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  • : Les cahiers des diables bleus
  • : Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie, d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.
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Saïd et Diana

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Texte Libre

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Image de Dominique par Louis

  Ecrits et dessinés à partir de nos banlieues insoumises toujours en devenir

      Les Cahiers des Diables bleus sont un espace de rêverie d'écriture et d'imaginaire qui vous est offert à toutes et à tous depuis votre demeure douce si vous avez envie de nous en ouvrir la porte.

      Bienvenue à vos p'tits messages tendre ou fous à vos quelques mots grognons du matin écrits vite fait sur le dos d'un ticket de métro à vos histoires tracées sur la vitre buée d'un bistrot, à vos murmures endormis au creux de vos draps complices des poussières de soleil passant par la fenêtre entrouverte...

      Bienvenue à vos fleurs des chantiers coquelicots et myosotis à vos bonds joyeux d'écureuils marquant d'une légère empreinte rousse nos chemins à toutes et à tous. Bienvenue à vos poèmes à vos dessins à vos photos à vos signes familiers que vous confierez à l'aventure très artisanale et marginale des Cahiers diablotins.

      Alors écrivez-nous, écrivez-moi, écrivez-moi, suivez-nous sur le chemin des diables et vous en saurez plus...

 

                                          d.le-boucher@sfr.fr


Notre blog est en lien avec celui
de notiloufoublog 2re illustrateur préféré que vous connaissez et on vous invite à faire un détour pour zyeuter ses images vous en prendrez plein les mirettes ! Alors ne loupez pas cette occase d'être émerveillés c'est pas si courant...

Les aquarelles du blog d'Iloufou l'artiste sans art  sont à déguster à son adresse                   www.iloufou.com  

