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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

2 avril 2012 1 02 /04 /avril /2012 18:17

Ce texte court que vous avez déjà lu je l'ai modifié  car il pourrait être publié dans le dialogue que nous menons Leïla Sebbar et moi... si toutefois publication il y a... Du coup j'ai revu une partie de ce que j'ai écrit à destination de mes gros manuscrits de récits concernant nos vies partagées dans les cités de banlieue qui eux ne trouveront pas d'éditeur c'est sûr...

J'écris donc désormais pour le vent pour les papillons pour la pluie et le ciel bleu vif du printemps... et pour les lecteurs assidus de notre blog ! Je vous remercie vraiment de me donner une raison de continuer et vous aurez de nouveaux textes ou des textes réécrits sans tarder...


Asikel le fils du coq blanc suiteAgades-rue.jpg

 

Ecoute…

Le mualem le regarde qui prend la piste du Sud celle qui s’en va bien au large de l'oasis… Ziouh ! Avec ses yeux d'eau noire et de khôl qui tanguent Hop ! Hop !  Où il va Asikel le gamin maigre racé pareil que l’éclair fauve de la gazelle dedans sa gandoura pâle ? Où il va ? Il frappe des mots… Tip‑Tap ! Tip‑Tap !  Les mots sont les fils de chaque grain de sable. Qui est-ce qui marche dans les traces des bestioles du désert qui ont fait les transhumances d’un côté de l’autre… Ziouh ! D’un côté de l’autre entre les pattes des chèvres ou des chamelles au milieu des petits de la dernière portée. Le mualem le regarde s’enfoncer à l'intérieur des mamelles des dunes cachées … Ziouh !  C’est lui Asikel qui a posé la rose de sable en haut du cairn qu’il a trouvé au croisement des pistes anciennes qu’on n’utilise plus et qui s’égarent ?

C’est lui qui va à la rencontre des caravanes perdues avec la monture que personne ne voit et qui renseigne les voyageurs ? Les conducteurs des caravanes qui arrivent à l’oasis racontent. Ils ont entendu des appels aux rythmes haletants des tambours de lune et des cymbalettes qui grésillent… Ta ta tatatam ! Asikel… Y a un bâton planté au creux du nombril du vent qui lui fait monter dans les reins et danser jusqu'au fond de la gorge le balancement halluciné des chants ? Asikel ne voit pas le mualem dans l’ombre qui le fixe. De ses quinquets profonds obscurs comme les puits du désert il suit la trace laissée par les nomades… Hop ! Hop ! Dessus les tablettes d'argile vierge il marche ses talons rejoignent les empreintes qui ont creusé la boue ocre rouge des Babel de la Mésopotamie.

Asikel profite des mots inconnus. Ceux qui arrivent qui grignotent les pages la première fois qu’il les entend ils viennent d’ailleurs ? Asikel tord le cou à l'écriture sage du cahier d’école Craou ! Il inaugure des royaumes de sel glacés et l’écume claire fige des troupeaux de fleurs barbouillées avec la poussière d’or… Pfuitt ! Le mualem a deviné à travers la magie des Cités de sable et de sel des cahiers d’Asikel et la fascination des guerriers qui chevauchent les oiseaux géants l'influence du vieux taleb et du coq blanc qui resplendit… Cra ! Cra ! Cra ! Le taleb saupoudre les dunes de l’oasis des brumes de mirages et les images d'enfance des parfums d’épices du secret. Et il greffe à Asikel ses graines de mémoire. Des graines de la terre d'ici des graines d'un pays des graines de grenade sang. 

En tournant les pages du cahier d'école d’Asikel qui n'a pas de père comme les autres mômes de l’oasis le mualem pourrait lire la guerre planquée dessous les tas de dattes endormies de silence et de mouches. Entre les couches de sel qui veillent aux tranches de tomates et de poivrons il y a des Indigènes qui triment aux orangeries qui entassent les cageots d’odeurs et de fusils. Dans les jarres de terre qui ne bougent pas le mualem pourrait lire la guerre en dessous des cils des femmes qui attendent. Et aussi en tournant les pages du cahier d'Asikel qui ne raconte jamais ces choses-là. Et qui raconte seulement l'histoire de l’oasis et de son nom… Ziouh ! Cra ! Hop ! Ziouh ! 

- Asikel... Asikel...

 

Ecoute… écoute…Palmier-Lac-Grabawn.jpg

La mousse froide des murs de l'école indigène grimpe sur les jambes d’Asikel. 

A chaque fois la voix du mualem qui appelle son petit nom… Asikel !… le surprend.

Dans l’oasis il n’y a que les palmiers à la tignasse sèche et les orangers d’amertume mais le mualem décrit les fleuves et leurs eaux tellement vertes et douces qu’on y trouve des poissons aux écailles argent et bleues. Les arbres là‑bas dans le Nord ils ont leurs feuilles qui retombent et se couchent dessus leurs pieds et le courant des fleuves les peigne avec ses doigts luisants.

Ce que ça doit être simple d'avoir des racines ! 

