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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 17:56

C’est Beyrouth ici !

Il a combattu jusqu'au bout 1

Epinay, dimanche, 1erjanvier 2011

Que faire quand on habite à Beyrouth

Qui sait l’enfer de notre décadence

Rouge vif l’impuissance de la violence

C’est comme un piège de neige refermé

Qui fond sur nous et muet nous envoûte

Du présent il nous reste lasse cramée

Sur le parking la carcasse rouillée

Un temps cassé toute la vie verrouillée

C’est un monde entier parqué au fond des soutes

Qui n’en finit pas de faire naissance

 Ça va faire pas loin de deux piges que je n’écris plus sur ce qui a fait au départ le sujet des Petites Chroniques des Diables Bleus et ne plus écrire pour quelqu’un qui bricole dans les plumes et les bouts de paplars comme d’autres font cuire le pain du petit matin c’est quelque chose qui a de la gravité… En reprenant rien que pour comprendre mon silence vu que du silence c’est de ça dont y va être question ici quelques‑unes des Chroniques d’une chienne de vie j’ai constaté comme ça que la dernière date du 27 août 2010 et que son sujet c’est ce qui venait juste de m’arriver… me fracasser l’épaule droite il y a juste un an et demi et la douleur qui s’en est suivie… bref ! je n’écris plus parce que je ne peux plus écrire c’est mon corps qui en a décidé et voilà…

Y a bien plus longtemps que ça que je ne donne plus de nouvelles de l’existence des gens des cités de banlieue à tous ceux qui vivent ailleurs et qui n’ont pas la moindre mais pas la moindre petite intuition de ce que ça peut être de crécher à l’intérieur d’une tess’ qui est comme un grand village rassemblé là mais sans rien des institutions ni des liens sociaux qui vont avec… Ouais… y a sans doute à peu près cinq piges que je me suis renfermée peu à peu avec la conscience de ne pas avoir le choix ou peut‑être pas envie de l’affronter ce choix dans le silence mortel le même ou peut‑être pas tout à fait que celui qui me fait bondir dehors du trou à mémoire ce matin tout soudain et Hop ! Les infos formatées au quotidien par les graveux de la presse ça fait longtemps qu’elles ont été cadrées exact aux mesures du cerveau de l’humain d’aujourd’hui qui les accepte et les engloutit et la bande de ceux qui refusent l’abrutissage collectif écrivent eux ailleurs autrement… 

Ouais… c’est vrai mais voilà que concernant les cités de banlieue et leur micro monde tellement pas ordinaire et casé dans la case : “ Y a rien à dire et pas de mots pour le dire… ” qu’il a failli faire sa petite révolution tout seul dans l’hiver 2005 que pas un d’entre nous autres les mutants des faubourgs n’a mis au rancart il n’y a pas de parole vraie et venue de l’intérieur du ghetto parce qu’il faut bien l’appeler par son nom qui circule respectant du coup l’ordre mortifère du silence alors même que le bruit le barouf le hurlement est ici plus puissant et plus désespéré que jamais… “ Mais c’est Beyrouth ici !… ” cette expression‑là c’est en 2005 novembre pour être précis que je l’ai entendue la première fois pendant que la plupart des quartiers étaient chaque nuit en pleine guérilla et que les incendies nous tenaient debout parce que nous autres les habitants on savait que d’un instant l’autre ça pouvait devenir autre chose que ce qu’ils ont appelé une émeute des jeunes des quartiers…

