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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

1 septembre 2006 5 01 /09 /septembre /2006 01:32

Jeudi, 31 août 2006

Lettre à une amie

Aujourd’hui c’était vraiment un très beau jour d’été… Un jour avec de ces ciels bleu turquoise aux rebords indigo comme ils étaient encore purs et légers dans mon enfance… Les ciels de banlieue de mon enfance je m’en souviens avaient de ces nuances-là et ce sont eux qui m’ont donné le goût pour les couleurs après…
Aujourd’hui j’ai eu 50 berges et j’aurais aimé que ça ne m’arrive pas, que ça se passe ailleurs et que ça soit l’affaire de quelqu’un d’autre mais pas moi… L’été ça a toujours été une grande fête des couleurs et de la lumière insensées et le peintre Vincent qui les peignait tellement bien alors qu’il venait d’un monde d’obscur n’était pas un être solaire… La nuit étoilée c’est lui tout entier et c’est moi aussi en train de regarder mon ciel de banlieue d’enfance le premier et des tas d’autres ensuite… et celui d’aujourd’hui encore…
Aujourd’hui j’ai 50 berges et j’aurais aimé que ça ne m’arrive pas… pas dans cet été de feu et de cendres… pas dans cette année d’incendies et de menottes passées aux poignets des enfants… pas dans ces années aussi lourdes que des poings de plomb écrasant nos rêves… nos rêves des années 75-76 alors j’en avais 20 et ils étaient taillés dans de petites statuettes de turquoise aux facettes indigo que nous offrions aux gens contre un peu de monnaie sur les marchés du Sud… nous étions des enfants solaires nous qui venions de banlieues obscures…
Aujourd’hui j’ai 50 berges et j’aurais aimé que ça ne m’arrive pas… qu’il y ait toujours devant nos pas les traces des pinceaux de Vincent au cœur de la lumière atroce de l’été dans le Sud à midi et ses soleils qui éclatent comme nos rêves à cette époque où nous tâtonnions entre l’ombre et la lumière… qu’il y ait toujours loin devant nous des champs entiers de jaune que nous barbouillions de bleu turquoise et d’indigo pour inventer des nuits lumineuses aux jours laborieux et brûlants des femmes et des hommes de peine…
Aujourd’hui j’ai 50 berges et c’était vraiment un très beau jour d’été… avec autant de lumière bleu turquoise aux rebords indigo que dans les ciels de banlieue de mon enfance et je me suis dit que peut-être demain nous retrouverions l’insouciance de nos rêves bafoués par les maîtres du vieux monde et que d’un geste léger nous ferions basculer leurs pesantes statues par la fenêtres de nos nuits étoilées… Alors pour tous les enfants solaires des cités de banlieue ça sera vraiment un très beau jour d’été…

Chère Cécile,

Merci beaucoup pour ta très belle carte que j’ai reçue hier et qui m’a touchée infiniment comme tu t’en doutes. Tu sais que j’ai beaucoup d’amitié pour toi et d’estime pour ton écriture, et je crois que nous tentons, toi comme moi, de mettre un peu de lumière, ainsi que tu le dis dans ta lettre, à ce qui trop souvent n’est qu’obscur et désarroi. Tu te doutes bien que ce qui s’est passé cet été au Liban m’a, tout comme toi, mise dans une terrible colère et un grand désir d’action toujours porté par la poésie et la création, car en dehors de cela que faire qui n’ajoute pas de la mort à la mort ?
J’ai, tu le sais horreur des mots morts avant d’exister sur le papier blanc, ces mots tracés à l’encre rouge qui tachent les doigts des enfants palestiniens et libanais d’une mémoire indélébile de violence et de haine. Pour eux, pour ce peuple une fois de plus devenu le jouet des généraux séniles et déments qui s’amusent à expérimenter leurs armes nouvelles et toujours plus compétitives pour leurs économies, sur ces gens exploités depuis toujours par un Occident colonial qui n’a pas cessé d’exister avec la fin apparente de la colonisation, j’aurais aimé inventer des mots légers comme ces cerfs-volants, des mots qui donnent aux gravats de leurs maisons détruites des ailes de papillons aux couleurs vives et fabuleuses…
J’ai écrit un poème intitulé « Camion blanc », que je t’envoie en pièce jointe, à l’instigation de l’Association des poètes français dont tu connais certainement le responsable Vital Heurtebize. Ils préparaient un recueil de poèmes pour la paix et demandaient notre participation à tous. Je suis arrivée un peu trop tard, le livre est sous presse mais il reste le poème…
Tu sais comme moi, chère Cécile, puisque tu connais bien le monde arabe et que tu te rends souvent en Tunisie où tu peux rencontrer les gens sur place et apprendre d’eux tout ce que nous ne devinons à peine ici, et que tu es familiarisée avec ce qui se joue depuis des années au Moyen-Orient, que ce pour quoi nous tentons chaque jour d’écrire et de lutter par nos moyens qui sont ceux de la création, plus de bonté et de justice humaine dans ce chaos, peut sembler bien illusoire…
Cet univers où l’on renverse pour se faire une bonne conscience les responsabilités de l’un à l’autre, et où la culpabilité rend de fiers services aux directeurs d’âme qui prétendent nous apprendre à discerner le mal du bien et à trier parmi les gens selon leur morale à eux, eux qui sont les êtres les plus immoraux et barbares qui soient, nous a laissés sans autres armes qu’un peu d’encre ou de couleurs pour répondre et pour témoigner.
Notre sensibilité créatrice qui nous a souvent rapprochées depuis que nous nous connaissons est certainement bien malmenée par ces temps où l’on voit partout et près de nous dans ce pays même, les vieilles pratiques racistes et colonialistes se remettre en route et où je me demande souvent que sont nos amis devenus qui disaient croire à la fraternité et dont aucune voix ne s’élève pour dire non !
Non ! nous n’acceptons pas d’être les habitants d’un territoire qui ne sera plus que le reflet d’une civilisation, d’une culture, d’une langue, d’un seul visage d’homme et de femme, si nous laissons faire tout cela !
Tu as vu que le réalisateur anglais Ken Loach a pris le parti des réalisateurs et acteurs de cinéma et de théâtre palestiniens qui demandaient à tous de boycotter les festivals qui auront lieu cette année en Israël en soutien à ce que leur peuple est en train de subir et à l’obscurité mortelle dans laquelle il est plongé lentement depuis les élections qui ont porté le Hamas au pouvoir, mais en réalité depuis que sa terre d’origine lui a été ravie.
Pourquoi aucune voix d’écrivain, de poète, de philosophe, d’artiste, ne s’élève-t-elle pour dire notre refus, notre révolte et notre dégoût profond d’un monde où on tue des enfants à l’aide de missiles qui contiennent de l’uranium appauvri et qui sont le résultat des progrès scientifiques en armement après Nagasaki et Hiroshima ?
Qui fera demain des châteaux de sable dans notre imaginaire si nous continuons à regarder muets l’encre rouge tâcher le bout des doigts des enfants ?

Comme j’aimerais chère Cécile n’avoir rien d’autre à faire que de raconter des histoires… mais voilà c’est la rentrée des artistes… alors…


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commentaires

Q
Je te lis... comme souvent.Et puis, je me dis que ce jour-là, tu avais cinquante ans et que tu en profitais pour dire encore et encore...La lettre à une amie que tu as écrite est magnifique... elle dit tant !... ces mots-ci, c'est seulement pour te dire que j'avais lu, mais là, tu vois, il faudra sans aucun doute que je relise, pour ne rien laisser perdre de tes mots.
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