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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

20 décembre 2007 4 20 /12 /décembre /2007 23:56

Jeudi, 20 décembre 2007   Petites histoires de Noël          Dans notre autobus des brousses le 154 y a des tas de gens qui racontent des histoires et il suffit juste de les écouter pour avoir le récit merveilleux de la banlieue dans les esgourdes et c’est magnifique pour une fille comme moi qui tient une vague chronique de nos cités de banlieue comme vous savez… Cette fois-ci il s’agit d’une petite histoire très simple mais qui m’a paru tellement chouette dans ce chaos d’affaires un peu sordides un peu vraiment très loin de nous dans nos repères des quartiers et de toutes celles et ceux qui n’sont pas forcément pétés de tunes comme disent les gamins pour acheter c’qui est étalé sous leur nez et qu’les autres rapportent plein des sacs et des sacs dans nos transports en commun je les vois je les regarde et y me font doucement rire comme ça…

         Mais que je vous raconte !… C’était un de ces jours juste avant les grands froids et j’attendais avec les autres gens de la cité celle que vous connaissez bien maintenant notre cité d’Orgemont à Epinay à l’arrêt du bus qui nous emmène tous ensemble direction St Denis et puis La porte de Paris tout ça vous savez je vous en ai déjà tant causé et de notre gros animal des brousses pareillement… Donc j’attendais et on attendait ensemble et y avait là au milieu de tous les manteaux pulls parkas écharpes bonnets boubous sous anoraks casquettes de laine sur keffieh gros gants sur doigts gelés le monde habituel que j’aime bien observer juste pour le plaisir de se dire que c’est avec ces gens-là que je vis et que ça me botte trop !

Plusieurs dames blacks que j’ai repérées de vue probable des agents d’école qui sont des familières de l’ami Louis qui travaille avec et moi aussi elles me saluent quand on se croise qu’on est ensemble elles savent sans que Louis leur ait dit qu’on est en bonne amitié… Bonjour comment ça va ? Ça va… ça va… et toi ça va ?… Et comme ça on se cause on se prend les nouvelles on s’échange les mots de l’existence pas facile tous les jours à l’intérieur de la cité ou d’ailleurs mais on s’apprécie bien et on est contents de se l’dire pour sûr… Notre autobus du coup il s’radine grognon et tout c’est son habitude et on saute dedans en vrac et on s’installe comme çi comme ça les dames qui se connaissent pour palabrer et moi devant obligé pourtant j’aime mieux la place au fond celle en rond mais c’est complet !

De l’autre côté de l’allée pendant que notre animal mal embouché rechigne à démarrer et que le conducteur qu’j’ai encore jamais repéré c’est un jeune sans doute originaire maghreb il met la zicmu assez fort qu’on en profite du bon rapp style IAM c’est extra !… ouais de l’autre côté de l’allée y’a une dame que j’ai pas remarquée d’abord une personne comme moi c’est-à-dire une Gauloise quoi… Pourtant elle a l’allure que tu n’passes pas à côté avec un air de ceux que j’kiffe le plus d’être tombée de la lune une sorte de maladresse gentille et poétique entre le Dalaï Lama et le Petit Prince vous voyez ?…

La dame elle ne s’assoit pas d’abord elle se balance d’un bord de l’autre avec les cahots de l’autobus dans les trous du tamanoir sur la piste et dans son manteau couleur d’un vieux rose très class on voit que son bras droit est cassé ou il est foulé tenu en bandoulière donc à gauche elle trimballe un gros sac de commissions qui pour l’instant est archi flasque vide dévasté par le rien vu qu’elle est dans le sens d’y aller… aux commissions vers l’Epicentre tout le monde connaît à trois arrêts de là… Elle cahote balade et finit par manquer de se ramasser et son p’tit bonnet de laine blanc suit le mouvement sur ses longs cheveux d’un rouquin clair avec des nuances cuivre et or qui sont pas des teintures malgré son âge 65 ou plus elle a pas de cheveux blancs elle est plutôt pas mal du tout et je mate aussi que ses yeux ils sont clairs peut-être bleus…

Près d’elle y’a une dame black assez forte et toute vêtue d’un tailleur rouge qui donne à se peau une couleur chocolat clair et ambre magique avec une coiffure pour sortir c’est clair ses mèches relevées sont tenues par un peigne où y’a des tas de p’tites étoiles de couleur c’est chouette ! elle s’est assise normal quand le bus a démarré et l’autre lui donne le tournis alors elle lui fait signe de la main qu’elle arrête qu’elle vienne s’asseoir en face d’elle y’a la place de libre… Ouf ! ça y est elle s’assoit et de suite comme si elles se connaissaient y’a des années elle lui parle avec le tutoiement et le ton familier :

- Aujourd’hui j’suis contente… c’t’une bonne journée parc’que j’travaille pas depuis que j’ai le bras foulé et même pas aujourd’hui et alors j’ai ramassé une chaîne… juste à côté c’est une villa ils l’ont mise à la porte… y’a tout juste une baffle qu’est décollée Oh ! c’est rien… C’est bien hein ? C’est mon cadeau d’Noël d’l’avance !…

La dame en rouge lui sourit et lui répond tout pareil :

- Ah bon ? et ça fait longtemps qu’c’est comme ça ton bras ? Tu fais quoi comme travail ?…

- Oh oui ! ça fait trois semaines mais ça s’répare pas vu qu’c’est un accident à cause d’mon travail… Et donc j’ai les antibiotiques mais ça empêche pas que j’dois aller à mon rendez-vous du gynécologue et c’est là qu’j’ai trouvé la chaîne à la porte et j’l’ai montée chez moi c’est une Sony… c’est bien ça hein ?… Elle marche mais pas la cassette mais la cassette j’m’en moque c’est pour la radio qu’j’l’lai prise…