 Beyrouth-2.JPG

Et puis ce matin il se trouve que ça suffit ! Ouais c’est ça le silence qu’on s’impose qu’on s’implose qu’on se fait péter à l’intérieur chaque nuit un peu plus profond parce que c’est convenu c’est entendu qu’il ne faut pas dire que c’est sans doute des quartiers que nous montera nous enchantera la plus belle la plus éblouissante des fins de ce monde taré toxique à plus en pouvoir la fin de ce monde de morts vivants qu’aucune jeunesse pas plus celle des papillons que celle des petits humains ne peut supporter… ce silence de ceux qui savent qu’y a longtemps déjà que “ C’est Beyrouth ici ! ” et que ça empêche de dormir il vient lui aussi de voler en éclats de cris… Vous tous qui ne vivez pas à Beyrouth ou qui le croyez vu que la séparation en tribus hostiles en clans opposés par la haine et la peur en voisins qui planquent la kalach sous le matelas ça fait pas mal de petits matins qu’elle a démarré sa reptation mine de rien pépère en silence pour sûr vous l’avez avalé comme mézigue ce matin l’info la nouvelle la bonne l’année Hein ? A moins d’être sourdingues vous l’avez bien entendu : “ Il ne s’est rien passé cette nuit nulle part… nouvel an dans la sérénité… ”

Eh bien non ! Ouaouf ! Ouaouf ! Moi je peux vous le hurler vous l’aboyer vous le gratter dans la plaie à vif et rouge de notre nuit sans sommeil encore une encore dix encore cent mille !… Au nom des explosions et des incendies répétés qui crèchent encore à l’intérieur de mes esgourdes bien profond et au nom de cette jeunesse qui n’en veut pas plus qu’on en voulait nous autres y a de ça quarante piges au bas mot mais on a pas changé on est toujours là avec nos rêves formidables et nos enchantements avec notre idéal au bout de nos nuits… au nom de cette vie qui n’en peut plus de l’énorme du géant ghetto des marchandises avariées et dégueulasses dessous lesquelles on l’étouffe on l’enterre on la trépasse je peux vous raconter qu’il s’en passe des choses ici à Beyrouth et que le printemps que nous vous avons laissé enfermer dessous les neiges de l’hiver ne ressemble pas mais pas du tout à ce que vous avez jusqu’ici réussi à propagander partout parce que le printemps c’est nous tous le peuple tout simplement qui allons décider de quand il sera temps de le mettre au goût du jour !

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 La Cité d’Orgemont à Epinay‑sur‑Seine… vous savez je vous en ai déjà causé… c’est un quartier à elle toute seule d’ailleurs on l’appelle le quartier d’Orgemont tellement elle est vaste et étendue aussi bien sa surface son territoire que le nombre des blocks des barres des tours… elle a ses commerces sa poste son annexe de la gendarmerie sa bibliothèque ses sept écoles ses dizaines de rues d’impasses de recoins de couloirs ses centaines de halls d’escaliers et ses milliers de familles d’habitants de passants… Une cité comme toutes les grandes cités de toutes les banlieues qui vit exactement les mêmes bouleversements depuis plus de 50 piges qu’elles existent… les mêmes migrations mouvements déplacements les mêmes révoltes car la population qui y vit est toujours la plus déclassée déconsidérée la plus pauvre… une population qui se retrouve quoi qu’il arrive depuis 50 ans mise au ban de la société dans son ghetto à misères à galères à petites ou grosses magouilles pour s’en sortir et sortir la famille de la faim de la honte du mépris et croyez‑moi je sais de quoi je cause vu que dans de genre de lieu j’y suis née j’y ai grandi et désormais j’y vis une partie de ma vie…

Donc la cité… ce soir c’est la fin de l’année et tout le monde a envie de faire la teuf comme partout comme toujours bon… Nous on est là chaque fin d’année depuis que comme les favorisés qui se font des p’tites vacances l’été on a plus du tout de quoi partir le reste de l’année mais on ne va pas se plaindre vu qu’on s’est préparé un petit repas agréable et qu’on a l’intention de passer une soirée tranquille et de faire notre teuf à nous avec musique Jazz and co c’est notre blot notre bonheur et voilà… Ni plus ni moins que tout le monde on a envie de se prendre la tototte de s’angoisser et d’avoir le lampion serré par les carambouilles des empêcheurs de vivre et leurs conséquences toujours néfastes… Mais hier soir pour tout dire on était plutôt optimistes Louis et mézigue vu que ça fait plus d’un an qu’il ne s’est rien passé de hard dont on a pris l’habitude à force pas le choix là non plus… Aucune voiture cramée pas de combats de rues avec la BAC depuis les descentes de ces messieurs cet été tous les soirs à l’heure de la rupture du jeûne durant Ramadan ramdam comme on l’appelle nous autres… Là ça avait été la grosse provocation et le Monsieur marocain notre voisin nous a raconté à notre retour des vacances que les gros bras de la BAC s’en étaient pris comme c’est le cas à chaque fois qu’ils déboulent dans la tess’ à tout le monde et à n’importe qui les gens très nombreux sur les trottoirs en cette période de fête tirant avec leurs balles de caoutchouc là où jouent les p’tits et provocant la réaction des jeunes à coups de canettes de bière…

