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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

8 septembre 2007 6 08 /09 /septembre /2007 01:04

                          C'était des nuages pour commencer

Ho Ho Ho Ho Chi Min !… Che Che Che Guevarra !…

Ecoute… écoute…

Elle a eu 12 ans en 1968… dans l’été de 1968… Le terrain vague où elle jouait avec les mômes arabes les garçons et les filles pas mélangés alors qu’au collège oui d’un coup il fallait savoir se défendre…

Le terrain vague c’était leur désert rempli de collines fabuleuses de pavés… d’entassements de poutrelles métal… de fers à béton torsades rouillés… de déchets des chantiers qui s’entassaient derrière les palissades de bois peintes qu’on écartait alors facile… Notre terrain vague ce printemps-là il s’était vidé de ses pavés que les plus grands et d’autres aussi tous chevaliers des nuits argentées de la banlieue venaient prendre pour construire des barricades… et allumer tout en haut des brasiers magnifiques…

Les barricades de ce temps-là qu’elle a jamais vues sauf plus tard sur les photos noires-blanches des papiers journaux… les barricades et leurs feux de joie du printemps de 1968 elle les entendait comme une fête crépiter dans ce que son corps de jeune ado découvrait d’une sensualité dont les filles étaient privées… C’est interdit ! Interdit !…

Mais pour elle ça bougeait déjà… les bruits nocturnes… les pas des ouvriers aussi qui partaient travailler tôt… les couleurs incendiaires féeriques et angoissées bleues-noires… et puis les odeurs… les odeurs surtout… tout son univers d’enfance explosait et prenait définitif la piste d’une liberté pas croyable…L’odeur des feux dans ses cheveux… les feux de la fête dont les étincelles leur venaient de loin quand elles larguaient le collège sa copine Ariane et elle après avoir passé des journées solaires où des milliers de choses inconnues un ou deux mois avant les percutaient en plein vol…

Ariane qui avait des ailes de libellule et qui ne marchait jamais autrement qu’un peu au-dessus la regardait incrédule tagger sur la musette militaire au stylo feutre black le visage du Che dont les images dessinées à l’encre de Chine par les grands sur des bouts de papier circulaient comme celles de l’Oncle Ho mais c’était lui qu’elle préférait parce qu’il était jeune et que l’étoile sur son béret en faisait un être jeune pour toujours…

Ho Ho Ho Chi Min !… Che Che Guevarra !…

Ariane n’avait peur de rien alors qu’elle si mais toutes les deux ensemble elles se donnaient la force et l’audace à ce moment où les choses arrivaient et bousculaient tout ce qui les avait enfermées dans l’ignorance jusqu’ici…

Ariane n’avait peur de rien et l’odeur âcre de l’encre mêlée à celle des feux de la fête au loin la faisait rire alors elle passait son bras autour de ses épaules et elles se promettaient qu’elles garderaient toujours la mémoire de cette époque de leur adolescence et de la joie qu’elles avaient partagée avec les autres même si les ravaleurs de rêves feraient tout pour qu’elles oublient…

C’est interdit !… Interdit !…

L’odeur des feux dans ses cheveux… les feux de la fête où on brûle les épouvantails du passé bourrés de paperasses inutiles et lourdes… lourdes… L’odeur elle l’a gardée longtemps à l’intérieur du pull-over qu’un jeune garçon qui surveillait les portes du collège où maintenant on n’entrait plus… lui a jeté en éclatant de rire… ses yeux comme deux iris de chats topazes allumés alors qu’elle le regardait fascinée pendant que son père qui l’avait accompagnée haussait les épaules…

L’odeur des feux de la fête qui remontait sous sa jupe plissée à carreaux ici dans le pensionnat Stalag… l’odeur gourmande de la vie dehors avant au creux du pull-over bleu délavé… elle dormait enroulée dedans et il ne la quittait pas… Le jeune garçon aux cheveux très longs… on aurait dit une sorte de dieu païen impertinent et fou avait répondu à son père qui demandait si on pouvait entrer en la fixant :

- Non… on entre pas… la vie c’est dans la rue maintenant…

 

Ho Ho Ho Chi Min !… Che Che Guevarra !…

L’odeur du feu… le pull-over délavé bleu à même sa peau qu’elle ne lave jamais… l’eau à l’intérieur du box badigeonné gris elle est froide comme un vêtement de mort… Le lavabo émaillé blanc en face de son lit en ferraille black lui sert juste à pisser la nuit sous la lumière violet qui teinte tout et qu’on oublie pas de la veilleuse et devant les deux petits yeux luisants jaune citron comme les billes de Tom qui la regarde avec de la bonté et de l’indulgence…

Et l’odeur du feu des pommiers qu’ils avaient abattus qu’elle allait renifler en douce juste pour se souvenir du jardin de son grand-père et de l’odeur de Mai…

C’est interdit !… Interdit !…

Avec Ariane elle courait aussi pour la première fois dans les rues des quartiers qui ne ressemblaient pas aux siens… Ariane qui préférait les filles passait son bras autour de son épaule et elle l’entraînait en direction de ses territoires familiers où parmi les jeunes étudiants de Mai qui échevelaient les rues elle espérait toujours voir surgir les deux iris de chat topazes allumés du garçon qui lui avait jeté dans un éclat de rire le pull-over bleu délavé…

Ariane préférait les filles mais elle s’en moquait bien vu que son corps était claquemuré au fond des geôles de l’enfance pour longtemps… C’était plus facile et son allure androgyne la protégeait de la violence des garçons de la cité et de leurs jeux cruels qui la fascinaient… Alors elle échappait à l’étreinte légère d’Ariane et elle retournait traîner du côté de la boucherie musulmane avec Tom le vieil ours râpé dans la musette militaire et elle ramassait de longues bandes de papier de boucherie d’un blanc ocre sale juste avant le sang…

Ecoute… écoute…

Elle a eu 12 ans en 1968… dans l’été de 1968… le terrain vague où elle jouait résonnait des pieds de centaines de chevaux qui s’en allaient vers le Nord… enfin il lui semblait… vers le Nord et aussi vers l’Est tout comme elle bientôt qui débarquerait à la gare de Nancy au milieu des cohortes de jeunes militaires et ni les chevaux ni elle ni eux ne savaient c’qui les attendait… direction les abattoirs… stalag Notre-Dame ou Berlin… Clic-clac !

 A suivre...

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