vie et lui fait rouler les picaillons dans sa gamelle…

C’est vrai que c’était vraiment une bonne place et on pouvait descendre se nicher aux premières gouttes de lansquine sans crier gare comme les autres loustics qui s’enfonçaient maraudaient au‑dedans des couloirs en grognant et quand ça leur prenait ils ressortaient bondissaient au dehors en bandes sitôt éparpillées ce qui en jetait plein la musique à Baraka la chienne boxer la pelure en panache moitié café moitié chocolat qui couchait en joue le mouvement sur son morceau de carton et son territoire de couvrante rouge passé…

Ça n’avait jamais été dans ses cartons de s’encombrer d’un clébard vu que ça lui interdisait l’entrée des refuges à compter de sept plombes quand la nuit estourbit la moitié de la figure des passants de la ville qui refilent aux filendèches comme lui un pageot en fer avec dessus un matelas en mousse à la housse crasse et une berlanche de laine rêche et du même gris quasi noir que les boulets de poussier des poêles de son enfance comme y en a dans les pensionnats et les prisons et une douche à l’eau tiédasse plus une savonnette dans un carton où il est écrit en lettres majuscules : SS Services Sociaux et une serviette bleue de taille rikiki qu’on changeait à chaque fois…un-dortoir-chez-kye-4431374juqve.jpg

Non… c’était pas son affaire du tout et pourtant il avait récupéré Baraka tout juste à la belle d’un de ses passages au dortoir du refuge le plus proche de la place où il galvaudait à l’époque… C’était comme il roupillait en chien de fusil sur son sac et ses godasses pour ne pas se les faire faucher qu’il avait été sorti du pageot dans l’obscurité de la veilleuse violette au‑dessus de la porte au milieu des ronflements et des grognements humains par les aboiements rageurs emmêlés aux petits jappements étranglés et tenaces d’un clébard tout jeunot qu’il ne pouvait pas repérer et qui arrivaient de la rangée de puceux juste à côté de la sienne…

Après qu’il ait renfilé ses pompes et fourré le sac sous sa veste en velours il était allé à tâtons se rencarder du pataquès qui ne dérangeait pas un quidam dans la cagna et il est tombé sur l’ivrogne familier du refuge qui se frottait à la castagne avec tout le monde ce qui ne l’empêchait pas de rentrer en loucedé un litron de jaja qu’il partageait avec les potes… Tomate comme c’était son blaze que même le directeur du refuge le toubib et les cerbères lui refilaient était en train de bourrer de coups de pieds un jeune boxer qui avait pas six marques et qui se défendait accrochait donnait dedans reculait des quatre pattes la gueule au vent et refonçait dans le tas avec le courage de l’aventure de la vie… Ses quinquets noirs luisants dans la clarté verte changeante de la lune et le violet de la veilleuse l’ont maté sans caler quand il s’est ramené dans la bigorne…

‑ Eh dis Tomate ! ça va pas de tabasser un clebs qui t’arrive aux genoux hein… Allez arrête ça et va cuver ! Tu réveilles tout l’monde bâtard de Tomate !

La combure qui tombait d’en haut par de grandes lucarnes vu que le toit du refuge n’était pas séparé du dortoir faisait un damier de carreaux crème et les pieux aux couvrantes grises étaient les carreaux d’ombre… Y avait là un côté dramatique que l’éclairage qui ne laissait voir et apparaître avant de se faire dévorer par les ténèbres que la part la plus brute des êtres et des choses mettait à nu comme un réverbère à la bougie vacillante servant de projecteur à ce monde en folie et décadent… 

Tomate à moitié pris dans l’enchaînement des rebondissements de l’histoire qui lui échappaient depuis longtemps avait continué à envoyer de méchants coups de tatanes en direction de la chienne dont le museau ocre rose piqueté de tatouages gris étoilés bullait autant qu’une assiette d’eau savonneuse et qui s’était trouvée d’un coup réconfortée par l’intervention louche d’un inconnu humain mais c’était pas le moment de faire des manières et elle a commencé à gronder en remontant à l’assaut avec de petites chandelles de bave qui lui faisaient des stalactites rigolotes au  coin des babines…

‑ Saleté de clébard !… Je vas te crever moi !… Attends tu vas voir ma salope !…

Alors vu que c’était pas la peine et qu’y en avait assez il l’avait attrapé par le derrière de son futale de toile bleue qu’était toujours trop large et il l’avait fait basculer dessus le puceux où le Tomate noyé dans son jaja deux minutes plus tard ronflait déjà… Quant à la chienne qu’il avait probable fait passer en contrebande avec un ou deux litrons balancés aux cerbères du foyer elle attendait assise sur son cul des bulles scotchées au djamaa.jpgbout du museau qu’elle léchait d’un mouvement d’automate placide comme si tout avait été une bonne rigolade… Ses deux quinquets braqués sur lui n’avaient pas de reconnaissance mais une fraternité animale qui est la seule chose sur laquelle on peut compter dans ce monde.

A suivre...

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