Beyrouth.jpg

Mais ce soir c’est drôle on a à la fois l’espoir que ça va bien se passer et à la fois l’intuition que le calme étrange presque bizarre et disproportionné pour un quartier d’ordinaire vivant et animé à ces moments‑là ne va pas durer… Sur le coup d’un peu avant minuit par la fenêtre grande ouverte grâce à la tiédeur de l’air on voit débouler trois camionnettes et voitures des poulagas qui viennent probable nous souhaiter la bonne année on les connaît… Nous comme on est rue de Marseille une des rues chaudes du quartier tout au début de l’entrée de la tess’ côté Enghein et Argenteuil on est toujours aux premières loges pour ce qui est de la baston on est vernis… A peine les premiers cris de “ Bonne Année ” et le tam‑tam des casseroles avec deux ou trois pétards mouillés de feu d’artifice parce qu’il pleut ont commencé à retentir et les habitants qui sont là pas sortis à Paris faire la teuf à se mettre à la fenêtre pour exprimer leur joie et échanger leur enthousiasme que les gaziers descendent de leurs voitures et appellent à rentrer chez soi et à la boucler… 

C’est drôle ça alors l’année dernière ils nous ont pareil interdit de nous souhaiter la bonne année et de manifester notre plaisir d’exister ensemble dans notre quartier en criant de la fermer en envoyant des insultes et des quolibets… Ce sont encore une fois les maîtres du monde qui ne fichent jamais les pieds là où on vit qui décident qui a le droit de faire la teuf aux Champs‑Elisées à Neuilly à Juan‑les‑Pins ou à Nice Promenade des Anglais et pas dans le quartier d’Orgemont ou à La Source hein ? Bon on s’en tape… on continue à crier à chanter à mettre la zik à donf et à s’embrasser dans la rue pendant que la petite pluie fine recouvre la cité de son voile léger et protecteur… Ce qui nous inquiète vraiment c’est qu’à part les poulagas qui font le tour avec voitures au ralenti et une dizaine de gaziers à pieds roulant des mécaniques en plein milieu de la rue de Marseille il n’y a carrément pas un chat dehors une nuit de fin de l’année à minuit dans une cité surpeuplée… Oui c’est ça il n’y a précisément pas un chat… La pluie ? La résignation ? Ou bien les chats ils sont ailleurs en train de préparer une fête à leur façon à tous ceux qui ne se doutent pas que leur règne est bien près d’être achevé ?

Tranquilles on se couche sur le coup de une heure du mat après avoir éteint les bougies de la fête de la lumière et vérifié que rien ne risque de fiche le feu au gourbi car ça crame énormément ces derniers temps par ici entre les apparts pas restaurés depuis 1956 la création de la tess’ qui sont dans un état que vous maginez facile et les boutiques de la rue de Marseille qui sont victimes d’embrasement spontané les unes après les autres… Toujours pas un bruit en bas et on s’endort vite fait et d’un coup brutal je me réveille en sursaut avec dans les oreilles un bruit pourtant familier mais que j’avais un peu oublié celui d’une explosion… C’est tout près pas loin du tout de notre block peut-être le parking en face ou l’autre juste derrière… Boum ! Re boum !… Louis est déjà debout à la fenêtre moi j’hésite entre un cauchemar et remettre les panards dans le réel qui en pleine nuit est soudain plein de bruits… Louis me rassure c’est rien une voiture qui crame sur le parking de l’autre côté on ne voit pas les flammes mais une grande lueur blafarde qui monte au‑dessus de l’immeuble d’en face… une fumée noire et puis blanche et puis des éclats de voix et Boum ! Boum ! Boum !… 

