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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

24 juin 2008 2 24 /06 /juin /2008 23:08

Hélène Cixous Alice Cherki et Frantz Fanon suite...

          A partir de la publication de Peau noire, masques blancs, l'on peut commencer à parler de la façon particulière de se mouvoir en écriture que Fanon a adoptée et perpétuée pour chacun de ses textes. D'après sa femme Josie “ Fanon a écrit la première mouture de ce livre en le lui dictant, tout en marchant de long en large comme un orateur qui improvise… ” Et “ cette parole dite à un autre de préférence proche et inscrite par cet autre, était son premier et essentiel support ”.
          La parole est donc l'expression d'un corps en mouvement une surrection du sens jaillie d'une tension musculaire et de l'échange avec l'autre. Chaque moment de sa vie d'homme et de militant ainsi que de son travail de psychiatre le confirmera. Tout dans sa démarche est relation voulue de proximité du corps et de la parole. Qu'il s'agisse de la réflexion sur son expérience médicale menée en simultanéité avec celle-ci dans le rapport qui s'invente sans cesse du “ malade ” au “ soignant ”. Qu'il s'agisse de la manière de la transmettre par l'intermédiaire du lien de celui qui dicte à celui qui prend en note. Qu'il s'agisse de rompre le rapport d'aliénation réciproque de celui qui humilie ou torture à celui qui est en situation de victime. Fanon ne fuit jamais la violence de l'altérité au contraire il la provoque pour la comprendre et la dépasser par ce qui peut de part et d'autre en être dit.

          “ Mon ultime prière : Oh mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge. ” En effet, la profonde singularité de cet ouvrage, outre le propos, tient à son écriture. Son originalité est dans la nécessité de transmettre une expérience par un corps à corps avec la parole. ”
          Peau noire, masques blancs - Frantz Fanon Portrait

          Devenu médecin du cadre des hôpitaux psychiatriques son départ pour l'hôpital de Blida en 1953 correspond peut-être à l'impossibilité d'obtenir un poste aux Antilles ou au Sénégal. Une lettre à Léopold Sédar Senghor étant restée sans réponse. A l'hôpital de Blida‑Joinville où il travaillera de 1953 à 1956 il va se trouver confronté à ce que l'on a appelé la théorie du “ primitivisme ” consistant à voir “ dans l'indigène nord-africain un homme primitif dont l'évolution cérébrale est anatomiquement défectueuse, différence raciale génétiquement fixée ” doctrine des “ psychiatres de l'école d'Alger ”.
          Cette thèse figure dans le Manuel alphabétique de psychiatrie, édité en 1952 et qui sera “ le seul ouvrage de langue française accessible aux étudiants et apprécié par eux ” au moins jusqu'aux années 1970.
          Fanon prendra la parole dans la revue Consciences maghrébines sur le sujet rapprochant cette théorie de celle selon laquelle “ l'Africain normal est un Européen lobotomisé ”. Cette remise en cause par l'écriture de notions racistes prétendant s'appuyer sur une observation médicale se fera de manière simultanée avec la mise en place à l'hôpital de Blida de la socialthérapie.
          Fanon comme tout vrai vivant ne reste jamais dans une dénonciation négative. Il joint aussitôt à l'invalidation d'une pensée archaïque la mise en mouvement et en acte d'un nouveau type de relation humaine qui esquisse une réelle réciprocité du regard.
          A partir de 1954, Fanon participe à la révolution algérienne et va s'inscrire dans ces moments de l'Histoire qu'il considère comme reflétant “ son souci de désaliénation des plus aliénés ” avec une trajectoire qui continue de refléter à la fois sa différence et sa proximité. Il rédige durant la grève des étudiants de l'été 1956 Racisme et culture qu'il présentera au Premier Congrès des Ecrivains et Artistes noirs en septembre 1956 à Paris à la Sorbonne.

