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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

28 mai 2008 3 28 /05 /mai /2008 12:20

Cet espace m'offre la possibilité de vous parler à nouveau de mon ami Jean Pélégri écrivain et poète d'Algérie qui est parti de l'autre côté du temps il y a quatre ans et qui me manque...
Je profite de la publication d'un petit livre au mois de mars 2008 :
Jean Pélégri Louis Bénisti L'Algérie l'enfance et le beau pays des images aux Ed.Marsa pour vous faire partager un texte extra et quelques-unes des nombreuses images que m'a confiées Juliette Pélégri la femme de Jean et qu'elle m'a autorisée à reproduire ainsi qu'une illustration réalisée par le fils de Leïla Sebbar Sébastien Pignon.

      La mer c’est un miroir qui ne faisait que réfléchir mes désirs
        Non daté

Avril 1925 Jean et sa mère à la ferme Haouch El Kateb

Algérie, terre adultère
Texte non daté reconstitué à partir d’éléments écrits au brouillon.

Depuis un siècle, entre moi et mon passé, entre moi et mon avenir, il y eut toujours la mer.

      Et aussi entre moi et Dieu, car si le ciel est une vitre transparente, derrière laquelle il m’est arrivé quelquefois d’entrevoir des paysages innocents, primitifs, et neufs comme le seraient ceux du Paradis, la mer, elle, est un mur et un miroir où tout au long de sa vie l’homme butte contre les limites de son visage.
      Il y eut toujours la mer, pour moi et pour ceux de ma race, cette obscure conscience bleue, profonde et animale, ô compagne sans âme agitée des houles phosphorescentes de l’insomnie, et pourtant, certaines aubes je t’ai connue, calme, propre, pure, paisible, comme le bonheur que tu me donnais, et sablonneuse comme l’amour.
      Il y eut toujours la mer. Et c’est toujours dans l’écran de ce miroir que j’ai suivi mes changements. Et maintenant il y a encore la mer entre mon fils et moi.
      A l’origine de tout, il y a un événement lointain, très lointain qui ne me concerne pas directement, et que pendant ma jeunesse, j’ai négligé car, jeune, mon œil était si avide qu’à ce grand repas de l’univers, il fondait sur les plats, dévorant tout, et ne laissant, pendant le jour, rien à l’oreille ni à l’intelligence. J’étais sans cesse braqué sur le présent, en arrêt devant les couleurs, avec le pouvoir trompeur de n’accorder d’existence qu’à la lumière et d’ignorer l’ombre qui la côtoyait.
      Mais, quand au crépuscule le soleil s’enfonçait dans la mer, effaçant les couleurs du monde et donc la présence du monde, je coulais avec lui, descendant dans les profondeurs de la houle nocturne, croisant toutes les ombres que j’avais noyées pendant le jour…
      Cela a commencé il y a plus de cent ans, mais l’histoire est inscrite au cœur de chacun de nous comme un secret d’enfance, à la fois héroïque et terrible.
      Le secret de toute une race.
      Un secret qu’il faut aujourd’hui trahir, car c’est quand il devient adulte que l’homme a le courage d’affronter les fonds de sa conscience et les épaves de son histoire.
      Il y a plus d’un siècle des hommes et des femmes dont je porte le sang, abandonnaient l’Europe la forteresse ancestrale pour un départ sans retour…
      Ils fuyaient l’Europe comme on quitte une forteresse où l’on connaît la misère, le froid, l’oppression des médiocres… mais aussi la sécurité des murs, les douces habitudes de toujours, la chaise le soir devant la porte, les chemins paisibles de la campagne natale, et la forêt de l’enfance.

      Ils sortaient de cette injuste et familière forteresse, ils franchissaient le fossé d’eau qui la protégeait, et par un mince matin, ils débarquaient dans cette campagne musulmane où depuis cent ans nous ne cessons de bivouaquer…, toujours sur le qui-vive de notre ambition.
      Ils étalèrent cette large mer entre eux et leur histoire comme deux frères qui se fâchent et qui édifient la barrière définitive de la mer au milieu du domaine paternel.

Et les voilà, ayant perdu pour longtemps leur souvenir, errant, amnésiques et étrangers, sans lois et sans coutumes, au milieu d’un pays hostile, absent le jour, mais qui la nuit s’anime des hurlements d’un chacal ou de la mélopée de la flûte qui éveille une peur exotique.


Encre de Sébastien Pignon La ferme de Jean Pélégri 
     
      Et au centre de cette plaine, dans le ventre de cette terre malsaine, ils plantent la paix, leur paix.
      Comme on plante une lame dans le cœur d’un ennemi, ou dans le corps d’un malade, avec la même indifférence, la même cruauté.
      Et cette lame sanglante plantée dans ce ventre de cailloux devient, comme le bâton de Moïse, un cep, puis une vigne vigoureuse, prolifique, conquérante, qui lance ses vrilles avides partout, déloge les vieilles cultures, étale le luxe de ses pampres et bientôt couvre de ses fruits lourds toute la plaine… Elle nous aime cette terre adultère, cette femme stérile que nous avons fécondée.
      Et nous voilà attachés à elle, car nous sommes fiers de ce bel enfant qu’elle nous donne, si fiers que nous voudrions tout lui donner, qu’elle va nous cacher les cailloux et les herbes folles, qu’elle va déferler, avec ses millions de feuilles, comme un flot, et qu’elle va culbuter, noyer tous les hommes qui jusque là s’accrochaient aux cailloux de cette terre nue. Et les chasser de la plaine natale.
     
      C’est cela notre secret d’enfance. Nous avons eu un fils d’une femme stérile, un fils qui nous étonne et que nous admirons. 
   Mais comment oublier la honte originelle de cet amour adultère, et ce reniement sur lequel nous le faisons vivre ?

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commentaires

J
bonjour, La suite on veut la suite les textes sont beaux comme un quartier d'orange gorgé de soleil
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