C‘est pour ça qu’Asikel qui bondit de table en table Hop ! Hop !…a inventé l’arbre rouge le palmier et son ventre rempli d’histoires dans le cahier à la couverture de papier rose.

Il aimerait bien Asikel mais ça il le dira jamais à personne même pas au coq blanc son ami que le mualem de l'école des garçons indigènes soit un tout petit peu son père tant pis s’il sait que le mualem n’est pas un homme arabe. En secret il le nomme Abu Yahya. C’est un nom de quelqu’un qui a de la bonté… il pense Asikel. Oh ! juste une moitié de père puisque l'autre moitié c'est le coq blanc. Et il y a aussi le palmier où dégringolent les pierres de foudre quand il frotte le ciel… Raouh ! Raouh ! Ça l'arrangerait bien d’être le fils de tous ces pères ! Une paternité éclatée quoi. Comme ça Asikel l'enfant-gazelle serait une poignée de chaque créature de la terre vivante.

Mais c'est pas possible… il se répète Asikel. Y aura pas d’Abu Yahya et mieux c’est pour tout l’monde hein ? D'abord le mualem il a un garçon c’est Victor en priorité de père du même âge que lui et avec beaucoup de soldats qui prouvent son droit par le sang. Des soldats de plomb drôlement bien armés de fusils et de canons attelés à des chevaux aux harnachements rouges et or des soldats de riches. Ensuite la melma la femme du mualem elle ne tolèrera jamais qu'Asikel soit tombé du palmier dans le ventre de sa mère par les manigances de son homme et les caresses de ses doigts qui sont fins comme des rayons de lumière !

Le palmier rouge est un conteur qui enchante le ventre de la lune. Et Asikel n'a pas de père pour sa mère vêtue seulement de ses cheveux sa mère tout entière à lui qui danse dessus la peau froide de l’oasis la nuit. Sa mère elle fait voler le sable qui neige des étoiles autour du palmier. Sa mère toute la terre tourbillonne Ziouh ! Ziouh ! tourbillonne et les khal‑khal d’argent de ses chevilles tintent au‑dessus de ses pieds légers.

- Eh bien ! Asikel tu veux nous raconter l’histoire que tu as écrite dans ton cahier puisque tu sais faire chanter les mots de notre langue dans ta bouche...

- Oh non ! mualem… non...

Asikel debout au milieu de l’estrade son cahier à la couverture de papier rose serré dedans son poing… Raouf ! Dire non Asikel il n’a pas l’habitude. Un garçon indigène sans père à l’intérieur de l’oasis il fait pas le mariole ! Le mualem regarde avec de l’inquiétude et un peu de moquerie le môme arabe et ses calots de lave noire qui sont les pierres du feu. Asikel debout au milieu de l’estrade qui n'a pas peur de lui.

- Non ?

- Non mualem… non mualem…

Le mualem songe qu’Asikel a juste la voix qu'on prend quand on parle au sable la voix des contes après que les nomades ont quitté la piste le soir pour monter la tente. Il fait bon avant le froid des météores indigo on a allumé les feux qui tiennent loin les chacals. La voix qui conte défie le vide des dunes brûlantes elle trouve le puits avec la pierre couchée dessus. Le mualem songe qu’Asikel est un garçon indigène avec le talent des griots des récitants sur les places des villages dessous le grand acacia et son feuillage bleu un peu gris. Il sait qu’il n’a pas la même patience quand Victor lit en écorchant les mots des récitations. Asikel… à cause du secret du cahier à la couverture de papier rose qu’il trimballe partout le mualem devine qu’il porte en lui la mémoire des griots du désert la mémoire d’un peuple prisonnière.Coucher-de-soleil-Ubari.jpg

Asikel solitaire court au large de l’oasis… Ziouh ! Ziouh ! Il ne le défie pas il s’échappe. Il lui échappe…  Hop ! Hop ! Au-delà de lui qui reste ici enfermé entre les murs blanchis à la chaux de la maison d’école et si ça lui prend de s’aventurer le spectre blafard lui plaque aussitôt la sueur sur le dos entre la chemise et la peau comme une écorce mauvaise. Impuissant malgré les guerriers de plomb de Victor et toute leur armée qui a envahi l’oasis il y a longtemps le mualem la main au‑dessus des yeux observe la boule de plumes qui se déploie insaisissable. Grande et sauvage fuite radieuse hors d'atteinte… Ziouh ! Le mualem a pensé un instant qu’il peut briser cette volonté d'argile de sang et de pépins de grenade. C’est facile. Il suffirait… 

Le mualem qui a pas mal bourlingué au milieu des populations et des tribus a pigé qu’ici l'épervier le meilleur chasseur celui que le rajoul au burnous blanc qui les dresse vendra très cher au prince venu du Yemen exprès ne se laissera pas capturer dans le cercle jaune de son vol… Craou ! Sauf si un jet de fronde jailli on ne sait d’où le condamne à mort il ne capturera pas l'âme d'épervier d'Asikel ! Bien plus haut plus haut que le soleil… Ziouh ! Ziouh ! Asikel il se tait. Il y a une raison plus forte que sa vie plus grande que le palmier rouge qui enchante la lune. Une raison plus profonde que sa bouche derrière le voile de son cri. Le cheich indigo qui le protège des étincelles de sable bâillonne ses lèvres. Le mualem le sait Asikel ne parlera pas. Et la mousse froide des murs de l'école le sait et le coq blanc le sait. Sous la torture le mualem se dit qu’Asikel ne parlera pas… Craou !