          “ Il revient avec force sur l'idée selon laquelle le racisme est un élément culturel, c'est‑à-dire un ‘ élément qui se renouvelle, se nuance en fonction de l'évolution de l'ensemble culturel qui l'informe ’. Le racisme biologique, qui se veut scientifique, cède la place à ce racisme culturel, reprise subtile par la modernité, après 1945, des énoncés racistes : l'objet du racisme, ce n'est plus la configuration du crâne ou la couleur de la peau ou la forme du nez, mais une ‘ certaine forme d'exister ”.
          Frantz Fanon Portrait


Enfants palestiniens à Jérusalem
1993
Photo Marc Fourny


          L'allusion faite par l'auteure à l'écriture “ dans le même temps ” du Cadavre encerclé et de Nedjma par Kateb Yacine situe parfaitement où l'on en est et ce qui se dit par l'écriture de la pétrification d'une culture et d'une population dont le corps demeurera à la fois amputé de lui-même et captif. Toutes ces formes de mises en esclavage “ partiel ” laissent subsister dans l'être juste assez de “ non-identité ” en-deçà de laquelle il n'est plus rien pour qu'il puisse garantir à l'autre sa totalité régnante et son unité physique sa factice grandeur.
          L'image du cadavre d'une culture et d'un peuple encerclés renvoie en effet à ce qui se joue dans la violence humaine comme étape précédant l'accomplissement de la disparition absolue et finale de l'autre lorsque le dominant ne requiert plus du tout d'esclave… lorsqu'il est lui-même tout à fait mortvivant. Le cadavre ne sera effectivement jamais enterré ne retrouvera jamais ni sa terre ni aucun territoire de mémoire pouvant à nouveau “ le rappeler ”… “ le souvenir ”. Il est hors de toute parole sans-souvenir et sans sépulture.
          Or le rêve de Fanon ne pouvait que rejoindre celui des femmes et des hommes qui écrivent aujourd'hui à partir de l'expérience des divers métissages qui se sont tissés au sein des sociétés modernes dans lesquelles ils vivent. Ce en quoi, être de mouvement il voyait déjà au‑delà du strict présent. “ La culture spasmée et rigide de l'occupant, libérée, s'ouvre enfin à la culture du peuple devenu réellement frère. ”
          A la fin de l'année 1956 lorsque la situation en Algérie devient intenable Fanon envoie sa lettre de démission et reçoit en réponse un arrêté d'expulsion. Après avoir transité par Paris il rejoint Tunis début 1957. Il entre rapidement “ dans le service de presse, encore embryonnaire et éclaté entre le Maroc et la Tunisie ”. Il joint à cela “ un poste de psychiatre à mi-temps à l'hôpital de la Manouba ”. Dans l'été 1957 il intègre l'équipe rédactionnelle d'El Moudjahid, organe de presse du F.L.N. Il va y participer à la rédaction de nombreux articles durant les années de guerre, travail militant réalisé en commun et dans l'anonymat plus laborieux que “ glorieux ” où les passages les plus personnels écrits par Fanon ne sont souvent pas retenus.
          Fidèle à l'idée qui le préoccupe depuis le début de sa réflexion “ il s'intéresse essentiellement dans ces écrits à l'affrontement entre le colonisé et le colonisateur ”. Il entre en contact avec la réalité de la torture en Algérie ce qui donnera à mon avis le passage le plus fort de sens des Damnés de la Terre à savoir le chapitre 5 intitulé Guerre coloniale et troubles mentaux. Il y présentera dix cas de troubles mentaux et de comportements violents dus à “ l'atmosphère de guerre totale qui règne en Algérie ”.
          L'article qui paraît alors sur ce sujet dans El Moudjahid s'intitule L'Algérie face aux tortionnaires français. Nous voici avec ce passage de la vie et de l'écriture de Fanon au coeur de ce qui répercute l'aliénation dans son cycle ne présentant plus à force ni début ni fin. La trace transmise d'une “ culture de la douleur et de la honte ” qui s'inscrit dans le corps en-deçà et au-delà de la main du bourreau est une forme de négation très difficilement communicable. Seul justement le bourreau sait et “ partage ” le ressenti de sa victime et ce couple mortellement uni demeure bien après les guerres la donnée de base des esclavages futurs : “ … nos actes ne cessent jamais de nous poursuivre ”, écrira Fanon dans Les Damnés de la Terre.


A suivre...

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