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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

21 mars 2009 6 21 /03 /mars /2009 22:48

Le chien du monde suite...

Vous savez que notre blog est un territoire d'expérimentation d'écritures et d'images alors que ceux qui ont lu le début de mon article sur mes " Petites chroniques d'après Céline" ne m'en veuillent pas de cette partie de texte à rajouter à l'intérieur de la précédente esquisse... J'espère que vous vous y retrouverez...

   

      “ Avec la médecine, moi, pas très doué, tout de même, je m’étais bien rapproché des hommes, des bêtes, de tout. Maintenant, il n’y avait plus qu’à y aller carrément, dans le tas. ” ( Voyage au bout de la nuit, Ed. La Pléiade, 1952 p. 240)

Ouais… que Céline soit médecin successivement et au hasard de ses tribulations dans les dispensaires à Clichy Bezons Sartrouville… et tant d’autres villes de banlieue c’est pas anodin… Imaginez ce que ça signifie que “ la médecine sociale ” d’l’époque et l’atmosphère qu’est pas plus copine aujourd’hui des dispensaires avec la misère humaine qui se presse dedans pousse les murs pique les chaises des couloirs et leur troupeau gris agglutiné… Et même quand il faisait le toubib à son compte le Docteur Destouches il a  soigné les gens de tous les bas fonds des campagnes et des villes… ceux qui sont pris dans une sorte de résignation au malheur… une complicité presque… “ Les gens étaient si pauvres et si méfiants dans mon quartier qu’il fallait qu’il fasse nuit pour qu’ils se décident à me faire venir, moi, le médecin pas cher pourtant. J’en ai parcouru ainsi des nuits et des nuits à chercher des dix francs et des quinze à travers les courettes sans lune. ” ( Voyage au bout de la nuit, Ed. La Pléiade, 1952 pps. 241‑242 )

Parc’que de la façon étrange qu’il avait le Docteur Louis Destouches de pratiquer la médecine que même les carabins pas trop délicats en général qui le reniflaient passer à portée étaient perplexes et la plupart bien admiratifs ou ébahis faut quand même en causer… Sur ce point on y reviendra… mais ce que la médecine qu’il bricole Céline à chaque endroit à chaque réalité différente met en évidence c’est son rapport à lui avec c’qu’y a d’intime de secret au-dedans de la vie et ça c’est drôlement proche de nous autres le chien du monde et moi… Ouaouf ! Ouaouf ! Dans sa thèse sur La Vie et l’œuvre de Philippe‑Ignace Semmelweis ( 1818‑1865 ) il donne sa vision de cette médecine qui jamais dans son job de médecin ne changera et qui bien au-delà des soins bienveillants qu’elle procure au corps se penche sur l’ineffable malheur humain…

“ L’heure trop triste vient toujours où le Bonheur, cette confiance absurde et superbe dans la vie, fait place à la Vérité dans le cœur humain.

Parmi tous nos frères, n’est-ce point notre rôle de regarder en face cette terrible Vérité, le plus utilement, le plus sagement ? Et c’est peut-être cette calme intimité avec leur plus grand secret que l’orgueil des hommes nous pardonne le moins. ” ( Cahiers Céline, n°3, Ed. Gallimard, 1977, p. 18. )

 Car c’est tout dans la manière complexe qu’il a Céline de s’approcher des gens qu’il considère comme pourris de haine les uns envers les autres ces tristes cornichons... que tient son rapport si étonnant à la mort et d’abord sûr à la vie… Et le seul endroit où lui qu’est un solitaire acharné même s’il lui faut ses rencontres avec les potes de Montmartre sans qui forcé il crèverait de n’pas pouvoir causer brailler observer ce grand bouillon maudit du monde… ouais le seul lieu de l’approche des autres c’est la pratique de la médecine pour se coltiner avec le pire des créatures et des fois aussi par aventure explorer aussi la tendresse comme avec les bêtes… Ouaouf ! Ouaouf !

Une approche qu’il pourrait pas faire autrement Ferdine avec la pudeur énorme qu’est la sienne et là alors dans ces moments avec d’un côté l’ambiance bidoche et le tout à l’avenant du sexe et de la mort des hôpitaux hospices dispensaires… des gourbis étroits et crasses des petites rues poisses d’la banlieue… si vous avez fréquenté vous voyez un peu cette chiennerie hein ? et de l’autre la présence à flots un déferlement pareil qu’à la gueuse de guerre du gigantesque troupeau d’humains malmenés c’est toute la  liberté et la grandeur de l’homme seul parmi ses semblables qu’il expérimente !

