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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

10 juillet 2007 2 10 /07 /juillet /2007 23:25

                                               Petites chroniques

Mardi, 10 juillet 2007 Et maintenant on en est où ?

                  Eh bien voilà ! En plus de la catastrophe qui nous est tombée dessus y a pas loin de deux mois maintenant et pourtant on avait fait tout ce qui était possible comme danses de désenvoûtements et bonnes cérémonies tam-tams à l’appui avec nos musiques qui font frissonner le ventre des arbres dans nos cités de banlieue pour l’éviter mais c’est arrivé… et là alors on se rend compte qu’y a encore pire c’est vrai… Ouais contrairement à ce qu’on croyait la bêtise informe et plâtreuse qui nous a collé son masque partout sur nos rues par grosses plaques de haine verglacée où on dérape oups ! c’est pas le fond on peut aller plus loin qu’un été pourri par les meneurs de chevaux libres et insouciants direction les abattoirs…          

             Après les abattoirs donc où tout ce qui ressemble à la banlieue rouge et à sa gouaille bon enfant et rebelle est poussée en tas pêle-mêle par les adorateurs du nouveau veau d’or purificateurs de pensées singulières et solidaires qui font qu’on a même peur d’aller prendre la fraîcheur du soir pourtant bleu de la banlieue à cette époque de l’année au bord du lac d’Enghein… on n’sait jamais des fois qu’ils aient creusé des pièges dans les trottoirs pour n’plus nous voir autour de leurs jolies villas nous les vieux des sixties et nos bandes de jeun’s des cités… y a l’enfermement dans la pluie d’banlieue pour cause de pas de sous…

Après les abattoirs nous voilà pris dans la mousson qui rend la vie à l’intérieur de la cité encore plus rude sans le soleil que les gens du Sud guettent chaque été comme une grosse pièce d’or à partager et dont tout’l’monde a la même quantité du côté des villas chics ou des HLM… Ouais c’est sûr… la zermi c’est moins glauque avec le camarade soleil pour se vautrer lézards des sables qu’on est sur les p’tits coins d’herbe qui nous restent et là pas d’interdits vous pensez ! S’agit pas des pelouses du Jardin du Luxembourg où les planqués amateurs d’herbe fraîche se font siffler par les vigiles et remettre au pas cadencé…

Donc plus de merguez parties le dimanche avec l’odeur rassurante complice du thé à la menthe quand tu le renifles c’est comme si tu l’buvais tous les gens des cités vous le diront… Et pas lerche non plus pour l’instant de départ au bled les voitures bourrées à exploser des cadeaux qu’on apporte à la famille là-bas et aussi des affaires pour tout l’monde deux mois c’est long… c’est un grand voyage faut pas croire… C’est ça aussi la vie quotidienne dans les cités d’banlieue y a des rituels que j’vous raconte comme je peux pour que vous ayez l’impression d’assister de même… C’est important pour nous autres les rituels comme le remplissage bourrage des autos direction le Sud et vas-y c’est la bonne aventure qui commence pour les p’tits surtout qui n’sont encore jamais partis…

Sur les parkings bitume blues à cette période de l’année c’est la joie et toute la famille participe à l’opération jusqu’au plus p’tit de trois piges qui trimballe ses choses à lui… c’est sacré ces départs-là comme une géante transhumance heureuse… Nous autres qui ne partons pas ou si peu on les regarde avec envie l’ami Louis et moi et on écrit dessine leur histoire qui donne à la nôtre plus de sens vu que de lieu où retourner on en a pas lerche… Ouais… ça fait bien réfléchir quand on y pense et d’écrire c’est d’abord de n’pas le perdre tout à fait définitif le sens du fil qui se défile entre nous comme on le voudrait… Alors moi il faut que je me tarabuste à le retrouver le fil de ce que je voulais vous raconter au départ dans ces petites chroniques et qui se tire… se tire…