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C’est pas un cauchemar mais il y a une série d’explosions les unes après les autres très rapprochées comme si tout le parking prenait feu et je me dis dans mon demi réveil que c’est drôle d’habitude ça ne pète pas comme ça et ça pue tout de suite le caoutchouc fondu et l’essence… Là ça ne sent pas et ça éclaire d’enfer le ciel les arbres la rue les façades tout autour comme si c’était du phosphore en fusion comme si c’était… Beyrouth ! Boum ! Pan ! Boum ! “ Mais ils vont foutre le feu à la cité c’est Beyrouth !… ” Louis qui en a vu d’autres reste accroché à la fenêtre pendant que dans les blocks autour du nôtre les fenêtres s’allument et que dehors les gens descendent enlever leurs voitures les sortir des parkings les autres reviennent de la fête à Paris ils se croisent et l’incendie crépite comme un fou de joie et les pompiers qui n’arrivent pas… Je suis debout devant l’autre fenêtre pour voir qu’il y a un nouveau départ de feu plus loin de l’autre côté de la cité sans doute un grand panache noir et de petites lueurs orange et blanches et Boum ! Boum !… 

Des explosions encore et encore… on ne sait plus combien et toujours cette immense violente redoutable lueur blafarde qui éclaire les blocks de béton en contre jour et les fait scintiller d’une ombre noire inquiétante… On n’arrive pas à retourner se coucher même après que les pompiers aient commencé à arroser le désastre et que la ronde des voitures de police avec klaxon ou sans traverse notre rue d’un sens et de l’autre dans un tourniquet effaré et incessant… Pour finir on se blottit l’un contre l’autre angoissés par le crépitement qui ne cesse pas et cette vision de guerre qui nous rappelle celle de l’hiver 2005 à chaque fois une guerre qui ne dit pas son nom et qui débouche sur un peu plus de misère et de désarroi… Je me rendors avec bien du mal et sans avoir la moindre notion du temps qui a pu s’écouler je me réveille à nouveau en sursaut même scénario c’est un remake !… Louis à la fenêtre Boum ! et Boum ! cette fois‑ci c’est en face de notre immeuble sur le parking une voiture qui explose et réexplose de notre quatrième on a le feu grandeur nature devant les yeux…

Le bazar recommence il est cinq heures du mat nuit noire flammes rouges orange jaunes lueur blanche Boum ! à répétition comme s’il y avait des dizaines de bâtons de dynamite dans la carcasse incendiée fumée noire épaisse lumières qui s’allument les pompiers enfin ils ont mis du temps ils sont débordés sans doute on a eu peur que ça se communique aux autos d’à côté il y a un monde fou en bas les gens commentent crient enlèvent leur voiture courent partout s’appellent rient les camionnettes de police reprennent leur va‑et‑vient… Boum ! Boum !… je reste à la fenêtre jusqu’à ce que tout soit éteint Louis s’est rendormi épuisé résigné… on n’en parle pas entre nous pas la peine… comment en parler aux autres… ce qu’ils vont dire ce qu’ils vont croire… mais au fond ce que je m’en fous !… Des phrases sans suite se forment dans ma tête et je ne cherche pas à les arrêter… 

Que faire quand on habite à Beyrouth

Quand le présent à toute allure reculeclichy-sous-bois.jpg

Ne nous laissant que la carcasse cramée

D’un temps mort au matin et notre déroute

Que faire quand c’est tout un monde qui brûle

Eparpillant les cendres de notre histoire

La mémoire d’un peuple désarmé

Adorant les dieux qui de lui le séparent

De ses combats et de sa destinée

Que faire quand on habite à Beyrouth       

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