 “ J’étais trop complaisant avec tout le monde et je le savais bien. Personne ne me payait. J’ai consulté à l’œil, surtout par curiosité. C’est un tort. Les gens se vengent des services qu’on leur rend. ” ( Voyage au bout de la nuit, Ed. La Pléiade, 1952 p. 244)

Bien sûr qu’y a dans ce monde-là qui déboule de tous les recoins les plus noirauds des sujets d’écriture pour des siècles Ah ouiche ! Mais d’abord et ça va ensemble y avait sujet à l’émotion… L’émotion qu’on n’peut pas résister… le terrible effarement qui vous prend à la gorge à la tripe à la peau… L’émotion c’est ça qui vaut la peine et pas autre chose et c’est en se passionnant  pour la souffrance du corps des gens souvent les plus largués les plus démunis… ceux que la bonne société balance par‑dessus bord : les mômes des trottoirs les vieux les putes… tout comme il se passionne du même coup pour la beauté et la féerie qui radinent quand il regarde les danseuses qu’il a son rythme des faubourgs… son accordéon des bals popus et des petits troquets de la zone… sa musique qu’est celle de tous les natifs des endroits où sont venus se planter comme dans un port les vagabonds qui appartiennent à nulle part …

 “ Ils me tenaient, pleurnichaient les clients malades, chaque jour d’avantage, me conduisaient à leur merci. En même temps ils me montraient de laideurs en laideurs tout ce qu’ils dissimulaient dans la boutique de leur âme et ne le montraient à personne qu’à moi. ” ( Voyage au bout de la nuit, Ed. La Pléiade, 1952 p. 244)

 

 Et avec ça Céline médecin ou écrivain c’est l’anarchiste total qui radine dans nos expérimentations marginales vagabondes au chien et à moi… “ Anarchiste déjà tu étais, Louis. Brutal aux aspects puérils, révolutionnaires, égalitaires, oui ! ” Cahiers de L’Herne n°3, p. 16 ) Une de ses façons à lui qu’il lâchera pas même quand il est au régiment du 12e cuirassiers et qu’il a à peine dix huit balais la hiérarchie et les classifications sociales que les bourgeois ont installées pour en fiche plein les mirettes du populo et le faire s’aplaventrer devant les maîtres ça lui a jamais causé !

D’abord il l’écrit à son poteau des années d’apprentissage de la médecine Albert Milon qui l’accompagne dans les tournées en Bretagne contre les ravages de la tuberculose : “ Mais la misère n’est concevable que pour ceux qui l’ont tâtée – et le cœur des bourgeois est quelque chose d’inconcevablement terne et d’insensible à la misère des autres – ( … ) Oui, mon vieux, j’ai gravi et successivement descendu déjà bien des échelons de l’échelle sociale et je reste confondu de l’incompréhension des cloisons étanches qui existent entre les hommes – Il y a foutrement plus de différences entre un bourgeois français et un pauvre Gaulois qu’entre riche François et un opulent Teuton. ” ( Lettre non datée à Albert Milon, Céline, le Temps des espérances, François Gibault, Ed. Mercure de France, p. 226 )

Anar Céline et comment ! et pas dupe du fait que cette manie de hiérarchie comme il le dit là elle sert à faire miroiter à l’homme du peuple que s’il arrive par des tas d’entourloupes à se hisser à la hauteur et à entrer dans la clique des nantis il pourra tranquille se fiche pas mal des camarades et voilà ! Là-dessus fallait pas compter sur lui pour faire du sentiment avec le prolétaire comme il l’appelait parce qu’il était de la troupe des exploités… Dans tous ses voyages il avait pu remarquer que le chien du monde il en crevait partout de la rapacité de la meute qui défend sa tribu son clan sa classe sociale sa famille et sa gueule et si vous ne faites pas partie du lot c’est pas la peine hein ?

“ Jamais les prolétaires ‘ favorisés ’ n’ont été si fort attachés à leurs relatifs privilèges patriotiques, ceux qui détiennent dans leurs frontières des richesses du sol abondantes, n’ont aucune envie de partager. ( … ) Les hommes ils se mettent en quart terrible tant qu’ils peuvent, ils y tiennent plus qu’à l’honneur à ces bonnes richesses du sol… Ils les défendent à vrai dire, comme la prunelle de leurs yeux… contre toute immixtion, contre tout genre de partage avec les prolétaires des autres pays miteux, avec les enfants de la malchance, qui sont pas nés sur du pétrole… ( … ) Pour les prolétariats cossus, les autres n’ont qu’à se démerder, ou tous crever dans leur fange… ”Bagatelles pour un massacre, Ed. Denoël, 1937 p. 152 )

 Sûr qu’il digérait pas le manque de solidarité et même plus d’empathie minimum entre les êtres et comme il avait raison de sa colère face à tous ces misérables qui pas capables de se soutenir les uns les autres dans la pire des débines fonçaient en masse comme les types du régiment des cuirassiers se faire ratatiner et trucider les autres pour le profit honteux de quelques-uns…  

“ ( … ) Tristes gens – mystiques. Je les ai vus foncer à la mort – sans ciller – les 800 – comme un seul homme et chevaux – une sorte d’attirance – pas une fois – dix ! Comme d’un débarras. Pas de sensualité – pas un sur dix parlant français – doux et brutes à la fois – des cons en somme. ” Bulletin célinien, n° 24, Bruxelles. Lettre à Roger Nimier du 14 novembre 1950 in Biographie de L‑F. Céline Frédéric Vitoux

Alors Céline lui qu’a assisté à cette vendange des corps jeunes et joyeux ce qui lui a pris  à votre avis de bifurquer direction la médecine à peine qu’il revient de son périple d’Afrique Douala en 1917… même si c’est en faisant  le détour par son job de “ conférencier pour la fondation Rockfeller de propagande contre la tuberculose ” ? 


A suivre...  

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