Donc cette année les rituels de l’été ils se débinent les uns après les autres et ça aussi ça fait perdre les repères qu’on a du mal à préserver… ceux qui nous gardent que ce quotidien qu’on vit ici soit quelque chose de tout à fait insensé… Sans les rituels qu’on partage comme le départ au bled l’été… le mois de ramadan… les pétards et les feux d’artifices au dessus du Lac d’Enghein que toute la cité se précipite pour regarder des heures à l’avance le jour de la révolution… et tant d’autres il ne reste que les choses brutes qui font des rapports brutaux entre les êtres sur un espace trop étroit pour pouvoir réfléchir et d’abord y a pas le miroir à cet effet… ni la place pour… On la le museau dedans sans répit nous autres les frottements de l’existence au quotidien… à force on n’voit plus la chance que c’est de vivre ensemble… Et ça y est voilà que je l’ai encore perdu le fil de mon histoire…  

L’année dernière je n’sais pas si vous vous souvenez mais à c’moment-là de notre été où on s’retrouve tous dehors dans les banlieues parce que nous autres on aime bien vivre sans les murs qui déjà le reste de l’année nous font ghetto c’était la grande chaleur redoutable qu’on ne savait plus où traîner nos corps sueur c’était trop !… Avec l’ami Louis on avait eu la seule idée potable pour n’pas mourir d’étouffage et de séchage vu que dans l’appart au quatrième sous les coups de pattes du camarade soleil justement… le même qui veut rien entendre de nos appels tam-tams aujourd’hui… il faisait dans les 36 degrés avec les deux ventilos mais ils nous ont posé la verrière au-dessus qui transforme les escaliers en four plus tu montes… ça aide… alors on allait chaque jour du côté du Parc Floral à Vincennes se coucher sous les jets d’eau qu’arrosaient l’herbe qui a bien de la veine…

Hier lundi en rejoignant l’arrêt du 154 notre autobus des brousses sous l’averse qui se déversait sur nous pour mieux donner aux grands arbres maîtres de notre territoire de la cité comme les dieux païens magnifiques qui ne nous ont pas abandonnés la force qui nous manque à nous qui perdons de plus en plus le sens de la tribu et de ses rituels festifs et solaires… j’ai croisé le vieux bonhomme aux chats du rez-de-chaussée à quelques numéros pas loin de notre hall qui sautillait sous la flotte en tentant de protéger sous son Kway qu’il avait bouclé jusqu’aux yeux sa baguette de pain blanc celle qui est pas chère du mouillage…

- C’est pas possible… pas possible… il a grogné en me voyant rigoler à nous mater tous foncer comme des rats de poubelles qui cherchent à éviter la troupe des greffiers prêts à se les renvoyer pareil à des billes de poils juste pour jouer… c’qu’on va dev’nir ?…

Lui il ne bouge pas d’ici bien sûr que ça soit l’été ou pas… il boitille au milieu de ses matous qu’il nourrit devant son gourbi entre les petits arbustes ils ronflent au milieu des cartons et ils se coursent sur les branches des arbres faut voir… c’est une féerie de funambules blancs et noirs qu’on reluque au passage c’est magique !

- Y’a qu’à attendre la fin d’la semaine… je lui dis au passage pour l’encourager… c’est la fête de la révolution alors normal y va faire beau c’est les tam-tams qui l’ont dit !…

- La flotte je m’en fous… qu’il me répond tac au tac… il est bien le seul alors… c’est la baguette !… La baguette ils vont l’augementer !…

 Et Hop ! hop ! il continue en sautillant vers son hall et il me laisse avec cette nouvelle qui me prend à rebrousse poils pendant que l’averse qui devient rapide un déluge commence à traverser mon blouson et que je cours comme tout le monde vers l’abri bus s’il est pas déjà rempli comme une poubelle j’ai de la chance…

A l’intérieur du bus qu’est vide pour une fois c’est miracle tout le monde par ici a disparu sous la terre ma parole je retrouve le fil de ce que j’étais en train de ronchonner sur les averses tempêtes ouragans arbres arrachés au milieu des rues qui doivent bien avoir un rapport avec l’atmosphère complètement polluée dans les banlieues qu’on sent sur la peau qui nous brûle dès qu’y fait chaud comme l’année dernière justement… le fil que j’ai reperdu aussi sec avec la phrase du papy aux chats : « … la baguette ils vont l’augementer… »