La dame black assise en face de moi écoute discrète la conversation sans regarder du côté de la dame au manteau rose mais cette histoire de chaîne trouvée dans la rue a l’air elle aussi de l’intéresser et bientôt on est quatre ou cinq à faire forum au milieu du bus et à approuver les réflexions sans savoir de quoi on parle vraiment mais c’est ça qui fait une vraie conversation improvisée… c’est presque une pièce de théâtre notre discussion avec l’autobus des brousses pour décor et la musique Hip-Hop comme fond sonore avec le jeune chauffeur qui nous regarde dans son rétro géant l’air amusé…

- C’est quoi ton travail alors ? elle redemande la dame blacks vêtue de rouge…

- Oh ! c’est des ménages et du repassage aussi mais avec le bras là je n’peux pas… elle montre sa main prise dans une sorte d’attelle métal bleue… mais la chaîne j’l’ai dérouillée malgré ça j’suis contente alors !… y’a qu’la cassette et la baffle… rien du tout… ils l’avaient mis dehors… pour sûr qu’c’est pas des gens comme nous… moi j’men moque je vais faire Noël à ma façon…

- T’as bien raison… elle lui répond la dame black habillée de rouge… mais ces gens ils sont à plusieurs familles qui vivent ensemble dans la maison là… celle que tu dis… c’est celle qu’est près du Sentier des Lièvres non ?… c’est pas des Gitans ? Moi aussi j’avais l’faire Noël même si j’suis seule d’abord les hommes on n’en a pas besoin on est tranquille au moins et puis si on a envie d’s’amuser on peut…

- Oui qu’on peut moi c’est c’que j’me dis… d’abord là comme vous me voyez je vais à mon rendez-vous du gynéco et après je rentre pour essayer la robe de soirée que j’me suis achetée l’autre jour… j’l’avais vu au magasin et j’me suis décidée parc’qu’on n’va pas faire la fête sans avoir quelque chose de beau hein ? Elle est bleu turquoise ma robe de soirée avec des paillettes et les chaussures aussi… c’est joli bleu turquoise hein ? Elle demande l’avis de la dame black tout en rouge pendant que l’autobus ralentit et s’arrête à Suger le dernier arrêt avant de prendre la direction de Porte de Paris après le Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis…

- Vrai t’as bien raison faut s’acheter des belles choses quand on est une femme pas s’laisser aller ça non !… elle regarde l’autre en face d’elle avec une sorte d’affection tendre et elle va ajouter quelque chose au moment où l’autobus est sur le point de démarrer sa grosse carcasse métal qui couine de partout elle se précipite sur la porte en riant d’un coup comme si c’était une bonne blague…

- C’est là que j’descends oh la la !… j’ai failli l’rater… au ‘r’voir tout l’monde !…

On reste à quatre avec une autre dame black qui nous a rejoint et qui s’assoit à la place de la dame en rouge pendant que le personnage principal de notre histoire reprend son récit et que le chauffeur du bus monte encore un peu la sono de sa musique endiablée…

- C’est une robe bleu turquoise et les chaussures aussi… c’est très joli moi j’aime le bleu et puis d’toute façon mon mari il m’aurait rien payé pour Noël alors j’me l’a suis achetée moi-même… Faut pas attendre qu’les autres y nous fassent plaisir… hein ? Elle nous regarde toutes et on lui confirme qu’elle a bien raison tout le monde rit dans le bus et se mêle à la conversation en faisant : oui ! oui ! c’est vrai ça… faut pas attendre…

Au moment où notre autobus des brousses s’arrête brutal à Denfert-Rochereau et embarque quatre contrôleurs que personne ne regarde notre héroïne s’est levée et elle mime avec des petits mouvements souples en faisant attention à son bras immobile une danse dans la belle robe bleu turquoise pailletée argent et tout le monde rit avec enthousiasme pendant qu’un des contrôleur dit au jeune chauffeur de baisser la musique… ils nous regardent comme si on était des oufs leur tendre nos cartes nos billets l’air ailleurs… pour une fois il arriveront pas à nous gâcher la fête… notre fête des transports en commun…

- Mon mari il s’en moque d’ma robe bleu turquoise alors moi j’ferai la fête pisque ça m’fait plaisir hein ? j’ai pas raison ?…

La dame black en face d’elle confirme :

- Bien sûr qu’vous avez raison faut s’faire plaisir sinon ça sert à quoi la vie ?…

Les contrôleurs ont trouvé un jeune garçon black au fond du bus qui a pas de billet et ils l’entourent à quatre ils le font lever et se mettre contre la paroi du bus dans le coin des poucettes pour le contrôle des papiers ils le touchent presque…

- Moi je mettrai ma belle robe bleu turquoise et mes chaussures aussi… je n’les ai même pas payées cher du tout… c’est pour Noël et je suis contente… contente…

Notre autobus des brousses s’arrête au terminus pendant que tout le monde continue à parler de la fête et que la dame dans sa robe bleu pailletée argent et ses escarpins tournoie au milieu de nous ses longs cheveux roux ont pris la couleur dorée des flammèches des bougies de la fête… c’est la fée de la cité et le jeune chauffeur du bus lui prend le bras pour l’accompagner d’un air ravi il a monté le volume de sa radio à fond et les regards furieux des contrôleurs ressemblent là-bas très loin à des masques de carnaval qu’on brûle et qui retombent en une poussière de cendres fine qu’on chasse d’un geste de la main… 

   A suivre...

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