Les autres mômes indigènes croient connaître par avance le dénouement ils épient la proie du mualem qu'ils n’ont pas pu avoir fragile et démesurée avec la convoitise du chacal. S’ils la choppent… Raouf ! Il faut des rites sacrificiels pour renouveler l'alliance des dieux et des hommes hein ? Personne n’est capable de se moquer des dieux de leur rire au nez. Non personne. Asikel lui il n’a pas peur des dieux et pas peur des hommes ! Ça finira mal ! C’est forcé on connaît l’histoire. Y’a que les victimes qui acceptent de jouer leur rôle qui sont bien vues chez les colons et les petits maîtres. La victime indigène elle emporte dessous le burnous la souillure et le remord… Yalla ! C’est tout bon ! Quand la fleur écarlate au fond de sa gorge éclate c’est l'innocence garantie des porteurs de couteaux !

Mais les mouches tournent vrombissent couinent… Chuitt ! Chuitt !… autour de celui qui se débat dans la luisance des fers. Han ! Sous la crue de cailloux bouillants… Han ! Face aux lacets d'acier sur les poignets… Han ! Une grande nuée de mouches comptables de la saleté qui suinte des pierres glacées des dalles des caves raclées par les pieds des esclaves rebelles et des bestioles des abattoirs… Chuitt ! Chuitt ! Et dehors en plein soleil de l’oasis la lumière asperge de paillettes roses bleues vert pomme les lèvres des garçons arabes qui attendent la mise à mort. La lumière elle constelle les gandouras elle rassure les tas de dattes de son tapis épais de laine. De ses pieds d'oiseaux elle tasse les couches de tomates et de poivrons salées jusqu'à ras bord. Et elle piétine Tip-tap ! Tip-tap ! C’est plein de frelons de neige dans les oreilles.femme-touareg-au-puits-1.jpg

 

Ecoute… écoute…

Le mualem il connaît une partie de cette l'histoire que les vieux Arabes se racontent en mâchonnant la chique sur la place du village la djemaa alors il se laisse prendre avec Asikel. Il épluche les pages du cahier d'écriture à la couverture de papier rose. Ça y est il se perd au creux d’un monde minéral avec des arbres morts qui dégringolent en poussières de silice et de mica doré ! Et Hop ! Ils refourguent leur armure de coquillages creuse aux bracelets mouvants des reptiles… Et Hop ! Les traces du fennec qu’on ne voit pas elles le disent encore : le chemin il n’est qu'à l'intérieur de soi-même…

Au milieu d'une page Asikel a écrit sous la dictée du coq blanc… Les dunes aux pieds qui marchent frapperont aux portes des mechta… elles jetteront leur œil de sable jusqu’aux terrasses blanches… elles passeront la porte el Bab… Hop ! Hop ! Hop !… Elles sauteront par-dessus la margelle du puits… elles couperont la langue du kanoun… Craou !… Alors on s’en ira sur le dos des petits ânes… C'est comme ça que le pays des dunes redeviendra le pays de la pierre d'Anu le pays de la pierre tombée du ciel… Et la première Babylone rayonnante effacera les traces de notre exil…

Asikel attend le châtiment qui ne va pas tarder le mualem il a l’habitude avec les mômes indigènes il se laisse pas faire ! Asikel il attend et il tâche de rester digne. Depuis que le taleb lui a causé et aussi à cause du coq blanc il n’a plus peur. Oui c’est ça la peur elle est partie de son corps on dirait… Han ! Le mualem a refermé le cahier à la couverture de papier rose.

‑ Asikel… tu peux nous expliquer comment on récolte le miel des ruches tronc ?

‑ Oh oui mualem !… c'est très facile !… D'abord y faut aller ramasser toute la paille qu'on peut trouver dans les champs après les mains des femmes et avant que les ânes qui mâchent tout ils soient passés par là… Ensuite y faut en faire des petites touffes qu’on tord et on y met le feu parce que la fumée elle endort les abeilles… et là on peut y aller… Dans la bouche d'Asikel l'oiseau parlait… parlait... Ziouh ! Cra ! Hop ! Ziouh !

- Arrête mon fils !… arrête avec cet oiseau que tu as dans la bouche… Elle disait la mère d'Asikel en frappant ses mains l’une contre l’autre et en secouant les khal‑khal de ses chevilles… Arrête ! tu me fais mourir… 

Et Asikel parlait… parlait... Mais c'était juste le chant de la flûte qui endormait les rats pendant que le coq blanc boule de plumes ardente volait volait plus haut que le soleil plus haut que le rêve des hommes penchés au dessus de la terre.Dune-rouge-Tadrart.jpg 

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