Il se trompe c’est sûr il a dû mal comprendre ce qu’a dit le boulanger marocain qui augmente jamais ses prix pour pas qu’on aille tous acheter le pain mauvais et traficoté pire que pire des surfaces super macquées et parce qu’il sait lui vu qu’il crèche entre les murailles béton de la cité ce que c’est que le pain pour les gens qui en ont pas… Qui en ont pas des vacances ni des sous pour payer les commissions dès le 15 du mois… Louis il les observe dans la super surface où il fait ses courses après le turbin comme tout l’monde qui achètent des dizaines ou vingtaines de baguettes pas chères pour mettre au bac congélo et manger ça avec la confiture premier prix quand la fin du mois se pointe…

Ce sont les mêmes qui remplissent le caddie avec les paquets de céréales prix éco et les briques de lait sur stérile pas un microbe et pas rien du tout dedans qui vive… ça calle drôlement et quand tu en a pris un gros bol avant d’aller au pieu t’es prêt pour l’endormissement sans problèmes… C’est sûr que l’ami Louis depuis qu’en plus de crécher dans la cité y a 10 piges au moins… il s’est retrouvé changé de secteur pour son job qui consiste à s’occuper des agents des écoles avec par hasard l’héritage des écoles de la cité… il en connaît un bout sur l’existence précaire des gens… Il pourra bientôt entreprendre d’écrire la suite du bouquin de Bourdieu « La misère du monde »… la sociologie de terrain y’a pas mieux…

Donc l’année dernière à c’t’époque de juillet on rentrait le soir un peu moins cuits que les autres sur les trottoirs macadam blacks surchauffés et on retrouvait avec bonheur les spectacles qu’on n’voit que dans les pays chauds c’est forcé… En bas des blocks les Africains qui sont pas du tout dérangés par le fait de dormir dehors vu qu’en Afrique avec la chaleur autrement tu peux pas… ils avaient sortis les matelas sur les rectangles d’herbe pas encore cramée autour des escaliers et ils jouaient aux échecs allongés dans leurs boubous de toutes les couleurs qu’on veut sous les arbres jusqu’à ce que ça soit l’heure du dîner et des fois ils restaient tard la nuit à discuter et à rire dans les langues du Sud qui ont des sonorités comme les musiques qu’on aime entendre…

Une fois en bas de notre escalier deux vieux Maghrébins assis sur les blocks béton à côté des marches avaient installé des cageots table basse une sorte de meïda couverte d’un p’tit tapis tissé de motifs kabyles très jolis avec la théière les verres à thé décorés bleu outremer et doré et l’un des deux versait le thé comme les Berbères touaregs du désert leurs longues mains brunes et fines encore magnifiques malgré l’âge et les travaux rudes des usines…

Une scène ordinaire mais vu le contexte c’était un autre rituel qui évoquait tant d’images depuis des années que je fréquente les écritures des écrivains du Maghreb que je me suis arrêtée pour regarder et celui qui servait m’a dit comme une excuse : «  … c’est comme ça chez nous… » Il ne pouvait pas savoir que cette phrase-là je l’ai entendue si souvent que je l’ai notée dans mon premier petit bouquin publié y a dix ans et de l’entendre à nouveau c’était la fête à l’intérieur de ma tête pour des jours et des jours…

Ouais… l’année dernière à cette époque parce qu’il y avait la chaleur qui faisait ressembler nos villes surpeuplées à celles de l’Afrique et que les habitudes alors elles se libèrent de leurs morales fabriquées par les autres… de leurs interdits lourds et graves à mourir… de leurs cloisons étanches qui nous séparent comme des fils barbelés alors qu’on vit ensemble depuis plus de 50 piges… on retrouvait la simplicité de nos rapports humains et c’était bon…

Ouais… l’année dernière à c’t’époque on avait pas tatoué sur notre peau blanche les lettres IN imbécillité nationale et Tiken Jah Fakoly ne chantait pas encore : « Ouvrez les frontières !… » mais c’était pour demain et nous on ne se doutait de rien… Et maintenant on en est où ?…

 A suivre...

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