15 avril 2008 2 15 /04 /avril /2008 22:34

         La porte n'est jamais fermée
         Au début la porte était restée grande ouverte et la musique se glissait insidieuse sous ma fourrure pour me chatouiller dans le cou à l'heure de midi… Il me semblait que j'étais le chat assis sur le piano car tout mon corps s'étirait dans un bien-être douloureux… Nora savait que je me levais rarement plus tôt à cause de mes courses de la nuit… C'était son plaisir de me réveiller avec des petits mots doux et taquins de plus en plus fort de plus en plus vite… Elle qui travaillait jusqu'à l'aube au bar Bleu était debout bien avant moi et j'entendais le frôlement léger de ses pieds sur le parquet… Nora elle était libre de vivre en plein jour moi j'avais une bête fière et ombrageuse qui me guidait dans les ruelles froides du ghetto pour accomplir la vengeance…
           Des fois elle rentrait avec un musicien black ils me précédaient d’une deux minutes… Je traînais en calculant juste l’instant où y avait encore assez de profondeur dans les replis soyeux de la nuit pour m'accueillir alors je distinguais de l'extrémité de la ruelle la p’tite veilleuse qui fouillait l'obscurité à ma recherche… Quoi qu'il arrive le ghetto il a une lampe en plein cœur…
         Parmi les mecs que Nora fait pénétrer dans cet espace qui n'est qu'à nous y en a un avec lequel c'est différent c'est Brayan le Black albinos qui a aidé à porter le piano… D'abord Brayan il ne vient pas pour coucher avec Nora mais pour parler ou quelque chose comme ça ou peut-être juste il vient après la fermeture du bar Bleu parc’que ni pour Nora ni pour lui la musique elle ne s'arrête… Nora elle dit en rigolant que la musique a Brayan dans la peau… Moi je lui ai fait remarquer exaspérée quand même qu'elle préférait au moins pendant quelques heures à la musique qui avait fabriqué une forteresse solitaire autour de nous ses amants alors elle répondait :
      - C’est pas moi qui les choisit c’est elle…
       Brayan c’est un soleil noir…
       Nora elle prétend que Brayan est le seul mec que je laisse m'approcher vu qu’on se trouve en marge de toutes les sortes de tribus qui ont un jour existé aucun ramassis d'individus ligotés ensemble par des ficelles d'héritages avec des couleurs spécifiques à chaque tas n'voudrait nous reconnaître et nous faire part de la grande veine qu'on a d'appartenir… Non… on n'appartenait pas sauf pour moi aux bracelets d'algues bleues de la glycine et pour Brayan à la houle rhythm and blues comme un costume de paillettes argenté incrusté sous sa peau… J'entendais sa voix et celle de Nora de l'autre côté de la porte entrebâillée elles s'enroulaient s’entortillaient pareil qu’un coquillage avec la p’tite lampe opale sa perle lumineuse au bord de mon sommeil.Brayan il dormait à l'intérieur du mêli-mêlo des coussins et des fringues de filles éparpillées qu’on étalait dans notre gourbi… Du côté des onze heures pendant que Nora ruisselait sous sa douche en poussant des cris à cause de l'eau qui se déréglait tout le temps et qu’elle cherchait partout les tubes de rouge à lèvres que je lui piquais pour écrire il descendait emballé dans la gandoura rose vif qu'elle avait posé au pied du lit il allait acheter les croissants ce qui fait que Brayan qui n'était l'amant de personne dans cette histoire passait pour un type qui couchait avec les deux filles à la fois mais vu qu'il était un nègre pas vraiment nègre ça ne concernait ni les Negros ni les Blancs… Et d'ailleurs qui était vraiment blanc dans cette histoire ?… Même Genet c’est pas sûr qu’il l’était…
         N'y a que Brayan pour oser rester chaque matin où il a passé la nuit à naviguer dans ses coussins et à préparer le café en chantonnant une des rengaines de Fats Waller avec des claquements de doigts pour chiper le rythme comme il dit… Brayan ne respectait aucun des rituels que la bête a imposés par sa ruse et que je ne peux plus enfreindre sans la sentir peser lourde sur ma poitrine il poussait ma porte avec la cafetière à la main :
      - Eh baby !… Y'a pas une nuit où je n’rêve pas de toi…
      Chose inimaginable il s'asseyait sur le lit il chahutait la fourrure de sa main libre en enchaînant sur Baby Y need a man  de Janis Joplin c'est une chanson que Nora et moi on a l'habitude de chanter à tue-tête et en fausset avec les voix les plus discordantes pour narguer les Apaches et le voisinage… J'aurais bien voulu lui jeter au visage toutes les insultes qui chauffaient mon ventre mais Brayan c’est pas un mec comme les autres il a bouffé trop de soleil et il est squatté par une lumière jaune à croquer…
      Au début la porte était restée grande ouverte et les Apaches patrouillaient à distance avec des airs mondains en ricanant c'était rien que de la musique de Blacks des vieux rythmes réchauffés qui avaient pas de place dans leur histoire aujourd'hui… Et puis ça a commencé à les énerver quand ils ont pigé qu'à l'intérieur du vieil atelier désaffecté qui est devenu le quartier général des greffiers du ghetto les filles ont trouvé le moyen de faire avec leur corps ce qu'elles veulent…
      Alors un jour sur le coup de midi ils ont décidé d'aller mettre de l'ordre là-dedans et ils sont arrivés au moment où les filles préparaient le thé pendant que Nora se faisait la voix avec Nina Simone… Heureusement la Zinia qui a toujours un œil à droite un œil à gauche a prévenu aussitôt et on a bouclé la porte et on les a attendus ou plutôt ce sont les gamines du ghetto vu qu'elles sont leurs frangines par le fait qui leur ont dit ce qu'elles avaient à dire… fallait leur donner une leçon qu’ils arrêtent de se prendre au sérieux et de les traiter quoi…
         - C'est vous qu’avez voulu qu'on reste enfermées à l'intérieur comme des vieilles pendant qu’vous allez dehors partout où ça vous plaît… Eh bien maintenant restez-y dehors !
      Les Apaches ils ont pas l'habitude qu'on leur parle sur ce ton ils se sont préparés à prendre d'assaut la petite porte et les filles devant se resserraient en se tenant le bras avec du courage alors la Zinia qu'on a pas vu jusque là a bondi d'on ne sait où à la main gauche sa canne menaçante et à la main droite un revolver astiqué si parfait qu'il semblait inoffensif…
      C'est celui qui portait une boucle d'oreille avec une tête de mort et qui est sûrement une sorte de chef qui s'est avancé sur elle pour la pousser de là…
      - Allez tire-toi la vieille… on t'a assez vue dans les parages avec tes puceux… u dégages où j’te fais ta fête… c'est pas ton flingue de théâtre qui va nous filer la frousse…
      La Zinia immobile elle a pas répondu un mot figée tranquille comme une squaw sous son béret noir elle a juste levé le bras à la hauteur qu'il fallait pour avoir la tête de mort du même coup qu'un p’tit bout d'oreille comme trophée…
      A peine une minute la place était vide et la Zinia a fourré sans se presser le revolver dans la poche de son tablier elle a déclaré froidement de sa voix rauque de paysanne aux façades qui en ont pas perdu pas un mot :
      - Si vous connaissez pas Calamity Jane la Zinia va vous mettre au parfum… c'est pas demain que vous vous ferez la peau d'une vieille anarchiste comme moi…
      Quand un quart d'heure plus tard les vigiles attirés par un bruit bizarre qui ressemblait à un coup de feu se sont pointés ils n'ont trouvé que la Zinia assise sur une caisse entourée de la fourrure mouvante des chats devant la porte ouverte d'où s'évadait un des songs de Billie Holiday…
A suivre...

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